Des clous et Davis

 Mais où est Superman ?


Mais où est Superman ?©DC Comics

JLA – The Nail et Another Nail 2 par Alan Davis et Mark Farmer

AUTEUR : JP NGUYEN

VO : DC Comics

VF : Panini

JLA –The Nail et JLA – Another Nail sont deux mini-séries en 3 épisodes respectivement parues en 1998 et 2004 dans la collection Elseworlds de DC Comics, dédiée aux histoires se déroulant dans des réalités alternatives.

Ecrites et dessinées par Alan Davis, avec, à l’encrage, son vieux complice Mark Farmer, ces histoires se veulent un hommage aux comics du Silver Age, servies par un dessin plus moderne et tirant partie du contexte « hors continuité » pour raconter des récits auto-contenus, dégagés des contraintes éditoriales habituelles. La VF a été éditée par Panini sous le titre Le Clou et Le Clou 2, en 2005 et 2006

Ouh punaise, on va parler de clous !
Tu vas y arriver sans dévoiler trop de spoilers ?
J’essaierai, mais je te garantis pas de ne pas me planter…

JLA – The Nail par Alan Davis, Mark Farmer et Patricia Mulvihill

Le clou qui donne son titre à la série, c’est celui qui se retrouve planté dans un des pneus du pick-up de Jonathan et Martha Kent, annulant du coup leur virée à Smallville, le jour précis où ils auraient du croiser la route d’une certaine capsule spatiale renfermant un bébé kryptonien. Cette déclinaison de l’effet papillon, avec un petit détail aux grandes conséquences, est aussi illustrée via l’extrait d’un poème au début du recueil, où un clou défectueux cause la perte du fer d’un cheval, puis du chevalier, de la bataille et finalement du royaume entier.

The Nail se déroule donc dans un monde sans Superman, où Lex Luthor a finalement accédé à la présidence des Etats-Unis et où les méta-humains ne sont pas en odeur de sainteté, objets d’une campagne de dénigrement et confrontés à une défiance croissante de la population, influencée par des leaders d’opinion comme Jimmy Olsen (oui, celui-là même qui aurait du devenir le meilleur ami de Superman).

Il est toujours pas là, Superman ?

Il est toujours pas là, Superman ?©DC Comics

Les choses vont aller de mal en pis pour les membres de la JLA, maintenus dans le brouillard par un ennemi mystérieux et progressivement réduits à la captivité par ce dernier. Comme souvent, c’est de Batman que viendra le salut (ou du moins en partie) mais il aura au préalable payé un lourd tribut dans cette crise, lors d’un affrontement dantesque face au Joker à l’asile d’Arkham.

Ne souhaitant pas planter un clou de plus dans le cercueil du suspense, je n’en dirai pas davantage. Sachez simplement qu’Alan Davis a remarquablement construit son intrigue, nouée autour de plus fils narratifs qui semblent se dérouler en parallèle avant de converger, donnant l’occasion à chaque membre de la JLA de briller lors de scènes en solo avant la bataille finale.

De Batman à Flash : tout le monde a droit à sa splash !

De Batman à Flash : tout le monde a droit à sa splash !©DC Comics

Green Lantern, Wonder Woman, Hawkgirl, Martian Manhunter, Aquaman, Batman, Flash et Atom : tous ont droit à leur morceau de bravoure, culminant dans des pleines pages de toute beauté… On sent dans l’attention portée au dessin et dans le choix des poses iconiques tout l’amour d’Alan Davis pour ces personnages, et spécifiquement pour leur incarnation du Silver Age, comme l’attestera la postface de sept pages signée par Davis à la fin du TPB.

A une époque où dans la continuité officielle de DC, Flash et Green Lantern étaient incarnés par leurs successeurs Wally West et Kyle Rainer, c’est bel et bien Barry Allen et Hal Jordan, les héros « historiques » qu’Alan Davis avait choisi de mettre en scène. Le souci du détail se retrouve par exemple dans le choix du design de Flash, à la silhouette plus élancée et avec un front légèrement proéminent. Globalement, malgré le trait un peu générique d’Alan Davis pour les visages, tous les personnages bénéficient d’une apparence très distinctive, jusque dans le langage corporel.

