Femmes, je vous aime…

Batwoman par J.H. Williams III et collectif

Batman n’a plus qu’à bien se tenir !

Batman n’a plus qu’à bien se tenir !©DC Comics

AUTEUR : TORNADO

VO : DC

VF : Urban

Cet article portera sur a quasi-totalité de la série Batwoman. Depuis la mini-série Batwoman, Elégie Pour une Ombre jusqu’à l’épisode Batwoman #24, qui voit le départ du scénariste et illustrateur J.H. Williams III, l’artiste qui assurait l’âme de la série…

D’ailleurs, cette création ne survivra pas longtemps après le départ de l’auteur, et elle s’achèvera au N°#40.
En VF, tous les épisodes chroniqués ici ont été publiés chez Urban Comics (Panini avait publié le tome 0 avant de perdre les droits). Et là aussi, les deux derniers arcs narratif n’ont même pas été proposés…

Le concept : Rouge, noir et gris…

Le concept : Rouge, noir et gris…©DC Comics

En VF, le premier récit, Batwoman, Elégie Pour une Ombre, parait pour la première fois en 2011. A l’époque, pris d’une boulimie de comics, j’attends fébrilement la sortie de chaque tome de mes trois séries préférées : Scalped, Locke & Keys et Star Wars : Dark Times. Batwoman va immédiatement rejoindre les trois autres séries et constituer le dernier élément de mes quatre gros coups de cœur des années 2010.

Pourtant, au départ, ce n’était pas gagné. Le désagréable effet « tribu » qui opère trop souvent dans le monde des comics avait frappé (lorsque les fans crient tous en même temps au chef d’œuvre à propos d’un comic book, sans même l’avoir lu, juste parce que les critiques US relaient le même son de cloche…). Soit tout ce qu’il faut pour me faire rebrousser chemin d’entrée de jeu. Et puis, encore une « Bat-dinde » ?!!! Mouais… Moi, les « Bat-boys, girls & mites », j’en ai un peu rien à foutre à la base…
Mais purée, il y avait cette incroyable couverture conceptuelle, là, chez mon libraire…
Il est très, très rare que j’achète une BD uniquement pour les jolis dessins. Mais là, en feuilletant ce tome, il s’est vraiment passé quelque chose. Un coup de foudre, une intuition.
Et je repartais avec le bouquin sous le bras, tout troublé que j’étais par cette nouvelle figure issue de Gotham City…

Des couvertures conceptuelles dans la série Detective Comics

Des couvertures conceptuelles dans la série Detective Comics©DC Comics

Avec le recul, il est encore très étonnant qu’une telle série ait pu à ce point marquer les mémoires et trouver son public de manière aussi forte.
Une série entièrement dévolue à des femmes, écrite par des hommes. Une héroïne gay et gothique. Des monstres mythologiques et lovecraftiens venant parasiter la mythologie déjà bien définie de Gotham City…Un univers pictural à la croisée des chemins de Tim Burton, de l’Art Nouveau et de l’avant-garde américaine. Drôle de cocktail.
Mais la chose est à présent évidente : Tout reposait sur les épaules d’un artiste exceptionnel, d’une virtuosité et d’une inventivité inouïe, à la magie visuelle puissante, d’une honnêteté intellectuelle absolue, et accessoirement l’un des meilleurs dessinateurs de comics de son temps (si ce n’est tout simplement le meilleur) : J. H. Williams III.

Nous allons à présent regarder de plus près cette série unique en son genre, tome après tome, afin de mesurer l’importance artistique d’un auteur qui, de Promethea à Batwoman, marque lentement de son aura l’histoire du comic book…

1) Tome 0 – Elégie Pour une Ombre : La Pierre de Ronsard

Le pitch : Une justicière apparentée à Batman lutte contre une organisation criminelle particulièrement sinistre, entre la mafia et la secte ésotérique, menée par une jeune psychopathe se faisant appeler « Alice » et ne parlant qu’en citant les phrases du roman de Lewis Caroll…

