Contentement / désappointement / insatisfaction (L’échappée)

L’échappée par Grégory Mardon

Un article de PRESENCE

VF : Futuropolis

Hors du flux  © Futuropolis

Hors du flux
© Futuropolis

Ce tome contient une histoire complète et indépendante de toute autre, qui présente la particularité d’être dénuée de mot, ni dialogue, ni récitatif. Cette histoire a été publiée pour la première fois en 2015, écrite, dessinée et encrée par Grégory Mardon, qui a également réalisé la mise en couleur.

Le soleil se lève sur une grande mégapole qui ressemble fortement à New York. Un homme marié, père de 2 enfants, prend son petit déjeuner dans la cuisine inondée de soleil, avec eux. Il a le regard dans le vide. Les enfants mangent, son épouse s’affaire autour de la table en téléphonant. Elle lui touche l’épaule pour le faire redescendre sur Terre. Il regarde l’heure se rend compte qu’il faut qu’il y aille. Il enfile sa veste, les parents et les enfants prennent l’ascenseur et se séparent sur le trottoir. L’homme fait l’effort de s’éloigner de l’entrée de l’immeuble et de s’insérer dans le flux ininterrompu de piétons. Il éprouve une conscience aigüe de la hauteur des gratte-ciels, du flux de piétons sur le trottoir, du flux de voitures sur la chaussée. Il prend de l’argent au distributeur automatique, donne quelques pièces au sans abri assis à côté, prend un journal au kiosque du coin de la rue, commence à lire le journal en marchant. Il attend sur un quai de métro bondé. Il lit son journal tant bien que mal dans la rame elle aussi bondée.

Au fil des articles, l’homme lit des informations sur un homme politique faisant un discours devant une foule, une manifestation militante, une émeute, l’intervention de forces de l’ordre casquées et armées, une guerre, des victimes civiles, le recours à des bombardements, une pub, la pollution industrielle atmosphérique, un cyclone dévastateur, une pub, l’exploitation des ressources fossiles, une exécution par des fanatiques, une pub, le déversement de d’ordures ménagères en décharge, la pollution industrielle atmosphérique, la pollution des eaux, l’immense trafic routier sans fin, la surconsommation, la violence, l’omniprésence des marques, etc. Il sort du métro, rentre dans un gratte-ciel, prend un dossier que lui tend une secrétaire, s’installe à son bureau d’architecte, passe en revue des plans, des projets, se rend sur un chantier, retourne au bureau jusqu’à tard le soir, passe au club de gym, rentre chez lui, embrasse ses enfants, sort au restaurant puis au spectacle avec sa femme. Ils sortent dans un club branché ensuite, et rentrent enfin chez eux. Il perd une dent en se les brossant avant d’aller se coucher. La nuit, il n’arrive pas à dormir. Le lendemain, un mauvais geste fait que son portefeuille tombe dans un avaloir. Il se met à pleuvoir. Quand il se remet en marche vers son bureau, il éprouve la sensation de ne plus faire partie des gens autour de lui. Au bout d’une rue, il aperçoit l’océan.

L’étrangeté du quotidien © Futuropolis

En commençant cette bande dessinée, l’horizon d’attente du lecteur se trouve déjà conditionné par 2 paramètres : cet ouvré est publié par Futuropolis, maison d’édition réputée pour son ambition, et il s’agit d’une bande dessinée sans un seul mot, ni dialogue, ni didascalie, ni cartouche de texte. Il voit que cette histoire se déroule sur 220 pages ce qui est rassurant car d’expérience il faut beaucoup plus de cases quand une bande dessinée se prive de l’interaction entre image et texte. Ensuite, le titre (le seul texte : un substantif avec son article) annonce le thème et les premières pages explicitent qu’il s’agit de l’échappée d’un homme du milieu dans lequel il vit. La prise de contact avec la narration qui est donc 100% visuelle se fait avec la couverture : une image d’une grande expressivité, un homme sortant du flux d’individus pressés et qui a déjà commencé son chemin dans un territoire vierge, ici incarné par le blanc de la page. Le lecteur peut déjà observer une première caractéristique étonnante des dessins de Grégory Mardon pour cet ouvrage : les personnages semblent à la fois avoir été représentés rapidement, dégageant une impression de spontanéité, et à la fois ils présentent des particularités les rendant tous singuliers. Ce trait en apparence rapide et souple apporte une vie à chaque individu qu’il soit un premier rôle, un second rôle ou un simple figurant. La simplification du contour des personnages et des traits de leur visage facilite la projection du lecteur en eux, et les rend plus expressifs.