Batman vient de griller un joker auprès de l’opinion publique

Batman vient de griller un joker auprès de l’opinion publique©DC Comics

Mais The Nail n’est pas qu’une succession de scènes d’action bien dessinées. La mini-série reprend les thématiques de la tolérance, de la peur de la différence et du danger des dérives sécuritaires, qu’on avait davantage l’habitude de voir chez Marvel que chez DC, notamment chez les X-Men. On peut y voir là une réminiscence des années 80 où Davis avait collaboré à plusieurs reprises avec Chris Claremont sur les séries mutantes. Du reste, dans The Nail, une bonne partie de l’intrigue et des dialogues fonctionnerait aussi bien en remplaçant « métahumain » par « mutant ».

Alors que les surhommes de DC sont en général perçus avec bienveillance par leurs concitoyens, Alan Davis établit qu’en l’absence de Superman, il leur manque une figure positive pour pleinement incarner le bien et la justice, prêtant ainsi le flanc à des critiques et à des manipulations de l’opinion pour les écarter de la scène publique. Cette idée n’est pas nouvelle, et sera d’ailleurs réutilisée à foison par la suite, notamment dans des adaptations animées du DC Universe. Néanmoins, Davis articule fort bien ses idées et rend sa réalité alternative très crédible, malgré un nombre de pages relativement restreint.

une opinion sur l’attitude à adopter face aux mut… euh métahumains

Une opinion sur l’attitude à adopter face aux mut… euh métahumains©DC Comics

Du fait du contexte « Elseworlds », tous les coups sont permis et les personnages peuvent mourir. Au début du récit, Davis installe cette tension aux dépends d’une partie du supporting-cast de Batman et il arrive à la maintenir jusqu’au bout, jusqu’à l’ultime confrontation entre le mystérieux ennemi et un allié providentiel de la JLA.

Malgré un côté très conventionnel, le récit est tiré vers le haut par un dessin ultra maîtrisé et le souci d’inclure un sous-texte toujours d’actualité (la peur de l’étranger) dans ce qui n’aurait pu être qu’une simple baston de types en collants. Le lecteur ressort donc le sourire aux lèvres de cette plongée dans un monde sans Superman et nul doute qu’Alan Davis a également pris beaucoup de plaisir à confectionner ce petit bijou de comics old-school (dans la même veine, il récidivera des années plus tard chez Marvel avec Fantastic Four : The End).

Un clou qui fait mouche

Un clou qui fait mouche©DC Comics

JLA – Another Nail par Alan Davis, Mark Farmer et John Kalisz

Alan Davis s’était tellement amusé à réaliser The Nail qu’il est revenu à cet univers six ans plus tard avec Another Nail. Un an après les évènements de la première mini, on retrouve donc la JLA, comptant désormais dans ses rangs un fier héros arborant une cape rouge et un S de la même couleur sur sa poitrine. En revanche, Batman s’est mis en retrait de la League et ne semble pas totalement remis du choc post-traumatique de sa dernière bataille contre le Joker. Mais malgré la disparition de Darkseid, narré en début de volume et un univers semble-t-il apaisé, de nouveaux dangers guettent et vont mettre nos héros à contribution.

Alan Davis va-t-il enfoncer le clou ?

Alan Davis va-t-il enfoncer le clou ?©DC Comics©DC Comics

On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve ou encore « You can never go home ». C’est le genre de pensée que me suscite Another Nail. En revisitant l’univers du Clou, Davis s’est sans doute encore fait plaisir mais cette fois-ci, son plaisir a été moins communicatif. Malgré des planches toujours aussi belles, cette fois l’auteur britannique s’est planté. Même si le résultat est loin de ne pas valoir un clou, il est très loin de tenir tête à son prédécesseur. Contrairement à l’intrigue très bien charpentée du premier opus, Davis semble ici partir dans tous les sens, pour une histoire aux enjeux cosmiques et plus seulement planétaires.

