Dragon Gest (La geste des chevaliers dragons)

LA GESTE DES CHEVALIERS DRAGONS de Ange & Collectif

Un article de MATTIE-BOY


VF : Soleil 

Une série plus sombre qu’elle n’y paraît

Aujourd’hui nous allons parler d’une saga d’heroic-fantasy franco-belge : LA GESTE DES CHEVALIERS DRAGONS, du couple d’auteurs Anne et Gérard Guéro (alias Ange) publiée chez Soleil.

Le premier tome est paru en 1998, et il aura fallu attendre 5 ans pour voir arriver un tome 2 en 2003. Par la suite, plus d’un tome par an est sorti pour en arriver à 29 tomes en 2020. Soit un rythme de parution assez élevé pour une BD franco-belge. Pour cette raison, si les scénaristes restent les mêmes, les dessinateurs et coloristes se relaient sur la série. Et pour cette même raison, il ne faut pas chercher une homogénéité visuelle parfaite.
Il faut aussi clarifier une chose sur le concept de la BD. Oui, il est spécial.

Pour faire simple, des dragons envahissent le monde. Leur présence seule répand un mal appelé le Veill qui rend fou tout être vivant trop proche du dragon avant de le transformer en monstre et/ou provoquer sa mort. Les dragons sont également capables de ressentir la présence de tout être vivant proche d’eux. Les seuls humains immunisés contre les pouvoirs des dragons sont les femmes vierges. Par conséquent, un ordre de chevaliers composé uniquement de femmes vierges a été fondé.

Du dragon en veux-tu, en voilà !

Et c’est là que ce pitch, dans la bouche de certains, se transforme en « des vierges à poil qui tapent des dragons », ce qui laisse présager d’un produit racoleur un peu couillon. Mais c’est un peu comme si on résumait Conan avec « un barbare en pagne qui tape du sorcier. » Et à la question « quelle est la logique scientifique expliquant l’immunité des vierges ? » je répondrais qu’on est dans de l’heroic-fantasy. Les vierges sacrifiées aux dragons, le sang des vierges convoité par les méchants, tout ça, ce n’est pas nouveau, les vierges ont toujours eu un rôle symbolique particulier (réminiscence du christianisme ? Peut-être) A-t-on besoin d’expliquer ça par un concept scientifique ? Dans une série de SF ça me dérangerait, mais là…on s’en fout ! Pourquoi une femme est-elle capable de tuer le chef des Nazgul aussi, hein ?

Bref…après avoir lu 26 albums de cette série, je peux vous dire que c’est loin d’être une série débile et racoleuse. C’est même une série hyper chiadée. Certains tomes, il est vrai, ne se privent pas de nous montrer une héroïne peu vêtue sans que ça semble utile à son combat. Mais je rappellerai que LA QUÊTE DE L’OISEAU DU TEMPS que tout le monde considère comme une excellente BD d’heroic-fantasy dispose d’une héroïne aux gros seins et d’un humour en dessous de la ceinture…qui n’empêche pas la BD de prendre un virage crépusculaire et déprimant à souhait ! C’est comme ça, ça fait partie de l’imagerie classique de l’heroic-fantasy (ou des super-héros), les hommes musculeux et les femmes plantureuses. Mais dans le cas présent, il n’y a pas d’humour relatif à ça. Cet aspect ne vient aucunement entacher le ton de la BD ni le scénario. Ce premier tome nous montre aussi cette guerrière peu vêtue se faire déchiqueter sans pitié par le dragon.

Non, ce n’est pas un SPOILER. Ou du moins c’est quelque chose que vous découvrirez très vite. LA GESTE est scénaristiquement une série ambitieuse très noire et adulte dont les personnages sont sacrifiables (et donc changent à chaque tome ou presque) et le monde dans lequel ils évoluent injuste et cruel. Il faut lire plusieurs tomes pour se rendre compte qu’il s’agit en fait de chroniques de vies difficiles qui abordent des sujets sérieux. Les femmes guerrières doivent renoncer à l’amour et au sexe, leur vie est dédiée à l’affrontement des dragons (dont elles ne reviennent que rarement en vie.) Certains hommes les haïssent pour ce qu’elles sont car ils ne supportent pas l’idée que des femmes aient du pouvoir, et si elles ont le malheur de se faire violer…elles peuvent perdre leur statut puisqu’elles seront forcément rejetées de l’ordre. En gros on est plus face à un GAME OF THRONES qu’un LANFEUST. Et les femmes sont davantage dépeintes comme des personnages courageux et tragiques que de simples objets sexuels.

Un boulot difficile

LA GESTE est en réalité très fataliste. La série peut rappeler le manga CLAYMORE. Autant dire que passé un tome ou deux, vous n’aurez plus trop l’esprit à reluquer les filles. Vous aurez plutôt de la peine pour elles (à moins d’être un gros mort de faim obsédé.)

