Et si c’était vrai? (Lovecraft par Keith Giffen)

Lovecraft par Hans Rodionoff, Keith Giffen et  Enrique Breccia

Ça commence fort…

Ça commence fort…©Vertigo

1ère publication le 14/01/15- Maj le 29/07/18

AUTEUR : ABARIS

Lovecraft est roman graphique publié en VO par Vertigo et en VF par Soleil.

Pour un geek digne de ce nom, l’obligation de parler de H.P. Lovecraft s’impose un jour ou l’autre.

Howard Phillips Lovecraft est un écrivain né en 1890 dans la ville de Providence. Cet écrivain est pour d’innombrables personnes considéré le maître de l’horreur fantastique et d’ailleurs, tout fan de film d’horreur a au moins vu une fois, en le sachant ou pas, un film inspiré directement de ses oeuvres.

Lovecraft est surtout connu pour ses oeuvres autour de Chtulhu et autres divinités aussi anciennes que l’univers. Il règne souvent une ambiance sombre à souhait, une atmosphère plus qu’oppressante, teintée de créatures visqueuses et de folie.

John Carpenter, réalisateur d’oeuvres cultes comme  Halloween, New York 1997 ou L’Antre de la folie,  a écrit la préface de ce comics, et rappelle que l’on utilise l’ adjectif  Lovecraftien  tout comme sadique ou hitchcockien.

La tentacule, la signature de H.P. Lovecraft

Le tentacule, la signature de H.P. Lovecraft

Contrairement à la plupart des bandes dessinées, jeux vidéo, jeux de plateau ou autres estampillés Lovecraft, ce comics ne va pas nous raconter les aventures d’un détective ou d’un journaliste qui doit combattre des sectes mystérieuses ou déjouer un complot ayant pour but d’éveiller une divinité ancienne et destructrice voulant mettre le monde à feu et à sang.  Non,  il s’agit plutôt d’une biographie semi-fictive de l’auteur.

Le récit nous conte donc l’histoire d’un jeune H.P. Lovecraft, qui, par le hasard des événements, entre en possession du “Necronomicon” (et ne me dites pas que vous n’avez jamais entendu ce terme), un livre écrit pas Abdul Al-Hazred dit l’Arabe fou. Un livre empli de mystère, car personne ne connaît le réel contenu de cet ouvrage, tout simplement, car celui qui le lit perd complètement l’esprit. Le Necronomicon a été repris d’interminable fois, c’est d’ailleurs ce même livre qui permet de réveiller les morts dans House of  the Dead.

Le petit garçon, devenu gardien du livre, le garde précieusement et secrètement dans sa chambre, allant parfois même jusqu’à nourrir le Necronomicon. Car oui, c’est bien plus qu’un simple livre, mais bel et bien une entité vivante et surnaturelle.

Quand on a le coup de crayon, pas besoin de paroles...

Quand on a le coup de crayon, pas besoin de paroles…©Vertigo

Le comics tente tout au long de l’histoire de donner des explications surnaturelles à des événements bien réel advenus dans la vie de l’auteur. Par exemple le passage de la mort de son grand-père. L’explication donnée ici est beaucoup moins banale qu’un simple infarctus. C’est l’apparition démoniaque d’un Shoggoth qui en est la cause réelle et c’est le petit Howard, qui  bannit cette horrible créature grâce à la lecture d’un passage du Necronomicon. Le livre maléfique va par la suite inspirer sa vie, ses connaissances, ainsi que l’ensemble de son oeuvre.

On évoque notamment les écrins de l’auteur pour Weird Tales, le célèbre magazine américain d’histoires fantastiques que son éditeur lui demanda de rendre plus accessibles. En effet, l’écriture de Lovecraft n’est pas des plus simple à suivre, et pas seulement parce que datée des année 20 ! Ce qui a fait le succès de l’auteur c’est aussi son immense précision qui a fait vivre le mythe de Cthulhu jusqu’ aujourd’hui.  Le lecteur a l’impression de lire une histoire vraie à tel point que les puristes ont cru à  l’existence du Néocromicon même sans ses vertus ésotériques.

Houdini, le magicien qui ne croit pas en la magie

Houdini, le magicien qui ne croit pas en la magie©Vertigo

On suit donc la vie d’Howard avec grand intérêt dans ce récit qui exploite continuellement toutes les rumeurs sur la véracité des histoires fantastiques écrites par ce dernier. Le lecteur rencontre  la femme de Lovecraft et Houdini avec qui il va co-écrire une histoire qui finira elle aussi dans Weird Tales. Tout au long du récit, le doute plane : HP Lovecraft est t’il complètement fou ? De façon plutôt habile, les auteurs nous tiennent en haleine et laissent le doute planer pour tout révéler vers les dernières pages. L’univers Lovecraftien et plus que respecté et le dessin de Enrique Breccia  y est pour beaucoup.

La clef de ce comics est pour moi l’imagination que peut susciter la lecture du récit au fan le plus assidu de Lovecraft et d’horreurs fantastiques en général. L’envie profonde de croire que cela pourrait être réel. La mention Inspiré d’une histoire vraie  égrène aussi bien le doute que les fantasmes morbides du lecteur. Et je vous assure qu’il n’y a rien de plus terrifiant dans l’univers que d’imaginer l’existence tangible et réelle des créatures de Monsieur H.P. Lovecraft ! C’est donc la vraie force du récit de nous accompagner le long de la vie de l’auteur, avec ses angoisses, ses tristesses, ses difficultés financières et en même temps de  nous proposer une réalité alternative et fantasque à ces événements.