Il y a une surenchère dans l’ampleur de la menace et dans le nombre de personnages mis en scène. Mais cette dérive vers le spectaculaire se fait au détriment de la cohérence du récit et du fil conducteur de l’intrigue (malgré bien des tentatives, je ne suis jamais parvenu à lire cette histoire de bout en bout). Plus n’est pas toujours mieux. Même les pleines pages montrant les héros en action (en duo, cette fois, et non plus en solo), malgré un dessin parfait, ne marquent pas autant que leurs devancières. En surchargeant ses planches de protagonistes, Alan Davis finit par exclure le lecteur.

L’obsession du détail n’est pas le moindre des vices d’Alan…

L’obsession du détail n’est pas le moindre des vices d’Alan…©DC Comics

Non, définitivement, le clou du spectacle se situait dans la première série et malgré des dessins toujours superbes, cette deuxième série échoue à retenir l’attention du lecteur. Tout juste échappera-t-elle à une mise au clou, grâce à la proverbiale paresse de votre serviteur (j’ai la flemme de gérer les reventes en occasion). Vous l’aurez donc compris, s’il ne vous lire qu’une série, ruez-vous sur The Nail, un superbe hommage au Silver Age, très beau mais qui a oublié d’être bête. Et ne vous mettez pas martel en tête pour dénicher sa suite, bien inférieure… Sur ce, salut les petits clous !

22 comments

  • JP Nguyen  

    Teaser du matin – Fight ! 3/3
    Savez-vous planter des clous ? A la mode, à la mode… d’Alan Davis. JLA : The Nail et Another Nail, des récits hommages au Silver Age de DC Comics, avec des dessins de toute beauté mais des intrigues inégales. Des clous et Davis, Bruce Lit vous sort toute sa quincaillerie, avec un chroniqueur un peu marteau, peu avare en jeu de mots…

    BO du matin :
    Superman qui manque à l’appel, ça pourrait faire chanter à Batman une complainte comme celle des Carpenters (qui eux aussi s’y connaissent en clous) :
    https://www.youtube.com/watch?v=WDyx_YDcD_w

  • Matt  

    Très sympa cet article. Je ne connaissais pas du tout. Il faut dire aussi que je m’intéresse très peu à DC. Pas parce que je n’aime pas, mais parce qu’il y a déjà fort à faire avec Marvel donc si je met en plus les pieds dans DC…bonjour les frais et les achats de nouvelles étagères. Cela dit, des récits auto contenus comme celui-ci peuvent être intéressants. Et j’aime beaucoup le style graphique de Davis, même s’il est assez classique. Il est très agréable à l’oeil.

    Tout ça me fait penser à Days of Future Past en effet avec un monde où les mutants sont traqués. Tout comme Injustice (que je n’ai pas lu, mais j’ai joué au jeu de combat) m’avait fait penser à AOA avec justement un metahumain (ou mutant chez AOA) prenait le contrôle du monde. L’histoire d’Injustice le jeu était plutôt sympa pour un jeu de combat, ce genre étant habituellement dépourvu d’histoire.

    Ce n’est pas un reproche quand je dis que ça me fait penser à des choses déjà écrites. Mais on y retrouve les mêmes thèmes, c’est vrai.

    Faut revendre dans des magasins si t’as la flemme de gérer des ventes sur le net^^ Bon forcement on te rachètera le bouquin 2€ mais bon…(sauf chez Gibert Joseph, c’est plus intéressant les prix)

    Je vais peut être revendre mes Sandman moi. (Si Bruce était là, il ferait un arrêt cardiaque) En fait j’hésite. J’ai peur de regretter de les revendre, j’ai bien aimé. Mais je ne pense pas que c’est quelque chose que je relirais souvent. Et je manque de place.

  • Tornado  

    J’avais failli acheter la version Panini à une époque (où j’achetais tout et n’importe quoi), mais elle était déjà épuisée et donc trop chère. Je me demande d’ailleurs si Paninouile n’avait pas édité la totale avec Le Clou 2 (Le Clou revient et il n’est pas content ?) ?

