Here and then (Ici)

Ici de Richard McGuire

Par: CYRILLE M

VO: Pantheon

VF: Gallimard

1ère publication le 01/10/16 – MAJ le 01/03/20

 

Une fenêtre accueillante

Une fenêtre accueillante ©Gallimard

Ici est un roman graphique de Richard McGuire. Enfin, roman, c’est beaucoup dire, puisqu’il n’y a pas d’histoire à proprement parler. C’est pour l’instant le seul ouvrage de son auteur, qui a surtout écrit des livres pour enfants et a composé de nombreux travaux de designer, notamment pour des jouets. Ici a reçu le Fauve d’Or de la meilleure BD du festival international de la bande dessinée d’Angoulême en 2015.

Enfant, je me demandais ce que pouvait donner la superposition des tableaux représentant la même scène. Ou ce qu’engendrerait la superposition de tout ce que chacun avait fait dans tel endroit. Je me demandais aussi à quoi ressemblait la terre sans l’eau, d’où venaient tous ces pics et ces profondeurs. Je me posais des questions pour comprendre, appréhender un peu, tenter de faire la différence entre tout ce que me disait mes parents, qui ressemblaient fortement aux paroles de la chanson Fais pas ci fais pas ça de Jacques Dutronc, et la réalité, une fois grand.

Here (Ici en VF) est au départ une bande dessinée de six pages publiée dans le magazine Raw en 1989. Elle représente un endroit fixe traversé par diverses fenêtres où d’autres événements se passent à une date ultérieure ou postérieure à la case principale. Richard McGuire décida en 2010 d’élargir cette forme inédite dans une œuvre de trois cent pages, Here, publié en 2014 et éditée en 2015 en France.

 Heu attends on est où là ?

Heu attends on est où là ? ©Gallimard

Dans son extrapolation, Ici devient un objet unique, totalement hors norme dans son propos. Imaginez un plan fixe du même endroit en 1932 et en 2015, à l’ère paléozoïque ou en 30000 après JC. Décliné sur trois cent pages, la seule histoire qui y est relatée n’est donc pas celle d’un personnage ou d’un groupe de personnes, ni même d’un peuple : c’est celle d’un lieu. Ceux qui le traversent ne sont que des voyageurs, des gens de passage, et leur destin n’a pas besoin d’être raconté : il est celui de tout un chacun, rempli de joies et de peines, de tracas quotidiens, de dialogues répétés partout, dans toutes les langues, dans les mêmes situations.

Toutes les planches sont donc doubles et représentent toujours le lieu qui nous est décrit, ou du moins, l’espace de ce plan fixe à travers les âges. Les premières planches décrivent l’année 1957, où le salon est un espace mauve, avec une fenêtre à gauche et une cheminée sur la droite, la pliure du livre servant de coin à la pièce : un mur à gauche, un autre mur à 90 degrés à droite. Le salon possède un canapé, deux fauteuils et un lit à barreau pour bébé. Il est vierge de tout personnage.

 Des catastrophes naturelles et des insultes à travers les âges

Des catastrophes naturelles et des insultes à travers les âges ©Gallimard

Les planches suivantes se passent en 1942. Le mobilier a disparu, le papier peint n’est pas le même, seul un escabeau trône au milieu de la pièce. Toujours personne en vue. Nous arrivons ensuite en 2007, la pièce présente une teinte générale jaune, et un canapé-lit ouvert est accompagné d’un guéridon. Les rideaux ont changé selon la mode et les techniques de bricolage, le vent s’y engouffre, mais personne pour nous accueillir. Toutes ces planches semblent dessinées à l’ordinateur, comme pourrait le faire un décorateur d’intérieur pour monter un devis, ou pour créer des publicités pour un flyer d’une agence d’immobilier. Tout y est pastel et doux, les traits ne sont pas tous surlignés et souvent c’est le changement de couleur qui s’occupe de délimiter les zones, entre les murs, le plafond et le sol.

Nous revenons alors en 1957, où une dame, dessinée selon les mêmes critères de la pièce, s’interroge sur ce qu’elle fait là. Dans les mêmes planches, mais en 1999, un chat traverse la pièce, en bas à droite. Sur les planches suivantes, le chat continue son chemin, alors que la pièce n’existe plus et que nous nous retrouvons en 1623 au cœur d’une forêt, puis en 1955, puis en 8000 avant JC.