Bon, il faut commencer par le dire, hein : Niveau graphique, c’est la claquasse !!!
J.H.Willams III va impressionner durablement nos pauvres rétines avec des planches sublimes, souvent doubles, découpées en tableaux façon Art Nouveau (et ses volutes végétales délicates) ou Art Déco (et ses formes géométriques décoratives), qui confèrent à l’ensemble de l’œuvre une esthétique postmoderne mettant en évidence l’ambiance éternellement rétro de Gotham City. La construction architecturale des planches se substitue alors à celle de la ville, qui n’est plus visible que sous la forme d’ombres et lumières lointaines.
De son côté, Dave Stewart opte pour une colorisation conceptuelle, alternant aquarelle impressionniste et contrastes tricolores qui rappellent parfois le symbolisme primaire et efficace des panneaux de signalisation, avec leurs dominantes blanches, noires et rouges.
Je n’ai pas le souvenir d’avoir contemplé un comicbook aussi plastiquement créatif depuis les jours de gloire de Dave Mc Kean (et un certain album mettant en scène… Batman ! L’asile d’Arkham) et plus récemment avec David Mack (Daredevil : Echo).

Une structure architecturale pour les planches d’un comic-book !

Une structure architecturale pour les planches d’un comic-book !©DC Comics

Du point de vue du scénario, ce n’est pas mal non plus !
Le scénariste et romancier Greg Rucka imagine, pour ce premier arc, une histoire d’une simplicité biblique : Il choisit de la raconter sur le principe du poème élégiaque (avec ses alternances contrastées) ! Assisté de ses collègues plasticiens, il alterne les séquences mettant en scène l’héroïne et son existence dans le privé en contrastant au maximum sa narration, à la façon des vers élégiaques. Puis il donne à son récit un ton mélancolique, dominé par la souffrance amoureuse due à un abandon ou une absence : C’est la source même de l’élégie en poésie.

Ce n’est alors plus un hasard si Kate Kane (Batwoman, dans le civil) évolue de la sorte : Dès lors, ses motivations, son destin et même son orientation sexuelle sont dictés par la perte tragique dont elle est victime dans son enfance : Le meurtre de sa mère et surtout celui de sa sœur jumelle. En effet, cette tragédie l’amènera à construire sa destinée autour de sa soif de justice, et son évolution amoureuse passera à travers la recherche d’une nouvelle fusion féminine, telle qu’elle pouvait la posséder avec sa sœur, et telle qu’elle peut la retrouver, de façon plus ou moins illusoire, dans ses relations homosexuelles.

Alternance contrastée pour un récit élégiaque…

Alternance contrastée pour un récit élégiaque…©DC Comics

Greg Rucka nous rappelle alors qu’en bande dessinée, que nous pouvons appeler ici roman graphique pour en souligner la noblesse et la structure (alors qu’en vérité, il s’agit d’un arc narratif de la très ancienne série Detective Comics -N° #854 à 860), ce n’est pas l’histoire, ni même les personnages qui font la qualité du récit, mais bel et bien la façon de le mettre en scène et en images. Cette histoire simple, voire fluette, axée autour d’un minimum de personnages à la manière d’un drame Shakespearien, prend sa dimension, son épaisseur et son intensité dans cette alchimie entre le Fond et la Forme.

Saluons au passage la justesse et la richesse avec laquelle sont dessinés (au sens propre comme au figuré) les personnages. De cette héroïne moderne à la fois forte et fragile à ce père aimant et déterminé, en passant par cette criminelle psychotique, ambivalente et terrifiante (probablement la figure la plus réussie et inoubliable de l’ensemble), les qualités d’écriture et de mise en scène des auteurs suscitent le respect. Et même si l’on voit bien que cette histoire de gang en forme de secte ésotérique ne les intéresse que très peu par rapport à la parabole sur les aléas du destin (Alice, rendue folle et meurtrière par cette secte l’ayant fanatisée depuis l’enfance, possède dès le départ, par une pure concordance des éléments liés par le destin, les racines de sa future rédemption), on baisse son chapeau…

Ce premier arc narratif ayant cassé la baraque, DC Comics décide alors de donner sa chance au personnage en lui offrant sa propre série. Greg Rucka ne rempile pas au poste de scénariste. Ce sera J.H. Williams III qui s’en chargera, aidé de W. Haden Blackman, scénariste habitué des séries Dark Horse dédiées à… Star Wars !