Et ce n’est pas tout. Dans LA GESTE, il y a pas mal d’albums sans dragons. Eh oui ! La série ne se repose pas toujours sur l’action. Il y a beaucoup de politique, de diplomatie, d’histoires humaines. Certains tomes vont se concentrer sur une chasse au dragon mais d’autres sur un choix de vie d’une guerrière et l’opposition de ses sentiments face à son devoir, ou sur les rapports de force entre les différents pouvoirs en place, sur des batailles entre royaumes, etc.
Après, je vous mentirai si je disais que tout est du même niveau. Mais sur les 26 albums que j’ai lus, je dirai malgré tout qu’il n’y en a aucun que je qualifierai de mauvais.
Je précise aussi, pour ceux que le nombre de tomes et le statut inachevé de la série rebuterait, qu’on est dans le même fonctionnement que Conan. Les tomes sont indépendants et ne se suivent pas et ne sont pas racontés dans l’ordre chronologique. Par conséquent, rien ne vous oblige à lire les 29 tomes (moi-même je ne suis pas allé plus loin que le 26 pour l’instant.)
Une fois n’est pas coutume, je ne vous ferai pas de critique album par album. C’est assez compliqué pour une série de ce genre. Je vais plutôt vous parler des thèmes en mentionnant dans quels albums ils sont abordés.

DEVOIR ET SACRIFICE

La chasse au dragon est un élément de fond qui revient régulièrement, mais la BD s’occupe davantage de dépeindre un monde dans lequel les humains doivent s’adapter à la présence des dragons. Cela n’empêche pas les affrontements de disposer d’une bonne atmosphère et d’un bon suspense, et aussi d’être indispensables pour montrer le danger que représentent les dragons. Mais ces albums ne se contentent pas de raconter un combat mais mettent nos héroïnes face à leur devoir de sacrifice de soi au service du bien commun. Cela pourrait ressembler à du fanatisme, mais pas dans un contexte où des créatures mystiques aux pouvoirs ravageurs détruisent des villes sans bouger rien qu’avec leur influence néfaste.

Une des plus grandes représentantes de cette mentalité de respect des règles est le chevalier Oris, rencontrée âgée dans le tome 2 AKANAH, mais présente jeune lors du tome 4 BRISKEN et des intrigues de cour de Messara du tome 9 AVEUGLES. Ce devoir de sacrifice est aussi particulièrement présent chez les sœurs de la vengeance. Ce sont des sorcières qui ont le pouvoir de lancer un sort détruisant toute vie (elles comprises) sur des km en déchainant « le feu blanc ». Elles sont en quelque sorte le dernier recourt face à un dragon lorsque les chevaliers ont échoué, que le Veill a trop progressé alentour et que le dragon est devenu tellement puissant qu’il n’est plus envisageable de perdre du temps. On les voit à l’œuvre en introduction du tome 3 LE PAYS DE NON-VIE et elles sont mentionnées à plusieurs reprises. Leur intervention est un coup dur cela dit, puisqu’au-delà de tuer les sœurs durant le processus, il peut y avoir de nombreuses victimes collatérales et la terre devient aride et morte sur la zone touchée par le sort (détruisant les terres cultivables et mettant à mal l’économie.)

Le dernier recours de l’ordre : les sœurs de la vengeance

Aussi sévère que cette vie puisse paraître, souvent ces femmes l’ont choisie. Et certaines se plient avec abnégation aux règles pour suivre leur devoir (tome 4), telles des samouraïs avec leur code du bushido. Mais certaines remettent en question les règles, les trouvent cruelles, changent d’avis avec le temps, ou font tout simplement des rencontres qui vont mettre à mal leurs convictions. Il est tout à fait compréhensible de ressentir de l’empathie pour une guerrière qui tombe amoureuse où cède à ses tentations (Ellys dans le tome 1, Nouri dans le tome 16), ou qui brise les règles pour des convictions personnelles. Le tome 2 nous donne un aperçu de ces conflits internes avec Akanah, une apprentie chevalier qui va douter de ses choix et désapprouver son amie Eleanor qui se résigne à la mort pour son devoir, tout en montrant que la vie de femme peut aussi avoir ses mauvais côtés dans ce monde avec des mariages arrangés et des histoires d’argent qui laissent peu de place à la liberté également.

La BD ne joue pas la carte de la facilité en approuvant ou condamnant les codes des chevaliers dragons. Aussi dur et contre-nature que leur code puisse paraitre, on est dans un monde où la vie est dure en général. On nous montre parfois, en parallèle, des vies misérables de civils pour qui le respect et la crainte qu’inspirent les chevaliers dragons deviennent un rêve à atteindre (la petite fille maltraitée dans le tome 3…qui deviendra la Eleanor du tome 2, convaincue par sa cause et son choix qui lui ont permis de changer de vie.)