Cette histoire repose autant sur une intrigue (Dans quel endroit arrive l’homme ? Que va-t-il y découvrir ? Par qui et comment sera-t-il accueilli ?) que sur un suspense psychologique (trouvera-t-il un ce qu’il cherche ? Un ailleurs où il peut s’épanouir ?). Tout du long de ces pages, le lecteur perçoit pleinement l’état d’esprit de l’homme quelle que soit la nature de l’émotion qui l’habite : légère hébétude née du ronron anesthésiant et bruit du quotidien, impassibilité pendant la descente en ascenseur avec des inconnus, sourire de circonstance pour dire au revoir aux enfants à l’école, assurance professionnelle sur le chantier, énervement lors de la perte de sa carte bleue, ténacité lors de la lutte contre les ronces, hébétude souriante dans le village parfait, rage animale dans la jungle, etc.

Changement d'état d'esprit  © Futuropolis

Hypermodernité
© Futuropolis

Alors même que l’homme n’exprime jamais en mot les ressentis qu’il éprouve et les réflexions qu’il effectue en réaction aux événements, à sa situation, à ce qu’il observe, le lecteur peut suivre le cheminement de sa pensée. Grâce à une narration visuelle élégante et sophistiquée, le lecteur voit l’homme réfléchir, peut même reconstituer des processus mentaux complexes. Afin de s’assurer d’une lecture active, l’auteur met en œuvre un procédé osé à partir de la page 13 pendant une quinzaine de pages. Précédemment, la logique de la succession des cases procède d’un lien de cause à effet directe, essentiellement sur une base chronologique, un moment succédant à un autre, le lecteur n’ayant qu’un effort minimal à fournir pour faire le lien : par exemple l’homme et sa famille dans l’ascenseur suivi par la famille dehors sur le pas de porte de l’immeuble.

À partir de la page 13, le lecteur se retrouve devant des images accolées : d’abord 6 pages en 3 lignes de 2, puis à raison de 9 par pages à partir de la page 25, puis 12 par pages à partir de la page 26, puis 24 par pages à partir de la page 28. Le lecteur doit s’investir un peu plus dans sa lecture pour comprendre qu’il s’agit des thèmes évoqués dans le journal lu par l’homme dans les transports en commun, puis d’une forme d’association d’idées automatique. La narration a insensiblement basculé dans un autre domaine : d’une forme de reportage naturaliste, vers un domaine conceptuel où la juxtaposition d’images en nombre croissant rend compte d’une surabondance, d’une sollicitation sans fin de l’attention de l’individu par des images choisies ou fabriquées par une société dont les médias renvoient une image de violence (conflits de nature diverses) et de surconsommation (publicités sans fin à l’inventivité infinie avec le seul but de provoquer la consommation de l’individu). Le lecteur se retrouve devant le constat de l’hypermodernité (une abondance sans fin, merci Omac), d’un flux incontrôlable toujours plus rapide (que ce soit le flux de piétons, le flux d’informations, le flux de produits créés uniquement pour déclencher l’impulsion d’achats, le flux d’images ou de concepts créés dans le seul but de stimuler les centres du plaisir). Après ces 16 pages, le lecteur a conscience qu’il ne découvre pas seulement un exercice de style (narration exclusivement visuelle), une étude de caractère (la prise de conscience d’un homme quant à son ressenti sur la vie qu’il mène), mais aussi une réflexion philosophique sur la réalité des forces motrices de la société moderne. Ce passage change complètement le ressenti du lecteur sur l’ouvrage, avec le constat de sa dimension philosophique.

