Du ROM, des femmes…(Rom, le Jouet)

Collector : Rom, le jouet

Par Macflan

1ère publication le 25/12/19 – MAJ le 24/12/20

Animée par le romancier et l’un des plus grands collectionneurs de jouets vintages en France Macflan, la rubrique COLLECTOR vous propose de revisiter chez Bruce Lit l’histoire du jouet geek dans la culture populaire. Retrouvez-le sur sa page Facebook et/ou celle consacrée à sa collection impressionnante de jouets : MacflanMuseum.

Il nous cause aujourd’hui du plus célèbre héros Marvel jamais réédité : ROM. Pour ceux qui veulent se replonger dans les comics du Galadorien, l’article est ICI.
Olivier, va bien entendu nous parler de la figurine aujourd’hui collector qu’il possède bien évidement.rom_2

Il a une tronche de grille-pain, des bras de top-model anorexique, et des pieds de canard. Bref, c’est pas le plus beau des robots – d’ailleurs, c’est un cyborg. Nuance. Peu de gens, même parmi les toy hunters les plus acharnés, connaissent ROM, la poupée-mannequin électronique distribuée en France (surement au compte-gouttes) par Meccano en 1979. Et parmi ceux-là, les fans ne sont pas légion. Sans doute faut-il, pour commencer, avoir biberonné à Strange, où le chevalier de l’espace affrontait les spectres noirs. Peut-être aussi faut-il être capable de percevoir, par-delà les apparences, sa beauté intérieure – et je ne parle pas seulement des entrailles électroniques de ce jouet bardé de LED et autres transistors, révolutionnaires pour l’époque. Je veux parler de son destin de jouet maudit, passé inaperçu en pleine folie Star Wars et Goldorak.

Un peu d’histoire

Une fois n’est pas coutume, ROM n’est pas le produit dérivé de la BD: il la précède. Celle-ci fut commandée à Marvel Comics pour promouvoir le jouet. Créé par Scott Dankman, Richard C. Levy et Bryan L. McCoy, ROM est produit par Parker Brothers, firme plutôt connue pour ses jeux de société tels la Bonne paye ou Cluedo. Au départ, le cyborg devait s’appeler COBOL, comme le langage informatique, mais des cadres de Parker le rebaptiseront finalement ROM, pour « Read Only Memory », la mémoire morte des ordis. On reste dans l’ambiance computer.

Chez Parker, on est confiant: avec ROM, c’est sûr, la firme va traumatiser le petit monde de l’action figure.
Sauf que non, en fait.

En décembre 1979, peu après sa sortie, notre héros a l’honneur douteux de se retrouver dans un coin de la couverture de Time Magazine, et au centre d’un article intitulé « Those Beeping, Thinking Toys » (Ces jouets qui bipent et qui pensent), qui critique son manque de points d’articulation, et lui prédit un avenir funeste, « sous le canap’, avec les moutons de poussière. » Gloups.

De fait, ROM ne trouvera pas son public, et ce malgré la BD commandée à Marvel. Celle-ci, publiée jusqu’en 1986, enterrera le toy, dont il ne se vendra que 200 à 300 000 unités aux US. Un bide. McCoy, l’un des créateurs du jouet, en impute la responsabilité à un plan marketing pas à la hauteur, Parker Bros étant novice en matière d’action figures, ainsi qu’à un boîtage au « graphisme affreux ». Concernant la boîte US, il n’a pas tort. Mais vous voulez ma théorie perso sur l’échec de ROM? Le « chevalier de l’espace électronique » était en avance sur son temps.

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Son & lumière

S’il est indiscutable que la figurine aurait pu être mieux proportionnée et davantage articulée, elle pouvait se targuer de fonctionnalités tout simplement jamais vues pour l’époque. MB Electronics occupait déjà le créneau du jouet électronique, avec Starbird et Bigtrak, mais ROM est, à ma connaissance, la première action figure électronique jamais sortie. Et je ne parle pas seulement des deux LED rouges figurant ses yeux.

En plus du bouton Marche/Arrêt, ROM, qui puise son énergie dans une pile 9 volts logée dans le compartiment réacteur, possède deux boutons de commandes qui permettent d’activer un tas de fonctions bien fun:
le « respirateur électronique » de ROM, un bruitage qui évoque la respiration asthmatique de Dark Vador, les réacteurs, qui permettent à ROM de gambader dans l’espace, bondissant de planète en planète, et produisent bruit de décollage et lumières clignotantes quand ils sont en marche.