SEXUALITÉ ET INSTINCT MATERNEL

Il est évident qu’en devant rester vierges, les chevaliers dragons vivent un déchirement, obligées de choisir entre leur rôle de chevalier ou une vie de femme, avec ce que ça implique de relations amoureuses ou charnelles. Si certaines s’en passent bien, beaucoup sont évidemment tentées.
Dans le tome 4, on apprend même que des femmes qui ont suivi l’enseignement de l’ordre l’ont finalement quitté pour devenir « des mères exceptionnelles pour leurs enfants ». De même, le chevalier Lore (tome 13 SALMYRE), choisit d’avoir un enfant. Quant à Jo (tome 5 LES JARDINS DU PALAIS), elle préfère se marier et monter un commerce plutôt que suivre sa voie de chevalier. En général elles ne sont pas punies pour avoir perdu leur virginité, mais elles sont exclues de l’ordre et perdent leur statut qui leur vaut une situation à l’abri du besoin (sauf certaines qui peuvent devenir des Ombres, des espionnes et manipulatrices au service de l’ordre.)
Il y a aussi des chevaliers qui, sans enfreindre leur devoir, ressentent un manque. C’est le cas de Mara dans le tome 3, qui semble regretter de ne pouvoir avoir d’enfant. C’est pourquoi on la voit recueillir la jeune Eleanor à la fin de l’album, comme une adoption.

L’adoption chez les chevaliers dragon : on ramasse les pauvres gamines vierges qui ont survécu au Veill après avoir perdu toute leur famille.

D’autres femmes se retrouvent à la merci d’hommes et vont être violées (Saraï dans le tome 15, Snejana menacée d’être violée dans le tome 5), ce qui signifie la perte de bien plus que leur dignité ou virginité, et vire en tragédie. L’histoire de Saraï devient celle d’une vengeance terrible.
Si les chevaliers ne sont en général pas sévèrement punis pour tout ce qui concerne leurs pulsions sexuelles ou instincts maternels, les règles ne s’arrêtent pas là. Les chevaliers dragons sont également censés renoncer à tout engagement politique et se concentrer uniquement sur les dragons.

POLITIQUE

Et c’est là qu’un problème plus grave se pose. Car comme le dit le chevalier Oris dans le tome 2 « tout acte public, quel qu’il soit, est politique. »
Que ce soit volontairement ou involontairement, l’ordre des chevaliers dragon à un poids politique et une influence qui ne peuvent le laisser neutre dans la balance du pouvoir. Par exemple, on comprend dans le tome 4 qu’avant la création de l’ordre, il y a 3000 ans, la ville de Messara n’était qu’une petite ville et son seigneur un petit seigneur. Mais avec le temps, ce dernier est devenu roi, puis empereur, grâce à l’influence de l’ordre et son avantage militaire. Tout a débuté avec une allégeance et des services rendus à une ville, et donc un parti pris politique.

Même sans le vouloir, l’ordre s’attire des admirateurs et des détracteurs, ce qui lui donne inévitablement un poids politique. L’empereur actuel de Messara trahit même l’ordre dans le tome 4, par paranoïa, craignant un coup d’état de leur part. Il les envoie au casse-pipe à la passe de Brisken face à une horde de monstres contaminés par le Veill pour les ridiculiser et les affaiblir. Et le tome 9 poursuit ces histoires de complots entre le pouvoir en place et l’ordre des chevaliers.

Le tome 6 PAR-DELÀ LES MONTAGNES qui se situe aux débuts de l’existence de l’ordre raconte également comment une politique interne a changé et l’ordre a cessé de massacrer les peuples corrompus par le Veill une fois le dragon abattu. Car en effet, les effets du Veill varient, et parfois des victimes qui ont commencé à subir des malformations physiques n’ont cependant pas succombé à une folie meurtrière et sont restés pacifiques. Pour éviter des erreurs de jugement, suite à la trahison du chevalier N’aria qui tente de protéger un peuple pacifique des montagnes, l’ordre établira…la présomption d’innocence. Cet album aborde également en filigrane la tolérance envers des êtres différents (laids, primitifs) mais non-agressifs.
La politique interne de l’ordre est aussi abordée dans le tome 11 TOUTES LES MILLE ET UNE LUNES, lorsque toutes les matriarches se rassemblent en conseil et doivent réélire une ancienne, chef suprême de leur ordre.
Ensuite, il y a le cas de chevaliers dragons qui sont témoins, dans certains royaumes qu’ils viennent libérer du dragon, de coutumes et lois locales écœurantes, comme l’esclavagisme, la vente de mineurs dans des maisons de passe (tome 7 REVOIR LE SOLEIL), etc. Elles sont censées ne pas s’en mêler, mais ce n’est pas toujours facile.