Hypermodernité  © Futuropolis

Dessin en pleine page pour la démesure des gratte-ciels
© Futuropolis

Pour autant, le lecteur continue d’apprécier l’histoire au premier degré. Grégory Mardon ne sacrifie en rien la minutie de la narration visuelle par la suite. Il continue de donner vie aux êtres humains (et aux animaux dans la dernière partie) avec une élégance épatante. Il continue de décrire les environnements dans le détail : une belle vue de dessus du salon cuisine de la famille de l’homme, une vision très juste du flux de piétons et de voitures dans la rue, l’étonnant assemblage des personnes en train d’attendre sagement et de manière disciplinée sur un quai de métro, des tapis de course dans une salle de sport en étage, les ronds dans l’eau générés par les gouttes de pluie, les transats alignés sur le pont supérieur d’un paquebot, la forme des vagues dans un océan déchaîné, la granulosité de falaises infranchissables, la répartition des petites maisons dans un village à flanc de colline, la luxuriance de la flore dans la jungle. Grâce aux détails, chaque lieu est unique et devient tangible et plausible.

La lecture s’avère d’une facilité épatante : les pages se tournent rapidement et le lecteur éprouve la sensation de progresser à bonne vitesse dans le récit, sans s’ennuyer, sans avoir l’impression qu’il doit passer plus de temps sur les pages, sans que le récit ne se déroule trop vite, sans qu’il sente que la fin arrive de manière précipitée. S’il y prête attention, le lecteur observe que Grégory Mardon met en œuvre un vocabulaire et une grammaire visuelle étendus, sans pour autant être démonstratif. Dans un récit où ce qu’observe le personnage principal revêt une importance capitale, l’artiste réalise 19 dessins en pleine page. Le lecteur les perçoit à la fois comme l’importance que l’homme accorde à ce paysage ou ce spectacle, à la fois comme une invitation à prendre lui aussi ce temps, à la fois comme une petite respiration entre 2 pages de suite de cases.

Retour à l'état de nature © Futuropolis

Retour à l’état de nature © Futuropolis

Il y a également 7 dessins en double page, à nouveau une indication de l’importance primordiale de ce moment pour le récit, à la fois un spectacle méritant qu’on lui consacre 2 pages. En termes de composition de pages, Mardon peut passer d’un dessin en double page à 24 cases par page. Il utilise des cases de format rectangulaire ou carré, sans bordure tracée, ce qui est en phase avec le thème de l’échappée. Il réalise une mise en couleurs de type bichromie : vert de gris ajouté au noir & blanc pour la première partie, bleu azur pour la deuxième partie, et vert anis pour la troisième partie.

Parmi les autres caractéristiques picturales, le lecteur peut trouver des ombres chinoises (page 31), l’utilisation d’un pictogramme (pour un phylactère en page 37), de gros aplats de noir pour un fort contraste (par exemple la danseuse en page 40), des contrastes également entre le blanc et la couleur (l’océan en vert / le ciel en blanc en page 53), un travail remarquable sur le langage corporel que ce soit pour l’homme ou pour les autres personnages. Pour ce dernier point, le lecteur remarque que les postures de l’homme varient fortement, avec un registre différent pour chacune des trois parties. Au fur et à mesure de sa progression dans le récit, le lecteur prend également conscience que certains éléments revêtent une signification symbolique. Il en acquiert la certitude avec la forêt de ronces en page 102 & 103, lui rappelant celle de la Belle au Bois dormant. De la même manière les falaises forment un mur infranchissable, l’empêchement de pénétrer dans le site suivant. Rétrospectivement, il se dit que le départ en paquebot de l’homme participe également de la narration d’un conte. Avec cette idée en tête, il comprend que les environnements des deuxième et troisième parties sont plus conceptuels que littéraux, et il devient logique que le récit ne s’attarde pas sur des aspects comme la maladie ou les blessures.

Avec l’idée que le récit agit comme un conte, le lecteur comprend mieux les choix narratifs et l’intention de l’auteur. L’homme cherche à s’échapper de son milieu urbain dont les caractéristiques sont montrées avec limpidité, et mener une autre vie. L’échappée ayant réussi, il peut alors mener une vie dans une société utopique, puis dans un environnement sauvage, une sorte de retour à l’état naturel. Le lecteur participe alors bien volontiers au jeu des comparaisons entre les 3 modes de vie successifs de l’homme. Il observe comment le deuxième environnement lui apporte ce qui lui manquait, dans le premier, et de même avec le troisième par rapport au deuxième.