Beaucoup d’action. Mais c’est beau !

Beaucoup d’action. Mais c’est beau !©DC Comics

2) Batwoman tome 1 – Hydrologie : Femmes, je vous aime

Ce premier tome officiel de la série regroupe les épisodes #1 à 5, datant de 2011 et 2012. Mais il s’agit bien de la suite du recueil Batwoman : Elégie Pour une Ombre, qu’il faut impérativement avoir lu avant. La série est donc désormais écrite par J.H. Williams III et W. Haden Blackman. Les dessins sont de J.H. Williams III pour la quasi-totalité de ce nouvel arc narratif, avec une mise en couleur toujours effectuée par le grand Dave Stewart.

Le pitch : Alors que sa cousine Flammebird rejoint Batwoman dans sa lutte contre le crime, une nouvelle ennemie apparait dans les brumes des quais de Gotham City. Une véritable monstruosité qui assassine les enfants en buvant leur âme… Parallèlement, l’agent Cameron Chase, spécialisée dans la surveillance des justiciers costumés, entreprend de démasquer la « Femme chauve-souris »…

La lecture du Tome 0 avait été une grande claque pour votre serviteur. J’avais trouvé ce nouveau personnage très attachant et j’avais été bouleversé par sa tragédie. La suite ne pouvait qu’être moins bonne, puisque Greg Rucka, scénariste sur les épisodes issus de Detective Comics, laissait l’écriture des nouveaux épisodes à son dessinateur…
Et bien votre serviteur avait tort : Ce nouvel arc narratif est une éclatante réussite.
Tout d’abord au niveau des images : J.H.Williams III réussit à faire encore plus beau et plus impressionnant qu’avec Elégie. Ça a beau être difficile à croire, c’est pourtant vrai ! Ses planches sont exceptionnelles, somptueuses, magnifiquement lugubres, comme un poème d’Halloween.
Le découpage conceptuel, toujours (ou presque) construit sur des double-pages, offre, encore une fois, une composition architecturale (une structure et un habillage) d’une complexité, d’une virtuosité et d’un raffinement proprement ahurissants. Ainsi, dès qu’il s’agit d’épouser l’action, la tension ou l’émotion du récit, les vignettes deviennent « éclairs », volutes de fumée, flammes, chauve-souris, nappes de brouillard, chutes d’eau… Ce ne sont plus de simples planches de bande dessinées, mais de véritables tableaux. La mise en couleur de Dave Stewart est également toujours aussi conceptuelle, jouant sur les contrastes d’une palette minimale, dans laquelle le noir, le rouge et le gris s’opposent au blanc et à toute une déclinaison de tonalités turquoise. Et lorsque l’action laisse la place au quotidien domestique, les couleurs naturelles reprennent leur droit.
Nous sommes ici face à une génération de graphistes affiliés à l’industrie des comics qui parviennent à manipuler l’outil infographique avec une maitrise incroyable, non sans une réelle sensibilité artistique. Du coup, la lecture de ces 5 épisodes m’a pris à peu-près quatre fois plus de temps qu’il aurait fallu pour venir à bout d’une autre bande dessinée…

Le Fond / La Forme !

Le Fond / La Forme !©DC Comics

Et l’histoire, me direz-vous ? Et bien c’est la cerise sur le gâteau : C’est un très bon boulot du point de vue du scénario. Williams III et Blackman approfondissent la mythologie de leur héroïne en jouant aussi bien sur sa composante super-héroïque (et ses rapports avec Batman) que sur sa vie intime. La ghost-story qu’ils développent en toile de fond n’est qu’un prétexte pour développer toutes les facettes de cet univers mais elle est traitée de manière onirique, tandis que le dessinateur et son coloriste parviennent à niveler par le haut son manque de substance grâce à une mise en image d’une densité extraordinaire. Ou la preuve de la supériorité de la FORME sur le FOND, lorsque la manière de raconter une histoire l’emporte sur son contenu. L’occasion de constater que le récit se développe ici davantage par le dessin et la composition des planches que par le texte.
Et même si les aléas de l’intimité de notre héroïne donnent parfois gentiment dans les clichés, l’ensemble tire encore son épingle du jeu et tend incontestablement vers une dimension originale. Car je n’ai pas le souvenir qu’une série 100% féminine ou qu’une super-héroïne gay aient été mises en scène d’une façon aussi juste et nuancée.