Mais le clou du spectacle, c’est cette espèce de lampe-torche qui se branche au compartiment réacteur au moyen d’un jack, et dont l’embout lumineux peut s’adapter à 3 accessoires, correspondant à 3 nouvelles fonctions:
-Le « traducteur universel », qui permet à ROM de communiquer avec n’importe quel être intelligent de la galaxie.
-L’analyseur d’énergie: avec cet accessoire, qui produit lui aussi sa propre combinaison son/lumière grâce à un programme spécifique, ROM détecte ses ennemis et ses amis: un son, l’être rencontré est un ami; deux, c’est un ennemi. Et si c’est un ennemi, gare, parce que ROM a aussi à sa disposition un….. sèche-cheveux neutraliseur!

On rigole, on rigole, mais, franchement, un tel luxe de fonctions programmables, pour l’époque, c’est du jamais vu. Voici d’ailleurs un petit film promotionnel utilisé pendant la Toy Fair de 1979 – à noter que dans cette vidéo, ROM, sans doute encore à l’état de prototype, a les yeux verts! Ils seront finalement remplacés par des LED rouges, moins couteuses à produire.

ROM, un jouet pour les enfants?

ROM a été distribué non seulement aux États-Unis, mais aussi au Royaume-Uni via Palitoy, qui l’a intégré à sa ligne de mannequins 12″ Action Man (les GI Joe British), et en France via Meccano, importateur des jouets Star Wars et l’Homme qui valait 3 milliards, qui pour l’occasion inaugura un label « Meccatronic » qu’on ne trouve sur aucun autre jouet, à ma connaissance, à part sur VINC.E.N.T., le robot du Trou noir, qui apparaît sur le catalogue Mecano de 1979 mais n’est jamais sorti.

Si je ne peux que donner raison à McCoy concernant la boîte US, qui fait mal aux yeux, avec ce graphisme géométrique très 70’s, j’ai un gros faible pour la boîte française, nettement plus sobre avec ce fond en dégradé de bleu sur lequel se détache bien le « ROM » – à noter que cette boîte fr est la même que la boîte UK, sauf que le logo Action Man se voit remplacé par le logo Meccatronic, et que le logo ROM est décliné en blanc, et non plus en rouge.
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Mais ce que j’aime vraiment, avec ce packaging, c’est qu’il est aussi bizarre que le jouet lui-même! Il est à rapprocher de celui du Bigfoot de Kenner (lui aussi distribué en France par Meccano), dont je parlais récemment ici: une boîte tellement XXL que le rabat est conçu pour être replié et venir ainsi couvrir la fenêtre derrière laquelle apparaît la figurine. La grosse différence, c’est que point d’illustration à se mettre sous la dent. À la place, on a droite à une photo du jouet et à des tartines sur les super-pouvoirs de la figurine. Un comble pour un jouet à l’effigie d’un personnage de bande dessinée! Mais n’oublions pas que le toy précède le comic. De plus, la firme a sans doute à cœur de mettre en avant les fonctionnalités innovantes du jouet. Sauf que l’approche n’est pas sexy. Toute cette littérature peut décourager, voire intimider le mouflet.

D’ailleurs, ce jouet s’adresse-t-il vraiment aux enfants? « Electronic product – Do not drop », prévient un sticker sur le compartiment réacteur. Entre les mains d’un gosse, l’espérance de vie du preux chevalier devait avoisiner les 3 jours.. Pour en revenir à la boîte, au lieu d’exciter leur imaginaire par le biais de dessins percutants, elle explique le jouet, et à quel point il est révolutionnaire. Et Parker a beau avoir raison, le pari se révèlera perdant.

De quoi faire de ROM l’un des jouets les plus bizarres des annales du toy, et les plus attachants. Un jouet maudit devenu culte, avec les années. Une pièce de musée, emblème du kitsch d’une époque. Pour dire, il fait partie de mon all time top 5. Stay tuned, les amis. Et surtout, faites comme ROM, lisez Strange.**rom_4

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On connait ROM le comics mais le jouet désormais collector ?

18 comments

  • David  

    Merci pour ce cadeau de Noël. Rom était mon héros préféré. Si j’ai dévoré la BD, je n’ai jamais croisé le jouet à l’époque.