    Je suis intéressé, notamment grâce à cet article de JP et au fait que ce soit un récit autonome. Mais je me méfie parce que je sais pas si JP arrive à être objectif avec ALan Davis… Non, là je suis pas gentil parce que sa critique du « Clou Two » démontre son objectivité en fait ! 🙂

    @JP : Cet hommage au silver age éveille une certaine méfiance chez moi, surtout qu’Alan Davis n’est pas non plus un auteur dont on cite régulièrement les créations.
    Peux-tu me confirmer que la narration de cette mini-série n’est pas trop ampoulée ?

  • JP Nguyen  

    @Matt : le prix de rachat des BD d’occase est trop crève coeur pour moi. A quelques exceptions, je préfère ne pas revendre, ou alors en direct.

    @Tornado : d’après les listings, Panini a édité les deux clous dans des recueils séparés.
    On ne recherche pas tous les deux exactement les mêmes choses dans nos comics mais voilà les points forts du récit que je vois pour un lecteur comme toi :
    récit auto-contenu
    dessin ultra efficace mais aussi « beau »
    narration fluide et scénar avec quelques surprises
    présence d’un sous-texte (même si pas d’idée révolutionnaire là-dessous)
    les moins (pour un lecteur Tornadien) : oui, ça reste du super-héros, et c’est plus une revisite, un dépoussiérage de classique qu’un récit post-moderne
    Je te conseille quand même d’essayer si tu en as l’occasion, c’est en tout cas bien meilleur que JLA : Year One (mais ce n’est pas forcément la référence qui tue en ce qui te concerne…)

  • Tornado  

    Mercicopain ! 🙂
    Alors je suivrai tes conseils dès la probable réédition chez Urban Comics.
    Et au fait, ton titre est génial, bien sûr ! 😉

  • Matt  

    Tornado, il est encore dispo à un prix sympa d’occasion « le clou ». A moins de 10€ sur priceminister.
    Enfin je dis ça juste au cas où tu l’imaginerais trop cher. Bien sûr après tu fais ce que tu veux.
    Des fois on a de bonnes surprises en scrutant les offres. Tout le monde ne vend pas à des prix astronomiques.

    De Davis, j’avais bien aimé Clandestine moi. Même si tout n’a pas été édité en VF je crois. Une équipe bien à lui de « héros » (plutôt une famille dysfonctionnelle d’immortels qui sont loin d’être parfaits) Ils ont plus tard fait coucou aux X-men dans un petit crossover avant Onslaught (mais qui peut se lire indépendamment de la continuité des années 90) mais c’était pas génial. La première série était meilleure.

  • Présence  

    Merci pour cette rétrospective. J’en ressors avec quelques souvenirs ravivés de cette lecture que j’avais faite en 1998, le fait d’être conforté à ne pas chercher Another Nail. Par contre, ça m’a donné une forte envie de lire FF The end.

    Aurais-tu lu la version de Killraven d’Alan Davis ?

  • Jyrille  

    Un article court mais inspiré comme d’habitude! Je ne connais pas du tout et ce type de dessin me fait habituellement fur mais je te crois sur parole.

    Je suis en train de lire le nouveau Deadly Class et tu as raison JP : les frontières entre comics, franco-belge et mangas sont de plus en plus floues. Ca ne me déplaît pas.

  • Nicolas  

    C’est vrai que recevoir que dalle pour un bouqin acheté 15 à 20 Euros ça fait mal au Coeur, surtout avec la version originale. Mes tp je les donne au secours populaire, au moins je fais une bonne action.

    Merci pour ce bel article qui me rapelle de bons souvenirs der lecture

  • Matt  

    Par rapport au style de dessin de Davis, je trouve surtout que ce sont les couleurs flashy le problème. J’ai lu récemment le prélude à Onslaught et je me suis surpris à apprécier les dessins de la plupart des auteurs. Mais ce sont les couleurs trop vives et pleines de dégradés abusifs des années 90 qui gâchent un peu la partie graphique. Le style de Davis est très plaisant à l’œil je trouve, mais reste très (trop ?) vif en termes de couleurs.

    • Présence  

      Pour paraphraser Tornado, les couleurs relèvent un peu du même problème que les bulles de pensées. Il s’agit d’un élément narratif qui a évolué avec les années, le premier avec l’avènement de l’infographie, le second avec une volonté affichée des responsables éditoriaux. Dans les 2 cas, on sait en ouvrant un comics datant d’avant 2000 qu’il faudra accepter une narration moins adulte, et des couleurs plus vives.