Parallèlement, les auteurs réussissent à condenser diverses intrigues secondaires en jouant là encore sur tous les terrains, réalistes ou fantastiques, qui finissent par donner une belle épaisseur à leur série. Et si vous aimez les univers gothiques, Batwoman est la série qu’il vous faut, quelque part entre The Crow et Tim Burton

Femmes, feeeemmes, je dédie ces mots, à toi, rien qu’à toiiiiah…

Femmes, feeeemmes, je dédie ces mots, à toi, rien qu’à toiiiiah…©DC Comics

3) Batwoman tome 2 – En Immersion : Femme des années 90

Le troisième tome regroupe les épisodes #6 à 11, réalisés en 2012, ainsi qu’un épisode « 0 » revenant sur les origines de l’héroïne. Le scénario est toujours écrit par le tandem J. H. Williams III & W. Haden Blackman. Mais Williams III ne réalise que la partie graphique de l’épisode « 0 », tandis qu’Amy Reeder s’occupe de celle des épisodes #6 à 8, et Trevor Mc Carthy de celle des épisodes #9 à 11.

Le pitch : Batwoman travaille à présent, contrainte et forcée, pour une agence nommée D.E.U.S., sous la tutelle de l’agent Cameron Chase. Elle traque un groupuscule nommé Medusa, qui tente de livrer Gotham City à des monstres issus du monde de la magie (un peu à la manière des nouvelles de H.P. Lovecraft).

Si l’épisode « 0 », qui dévoile les origines de l’héroïne en revenant sur son enfance, sa jeunesse et l’entrainement intensif et viscéral imposé par son père, est toujours dans la lignée des précédents, autant dire que les épisodes #6 à 11 se révèlent décevants.

La rupture de ton opérée par le changement d’identité picturale nivelle l’ensemble par le bas. Même si Reeder et Mc Carthy réalisent un travail honorable, ils ne sont clairement pas à la hauteur des magnifiques planches de Williams III. On prend dès lors conscience à quel point le travail de ce dernier est intrinsèquement lié à la réussite de cette série. Batwoman est une série à la forte personnalité picturale. Les planches de l’artiste (brillamment épaulé par la mise en couleur de Dave Stewart) exhalent un parfum de puissante poésie gothique, qui porte le récit en lui insufflant toute sa substance. La priver de cette atmosphère revient ainsi à la priver de sa substance. Car Williams III et Stewart sont parvenus à créer des planches conceptuelles dont les constituants (découpage illustratif et narratif, compositions iconiques, mise en couleur symbolique) « racontent » une histoire au même titre que le la partie écrite du scénario, lui apportant toute une toile de fond qui ajoute de la force et de la profondeur au récit, comme les rimes au service de la prose. Reeder & Mc Carthy ont beau singer le principe, cela ne fonctionne pas. L’âme de la série est perdue.
En ce qui concerne cet arc narratif, on finit par s’ennuyer ferme en tournant les pages d’un récit qui pourrait finalement se résumer à une simple série de combats. En gros, on se croirait revenu dans les années 90, lorsque les comics étaient découpés de manière absconse, autour d’un scénario obscur et prétexte à de l’action iconique…

Ce n’est pas mauvais. Mais ce n’est pas aussi bien !

Ce n’est pas mauvais. Mais ce n’est pas aussi bien !©DC Comics

4) Batwoman tome 3 – L’Elite de ce Monde : La meilleure série sur les femmes faite par des hommes !

Le quatrième tome de la série contient les épisodes #12 à 17, réalisés entre 2012 et 2013.
Le scénario est toujours écrit par le tandem J. H. Williams III & W. Haden Blackman.
Williams III réalise l’essentiel de la partie graphique, hormis 18 pages de l’épisode #15 (dessin de Trevor Mc Carthy). Les couleurs sont toujours effectuées avec maestria par le grand Dave Stewart (mais c’est Guy Major qui s’occupe des dessins de Mc Carthy).