Malgré cette loi de non-ingérence politique, l’ordre soutient assez régulièrement l’empire. C’est le cas dans le tome 13 lorsque l’ordre dirige des troupes impériales contre Salmyre suite à un coup d’état organisé par le chevalier Alène (devenue reine de Salmyre) pour renverser le tyran local allié de l’empire. Une telle action de la part d’un chevalier est considérée comme une haute trahison. C’est un excellent album qui nous montre toute les contradictions de la politique et les tragédies qui en découlent.

De belles villes

Mais parfois les intérêts de l’ordre et de l’empire entrent en conflit, comme dans le tome 15 L’ENNEMI lorsqu’un allié de l’empire commet le crime de capturer et violer un chevalier dragon (Saraï.) Malgré l’interdiction de la nouvelle impératrice, Saraï sera vengée par ses sœurs.
On peut aussi citer le tome 16 LA DEESSE qui nous propose une guerre des sexes, avec de la manipulation politique et religieuse pour améliorer le statut des femmes. Comme dans le tome 15, on voit l’ordre des chevaliers manipuler ou frapper quand nécessaire pour permettre à ses chevaliers d’inspirer la peur ou le respect, afin d’être protégées de certains hommes (ce sont certes des guerrières habiles, les seules à avoir une vraie chance contre les dragons, mais elles ne peuvent pas forcément tenir tête à de nombreux hommes.)

Tout devient plus compliqué et la série prend un tournant lors de la guerre des Sardes qui voit se fonder le nouvel empire d’Orient, ainsi qu’un nouvel ordre des chevaliers dragons renégat, l’ordre d’Arsalam, dirigé par le chevalier Amarelle et qui désapprouve les méthodes de l’ordre originel (tomes 17 et 18 LA GUERRE DES SARDES.) Une guerre entre les deux entités politiques s’engage alors (en partie contée dans le tome 25 LA GUERRE DES OMBRES.) A partir de là, la politique devient inévitable pour les ordres ennemis et s’immisce au milieu de la vraie priorité : tuer les dragons. C’est le thème du tome 26 NOUS NE NOUS REVERRONS JAMAIS qui nous conte l’alliance difficile de deux ennemies contre un dragon.
Du point de vue purement esthétique, on est dans un univers avec des engins volants comme des bateaux dirigeables, des villes bâties dans des endroits singuliers (forêts, lacs) et une multitude de créatures variées (dont l’existence est liée au Veill : lorsque le dragon meurt, les effets de Veill ne sont pas réversibles pour autant. Les créatures transformées restent ainsi, ce qui donne lieu à des croisements entre des créatures corrompues et des espèces animales classiques.)
Les dragons ont également des apparences diverses et variées, allant du classique dragon rouge ailé au gros lézard rampant plein de pointes plus proche du dinosaure.


J’ai volontairement fait l’impasse sur la description des dessins. C’est là que les images dans l’article ont leur rôle pour vous donner une idée sans que je me penche des heures sur les multiples styles. Sachez juste qu’il y en a des fort plaisants, d’autres plus oubliables. J’aime beaucoup le dessin d’Alberto Varanda, Vax, Brice Cossu et aussi celui de Thierry Démarez qui n’a officié que sur le tome 7. A l’inverse, le dessin de Patrick Boutin-Gagné ou d’Edouard Guiton, même s’il est maitrisé, a une connotation plus enfantine qui ne colle pas très bien avec le ton de la série selon moi.
Je trouve souvent les critiques négatives sur cette BD à côté de la plaque. La série est à appréhender dans sa globalité (ou du moins sur un échantillon de plusieurs tomes, une dizaine par exemple.) Forcément si vous lisez un seul tome centré sur une chasse au dragon, vous pouvez trouver ça creux. Et si vous tombez sur un tome bavard qui parle politique sans avoir lu aucun autre tome centré sur des guerrières et ce qu’elles doivent affronter régulièrement, vous risquez de rester perplexe. Donc même si les tomes sont indépendants, il faut en lire un certain nombre pour appréhender le monde imaginé par les auteurs. Heureusement il y a l’édition « intégrale » contenant 4 tomes chacun pour vous faire une idée à moitié prix.