Le comics suinte la folie et la terreur

Le comics suinte la folie et la terreur©Vertigo

Consciemment ou pas on retrouve ici un des codes les plus ancestraux du monde des Super Héros : Nous avons une identité commune, un écrivain pauvre qui avance dans la vie comme il le peut. Et de l’autre coté, l’identité sécrète, un homme qui sait l’horreur cachée au plus profond de l’obscurité et  prêt à garder le secret pour sauver le monde.

Je ne peux m’empêcher de penser que mon plaisir de lecture soit influencé par mon âme de fanatique Lovecraftien. En ayant quelques connaissances de cet univers, on a une idée plus précise de ce que peut vivre l’auteur, et là où certain verraient un lâche fuyant des monstres surnaturels sans le courage de les affronter tel un Val Hellsing en colère,  d’autres se demandent comment ne pas succomber à la folie devant tant d’horreur.

Les puristes de jeux de rôle connaissent cette phrase célèbre du maître du jeu qui annonce à un débutant avant une campagne de L’appel de Cthulu : Si tu arrives à finir le scénario sans que ton personnage meure ou devienne fou, c’est que tu as eu de la chance.

Derrière vous les copains !

Derrière vous les copains !©Vertigo

7 comments

  • Présence  

    Merci beaucoup pour cet article car cela faisait quelques années que je me demande ce que ça peut être. J’étais très intrigué par l’alliance de Keith Giffen et HP Lovecraft. Je ne suis pas très convaincu par la pertinence d’un rapprochement Lovecraft et superhéros (heureusement qu’il n’y a pas de costume moulant).

  • Bruce lit  

    J’aurais bien lu cette histoire chez toi mais ce que notre ami Xabaris ne précise pas c’est qu’il a lu en italien ! Voici donc les méfaits de l’immigration !!! avoir un pote à côté de chez soi avec des Comics illisibles ! Chier !
    Plus sérieusement, je ne sais pas ce qui a foiré dans ma vie pour que je ne lise jamais de Lovecraft. J’ai adoré l’Antre de la Folie, l’Echelle de Jacob au cinéma, mes articles sur Junji Ito témoignent de mon goût pour l’horreur Lovecraftienne. Peut être parce que Ado j’étais passionné par la littérature classique française. Et que les éditions françaises me faisaient peur avec leurs maquettes un peu kitsch, le mot geek n’existaient pas encore. Mon roman fantastique préféré a longtemps été la Peau de Chagrin de Balzac.

    Concernant ton article j’y ai appris beaucoup de choses et suis très friand de ces biographies semi-fictives ( comme celle de Brian Epstein ) que je préfère aux trucs trop académiques ! En tout cas tu as titillé ma curiosité , merci !

  • Manticore  

    Mouais. Les rapports avec la vie de Lovecraft sont quand même extrêmement ténus. On est dans le vieux cliché de l’auteur qui n’a en fait aucune imagination parce que toutes ses histoires lui sont vraiment arrivées, qu’on emploie à peu près chaque fois qu’on fait une histoire sur un auteur. Je retiendrais les superbes dessins d’Enrique Breccia, mais le scénario amalgame tous les clichés classiques sur HPL.

    https://mantichore.wordpress.com/2011/01/29/trafic-didentites/

  • xabaris  

    Merci à tous pour les commentaires !

    Plutôt que le cliché de l’auteur qui n’a pas d’imagination j’ai plutôt vu cela comme « un héros » qui tente de prévenir le monde de manière subtile pour ne pas partager le destin de Cassandre.

    Mais j’avoue avoir gardé une grande âme d’enfant et que je vois peut être des actes héroïques partout 🙂 .

  • Jyrille  

    Je ne connais pas du tout cette bd mais merci pour l’article, c’est très intéressant. Ca me rappelle aussi beaucoup de souvenirs. Bruce, à lire, Lovecraft est souvent pénible car très descriptif. Faudrait que je retente tiens. Le mieux pour commencer est sans doute La couleur tombée du ciel, avec plusieurs histoires courtes.

  • Tornado  

    Purée ! Je ne connaissais pas ce comics et j’ai failli l’acheter compulsivement sur le net ce matin ! Mais il est plutôt cher !!! (épuisé apparemment).
    Fan de Lovecraft, il faudra bien que le lise un jour quand même ! Ce serait chouette que je tombe dessus chez un bouquiniste ou dans un festival !
    Merci Xabaris !

  • JP Nguyen  

    Bon, je dois avouer que j’aime pas les trucs d’horreur. Ca me fout les ch’tons. Quand j’étais djeuns et que je faisais du JdR, j’ai toujours évité l’Appel de Chtullu. J’aime pas trop avoir peur (c’est peut-être la raison cachée de mon admiration pour DD l’homme sans peur…) du coup, Xabaris, malgré ta critique élogieuse, je pense ne jamais tenter cette lecture…

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