  • Surfer  

    Oui, effectivement, la série n’a jamais été rééditée.
    Vu le traitement de l’époque par les éditions Lug ( censures, retouches…) c’est vraiment dommage.
    Et malheureusement, en France, on ne connaîtra jamais la fin de la saga.
    C’était plutôt une bonne série pour l’époque surtout au début. Les épisodes lorgnaient avec le genre « Science fiction, Space opéra ».
    C’était plutôt cool car cela changeait du genre « Super héros »
    Le jouet, il me semble l’avoir eu entre les mains à un moment dans mon enfance…

  • Présence  

    Un article qui constitue un superbe cadeau de Noël : je n’ai jamais croisé ce jouet étant enfant, même pas dans les catalogues de l’époque et pourtant j’ai eu Oscar de l’Homme qui valait 3 milliards, distribué donc par Meccano. Par contre, qu’est-ce que j’en ai entendu parler depuis : il est devenu une référence.

    C’est vraiment un article parfait : description détaillée du jouet qui donne l’impression d’avoir ouvert la boîte pour jouer avec, description de son origine jusqu’au nom de ses concepteurs, contexte du marché permettant de mesurer l’originalité de ROM par rapport aux autres jouets, jusqu’à l’analyse du packaging !!!

  • Tornado  

    Et bien voilà, je sais tout sur ce jouet culte.
    Je n’ai appris l’existence de ce jouet et son culte que récemment. Ou alors je ne m’en souviens plus car je lisais religieusement la série dans Strange quand j’étais gamin. Et j’avais été très, très frustré de son abandon. J’avais arrêté Strange peu après, en refusant de lire une seule page de la Divivsion Alpha pour le coup. J’ai tenu jusqu’à la saga du Super Bouffon par intérêt pour la série Amazing Spiderman, mais pour moi Strange avait trahi ma confiance en arrêtant Rom, puis Iron man, puis Daredevil… C’en était trop !

    J’adore le scan où l’on aperçoit un petit coin de la collection d’Olivier. Ça fait rêver la part d’enfant qui se cache encore au fond de moi ! 🙂

    La BO : Non mais avez quoi, tous, avec ce groupe en ce moment ? C’est quoi cette hype ? Vous voulez que je vous sorte un vieux Jean-Michel Jarre ou un Clederman ???

  • Kaori  

    Merci pour cet article très intéressant.
    J’ai enfin appris la différence entre Action Man et G.I Joe !

    ROM faisait partie des mes lectures quand j’étais ado, même si je ne me souviens pas de tout. Comme nos Strange étaient déjà des numéros récupérés sur les marchés, on n’avait pas tous les numéros. Ce qui fait que je n’ai pas vraiment tout compris entre le début et la « fin ».

    Concernant le jouet, la pub est quand même assez flippante pour des gosses ! Elle rappelle le clip Thriller ! D’ailleurs j’adore l’accent de la personne qui décrit le jouet, avec ses « r » roulés. On dirait presque un accent écossais.

    J’ignorais que le jouet avait précédé le comics. Ou alors je ne m’en rappelais plus. On en avait peut-être déjà parlé. C’est un procédé « quitte-ou-double » et assez casse-gueule.
    Peut-être que s’il avait été commercialisé après le comics, cela aurait mieux marché… ?
    ROM était partie pour être une bonne série, dommage…

    La B.O. : hum, je passe !!

  • Olivier Bonnard  

    Merci pour vos coms, les amis! Joyeux Noël à vous, avec plein de beaux joujoux sous le sapin 🙂

  • JP Nguyen  

    Bel effort pour les photos, pour mettre en valeur un jouet pas forcément gâté par ses concepteurs !
    Joyeux Noël !

  • Patrick 6  

    Excellent article qui fait office de cadeau de noël ! Ah ROM ! Alors comme les commentateurs précédent j’adorais le comics ! Je n’ai jamais compris l’arrêt de la série par Lug ! Le prétexte étant un « virage vers l’horreur » … Mais pour avoir lu les comics VO par la suite je dirais que l’horreur c’était surtout sa prise en main par Ditko ^^ Autant ce dessinateur collait impeccablement avec le style des années 50/60 autant par la suite il a clairement dénoté ! Ce pauvre ROM sous son crayon est vraiment devenu un grille pain aussi moche que le jouet ^^
    Le jouet parlons en, je pense que même s’il a très mal vieilli (euh les graphistes, les proportions vous ne connaissez pas ?) ce jouet m’aurait probablement fait rêver à l’époque. Seul problème : il était introuvable ! et je suis en plus convaincu que les rares à l’avoir dégoté à l’époque on dû le payer un bras ! Moralité payer une fortune pour un jouet mal articulé et disons le pas très gracieux … Même s’il envoyait des lumières de tous les côtés ce jouet ne pouvait qu’échouer je pense.