      • Matt  

        Oui. Mais je voulais surtout souligner que des fois une colorisation déplaisante masque un peu la qualité des dessins. Et que si on arrive à faire abstraction des couleurs, on peut apprécier.

        Après les couleurs vives des années 80 me posent moins de problèmes que les effets fluo des années 90. Tu disais ailleurs que ça devait être amusant à l’époque de se lâcher sur les couleurs au début de l’infographie. C’était la mode disco des comics quoi. Donc pas tellement une question de limitation technique, mais de choix artistiques…discutables.

  • Eddy Vanleffe  

    Un de mes « elseworlds » préféré aussi celui là.

    Le premier tome est vraiment très sympa. il parvient à être très équilibré entre sa volonté de rendre hommage au silver age avec couleurs primaires, costumes classique, voir iconiques, format de narration (une pleine planche tous les six ou huit pages comme dans les numéros d’époque d’un magazine que Davis adorait) et un propos universel, simple mais pas « infantile » justement.
    Je crois que c’est justement la différence entre ici et JLA YEAR ONE justement qui pour le coup tombe plus dans le piège « anachronique »‘
    Sans être certain, mais je crois qu’il pourrait convenir à Tornado par exemple.

    Par contre, il va falloir que quelqu’un un juor m’explique en quoi objectivement, les bulles pensées, c’est le mal.
    il s’agit d’un outil de narration comme un autre à mes yeux, il est parfois adapté, détourné, et offre des possibilités.
    Aujourd’hui, on ouvre un comics et le personnage en est inévitablement le narrateur qui rédige sa life à base de:

    -Ce matin, le café avait gout de cendre et j’ai mis les pieds dans la caisse du chat.
    -Quelle journée de m…
    -le bipeur m’avertissait de joindre la tour de guet au plus vite mais j’aivais oublié de le charger.
    -Quelle journée de m…

    Je trouve ça de plus en plus cliché en fait et ça en devient une prison qui des donnes des comics très orthonormés.

  • Tornado  

    C’est gentil de penser à moi 🙂

    Est-ce que les bulles de pensée c’est le mal ? Non, pas forcément (Alan Moore et Frank Miller l’emploient encore au début de Miracleman et de Daredevil), mais c’est inhérent à un type de narration un peu antédiluvien, quand même. Ce sont justement ces deux auteurs (et sans doute quelques autres puisque P.Craig Russel les avait déjà enlevés sur Dr Strange à la fin des années 70 !) qui ont ringardisé ce procédé. En le remplaçant par des soliloques très « littéraires » et surtout très séquentiels. Dès lors, je peux encore supporter quelques bulles de pensée, mais le concept est incontestablement naïf. Ça peut être éventuellement charmant si c’est bien intégré (au 2nd degré souvent), mais si c’est écrit sans aucune classe, c’est très vite ridicule à mon sens.
    Les soliloques sous forme d’encarts de texte ont une orientation moins naïve. Après, si c’est mal écrit, c’est mal écrit. Mais le procédé donne moins l’impression que le personnage s’adresse directement au lecteur pour lui expliquer ce que le découpage des planches ne raconte pas. Disons que la bulle de pensée semble être une « carence » du scénariste qui n’arrive pas à narrer le récit par la mise en scène, tandis que le soliloque est plus directement inscrit dans la structure du découpage séquentiel. (c’est juste une réflexion personnelle de ma part, plus ou moins instinctive, d’ailleurs)