De manière générale, les scénarios parviennent toujours à se renouveler et les dialogues bénéficient d’un grand soin, rendant les enjeux toujours captivants. Les questions politiques ou éthiques ne sont jamais abordées à la légère, et on se surprend à comprendre l’intérêt de certaines manipulations, faute de pouvoir réellement les approuver moralement. On se laisse emporter dans un univers complexe qui ne se résume pas aux destinés de quelques héros principaux mais à moult personnages ambigus devant faire des choix cornéliens et en payer le prix (les chevaliers mais aussi les rois, les conseillers, les espions, etc) La série est plus focalisée sur la nature humaine. Les dragons sont en quelque sorte un prétexte, une force de la nature redoutable qui ne peut coexister avec les humains, et qui les met face à des choix pour leur monde. Pour ma part j’ai dévoré les 26 albums en 2 semaines. Certains albums sont des modèles de rythme et d’enjeux, parfaitement mis en scène et conclus en cinquante pages sans que ça paraisse trop long ou trop court, et on a même le temps d’apprécier des personnages qui ne font que passer.
La série aurait sans doute été meilleure avec une plus grande homogénéité graphique, mais le rythme de parution n’aurait pas été le même. Et nous sommes dans le cas d’une série qui tire sa force de sa quantité d’histoires et de portraits de personnages. Et cette affirmation vient de quelqu’un qui préfère les séries courtes. Mais là on est dans un cas où les ambitions des auteurs ne permettaient pas un développement dans une série courte. C’est long, mais c’est fait de la meilleure façon possible (selon moi) : des histoires qui se complémentent les unes les autres davantage qu’elles se suivent. Ce qui fait que lorsque vous estimez avoir votre un bon aperçu de l’univers, il vous est possible de vous arrêter sans être pris en otage par une interminable intrigue unique. La seule histoire incontournable si vous poursuivez la série au-delà du tome 16, c’est le dyptique des tomes 17 et 18 avec la fondation de l’empire d’Orient et de l’ordre des chevaliers dragons dissident. Pas mal de tomes ensuite font des références à ce bouleversement majeur.
Ce n’est pas si souvent qu’une BD d’heroic fantasy propose un univers inédit (comprendre : non-basé sur des romans d’autres auteurs) aussi réfléchi et éloigné des schémas narratifs classiques à la Tolkien. Ce que propose Ange avec cette série est très intéressant, faute d’être parfait.

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La BO du jour




27 comments

  • Matt  

    Infos bonus pour qui veut :

    La chronologie officielle des tomes :

    La première époque : 14, 6, 4, 9, 1, 3, 5, 2, 19, 12, 13, 8, 7, 22, 16

    La seconde époque (des siècles plus tard) : 10, 11, 23, 15, 17, 18, 20, 25, 24, 28, 26, 27

    Globalement durant la seconde époque, la politique devient prédominante, et les dirigeantes de l’ordre des dragons sont clairement de plus grosses ordures. Les histoires sont souvent plus cruelles.

    Pour ma part, j’ai lu depuis les tomes 27 à 30. Le 27 est très intéressant. Il pourrait même sonner comme une fin (c’est d’ailleurs le dernier chronologiquement pour l’instant) En gros une érudite trouve un moyen de prédire l’apparition des dragons. Mais au final, pour préserver leur pouvoir et leur statut indispensable, l’ordre décide de faire disparaitre ses travaux et de la faire tuer. ça montre à quel point le problème principal n’est plus les dragons mais la politique humaine.
    Le tome 30 qui se penche sur la jeunesse de l’ancienne matriarche est très chouette aussi.
    J’ai moins aimé le 28, assez anecdotique.
    Le 29 est pas mal, mais on se met à détester tous les persos tellement l’ordre des dragons est dirigé par des garces impitoyables.

    Les tomes que vous pouvez lire dans n’importe quel ordre (à condition d’avoir au moins lu le 1, le 3 et les 17-18 qui sont assez indispensables) :

    Le tome 2
    Les tomes 4 à 8
    Le tome 10
    Les tomes 13 à 16
    Les tomes 21 à 24

    Et ensuite les tomes un moins indépendants

    Le tome 9 (il faut avoir lu le tome 4)
    Le tome 12 (il faut avoir lu le tome 1)
    Le tome 11 (il ne faut pas commencer par celui-là . Il faut être un peu familier avec l’univers)
    Le tome 19 (histoire indépendante mais on retrouve 2 héroïnes du tome 2.)
    Le tome 20, 25, 26, 29 (comme précisé, au delà du tome 16, il vaut mieux avoir lu les 17 et 18)

    • Présence  

      Merci pour ce guide de lecture.

  • Manu  

    Merci beaucoup Matt. J’entendais souvent parler du nom de la série sans savoir exactement de quoi il s’agissait. Grâce à toi, je me coucherai moins ignorant ce soir hahaha.
    Le sujet est intéressant, et je pense que l’on doit se plonger facilement dans l’intrigue, pour peu que l’on aime lire des histoires de personnages avec des backgrounds assez fournis. J’ai même envie de dire que ça me fait penser un peu un mélange entre Les chroniques de la Lune noire, Game of throne, et le jeu vidéo Skyrim. En tout cas je le note dans un coin de ma tête.