A partir de là, les époques et les ouvertures sur des fenêtres se multiplient. Comme votre ordinateur qui auraient de nombreuses fenêtres de tailles diverses ouvertes en même temps sur des dessins différents, les planches se découpent sans aucun sens chronologique, font des allers retours entre époques, présentent des familles qui se prennent en photo chaque année, tout en changeant l’univers autour.

Le bison trônait dans le salon… une référence à Bunuel et Dali ?

Le bison trônait dans le salon… une référence à Bunuel et Dali ? ©Gallimard

Au fur et à mesure que les périodes se diversifient, le traitement graphique change. Il s’attache à être crayonneux pour les personnes ayant vécu dans les années 40, ou avant, et les êtres vivants – végétaux ou animaux – sont soudainement dessinés au crayon gras, sans encrage apparent. De courtes histoires apparaissent sur plusieurs planches, ou bien ce sont des actions identiques à différentes époques qui apparaissent sur une seule double planche.

A l’école, j’ai très souvent détesté l’Histoire, la matière. C’était comme les parents, péremptoire, sans âme. Seule l’histoire de l’art me semblait digne d’intérêt. Vue d’un artiste, l’histoire est soudainement plus logique, ancrée en son moment, vivante, comme un reportage ou un témoignage. Ce ne sont pas les noms ou les dates qui font l’histoire, mais tout le reste : les technologies qui avancent, les mœurs, les terres qui bougent et les transformations géographiques, la vie de tous les jours, la situation des gens normaux.

Contrairement à ce que peuvent croire les sympathisants d’extrême droite, d’où qu’ils viennent, nous sommes tous pareils. Nous rions aux mêmes blagues, sommes tristes pour les mêmes raisons, irrités par les mêmes attitudes. Je l’ai récemment constaté dans Amsterdam pleine de Français, d’Italiens et d’Anglais et au spectacle de John Cleese (un des six Monty Pythons, le fameux marcheur du Ministry of Silly Walks), où une dizaine de nationalités devaient être présentes. Nous avons tous ri aux mêmes blagues, tous été ému par les mêmes larmes. Cleese lui-même, de son estrade, nous en a fait part.

Ne dites jamais à un lieu qu’il est statique

Ne dites jamais à un lieu qu’il est statique ©Gallimard

Au-delà de la langue, nous pouvons tous être ému par une peinture, un dessin qui lui est un langage universel, qui parle à tous les âges. Au musée Van Gogh, pas besoin de savoir peindre pour être fasciné par la beauté de ses tournesols, de ses fleurs d’ormeau ou de ses pièces inspirées par les maîtres japonais. Pas besoin de mots, tous observent une émotion brute captée par un artiste, loin de notre époque, mais proche de nos fibres humaines.

Où que soit cet Ici (aux Etats-Unis pour sûr puisqu’on y voit des Indiens d’Amérique et une maison de type colonial sans doute sudiste), quel que soit son moment, nous nous confrontons aux mêmes peurs et problèmes. Dans une suite de planches, McGuire met en scène un couple dont la femme pose toujours la même question à son mari : as-tu bien ton portefeuille, tes clés, ta montre ? Plus loin, alors que le lieu est devenu un musée en l’an 2213, McGuire pense qu’un jour, nous n’aurons plus besoin d’argent, de clés ou de portefeuille, de ces artefacts communs des temps anciens.

A la fin de l’album, notre dame perdue de 1957 se souvient de ce qu’elle était venue faire, car il faut bien boucler un temps forcément contraint, celui de la lecture. Pour autant, Ici est semblable à tous les lieux, traversé par les mêmes catastrophes naturelles – ou humaines – il est le témoin immuable d’une évolution foncièrement humaniste. Alors même sans histoire mais avec quelques petites saynètes disséminées tout au long de son roman, McGuire dépeint les sentiments vécus au cœur de son lieu commun (un salon au cœur d’une maison sans doute modeste) et efface, sans discours, toutes les vilenies.

Miley Cyrus et Vermeer, un portrait de famille culturel

Miley Cyrus et Vermeer, un portrait de famille culturel ©Gallimard

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La BO du jour

Grand amateur de peinture et d’art abstrait, la voix si belle de Polo pour vous accompagner ici et là

https://www.youtube.com/watch?v=HMAf4Uq9mrs

29 comments

  • Matt  

    Ouah ! Alors ça c’est du conceptuel. Peut être un peu trop pour moi je le crains.
    Tu sembles y avoir trouvé ton compte cela dit.
    C’est très abstrait quand même. Difficile de se rendre compte de ce que l’on ressent à la lecture d’une œuvre de ce genre.
    Ce que je crains un peu c’est ce dessin informatisé de catalogue comme tu dis. Avec un concept de ce genre, j’aurais davantage vu un type de dessin plus personnel.
    En tous cas, tu rejoins présence parmi les CTT. Non, ce ne sont pas des contrats de travail temporaire, mais des chroniqueurs tout terrain.