Un voyage mouvementé  © Futuropolis

Un voyage mouvementé
© Futuropolis

Le thème principal du conte apparaît alors : à la fois celui de l’échappée, mais aussi celui de l’envie, de l’insatisfaction, de l’impossibilité à se contenter de ce qu’on a. L’homme a conscience de ce que lui apporte chaque environnement, mais il ne peut s’en satisfaire. Il éprouve le besoin de découvrir, d’aller voir ailleurs, d’explorer de nouveaux territoires, de conquérir. Grégory Mardon met ce besoin en vis-à-vis d’autres besoins : la sécurité, les besoins affectifs, la sexualité, la faim, l’autonomie… Il laisse le lecteur libre de réagir à ce qui lui est montré, de se comparer à l’homme, de mesurer lui-même ce qu’il a payé pour bénéficier de la situation dans laquelle il se trouve, de ce qu’il souhaite obtenir de plus, tout ça de manière visuelle, sans nombrilisme d’artiste, ni discours académique.

Une bande dessinée sans texte ni dialogue constitue une source de plaisir immédiat irrésistible : lire une histoire sans avoir d’effort à faire pour lire, avec le spectacle des images. Le lecteur se rend compte de l’adresse de Grégory Mardon par l’absence : aucune difficulté de compréhension, tout coule de source et s’enchaîne naturellement, une vitesse de lecture rapide sans être frénétique ou épileptique, et une histoire avec de la consistance. Avec la séquence de ressenti d’une société hypermoderne, il perçoit la nature philosophique du récit, et en a la confirmation avec quelques éléments dont le symbolisme est évident. En plus du plaisir du voyage et des découvertes, il accompagne la réflexion de l’homme sur son état, sur son envie d’avoir envie, sur son besoin de conquérir, se situant lui-même par rapport à ces besoins.

"Ouais, jaime pas trop les dédicaces...Dessiner devant les autres me rend nerveux...."- Gregory Mardon Un voyage mouvementé  ©Bruce Tringale

« Ouais, j aime pas trop les dédicaces…Dessiner devant les autres me rend nerveux…. »– Gregory Mardon
©Bruce Tringale

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La BO du jour : Je ne veux pas vivre comme tout le monde.

20 comments

  • Eddy Vanleffe  

    Comme souvent avec Présence, l’article resitue le contexte, l’action de manière narrative presque comme romancée ou une quatrième de couverture..
    l’effet et de rendre immédiatement curieux pour le propos…
    Ensuite tout étant remarquable de concision, les intentions, les particularités de l’oeuvre sont décortiquées sans être déflorées…
    bravo encore une fois.

    PAS DE TEXTE

    je sais que ça peut rebuter certains mais on doit saluer le tour de force de savoir TOUT véhiculer par l’image qui doit être à la fois dense car narrative et dépouillée pour la compréhension…
    Le nuff’ said month chez Marvel de Quesada avait mis en exergue les talents d’un Romita Jr sur Hulk ou de Quitely sur New X-Men, On pense aussi au numéro spéciale de SIN CITY qui n’avait qu’une bulle « Be good lillte Girl! » qui nous avait mis une claque terrible…
    il y a aussi le manga animalier de GON qui sait à la fois être hilarant, émouvant, bad-ass ou violent sans un seul mot dans un climat très « guerre du feu »…
    Le silence comme langage, une spécialité de la BD…

    • Présence  

      Merci pour le petit mot gentil : ça me va droit au cœur parce que je passe du temps à doser ce que je dis et ce que je tais, tout en essayant de parler concrètement de l’œuvre.

      C’était en lisant un article de Stephen Murphy expliquer à quel point la conception d’une histoire sans parole (en l’occurrence un épisode de Puma Blues, illustré par Michael Zulli) est compliquée et exigeante que j’ai pris conscience du tour de force et de l’adresse que représente une narration sans mot, pour être compréhensible, et en plus émotionnelle. Ayant lu Gon, j’avais également été très impressionné par le tour de force réalisé par TANAKA Masashi.

