100 boulettes : (Batman- Broken City)

Batman – Broken City par Brian Azzarello et Eduardo Risso

Première publication le 13/02/17- Mise à jour le 15/02/18

Chauve qui peut !

Chauve qui peut !©Dc Comics

Par : JP NGUYEN

VO : DC Comics

VF : Panini/Urban 

Broken City est une histoire de Batman parue entre décembre 2003 et mai 2004 dans Batman 620-625, écrite par Brian Azzarello, dessinée par Eduardo Risso et mise en couleurs par Patricia Mulvihill. Azz et Risso avaient déjà œuvré ensemble sur le Dark Knight pour une histoire courte de Batman : Black and White. Les couvertures sont de Dave Johnson, ce qui fait qu’on retrouve au grand complet l’équipe créative de la série 100 Bullets  !

En VF, cet arc a été publié en kiosque par Panini dans les numéros 9 à 12 de la revue Batman. Urban l’a réédité en mai 2017.

Broken City succède à la grande Saga Hush de Jeph Loeb et Jim Lee mais c’est un récit indépendant où les auteurs ont choisi une approche « film noir » plutôt que purement « super-héroïque ». Au vu de leur pedigree, ce n’est point surprenant et Batman pouvant très bien s’adapter à ce type de récit, on en salivait d’avance. La seule référence à la continuité est l’utilisation de l’inspecteur Crispus Allen comme interlocuteur de Batman au GCPD, à une époque où le commissaire Gordon est à la retraite.

Killer Croc ou Killer Mac’ro ?

Killer Croc ou Killer Mac’ro ?©Dc Comics

L’histoire : Batman enquête sur l’assassinat d’Elizabeth Lupo, dont le cadavre a été retrouvé dans une décharge. Il suspecte Killer Croc d’être l’auteur du crime mais n’a pas de preuve directe. Le Dark Knight souhaite remonter jusqu’au commanditaire, qu’il pense être Angel Lupo, le frère de la victime. Sur la piste du suspect, Batman va recroiser le Pingouin, Scarface et le Ventriloque ainsi que deux petits nouveaux : Fatman et Little Boy. Margo Farr, la copine de Lupo, tient quand à elle le rôle de la femme fatale.

Durant sa traque, Bruce Wayne va revivre un grand traumatisme : à la poursuite d’Angel, celui-ci lui échappe mais laisse dans une rue de Gotham un petit garçon à genoux, pétrifié devant les corps de ses parents tués par balle. La détermination de Batman pour retrouver Lupo s’en trouve décuplée mais boucler l’enquête ne sera pas une sinécure…

Comme un air de déjà-vu

Comme un air de déjà-vu©Dc Comics

Enfin, si on peut parler d’enquête… C’est surtout une alternance de dialogues poseurs et de baston primaire.
Quand Batman interroge les indics ou les suspects, les tics d’écriture d’Azzarello ressortent inévitablement : les personnages semblent plus préoccupés de placer un bon mot que d’exprimer leur pensées. Les dialogues, qui se voudraient naturels, sont trop « écrits » et sonnent souvent faux et creux, ce qui en devient très vite agaçant.

Côté action, Batman tape sur les méchants et se fait taper dessus. Il ne sauve quasiment personne à part dans deux-trois scènes en arrière plan. Son rôle de justicier est complètement négligé, les auteurs font de lui un détective hard boiled, obsédé par son enquête. Les pavés narratifs nous faisant partager les pensées de Batman sont bien sûr de mise pour que tous les clichés soient au rendez-vous.

Une narration subjective souvent grandiloquente

Une narration subjective souvent grandiloquente©Dc Comics

Tout n’est pas mauvais dans Broken City, loin de là. Le petit garçon aux parents assassinés réveille les blessures de Bruce Wayne et plusieurs séquences oniriques lui font revivre cette nuit de cauchemar. Azzarello donne même sa version des événements ayant précédé la fatidique nuit du drame de Crime Alley. Mais cette voie là avait déjà été explorée par d’autres auteurs (notamment Jeph Loeb  ) et je trouve que cette itération n’est pas la plus réussie.