    • Jyrille  

      Merci Matt, mais j’avoue ne pas être pleinement satisfait de ma chronique (même si comme toujours, je la trouve moins catastrophique à la relecture que dans mon souvenir). Je ne sais donc pas si je mérite ce titre, mais ce qui est sûr, c’est que j’ai une autre bd conceptuelle à lire que je compte bien chroniquer pour Bruce Lit.

  • JP Nguyen  

    Ouh punaise ! Je ne pense pas être très client de ce genre d’oeuvre… Alpha (Directions) m’avait laissé impressionné par le boulot mais assez froid par rapport au ressenti de lecture.
    Mais tu fais un bon avocat pour cette oeuvre, Cyrille, et je la tenterai peut-être en médiathèque.

    Bon, sinon, et sans vouloir polémiquer ni être d’extrême droite, je ne suis pas tout à fait d’accord sur le passage sur l’universalité… Non, culturellement, nous ne sommes pas tous pareils. Des choses qui feront rire tel peuple pourront en offenser un autre… Pareil pour le sens esthétique, l’art culinaire et j’en passe…

    • Jyrille  

      Merci JP ! L’oeuvre n’est pas difficile, et avoir été primée à Angoulême n’est pas rédhibitoire, il suffit de se laisser porter, comme lorsqu’on écoute un Godspeed You! Black Emperor pour la première fois.

      Il est vrai que les différences culturelles existent (je côtoie des belges tous les jours et c’est flagrant) et qu’il est possible que certaines attitudes soient ainsi ancrées dans un pays ou une région. Mais je pense que fondamentalement, les sentiments sont les mêmes pour tous, que ce soit la peur, l’empathie, le rire, l’appréciation de la beauté… Nous avons tous cela en nous, d’où que nous venions, et je suis persuadé que nos différences sont moins nombreuses que nos ressemblances.

  • Patrick 6  

    Woaw ! Quelqu’un comme moi qui passe son temps à prendre des photos de Paris avant/après (tiens je ne vais me gêner pour faire ma pub : http://parisavantapres.blogspot.fr) ne peut qu’être interpellé et séduit par un tel concept ! Merci donc à toi de me faire connaître cette œuvre incroyable !
    A chaque déménagement je me demande toujours ce qui se passerait si les anciens occupant croisaient les nouveaux, si l’ancienne déco percutait la nouvelle… Manifestement la BD répond un peu à cette question.
    Cependant si le concept est génial je me demande si la lecture ne finit pas par être un peu lassante sur la longueur sans le soutient d’une histoire claire… Je vérifierai en tous cas cela aussitôt que possible !
    Pour reprendre le débat plus philosophique sur l’universalité humaine je pense qu’en effet les émotions et les besoins sont basiquement les mêmes au Groenland ou en Afrique du sud, cependant la culture, la tradition (et surtout la religion) viennent créer des frontières souvent infranchissables entre les êtres. Un Taliban rire des Monty Python ? J’ai peur que non hélas…

    • Jyrille  

      C’est évident que ta fascination pour les photos de Paris rejoint un peu le principe de cette « bd ». Donc de rien, j’espère que tu vas apprécier ! Sur la longueur, c’est moins indigeste que Alpha (Directions) dont parle JP, c’est plus ludique et moins artistique, ou du moins, cela ne met pas en avant forcément des oeuvres d’art en exergue avec le propos.

      Pour le débat, j’attends d’autres arguments, mais je suis content que JP l’ait lancé 🙂

  • Tornado  

    C’est peut-être davantage de l’art contemporain que de la simple et pure bande-dessinée ! Mais tant mieux si certains auteurs arrivent à séduire les élites avec le 9° art, on en a bien besoin (et oui, on nous regarde toujours avec des regards obliques quand on lit une BD dans un train).