      Le silence comme langage, une spécialité de la BD…, mais aussi des films muets, de la photographie, d’un pan de la peinture…

  • pascal erhard  

    Je suis sans doute un « pervers pépère, mais je n’ai pas pu m’empêcher de voir les nombreux symboles sexuels qui jalonnent le parcours du héros. Si la première partie, citadine, est clairement marqué par le triomphe du phallus (les armes, les immeubles, la bouteille de coca, les micros, les cheminées d’usines), voir de la fellation (planche 25 : la femme, la bouche ouverte devant trois sandwiches disposés de façon suggestive), la seconde et troisième parties abondent en symboles sexuels féminins (fruit, anfractuosité dans la falaise, caverne de la femme sauvage).
    J’ai donc aussi l’impression que cet album nous interroge sur la sexualité, le rapport homme/femme, lequel évolue au fil du parcours initiatique.
    Cela étant dit, c’est un album d’un incroyable richesse, comme souvent avec les BD muettes. Le lecteur y bénéficie d’une liberté de penser, de respirer, de rêver incompatible avec les mots, qui imposent trop souvent une lecture. Du coup, on ressent un véritable parfum de liberté en parcourant ces planches.
    Une fois encore, Grégory Mardon fait la démonstration de son immense talent. Et peu importe la qualité de ses dédicaces, elles appartiennent à un autre monde, celui que beaucoup d’entre nous aimeraient fuir, parce qu’il nous sollicite sans cesse et nous récompense rarement.

    Merci pour la découverte.

    • Présence  

      Merci beaucoup pour ces observations qui viennent compléter mon article, sur un aspect que je n’ai effectivement pas du tout développé. Maintenant que je le vois écris, je suis entièrement d’accord avec ces symboles que tu explicites.

      De même, je partage entièrement ce ressenti de liberté de penser, de respirer, de rêver, beaucoup plus grande qu’avec les mots. C’est au lecteur de formuler en mots ce qu’il voit, ou de rester simplement au stade du ressenti.

  • Bruce lit  

    Merci, Merci, Merci Présence pour t’être acquitté avec brio de cet article en service commandé. L’échappée est certainement ma meilleure BD de l’année mais j’étais bien incapable d’en parler du fait de mon incapacité à approcher de ton talent de description des images. Il fallait quelqu’un qui sache les décrypter en véritable linguiste du neuvième art, ce que je ne serais jamais.
    Comme toi, j’ai été happé de plein fouet par la perception philosophique de ce livre qui dit tellement de choses sur notre faillibilité d’humains sans nous assommer de théories ou de préceptes. De la religion à la philosophie à la psychologie , voilà 2000 ans que ça dure, et j’ai vécu l’album de Mardon comme une respiration, ce moment où sous l’eau, la vie continue en mode silencieux et contemplatif.
    Une BD qui correspond de plus en plus à mes aspirations personnelles faisant que j’aime de plus en plus la simplicité, l’économie, l’épure et que les bavards , qu’ils soient vivants ou de papiers m’ennuient de plus en plus.
    Lorsque j’ai rencontré Mardon, je n’ai pu m’empêcher de comparer son travail à celui de Mazzucchelli. Il a opiné gravement en chantant son admiration pour BIG MAN, là aussi une BD muette.
    Je suis donc doublement heureux (il faut le dire quand on est heureux) : non seulement ton article est à la hauteur de ce que j’attendais, mais aussi je t’ai fait découvrir un auteur qui a tout d’un grand.

    @Pascal : merci pour ces retours très pertinents. J’ajouterai comme symbole de notre société et de ces divertissements obligatoires Wonder Woman dans une posture agressive.

    • Présence  

      Merci, Merci, Merci aussi, pour cette découverte.

    • Présence  

      Comme d’habitude, c’est beaucoup plus facile de paraître intelligent quand on parle d’une BD aussi riche que celle-ci.

  • Jyrille  

    Raah mais super, j’adore cet article Présence ! Tu donnes super envie. Je crois bien que je vais craquer, car ce thème me parle et tu le vends tellement bien…

    « À partir de la page 13, le lecteur se retrouve devant des images accolées » : je me demandais comment tu avais pu énumérer les articles du journal sans aucun texte, merci d’expliciter en montrant comment la forme explique le fond.

    J’adore le trait de Mardon et comme tu le dis si bien, « Une bande dessinée sans texte ni dialogue constitue une source de plaisir immédiat irrésistible ». C’est tout à fait ça. En ce moment, je me dis que je dois relire Là où vont nos pères.

    Le concept est alléchant, c’est marrant (ou alors Bruce est vraiment fort dans les publications), je suis allé relire nos articles sur Marc Antoine Mathieu, c’est un peu la même chose ici.

    La BO : un Kinks que je ne connais pas mais qui ne me plaît pas trop… J’ai plusieurs de leurs albums, plus de 100 titres, et je n’ai pas encore fait le tour malgré mes écoutes répétées (pas encore assez). J’aurai mis personnellement un titre sorti de Outside The Simian Flock, le premier album du groupe belge Millionaire. Je vous le conseille fortement.