Non, le grand point fort de Broken City, ce sont les dessins d’Eduardo Risso, à l’aise comme un poisson dans l’eau dans les ruelles sombres et pluvieuses de Gotham. Les couleurs de Patricia Mulvihill renforcent l’atmosphère étouffante et crépusculaire des scènes. Noir c’est noir, même en couleurs.

 La tragédie de Crime Alley revient hanter les nuits de Bruce Wayne

La tragédie de Crime Alley revient hanter les nuits de Bruce Wayne©Dc Comics

Mais les très belles images ne masquent pas les faiblesses d’un script également entaché de plusieurs fautes de goût : une tentative de viol un peu gratuite dans le premier épisode, plusieurs scènes de tortures par la suite, Batman qui disserte de la cuisson des steaks avec Crispus Allen et surtout l’intervention du Joker en deus ex-machina vers la fin du récit pour expliquer l’assassinat des parents du petit garçon.

Dans cette histoire, la voix intérieure de Batman ne semble jamais trouver le ton juste. Tour à tour cynique, désabusé ou existentialiste, sa psychologie n’est jamais convaincante car l’impression de clichés noirs plaqués de force sur la figure du super-héros est trop évidente.

Exemple de comparaison à la pertinence discutable : la guerre au crime de Batman et l’infidélité conjugale ( ?!?)

Exemple de comparaison à la pertinence discutable : la guerre au crime de Batman et l’infidélité conjugale ( ?!?)©Dc Comics

Dans la scène finale, le monologue de Batman vient confirmer le côté bancal de la caractérisation: il songe à un avenir où il aura gagné sa guerre contre le crime. Pour moi, cette pensée arrive comme un cheveu sur la soupe pour clore un récit qui n’a donné aucune raison d’entrevoir une telle issue. Cette touche d’humanité et d’espoir semble parachutée dans une histoire où le World’s Finest Detective a passé son temps à cogner bêtement les méchants en demandant où était Angel Lupo.

Azzarello avait sans doute dans l’esprit de nous concocter un récit noir et corsé mais il s’est loupé dans le dosage et, en plus, il a renversé du café partout ! Heureusement que les dessins ne font pas tâche. Avec des ingrédients de base similaires, Paul Dini et Alex Ross avaient livré un travail bien plus convaincant dans War on Crime.

De belles images pour emballer un récit hélas trop creux.

De belles images pour emballer un récit hélas trop creux©Dc Comics

Azz et Risso retourneront à l’univers de Batman pour une histoire de 12 pages publiée dans Wednesday Comics, qui souffre de défauts similaires à Broken City et sur l’arc en trois parties Knight of Vengeancelié à l’event Flashpoint». Cette histoire est plus réussie car les auteurs y exploitent plutôt bien le contexte de réalité alternative (c’est le petit Bruce qui meurt dans Crime Alley, Thomas Wayne devient Batman et Martha Wayne, le Joker !).

Enfin, bien des années plus tard, Eduardo Risso reviendra croquer la chauve souris avec bien plus de brio, sublimant un récit autobiographique de Paul Dini dans Dark Night : A True Batman Story.

La meilleure histoire de Batman par le duo Azzarello/Risso : sans Bruce Wayne !

La meilleure histoire de Batman par le duo Azzarello/Risso : sans Bruce Wayne !©Dc Comics

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« Pas AC/DC » 1/6
Chez Bruce Lit, on parle souvent de Marvel et rarement de DC !
Injustice réparée avec ce nouveau cycle où Jean-Pascal Nguyen vous fait découvrir un One Shot de Batman pondu par le duo gagnant de 100 Bullets : Brian Azzarello et Eduardo Risso.

La BO du jour : Gwen Stefani avoue elle aussi sa jalousie et embauche un détective. Puisse celui-ci être sans aucun doute aussi bon que Batman.

10 comments

  • Présence  

    Comme toi, j’avais trouvé que Brian Azzarello avait trop décalqué son mode narratif de 100 bullets sur Batman, pour un mélange mal amalgamé, bancal comme tu le dis. Du coup Batman devient un détective Hard boiled de plus, perdant trop de sa spécificité.