    Il y a quelques années, à la Biennale de Venise, j’ai vu le travail d’un vidéaste japonais qui explore exactement le même thème. Il filme des familles (qui posent imperturbablement sur leur canapé) dans un appartement. Toujours le même appartement, mais à des années d’intervalle. Du coup, on voit les familles se succéder en fondu enchainé, avec tout le mobilier qui change, la déco et les tapisseries, alors que le lieu est toujours le même. Le résultat est saisissant, car l’on prend conscience, de manière édifiante, que la notion de « chez soi » est extrêmement relative !
    Un très beau travail d’art contemporain sur le temps qui passe, très mélancolique (et de longue haleine pour filmer les mêmes lieux sur des années et des années !). Malheureusement je n’ai pas retenu le nom de cet artiste…

  • Tornado  

    Ah ! Et très belle plume, comme d’habitude ! 🙂

    • Jyrille  

      Merci beaucoup. Ca me touche vraiment. Je suis heureux que tu sois sensible à cette oeuvre conceptuelle, j’aurai dû me douter que tu aurais un exemple proche de ce concept. Merci pour le partage, cela a l’air intéressant, et porte sans doute au même propos : nous ne sommes que des passagers.

  • Présence  

    Cette oeuvre est dans ma pile de BD à lire, achetée à Londres, à la boutique Forbidden Planet il y a plus d’un an. Le concept est fascinant.

    Je ne lirais pas des BD conceptuelles tous les jours, dépourvues de trame narrative. Mais une fois de temps en temps, ça change de l’ordinaire, et le contraste redonne du goût au quotidien.

    J’ai bien aimé cet article qui, pourtant, n’a pas dû être simple à composer pour pouvoir retranscrire ainsi la démarche de l’auteur. Vivement que tu exposes la BD conceptuelle suivante !

    • Jyrille  

      Merci Présence ! Le texte sur FB est vraiment très bien. Oui, le concept est fascinant et ce n’était pas évident d’en parler, surtout que je voulais absolument parler de moi et de mes expériences, se faire rencontrer ces principes. Cela ne collait pas, alors je suis parti sur le dessin et la composition, en m’inspirant de tes chroniques et de tes présentations du dessin, pour bien faire comprendre le postulat de la bd. Sans scans, je ne suis pas certain que ce serait clair, ils aident bien.

      Au final mon article n’est pas si ambitieux que je le voulais à la base, et je n’en suis pas mécontent, tout en me disant que j’ai clairement fait mieux.

      De la même façon, une bd conceptuelle de temps en temps, je trouve ça bien, mais pas tout le temps. Merci de me pousser à lire celle que j’ai sous le coude ! Il faut vraiment que je me bouge, j’ai des interviews à faire avant, enfin, surtout une en urgence. Après, j’aurai plus de mou dans ma longue liste de « to write ».

      Je suis pressé d’avoir ton ressenti de cette bd en tout cas !

  • Matt & Maticien  

    excellent. Je n’ai qu’un regret avoir lu trop tard l’article pour aller chez un bon libraire l’acheter. le concept est brillant et ton article fait le lien adroit avec l’émotion mélancolique du lien entre présent et passé. une très belle introduction. merci pour cette découverte qui m’avait complètement échappé. après l’adoption, une autre belle trouvaille.

    cela me rappelle effectivement Alpha. et pour rebondir sur le débat sur l’universalité des sentiments. Plusieurs travaux ont démontré qu’il existe 6 émotions primaires qui ensuite se combinent pour créer tous nos sentiments :
    – La joie
    – La tristesse
    – La colère
    – Le dégoût
    – La peur
    – La surprise

  • JP Nguyen  

    Ah, au fait, Cyrille, cet article m’a aussi évoqué un passage marquant de Proust, dans « Du côté de chez Swann ».
    C’est celui où le narrateur exprime l’idée que les lieux, même s’ils sont immobiles, ne sont pas figés. Ils sont aussi marqués par le passage du temps et on ne revient jamais vraiment au même endroit… Mais comme il le dit mieux que moi, je recolle le passage (que j’avais déjà cité il y a longtemps en commentaire d’un autre article) :
    « Les lieux que nous avons connus n’appartiennent pas qu’au monde de l’espace où nous les situons pour plus de facilité. Ils n’étaient qu’une mince tranche au milieu d’impressions contiguës qui formaient notre vie d’alors ; le souvenir d’une certaine image n’est que le regret d’un certain instant ; et les maisons, les routes, les avenues, sont fugitives, hélas ! comme les années. »

    • Jyrille  

      C’est beau. De Proust, je n’ai lu que ce De côté de chez Swann, soit deux cent pages. J’ai eu un mal fou à entrer dedans : il m’a fallu deux mois pour passer les vingt premières pages. Et après j’ai trouvé ça fabuleux. Je n’ai pas tenté de lire d’autres parties de A la recherche du temps perdu, car lire Proust n’est pas de tout repos, mais j’ai eu le sentiment, après avoir fini ce livre, qu’aucun écrivain n’avait plus rien à dire après lui, que tout était là-dedans, et, comme tu le soulignes si bien, dit avec une plume difficilement – impossiblement ? – dépassable voire égale.