Le pitch : Batwoman travaille toujours, contrainte et forcée, pour l’agence D.E.U.S. sous la tutelle de l’agent Cameron Chase et de son mystérieux chef « Bones ». Elle traque toujours le groupuscule nommé Medusa et enquête sur l’identité de la « Mère », la grande prêtresse de cette organisation démoniaque. Sa quête l’entraine sur les terres magiques de l’Olympe, afin d’obtenir de l’aide auprès de l’amazone Wonder Woman. C’est l’heure pour les monstres issus du monde de la magie et de la mythologie d’envahir Gotham City…

J.H. Williams III reprend les crayons et se montre encore meilleur qu’il ne l’a jamais été (si, si, c’est possible !).
Ses planches possèdent toujours cette puissante poésie gothique et mythologique, qui prend une dimension vertigineuse dans cet arc narratif étant donné qu’il s’agit de faire converger toutes les créatures possibles et imaginables issues des univers concomitants de la mythologie grecque, des romans de H.P. Lovecraft et du bestiaire habituel de DC Comics en général et de Gotham City en particulier.

Le retour de J.H. Williams III !

Le retour de J.H. Williams III !©DC Comics

L’histoire en elle-même est plutôt basique. Certes, elle est emballée avec un maximum d’effets complexes qui donnent l’impression au lecteur qu’il se passe beaucoup de choses. Mais en réalité, il ne se passe pas tant de choses que cela.
Le dénouement est d’ailleurs sans surprise, avec une super-méchante que notre héroïne met à terre grâce à un artifice convenu à l’extrême !
Mais on s’en fiche. Car tout ce qui fait le charme de cette série, c’est justement la manière dont elle nous est contée. Et rarement l’osmose entre le Fond et le Forme aura été poussée à de telles extrémités.
Chaque planche est ainsi le moyen pour Williams III de raconter son histoire autant avec le contenu qu’avec son contenant, puisque la façon dont le découpage est effectué apporte systématiquement un surplus de sens, de poésie et de références au déroulement du récit.
A l’arrivée, Batwoman est une aventure picturale qui entraîne le lecteur dans une expérience narrative incomparable.

Racontée par d’autres artistes moins talentueux, cette grande connexion de monstres et de super-héroïnes en tout genre tomberait rapidement dans le ridicule. Hors, il n’en est rien.
Parallèlement à leur somptueux décorum, les épisodes bénéficient également d’une très belle alchimie entre le réalisme, le fantastique et la naïveté de l’univers concerné.
Pour ce qui est du réalisme, les auteurs n’oublient pas de travailler la caractérisation de leurs personnages et soignent leur aspect relationnel. Et rarement réunion de super-héroïnes et autres femmes fortes n’aura été aussi bien raconté et n’aura sonné aussi juste, puisque leurs sentiments sont vibrants et crédibles. Et ce ne sont que des hommes au masculin qui nous racontent cette histoire !
Pour ce qui est du fantastique, tout a été dit plus haut et force est de constater que tous ces univers distincts se rencontrent ici dans une harmonie absolue, sous le liant impeccable des planches de l’artiste (et de son coloriste).
Pour ce qui est des naïvetés, les auteurs s’en sortent encore brillamment en faisant cohabiter un premier degré sincère et un second degré référentiel amusé. Le connaisseur relèvera ainsi aisément toutes les allusions aux films de Ray Harryhausen, le plus grand spécialiste des monstres de l’histoire du cinéma. Le film Le Choc des Titans est ouvertement cité et quasiment aucun élément de son bestiaire n’est oublié (que ce soit l’Hydre à sept tête de Jason et les Argonautes ou encore le cyclope cornu du 7ème Voyage de Sinbad, ils sont quasiment tous là !).

C’est donc avec un bonheur infini que l’on referme les pages de ce quatrième tome de la série. Mais un bonheur éphémère, car Williams III ne reviendra plus au dessin puisqu’il ne réalise que le scénario du prochain tome, avant de quitter définitivement la série…

Des monstres, des mythes et des légendes…

Des monstres, des mythes et des légendes…©DC Comics

5) Batwoman tome 4 – Les Liens du Sang : Fin de cycle

Ce dernier tome de la chronique regroupe les épisodes #18 à 24 de la série, ainsi que l’Annual #1.
Ces épisodes ont été réalisés entre 2013 et 2014 par les scénaristes J.H. Williams III et W. Haden Blackman, à l’exception de l’Annual, écrit par Marc Andreyko. Les dessins sont l’œuvre de Trevor McCarthy, relayé par Francesco Francavilla sur l’épisode #21, et par Moritat sur certains passages de l’Annual, qui est par ailleurs un épisode double.