  • Tornado  

    Cette histoire dort sur mes étagères et je revends d’ailleurs mes revues Semic pour investir dans la prochaine réédition en album chez Urban (qui propose aussi la deuxième histoire sans Bruce Wayne). C’est fou, j’ai beau avoir lu 100 fois qu’elle n’est pas top, je n’arrive pas à y croire. Il y a tout ce qu’il faut pour qu’elle soit réussie et tout ce qu’il faut pour me plaire, pourtant !

  • Léo Vargas  

    Hello,
    Ton article me fait penser que Batman aurait également, toute se place dans Sin City (bizarre que cette pensée ai traversé mon esprit pendant la lecture de ton article…).

  • Bruce lit  

    Je passe en chantant…..
    Parce que Batman,
    Parce que j’ai gardé mes 100 Bullets, même si, comme toi, Azzarello ne m’a plus jamais convaincu en terme d’écriture. Des personnages qui s’expriment toujours de la même voix, pour placer leur bon mot, une tension qui s’essouffle au fur et à mesure. Non, pas client, pas du tout, même si j’apprécie les dessins de Risso.

  • JP Nguyen  

    @Tornado : il y a clairement un parti-pris conceptuel, chose que tu affectionnes. Malgré cela, j’ai trouvé que c’était un peu raté (cf ma phrase sur le café dans l’article). Ce n’est pas que ce soit noir qui m’a déçu, mais le fait que c’était mal foutu (genre café en poudre aux yeux, quoi !)

    @Leo Vargas : le trait contrasté de Risso évoque forcément celui de Miller dans Sin City (cf la première image de l’article avec Batman sous la pluie)

  • Jyrille  

    Merci beaucoup JP : grâce à toi, je ne vais pas investir, ce qui aurait été le cas, attiré que j’aurais été entre Batman, Risso et Azzarello…

  • Eddy Vanleffe  

    je viens que m’offir ce petit bouquin en occas’ et je ne le regrette pas pour UNE SEULE raison: Le dessin de Risso qui oscille entre Frank Miller et ce côté crade bien personnel qu’il trimballe depuis ses bds avec Carlos Trillo.
    le reste, c’est un truc très basique? Azzarello alors qu’il semble être « né » pour écrire du Batman, ne trouve pas « sa » voix? Oui, je sais c’est du pinaillage de fan, mais quelque sonne faux en permanence.
    la caractérisation est pauvre, peu haibitué au super héros, Azzarello l’écrit de manière bourrine en permanence… il n’enquête pas, il casse des gueules en permanence et se lance sur la première fausse piste qu’on lui crache entre deux dents cassées….
    Le reste est un script de Sin city réucpéré dans la corbeille de Frank Miller.
    les dialogues sauvent un peu de l’ennui et j’avoue que le rwist final est inédit,
    Du coup, ça passe, ça se lit, mais c’est loin d’être un volume à retenir absolument, sauf pour les dessins de Risso, qui sont immersifs à souhait et ça peut suffir en soi…

  • Jyrille  

    Je l’ai lue récemment (pendant mes vacances) et en effet, l’édition Urban reprend toutes les histoires de Batman par le duo. Je suis complètement d’accord avec toi. J’avais plutôt l’impression de lire un spin-off de 100 bullets en fait, et l’histoire alternative « Knights of » est bien plus réussie et prenante.

    « Non, le grand point fort de Broken City, ce sont les dessins d’Eduardo Risso, à l’aise comme un poisson dans l’eau dans les ruelles sombres et pluvieuses de Gotham. » Exactement. Là-dessus c’est terrible.

    A noter cependant que je n’avais pas trouvé cet article avant, il manque un tag ou deux je pense 😉

  • JP Nguyen  

    Entre ton commentaire, Cyrille, et celui de Eddy l’an dernier, il semblerait que le mois d’août soit propice pour lire cet arc !
    Je n’en démordrai pas : le meilleur boulot de Risso sur Batman, c’est son Dark Night avec Paul Dini, mais celui-là, tu l’avais déjà lu…

    • Jyrille  

      Oui ! Pour tout. Sauf que du coup, le meilleur boulot du duo Azzarello / Risso ne peut pas être celui avec Dini 🙂

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