  • Matt  

    Punaise au fait…rien à voir mais le blog vient d’avoir eu chaud aux fesses non ?
    Vous avez vu ça ?
    https://www.journaldunet.com/web-tech/cloud/1498567-incendie-chez-ovh-l-offre-de-cloud-prive-touche-en-plein-coeur/

    On est chez OVH non ? Eh ben…on ne fait pas partie des 3,6 millions de sites complètement perdus, on peut remercier les dieux que vous voulez.^^
    Ils avaient des sauvegardes dans le même bâtiment les cons. J’arrive même pas à concevoir comment une entreprise de cette taille (niveau client) peut proposer des trucs pas sécurisés comme ça…

    • Jyrille  

      Tu peux le dire on a eu chaud !

    • Présence  

      Un article passionnant pour quelqu’un comme moi qui n’est pas du métier. J’aurais supposé qu’il existait des normes ou des recommandations techniques imposant que la 2ème sauvegarde ne se trouve pas dans le même bâtiment que la 1ère.

      • Jyrille  

        Ah mais elles existent Présence… c’est ahurissant que ce ne fut pas le cas !

        • Matt  

          Ouais moi au boulot on a 3 sauvegardes, dont une dans un autre bâtiment
          Et pareil sur un autre site géographique.
          Et on gère pas des millions de clients. On gère juste nos trucs internes. Mais si on veut pas pleurer en cas de panne, c’est la procédure normale.

  • Eddy Vanleffe  

    Il est des cycles franco belges très intimidants en effet.
    beaucoup de tomes, des histoires qui ne semblent pas ête publiées selon un sens chronologique transparent…ça me rappelle un peu LES ELFES qui suivent plusieurs peuples elfes alternativement donc si vous voulez lire l’histoire d’une tribu particulière vous devez lire les -1-6-11-16 etc ou 2-7-12-17 etc…

    Merci de jeter une lumière là dessus…les architectures semblent très travaillées… ça change un peu des comics aux ambitions graphiques proches de zéro…,
    On sent cette culture med-fan qui puise aux source des grands livres du genre avec toujours ce fantasme du jeu de rôle entre genre codifié et idées originales.

    • Matt  

      Alors autant ça peut paraître intimidant (j’ai hésité à me lancer dedans aussi, avec trucs pas chronologiques et tout), autant au final…si tu lis dans l’ordre, c’est comme Conan quoi. Tu peux t’amuser à relire dans l’ordre chronologique, mais ça reste compréhensible en lisant juste…normalement.
      Et tu peux t’arrêter n’importe quand parce que c’est relativement indépendant. Sauf pour quelques histoires que j’ai mentionnées plus haut.

  • Bob Marone  

    J’ai lu le tome 1 en son temps, il y a presque un quart de siècle (glups !!). Je me souviens que j’avais bien aimé, mais je pensais à l’époque qu’il ne s’agissait que d’un one shot, le premier tome ayant longtemps été le seul. Une gestounette en 50 pages quoi… J’étais loin de soupçonner l’ampleur que l’histoire a prise depuis. Cette construction politique à l’air intéressante. Je vais relire le T1, tiens.

    • Matt  

      Oui, il y a eu une pause après le tome 1.
      Et puis c’est reparti de plus belle avec d’autres dessinateurs.
      Je crois qu’aux USA c’est publié par…Marvel^^ sous le nom de Tales of the Dragon Guard

      Le dessinateur du tome 1 n’est jamais revenu sur la série cela dit.
      Mais oui c’est devenu assez chiadé et intéressant.

  • Tornado  

    Forcément intéressant. Le background a l’air effectivement solide et pertinent. J’aime bien la manière dont tu as présenté l’ensemble de la série, par thèmes.
    L’image de la vielle construite au milieu des chutes d’eau est saisissante. Ça ne gâche rien.

    Maintenant… 30 tomes… je ne suis pas certains d’en avoir le courage. Quoique. Le week-end dernier je me suis enfin décidé à me réinscrire dans une médiathèque (il faut dire que la médiathèque toute neuve qu’ils ont construit par chez nous était la bonne occasion pour ça). Alors, sait-on jamais…

    • Matt  

      Bah surtout que 30 tomes ça fait peur niveau prix…mais niveau quantité de pages, c’est plus court que le run de Miller sur DD^^ Ou celui de Bendis, ou Brubaker^^

      Pour ma part, je n’ai pas pris les intégrales. Enfin…j’ai les 9 premiers tomes dans les éditions « preuve par 3 » de Soleil. C’est à dire 3 tomes contenant chacun 3 albums, mais en grand format.
      Pour la suite j’ai tout pris à l’unité.
      Et du coup au final je n’ai pas gardé les tomes les moins bons.
      Je dirais, sans qu’ils soient nuls, que le 10 est anecdotique et je n’ai pas aimé le dessin, donc pas gardé.
      Le 14, intitulé « la première » est censé nous raconter l’histoire de la première vierge qui a tué un dragon. Mais…bon bah…c’est une nana qui tue un dragon. Rien de foufou pour le « premier » tome chronologiquement. On n’apprend rien. Et la tribu ancienne dont fait partie la fille cause un peu en mode « Moi Tarzan toi Jane » et c’était un peu relou^^

      Sinon j’ai aussi viré le 24 « les nuits d’Axinandrie » qui…se lit bien mais raconte juste l’histoire d’un mec qui venge une amie chevalier dragon devenue mercenaire.
      Et le 28 est anecdotique aussi.
      Le 21 raconte le destin d’une arme, qui passe de mains en mains. Sympa mais dispensable aussi.