      Merci JP pour ce moment de culture que j’avais totalement oublié.

  • JP Nguyen  

    @Matt&Maticien : je ne nie pas que les émotions de base sont universelles. Je contestais qu’elles soient provoquées par les mêmes facteurs/éléments/stimulus, selon la population considérée…

    • Bruce lit  

      Nature et culture….
      Je suis assez d’accord avec JP et Patrick. Les guerres raciales ont rendu certains évidences compliquées à énumérer ainsi que des débats politiques nauséabonds. Les noirs chantent ils mieux le blues que les blancs ? C’était la grande angoisse de Nino Ferrer ou de Jim Morrison. Je dirais quand même que joie et souffrance se transmettent génétiquement et que des personnes ayant été asservie pendant des siècles est le détenteur inconscient d’un capital génétique auquel il veut échapper. N’est ce pas là, le sujet de Scalped.
      Hannah Arendt disait que la cuisine est l’outil par lequel il est possible de mesurer une civilisation. Je trouverai plus que nécessaire d’introduire la diététique dans les écoles pour sensibiliser nos petits d’hommes à ce qu’ils mangent, ce qu’ils sont, comment ça tombe dans leur assiette.
      Nous ne sommes pas tous les mêmes. Mais c’est simplement ça qui est beau. De pouvoir faire le tour du monde avec Tintin et Asterix à la découverte de cet autre si proche, si différent. Avec ma fille de 5 ans, je en manque pas un épisode de Mouk, qui fait le tour du monde à vélo et familiarise les enfants au Kabuki japonais, à la fabrique du sirop d’érable canadien ou à la musique africaine.

      Ton article Cyrille : oh, cet album n’est pas pour moi, mais alors pas du tout. Par contre Cyrille tu assures grave cette année et te montre aussi polyvalent que Présence dans tes lectures !

      • Matt  

        Ce que tu dis sur la nourriture me fait songer à quel point on vit une époque où on ne se soucie plus de ce qui est important pour la santé.
        Quand je vois dans mon boulot que les écoles primaires (j’interviens dans des écoles et mairies pour le dépannage informatique) ont de plus en plus recourt à de la bouffe industrielle livrée en sachet pour nourrir les petits au détriment des petits plats cuisinés par des cuistots parce que ça coute trop cher de mettre aux normes d’hygiène les cuisines…ça craint.
        Et quand on voit la teneur de ces fameuses normes aussi…on se demande si c’est vraiment mieux de leur faire bouffer de la merde sous prétexte que les cuisines n’ont pas 5 mais 4 aérations.
        Je veux dire…ne pas être aux normes super exigeantes ne veut pas dire que ça grouille de rats.
        Mais bon…ce n’est pas non plus dans les priorités des mairies d’essayer de maintenir en place une brave cuisinière qui prépare des plats sympas (je le sais, j’ai bouffé plusieurs fois dans une école à midi).
        Bon je suis en milieu rural, c’est peut être déjà largement répandu de gaver les petits de merdes dans les grandes villes mais ça ne va pas en s’améliorant quoi…

      • Jyrille  

        Bruce, je ne réagirai ici qu’à tes deux dernières phrases : merci beaucoup, vraiment.

    • Matt & Maticien  

      désolé j’ai lu un peu vite ton précédent commentaire. effectivement cela s’entend. Je trouve qu’il existe qq contre exemples la photo d Aylan par exemple a généré une émotion quasi universelle. mais il est vrai que les filtres idéologiques et les contextes historiques viennent dériver certaines fois les émotions.

      je ne cesse d’être surpris par notre acceptation des sdf et me demande comment nous serions jugés par nos ancêtres (moyen âge. ..). je pense à cela car aujourd’hui ma fille voyant par la fenêtre de la voiture un sdf endormi sur des cartons crasseux voulait absolument aller lui faire « coucou ». mais on s’éloigne de notre sujet qui me rappelle une colle de philo « temps et mouvement’…

  • Matt & Maticien  

    ps. le émotions semblent générer par les mêmes stimuli d’après certaines études mais notre jugement vient interférer avec je pense. la rencontre d’un ami amène toujours la joie.