      • Jyrille  

        Ah oui c’est bien mieux. C’est une Face B en fait, je dois l’avoir déjà entendue mais elle ne m’a pas marqué plus que ça.

        • Bruce lit  

          Je crois qu’elle a été recyclée dans une pub à la con

    • Présence  

      C’est un plaisir de lecture immédiat : les pages se tournent rapidement grâce à un dosage parfaitement équilibré de la densité d’information, on n’a pas peur d’une histoire superficielle grâce à la pagination. Il n’y a pas d’indigestion ou de sensation d’écœurement et dans le même temps quand on repense à tout ce qui se déroule sur quelques pages, il se passe vraiment beaucoup de choses.

  • Kaori  

    C’est vrai que tes articles forcent l’admiration, Présence.
    Tu sais mettre en bouche, poser le contexte, les personnages, sans trop en dire, et suffisamment pour qu’on ait envie de s’intéresser à eux.
    Et tu décortiques, analyses, comprends chaque mise en page, comme si tu étais dans la tête de l’artiste.
    Enfin, tu présentes les thèmes de manière complète.
    Je comprends que Bruce te passe ce genre de commandes.

    Concernant le principe d’une BD sans texte, je trouve ça super. Moi qui ai tendance à me contenter de lire, je prends rarement le temps de profiter des images. Sans le texte, pas le choix ! Et le message est tout aussi fort, voire plus fort !

    Bref, merci à vous deux pour cette découverte 🙂

    • Présence  

      Encore un compliment comme ça et je demande une augmentation à Bruce. 🙂

      Chaque mise en page – Loin s’en faut : il reste plus de choses à découvrir que je n’en ai décris… heureusement. Comme le souligne Pascal Erhard, chaque lecteur dispose d’une liberté d’interprétation qui fait que tu y découvriras des choses que je n’ai pas su voir.

  • Tornado  

    Ohlalah… J’arrive après la bataille moi…
    Super ! Tout le monde a déjà tout dit ! 😀
    Bon, je dois dire que je suis plus que conquis. Ce qui m’embête fortement car il n’y a plus de place dans ma bibliothèque…
    Une BD qui disserte sur un thème aussi universel, aussi passionnant, aussi viscéral pour nous autres citadins pris par le travail et la famille jusqu’à l’étranglement ; une bd sans texte qui mise absolument tout sur le langage de l’image, du découpage, du mouvement des corps, du concept de la couleur et de la pagination… Soit le genre de BD naturaliste qui possède l’exception de me fasciner (sans une once de vampire, de sabre laser ou de karaté !). Comment résister ???
    Un grand bravo à l’auteur de l’article pour sa plume inspirée et précise en diable ! Pas un article, non, une enluminure !

    • Présence  

      Il y a même un ou deux affrontements physiques (mais sans karaté), une ou deux courses-poursuites, et un naufrage.

    • Jyrille  

      Enluminure… ça me plaît bien ça, Tornado ! J’ai eu le même sentiment à la lecture de l’article.

    • Bruce lit  

      Si j’m’attendais à ça !

  • JP Nguyen  

    Encore une belle mise en valeur d’une oeuvre qui semble de qualité.
    L’article est clair, précis, explicite sur le contenu sans trop spoiler… C’est beau, on dirait du Présence 😉 !

    Ceci dit, même si je reconnais le tour de force de réaliser des BD sans texte, ce ne sont pas mes préférées… A la fin, j’ai toujours l’impression qu’il me manque quelque chose… La « voix » du personnage, par exemple. C’est plus fort que moi, j’aime les mots. Les lire, les (re)découvrir, jouer avec …

    • Présence  

      Il y a quelque chose qui défie mon entendement dans les bandes dessinées muettes : c’est à la fois la liberté qui est donné au lecteur de mettre lui-même les mots, c’est à la fois cette possibilité de raconter dans un langage quasi universel. Je suppose que mon goût pour ce type de bande dessinée provient de gag muet en 1 page, comme ceux de Mordillo, où il appartient au lecteur d’établir lien de cause à effet d’une case à l’autre, avec la possibilité d’être plus surpris par une causalité différente de celle qu’il avait projetée.

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