    • Olivier Bonnard  

      Oui, c’est clairement au niveau des proportions que le bât blesse.. Et de la couleur: on est plus dans le gris « mobilier de gendarmerie » que dans l’adamantium rutilant de la BD…
      Mais bon, comme je le dis, dans l’article, j’ai un faible pour les losers 🙂 Et puis, ce toy est la seule et unique représentation du perso qu’on ait eue en France, du coup pour moi qui le suivais dans un Strange, c’était un must 😉

  • Bruce lit  

    Je connaissais déjà certaines anecdotes grâce au livre de Sebastien Carletti mais là, c’est carrément une fiche technique. J’apprends que ROM a été distribué en France. Je n’en avais aucune idée. J’aurais sans doute aimer jouer avec ce personnage qui doit être le seul robot / cyborg auquel je me sois attaché. Lug a quand même loupé le coche en n’assurant pas la publicité du truc, c’est dommage. Il ne me reste plus qu’à espérer le voir un jour de visu chez toi Olivier. Ce serait rigolo, un reportage chez toi. Promis, je suis propre et j’ai les ongles courts !
    Starbird me disait quelque chose : et oui, après vérification j’ai possédé cette navette !
    Et joyeux noël à tous ! Vous avez été gâtés ?

    • Patrick 6  

      Waow ! Le Starbird ! Ce jouet me faisait rêver mais hélas le père Noël ne me l’a jamais apporté ! Trop dur la vie !

      • Jyrille  

        Pareil que Patrick ! J’avais oublié son existence jusqu’à maintenant !

    • Tornado  

      Sous le sapin, ce matin, un vrai cadeau de geek :
      3 films :
      – La Gorgone (Hammer Films) en blu-ray, version restaurée HD. Coffret 3 disques + livret illustré.
      – Les Amants du Capricorne en blu-ray, version restaurée HD. Un Hitchcock atypique, que j’adore.
      – Watchmen, édition Ultimate Cut – 4K Ultra HD Blu-Ray, avec la « version longue de la version longue », c’est-à-dire avec le dessin animé TALES OF THE BLACK FRIGHTER inclus dans le montage final.
      Que du bonheur ! 🙂

    • Olivier Bonnard  

      En voilà, une belle idée! To be continued… 😉

  • Jyrille  

    Merci pour l’article, aussi original que son sujet ! Respect pour l’érudition, je n’aurai jamais pensé à regarder cette vidéo si tu ne l’avais pas présentée si clairement. Je n’ai jamais vu ce jouet, mais j’apprends une tonne de choses, notamment son nom originel, qui est un langage que j’ai longtemps utilisé au travail (puisque j’étais développeur, avant…). Il signifie COmmon Business Oriented Language.

    Il a l’air magnifique avec ses lumières et toutes ses fonctionnalités. Ce doit être un peu intimidant d’être en face d’un tel objet, quasi une relique !

    Les deux derniers astérisques renvoyaient-ils à une note ? En tout cas merci de partager ta collection avec nous, c’est réellement fascinant. Je sais que je pourrai facilement craquer pour de tels objets. J’étais au magasin de jeux de société récemment, et j’avais envie d’en acheter plein : leurs boîtes sont trop attirantes !

    La BO : je dois remercier Bruce pour celle-ci, puisque c’est grâce à lui que je me suis mis sérieusement à Kraftwerk. Cet album est magnifique.

    • Olivier Bonnard  

      Merci Jyrille, et bonne année à toi!

      ROM est un grand jouet incompris, mais il a ses adeptes 😉

      — les deux astérisques ne renvoient à aucune note, je termine toujours mes articles ainsi 🙂

      Stay tuned,

      • Jyrille  

        Bonne année Olivier ! Merci pour l’information, je comprends mieux ! 😉

  • Sat phoun  

    Nonnnnn ! Ça fait « une vie !! » … que je cherche cette figurine ! Merci pour l’article et bonnes fêtes de fin d’années ! 🙏🥂

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