Au terme de l’épisode #23, J.H. Williams III & W. Haden Blackman quittent la série pour cause de divergences artistiques avec leur éditeur, lorsque ce dernier refuse que soit célébré le mariage homosexuel de l’héroïne avec sa fiancée…
Le scénariste suivant, Marc Andreyko, écrit ainsi l’Annual #1 afin d’achever le récit de ses prédécesseurs, abandonné en plein cliffhanger. Puis il écrit ensuite ses propres récits jusqu’à l’épisode #40, qui marque la fin de la série. Épisodes que je n’ai pas lus et qui n’ont pas été publiés en VF.

C’est qui déjà lui ?

C’est qui déjà lui ?©DC Comics

La fin de la série selon ses créateurs se déroule donc dans ce tome 4. Hélas, trois fois hélas, comme c’était le cas dans le tome 2, J.H. Williams III abandonne ses crayons au profit de Trevor McCarthy.
Une fois de plus, la rupture de ton opérée par le changement d’identité picturale nivelle l’ensemble par le bas.
Toutefois, au bout de quatre ou cinq tomes, l’attachement du lecteur pour tous ces personnages est fort. Et même si le dénouement est parfois tarabiscoté, dans le sens où Andreyko doit résoudre tous les fils d’une intrigue laissée en jachère par ses prédécesseurs, il nous offre un final cohérent, qui clôt une histoire de manière nette et sincère.
Le voyage fut donc plus intense que l’arrivée. Et ce final en dents de scie n’est certes pas à la hauteur des meilleurs moments de la série. Mais arrivé à ce stade, le lecteur aime suffisamment cet univers et ses habitants pour lire l’ensemble d’une traite et y trouver matière à frissonner avec eux.

Le mariage pour tous ne marche pas chez DC Comics !

Le mariage pour tous ne marche pas chez DC Comics !©DC Comics

Au final, Batwoman n’est certes pas une œuvre parfaite. Le récit en lui-même est d’ailleurs plutôt moyen. Mais la vérité est ailleurs ! Car Batwoman fut malgré tout une série d’exception, particulièrement lorsqu’elle fut dessinée par J. H. Williams III. Une expérience de lecture totale dans une alchimie miraculeuse entre le Fond et la Forme. Une œuvre gothique d’une poésie noire, à la personnalité unique. Une création largement au dessus du tout venant de la planète comics.

Avec le recul, peu de séries de la même période peuvent se vanter d’avoir existé par elles mêmes dans un ensemble éditorial étendu et partagé comme celui de DC Comics en général et de Gotham City en particulier. Et pourtant, Batwoman et sa trentaine d’épisodes uniques en leur genre est une œuvre qui trouve naturellement son unicité, en évitant les crossovers et les compromis avec les autres séries du moment. J.H. Williams III aura ainsi réussi à porter, grâce à une personnalité artistique forte et intègre, une création mainstream très haut au dessus de l’univers souvent aseptisé des super-héros…

L’art de J.H. Williams III, ou l’harmonie absolue du fond et de la forme

L’art de J.H. Williams III, ou l’harmonie absolue du fond et de la forme©DC Comics

14 comments

  • JP Nguyen  

    Quelle déclaration d’amour enflammée à l’art de JH Williams III ! Bien sûr, il le mérite amplement. Ceci dit, j’ai une réaction partagée en survolant les planches de l’article : c’est toujours très beau et exécutée de main de maître, mais parfois, la lisibilité semble peu évidente.
    Ce qui est sûr, c’est que, quand l’identité visuelle d’une série est autant liée à son dessinateur, c’est assez ballot d’insérer des épisodes dessinés par des remplaçants. Aussi doués soient-ils, les intérimaires font pâle figure (et pourtant, les pauvres, on voit bien qu’ils essayent…)

    • Bruce lit  

      Back to Gotham 2/5

      Tornado déclare sa flamme à la Bat-Woman de J.H.Williams III, une héroïne tourmentée, gothique et lesbienne. Comment le dessinateur/scénariste a t’il réussi son coup (sic) en imposant ce personnage dans le oui-oui mainstream ? C’est ce que vous découvrirez dans l’article du jour qui passe en revue l’intégralité des 40 épisodes !