      Pour le reste, c’est globalement d’un très bon niveau. Et se procurer les tomes « intégrale » peut être un bon choix, même si forcément le tome contenant les albums 21 à 24 sera à mon sens moins palpitant vu que je trouve les tomes 21 et 24 plus moyens. Mais bon au final ça reste le même prix que si on prenait le 22 (très très bien !) et le 23 (bien aussi !) seuls.

  • Présence  

    Je ne sais pas comment j’ai pu faire pour passer complètement à côté d’une telle série qui compte déjà 29 tomes (avec en plus des femmes nues 😀 ).

    Soit un rythme de parution assez élevé pour une BD franco-belge. – Deux tomes par an depuis 2009, très impressionnant quand on pense à ce que ça suppose en termes de logistique.

    Des vierges à poil qui tapent des dragons : c’est pas si mal que ça comme idée de base 😀

    C’est comme ça, ça fait partie de l’imagerie classique de l’heroic-fantasy, les hommes musculeux et les femmes plantureuses. – Oui, c’est une attente implicite, une convention du genre

    Claymore : une référence que je possède ! Effectivement, on souffre pour les pauvres héroïnes.

    Devoir, sacrifice, sexualité, instinct maternel, politique : ces quatre parties de ton article dépeignent une série habitée par une belle ambition.

    J’ai volontairement fait l’impasse sur la description des dessins. – Je note quand même le passage de Thierry Démarez qui m’impressionne beaucoup sur la série Alix Senator, et de Philippe Briones pour 2 tomes.

    Merci beaucoup pour cette découverte.

  • Surfer  

    Je ne connaissais pas.
    Bon, le gros avantage de cette série c’est que l’on a pas besoin de tout lire.

    Si j’ai bien compris le tome 1 se suffit à lui même. Autant commencer par celui là. On avisera pour plus si affinités 😉.

    La fantasy en BD j’aime beaucoup et si il y a des femmes dénudées encore plus.
    Par exemple J’avais beaucoup apprécié RECONQUÊTES une série en 4 tomes où les femmes étaient particulièrement bien dessinées 😉

  • Jyrille  

    Je suis bien content de voir cette série arriver sur le blog ! Merci Mattie, tu as parfaitement résumé le truc ta conclusion est parfaite) même si je ne connais que le premier tome : ça se sent tout de suite que c’est différent, étrange, et que cette histoire de vierges ne peut qu’être prétexte à pas mal de soucis. Ton article ne me donne pas forcément envie de prendre la suite (là je me dis par exemple que je me ferai bien la collec des Soda, je n’ai que trois tomes. Mais bon, je n’ai vraiment plus de place, ça devient un vrai problème).

    Je l’avais prise car j’étais tombé amoureux du trait de Varanda avec les jeux de rôles et aussi avec Ange dans le magazine Gotham! sur leur série Bloodline : https://www.bedetheque.com/serie-25-BD-Bloodline.html

    Malheureusement Varanda étant un personnage complexe, la série n’a pu aboutir correctement et je crois bien n’avoir rien compris.

    J’ai reconnu la ville du haut sur les scans de ville, c’est celle du premier tome, complètement improbable mais c’est beau à voir. Un truc m’a gêné dans ton article : je ne suis pas du tout pour l’écriture inclusive, mais utiliser le mot chevalier au masculin alors que ce ne sont que des femmes, ça m’a un peu perturbé à la lecture. Je n’ai pas de solution, puisqu’une chevalière est avant tout dans l’esprit commun une grosse bague…

    La BO : j’aime bien, ça illustre parfaitement le propos.

    • Matt  

      Je me demande si la pause qu’il y a eu entre le tome 1 et 2 de cette série n’avait pas un rapport avec un souci avec Varanda. J’ai pas creusé…
      Mais la série a mis un moment avant de repartir. Mais franchement c’est de la bonne fantasy ambitieuse avec un vrai univers, et pas nunuche du tout.