    La mort d’un homme, la mort d’un tyran, la mort d’un père, la mort d’un héros sont les mêmes facettes de la mort d’un homme (ex Napoléon;). elle génère un; jugement qui vient ensuite nous faire réagir : tristesse, joie, colère…

  • Lone Sloane  

    Les réactions sur l’universalisme sont à la hauteur de ta chronique, Cyrille, et ton choix d’incorporer ta propre expérience et d’avoir une analyse politique ou sociologique à la lecture de Here est un des choix multiples qu’offre cette BD (roman graphique, essai artistique, peu importe puisqu’il provoque des émotions et des réflexions stimulantes).
    Je me permets de te proposer la lecture d’un papier qui répond à pas mal de questions soulevées (notamment sur les techniques utilisées par Richard Mc Guire) par la lecture de ta chronique et dont l’auteur, Thierry Groensteen, est le fondateur des éditions de l’An 2 qui ont co-édité Alpha(Directions) cité plus haut:https://www.editionsdelan2.com/groensteen/spip.php?article60
    Je te rejoins complètement sur le fait que la lecture de Here n’est en rien complexe ou rébarbative (voir intellectuelle pour trouver un mot qui fâche) et, qu’à la manière dont on peut écouter du jazz, elle a provoqué
    chez moi le même genre de sensations que ce morceau de Thélonious Monk: https://www.youtube.com/watch?v=C1AUzR4qg50

    • Jyrille  

      Merci plusieurs fois Lone : l’article que tu as mis est extrêmement intéressant et bien plus pointu que ma petite présentation ci-dessus. Il est vrai que j’ai oublié de parler des saynètes de la vie quotidienne, des paroles qui parlent souvent du temps (et du t-shirt), par contre la dimension musicale m’avait complètement échappée. Merci aussi pour Thelonious que je connais peu, mais j’avais déjà entendu ce titre. Mais oui, Ici nous fait forcément penser à de la musique, ou à une pièce musicale, sans doute par son manque de scénario ou de trame globale (même si Groensteen relève de nombreux rappels entre les pages que je n’ai pas forcément vues). Cet ouvrage appelle forcément à être relu, ce qui n’a pas été mon cas, je l’ai simplement feuilleté par la suite.

      Tu fais bien de dire que c’est mon point de vue que j’ai mis ici en avant, car il est vrai que chacun peut y voir un autre discours sur le temps qui passe. D’ailleurs, j’aimerai bien connaître le ressenti de ceux qui auront tenté l’expérience par la suite (quel est le tien ?). C’est la preuve que je n’ai pas réussi à être objectif, je ne suis capable que de n’écrire que selon mes sentiments.

      En tout cas merci encore pour tout !

      PS : JP, j’ai oublié de te dire que ton texte de présentation sur FB était brillant aussi.

      • Lone Sloane  

        Ce que Groensteen et toi mettez en relief, c’est la somme de travail qu’il y derrière Here et les ambitions multiples de Richard Mc Guire, et ce travail se fait sur une base personelle, la maison familiale et la perte de deux membres de sa famille.
        Mon ressenti à la lecture a été à la fois intellectuel, la somme de toutes les actions humaines observées dans un même lieu à travers les époques est un matériel scénaristique sans fin, et émotionnel, l’occasion de penser à la maison familiale où j’ai passé ma jeunesse et aux personnes proches et de passage qui y ont vécu. La musique de Monk reflète bien cette introspection contemplative et appelle les fantômes à venir nous visiter en dansant.

    • Présence  

      Merci. Effectivement je l’avais lu, ce qui m’avait décidé à acheter ce récit lors d’un passage à Forbidden Planet à Londres.

  • JP Nguyen  

    Lu hier. Très bien construit et maîtrisé, avec de jolies pensées éparpillées au fil des époques. Toutefois, de par le lieu choisi, c’est une vision très occidentale de la société. Pour le coup, l’universalité évoquée dans l’article et les commentaires demeure toute relative. Mais c’est un chouette bouquin.

    • Jyrille  

      Cool ! Content que ça t’aies plu, mais ta remarque sur l’universalité n’est pas fausse. Cela dit, je la ressens quand même…

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