      La BO du jour : déclarer son amour à une nana pas commode, voire indifférente, c’est pas facile tous les jours. Tenez ! PJ Harvey ? Vous lui demanderiez l’heure à elle ? https://www.youtube.com/watch?v=wbbVXBHt6yk

      Wow, qu’est ce que ça a l’air bien ! Tu m’as presque donne envie d’y aller ! Et ce malgré ma gotham-phobie. Je comprends tout à fait ce qui t’attiré, toi l’exegéte du fond et de la forme : une rigueur et une éthique conservée malgré toutes les contingences éditoriales, une tonalité adulte, une héroïne atypique. LA démarche me rappelle un peu celle de Bendis pour Alias non ?
      Peux tu nous expliquer pourquoi Williams a refusé de marier son héroïne ?

  • Tornado  

    Bon, pour commencer l’article ne passe pas en revue l’intégralité des 40 épisodes, mais seulement ceux de J.H. Williams III… 🙂

    Alors attention : Ce n’est pas l’histoire qui est importante dans cette série. Mais la manière dont elle est contée. Et Williams III parvient à faire vivre au lecteur une véritable expérience de lecture, sans concessions mainstream (pas de crossover, pas de tie-in, pas de featuring WTF…).

    Les planches ont l’air un peu alambiquées comme ça, mais quand on est pris dans la lecture, elles ne sont pas du tout illisibles. Bien au contraire ! Et dieu sait que je n’aime pas les planches illisibles (arf… les comics 90’s… 🙁 )

    Une démarche identique à Alias ? Non, car Batwoman plonge de plein pied dans le fantastique le plus délirant. Et aucune scène n’est vulgaire ou provoc. Mais c’est sans doute aussi adulte, d’un certain point de vue.

    Ce sont J.H. WIlliams III et W. Haden Blackman qui ont souhaité ce mariage homosexuel entre l’héroïne et son amoureuse (par ailleurs cheffe de la police qui ne connait pas son identité secrète !). Au départ, DC Comics a dit oui. Puis l’éditeur s’est finalement dégonflé et a refusé au dernier moment cette nouveauté. Par intégrité (et probablement par vexation aussi), les auteurs ont alors décidé de quitter la série devant ce manque de liberté. Quel dommage !

  • Patrick 6  

    Mince je me rends compte que j’ai le premier recueil de Batwoman mais que je ne l’ai tout simplement jamais lu ! (c’est le genre de chose qui m’arrive souvent… ) quoi qu’il en soit ton article m’a fait comprendre mon erreur et je vais corriger ça de ce pas ! Bref merci à toi 😉

  • Xapur  

    J’ai vraiment beaucoup aimé cette série, j’ai tous les tomes VF chez Urban. Dommage que DC ait fini par faire partir JHWIII, la série et le personnage ne s’en sont jamais remis…

  • Présence  

    Ça fait plaisir de lire Tornado s’éclater sur une analyse Fond / Forme qui le mérite.

    Dave Stewart opte pour une colorisation conceptuelle. – Au début, je croyais que c’était JH Williams III qui assurait lui-même la mise en couleurs, tellement elle est partie intégrante des dessins.

    L’agent Cameron Chase – JH Williams avait dessiné les quelques épisodes de la série de ce personnage, parus en 1998 (une dizaine d’épisodes).

    Tome 3 – JH Williams encore meilleur qu’il ne l’a jamais été. Un avis que je partage entièrement.

  • Matt  

    ça me tente pas mal, mais j’ai un peu peur pour la lisibilité quand même. Je n’ai jamais lu de J.H Williams III. C’est magnifique à regarder mais ça ne file pas des maux de tête pour suivre l’action ou savoir dans quel ordre suivre les images ?
    Mais j’ai envie d’un truc qui claque visuellement en ce moment. J’hésite aussi avec la série Elektra de Mike del Mundo.