  • Matt  

    Parce que d’ailleurs tiens, à qui ils racontent leurs vies dans ces voix off ? Parfois le récit est raconté à une autre personne mais souvent il n’y a aucun interlocuteur. Donc c’est quoi ? Le personnage qui écrit son journal intime ? Mais quand ? Et c’est ridicule d’ailleurs, qui écrit encore un journal intime ? Non, souvent c’est juste dans la tête du personnage ce monologue. C’est « meta ». Grosse facilité scénaristique. Mais bon parfois ça donne un style c’est vrai. Mais je dois avouer que si ces encarts de texte se font rare et n’ont aucune explication rationnelle, je peux préférer quelques bulles de pensée. D’ailleurs dans certaines situations, des bulles de pensées paniquées dans une situation d’urgence qui met le personnage en stress, ben c’est plus immersif qu’un encart de texte qui dit « bon…à ce moment là j’étais paniqué vous voyez. Je ne savais pas trop quoi penser et des idées se bousculaient dans ma tête »
    Mieux vaut les « entendre » ces folles idées qui se bousculent pour mieux ressenti l’urgence.

  • Tornado  

    Oui, c’est ce que je me disais avec l’expression « si c’est mal écrit, c’est mal écrit ». Mais dans l’ensemble, les Moore & Miller (et les autres) ont développé ce procédé comme quelque chose de mieux inscrit dans le découpage séquentiel, je trouve. Il y a un meilleur rapport entre le texte et l’image qu’avec les bulles de pensée, quelque chose de plus travaillé, de plus conceptuel. De plus écrit. Mais c’est surtout vrai quand c’est fait par un (très) bon scénariste de bande dessinée.
    En ce moment que je relis les Tintin, je me rends compte que les maitres de la bande dessinée emploient, quoiqu’il en soit, le moins possible de texte. Ce sont surtout les images et les dialogues qui racontent l’histoire, davantage que le texte (explicatif ou descriptif), au sens littéraire du terme. Les bulles de pensée demeurent à mon sens le procédé le moins séquentiel qui soit, c’est juste un rajout qui sert à masquer le mauvais découpage des planches et la mauvaise technique narrative de l’auteur et de son dessinateur. (oui, je suis très sévère avec les Stan Lee, Jack Kirby, Chris Claremont, Steve Englehart et autres Jim Starlin, comme d’habitude ! 😀 )

    • Matt  

      Tiens par exemple, même si j’ai bien aimé Fear agent, j’ai trouvé qu’il y avait trop de pavés de voix off parfois. Il se passe des trucs visuellement mais comme il y a un pavé de voix off à lire, la scène d’action derrière n’a aucune fluidité. A certains moments, ça m’a fait sortir temporairement du récit. Les scènes muettes c’est cool parfois.
      J’y pense parce que je viens d’écrire un article sur SODA, un de mes classiques franco belge de quand j’étais plus jeune…et il y a de sacrées bonnes scènes muettes dans cette BD. Mais aussi de la voix off. Mais pas envahissante.

  • Matt  

    La voix off crée une distanciation avec le présent aussi. Déjà on sait que si le mec est là pour raconter, c’est qu’il ne va pas crever. Donc ça marche mieux pour les passages de réflexion que pour les scènes d’action.

  • JP Nguyen  

    « ça marche mieux pour les passages de réflexion que pour les scènes d’action »
    Moi, je trouve pas… Mon contre exemple : le duel de Batman vs Mutant Leader, chroniqué sur le blog…
    http://www.brucetringale.com/violence-chirurgicale/
    C’est une scène d’action mais les pavés de texte de la voix off contribuent à l’immersion dans le combat…
    Bon, c’est aussi parce que Batman il est trop fort et qu’il réfléchit à donf, même en se battant…

    • Matt  

      Il y aura toujours des contre-exemple. Et si les textes parlent du combat présent (telles des bulles de pensées donc^^) au lieu de nous raconter que le mec a envie de boire un verre et qu’il a passé une semaine de merde; c’est différent.

      • JP Nguyen  

        Je ne suis pas anti-bulles de pensée… mais sur l’exemple de DKR, on peut aussi se dire que la forme rectangulaire des pavés de texte leur permet de s’intégrer plus harmonieusement aux cases, plutôt que des bulles qui auraient un côté beaucoup plus envahissant sur le dessin (ça bouffe beaucoup de place et encore plus si tu veux fragmenter ton texte… et je parle du haut de ma toute petite expérience de lettreur pour Figure Replay : au-delà de la police, quand on a le temps de paufiner le placement du texte, ça participe à son impact et à son efficacité…)

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