      Pour chevalier…béh…ouais, ça existe au féminin ? Comme tu dis chevalière, c’est pas la même chose. Pis c’est écrit comme ça dans la BD hein ! Et y’a une madame au scénar alors ne partons pas dans les machins féministes hein ^^

      La BO : two steps from hell, ils font plein de musiques épiques du genre. Je ne suis pas certain que beaucoup ici seraient fans. Mais de temps en temps j’adore. ça booste, ça fout la patate, ça fait pousser les poils…euh…enfin bref^^

      https://www.youtube.com/watch?v=8xXzdP_9w3E

      https://www.youtube.com/watch?v=z28lwyQjuTY

      https://www.youtube.com/watch?v=hKRUPYrAQoE

      ça stimule mon imaginaire heroic fantasy, je pourrais m’imaginer une histoire avec différents thèmes à la suite. J’ai hésité à faire un article dessus mais ça fait vraiment truc de geek fan de jeux de rôle.^^

  • Jyrille  

    Ah et bien vu pour Game of Thrones et question : tu as lu TOP 10 de Alan Moore ? Il y a un arc avec un dragon dont je suis particulièrement fan.

    • Matt  

      Non, toujours pas lu TOP 10

  • Bruce lit  

    L’article a été lu, partagé et apprécié par des auteurs, Matt, dont Laurent Sieurac. Well done.

  • JP Nguyen  

    Merci pour le topo, Monsieur Matt ! Une série assez connue avec une belle longévité.
    Déjà, je ne savais pas que Ange était le pseudo du duo d’auteurs.
    Claymore : j’ai vu quelques épisodes, il y a quelques années. De mémoire, c’était assez sombre.
    Entre cette référence, celle à GAME OF THRONES et donc, le côté « gros coups de putes politiques » que tu laisses entendre dans ton article, je ne suis pas trop sûr d’aller chercher cette lecture. En fait, quand je lis de l’Heroic Fantasy, je n’ai pas envie de retrouver les magouilles des primaires du PS ou de l’UMP… Mais c’est juste une histoire de goût.

    Sinon, comme le dit Eddy, la structure de numéros avec un monde et des tas d’allers-retours dans le temps, ça rappelle aussi un peu ELFES, toujours chez Soleil, série que ma femme collectionne. Du coup, je les lui emprunte et c’est pas mal, même si un peu inégal. Il y a un bon équilibre entre « hommages aux classiques » et intrigues originales.

    • Matt  

      C’est vachement plus divertissant que les primaires de l’UMP ^^
      On dit souvent que la SF permet de réfléchir à nos sociétés.
      Bah ici c’est dans la fantasy.
      Ce n’est pas de la politique hyper complexe, mais ça montre bien qu’il est dans la nature humain de tout rendre politique. L’ordre des dragons qui dit ne pas se mêler de politique ou avoir une position politique malgré lui durant la première époque…mais qui plonge complètement dans les magouilles dans la seconde période…jusqu’à compromettre l’avenir des gens et refuser une solution différente à la traque des dragons…c’est juste super bien vu. ça colle bien avec le sujet.
      Perso je me fiche à ce stade de savoir si les dragons apparaissent à cause de ceci ou cela, si ce sont des dieux machins ou quoi…la série se penche sur la nature humaine depuis le début, et peu importe la raison de la présence des dragons, c’est ce qui gravite autour qui est passionnant.

      Sérieux vous me sortez tous des arguments pour ne pas essayer, c’est décourageant^^
      Je vous sors une série des plus chiadées du paysage franco belge que vous trouvez souvent trop pas intéressant…et rien, pas d’enthousiasme. Tss…bande de gueux !^^

      (moi rigoler hein…)

      • Tornado  

        Ah non moi ton article m’a donné envie de lire la série. C’est pour le moment le nombre de tomes qui me retient. Mais comme évoqué plus haut je jetterai une oeil en médiathèque. Alors…

        • Matt  

          Ouais je te visais pas^^
          Mais tu sais…t’es pas obligé de lire les 30. Surtout qu’elle n’est pas finie la série. Et c’est comme Conan, tu peux en écrire à l’infini des histoire dans cet univers . Encore plus que Conan en fait vu qu’on ne suit pas un seul perso mais plein, différents à chaque fois.
          Je n’aurai jamais tenté la lecture si c’était toujours à suivre.
          Tu te fais peinard les 2 ou 3 premiers tomes intégrales et tu vois si tu veux continuer. Je trouve qu’il faut au moins lire jusqu’au 13 avec Salmyre, un super tome.
          Après les tomes 17 et 18 relancent un peu toute la série pour se pencher davantage sur la seconde époque avec la guerre des sardes qui redistribue les cartes.
          Il n’y a que le 19 et le 22 qui se passent encore à la première époque une fois passé le cap des tomes 17 et 18.

    • Bruce lit  

      @JP : L’ump a été dissous depuis 2015…

      • JP Nguyen  

        UMP, ça va plus vite que de dire LR + LREM…

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