  • Tornado  

    Nan c’est magnifique pis c’est tout ! 😀

    • Matt  

      Ok j’avoue c’était bien.
      Un peu déçu par la fin quand même mais comme tu l’expliques, le départ des auteurs y est pour quelque chose. C’est dommage. Tout paraît précipité. Bones devient un idiot qui cherche son papa, la sœur présumée morte revient et hop réunion de famille, tout le monde est content, Batman est gentil et compréhensif et tout va bien.
      Le changement de dessinateur se fait ressentir mais ne m’a pas trop dérangé dans le tome 2. Dans le 4 par contre cela s’accompagnait d’une intrigue décevante donc ça donnait un sentiment global de baisse de régime.
      Pour le reste c’était vraiment bien. J’ai bien apprécié en effet les références à Harryhausen avec même une affiche « the seven voyages of Sinbad » en arrière plan derrière les monstres.
      A une ou deux occasions j’ai eu du mal à savoir quelle bulle lire en premier sur des mises en pages confuses, mais globalement c’est plus lisible que ce que je craignais. Ce n’est pas de la mise en page « artsy » gratuite, c’est réfléchi et bien pensé.

  • Bruce lit  

    Alors je me suis fait une semaine Batman ,et alors j’ai eu du pot, j’ai adoré tout ce que j’ai lu !!!
    Moi !!!!
    Batwoman par Rucka : quels dessins et mise en scène éblouissants ! Niveau scénario, c’est très correct même si je trouve le personnage antipathique et que Rucka est toujours un peu mou (malgré de superbes scènes d’actions). La vilaine qui parle en noir sans raison et Rucka qui complique ça avec des monstres et des loups garous et une prophétie à la con. Sinon, c’est très bon

    A death in the Family : là, je suis sur le cul. j’ai trouvé ça très noir et très violent. Super bien raconté. Fin sans concession. Superbe

    La cour des Hiboux : je me suis tâté pour savoir si je faisais l’article mais la préparation du #1000 prévalant, j’y ai renoncé. Il y a des passages excellents notamment la première partie. La mégalomanie de Bruce Wayne est montré sans ambages et son machiavelisme aussi. Le fond de l’histoire avec un frère caché m’a fait hérissé un sourcil mais Snyder traite ça avec suffisament d’habileté et de ruse pour ne pas signer un Deadly Genesis à la con !
    Mince, je me convertis en Batfan ?

    • Matt  

      « Rucka qui complique ça avec des monstres et des loups garous et une prophétie à la con. »

      C’est parce que c’est cool les monstres, et un hommage aux films du genre. Tu peux pas comprendre^^
      Death in the family, tu ne vas pas t’entendre avec Tornado^^ Pour ma part, je ne l’ai pas lu.

      Bon et puis relax, Batwoman c’est pas vraiment du Batman. Tu n’es pas encore un fan. Tu devrais essayer « la proie d’Hugo Strange » aussi.

  • Tornado  

    Si tu n’as lu que la partie de Batwoman écrite par Rucka, n’hésite pas à lire la suite écrite par Williams III & Haden Blackman. C’est dans la même veine, peut-être en mieux encore, lorsque c’est dessiné par son créateur (Williams III).

    Death In The Family tu parles de l’original par Jim Starlin ? Ouch. J’avais trouvé ça tarte, moi…

    Je n’ai pas encore lu La Cour des Hiboux. Mais je l’ai et je suis très rassuré à l’idée qu’un lecteur impitoyable comme toi ait aimé ça (Présence n’avait pas aimé, lui qui aime presque tout !).

  • Bruce lit  

    Présence : tu n’as pas aimé les Hiboux ? Why ?
    Death : j’ai trouvé ça très chouette de situer cette histoire au Liban, cette mère qui assassine symboliquement son enfant avant de se racheter, la relation du Joker au terrorisme, non vraiment, rien de mauvais et Dieu sait que je déteste Batman.

  • Tornado  

    Bah tu sais, moi, dès que c’est de l’écriture old-school, ça passe pas.

    Pour ce qui est des Hiboux, tu imagines bien que Présence a laissé un commentaire roboratif quelque part, bien sûr ! 🙂

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