Je m’en irai vers le Paradis Blanc…

Le sommet des dieux par Jiro Taniguchi

A l'assaut !

A l’assaut !©Kana

AUTEUR: BRUCE LIT

VO : Business Jump

VF : Kana

Le sommet des dieux est un roman de Baku Yumemakura dont Jiro Taniguchi a réalisé l’adaptation en bande dessinée entre 2000 et 2003. Il s’agit d’un roman graphique complet en 5 volumes publiés chez Kana. Le sens de lecture est japonais.

Après Quartier lointain, Le Sommet des Dieux est la deuxième oeuvre couronnée par Angoulême en 2005 où Taniguchi a reçu le prix du meilleur dessin.

Cet article accouché dans la douleur afin de rendre justice à un vrai chef d’oeuvre est, pour une fois, garanti SANS SPOILERS.

Il y a des histoires bonnes. D’autres mauvaises.  Et puis il y a les autres.  Des montagnes inatteignables dont le sommet paraissent tellement haut que c’en est décourageant. Avec ce  Sommet des dieux  Taniguchi pulvérise tout avec ce récit riche, généreux, profond, émouvant, juste, authentique et puissant !  Une expérience unique dans laquelle il est possible de se lancer sans ne rien connaître du monde de la montagne et sans s’intéresser à l’alpinisme et  où plusieurs lectures sont possibles.

Le sommet des dieux, c’est d’abord l’histoire fictive de l’alpiniste Habu Joji dont on suit le parcours sur deux décennies. Joji est un personnage à priori antipathique : jamais souriant, solitaire, dénué de tout esprit d’équipe, Joji n’a pas d’amis ou d’amour. Son intégration à la société n’est qu’intéressée puisqu’il occupe des emplois saisonniers avant de tout plaquer sans préavis. Dans la dernière partie de l’oeuvre, Joji est même un sans papiers au Tibet.

Joji : taciturne et fascinant

Joji : taciturne et fascinant©Fanfare / Ponent Mont

Habu est accroc à la montagne et le lecteur se rend compte qu’il est accroc à Habu. Au point d’attendre son apparition à chaque page, de dévorer chaque anecdote le concernant, d’essayer de percer les mystères de sa personnalité fascinante. Habu Joji est un être d’exception dont l’unique raison de vivre est la montagne. Une passion à laquelle il sacrifie tout et dont chaque expédition est synonyme de danger de mort.

Car Le sommet des dieux, avant d’être un roman d’aventure portant sur l’obsession aussi épique que Moby Dick, est aussi une véritable enquête haletante dont le dénouement est révélé à la dernière page. L’alpinisme, ce sport solitaire qui se soustrait au regard de l’autre et à toute pression médiatique, est ici livrée au au lecteur qui mesure les risques insensés pour gravir ce que d’aucuns considéreraient comme un bout de rocher.

Tout commence comme dans une histoire de Tintin

Tout commence comme dans une histoire de Tintin : un mystérieux appareil photo qui ne paie pas de mine et qui cache bien des secrets…..©Fanfare / Ponent Mont

Mais Le sommet des dieux est aussi un récit historique matinée de fétichisme rappelant  Tintin et le fétiche Arumbaya. Car il s’agit de retrouver l’appareil photo de l’alpiniste, cette fois ci bien réel, George Mallory, le premier à avoir vaincu le sommet de l’Everest avant de périr mystérieusement. Taniguchi élabore tout au long de son livre, le parcours de Mallory et les hypothèses l’ayant amené à mourir, seul, en pleine montagne, le corps à jamais incrusté dans la roche. L’aventure, l’histoire, l’exotisme et un zeste de polar avec même quelques scènes d’action toutes droit sorties d’Hergé sont au programme pour une lecture divertissante et facile d’accès.

Le sommet des dieux c’est enfin une véritable ode à la liberté, à la solitude, au recueillement. Une liberté qui fait à la fois rêver et frémir. Le héros mène une vie atypique, libre de toute contrainte et sans engagements. Il parcourt le monde en quête d’émotions fortes, et devient au fil de l’histoire un témoin de ce couloir entre la terre et le ciel que constitue la haute montagne.

Taniguchi et Baku y vont à fond sur la métaphore mystique de l’alpinisme.  Ce qui frappe est cette psychologie silencieuse, ce raffinement des émotions où l’élégance du dessin économise des milliers de mots inutiles. Taniguchi immerge son lecteur dans le silence de la nature où un mot peut déclencher une avalanche. Et écrit une superbe ode douce amère à l’irascible Habu Joji incapable de vivre avec ses frères humains avec qui il ne partage que la mortalité. La montagne est sa seule compagne, sa seule amante avec qui il entretient une relation charnelle. Il faut l’observer, l’écouter, la pénétrer avec d’infimes précaution.

Le sommet des dieux montre que l’alpinisme est une discipline n’autorisant aucun relâchement : le corps doit s’adapter au manque d’oxygène, à la déshydratation, au froid intense, aux chutes de pierre, aux avalanches. L’alpiniste dort seul suspendu au dessus du vide, en proie à des hallucinations et la peur. Notre héros est parfois coincés trois jours dans une tente minuscule à attendre la fin de tempêtes, totalement coupés du monde et de toute notion de plaisir. La montagne ne pardonne aucune impatience, aucune erreur de calcul. Autant amante que punisseuse, c’est un être vivant qui traite ses conquérants en bactéries à rejeter.
Face à ce danger permanent, au vide, à l’impuissance, l’escalade acquiert une dimension mythologique. Celle qui transforme son prétendant en élu après avoit traversé mille morts sans Orques ni Dragons pour personnifier le danger. Un élu qui doit peu à peu renoncer à certaines émotions  pour se hisser au dessus des hommes.  Sans ce talent lui permettant de s’unir à l’immensité, Joji est un être humain assez irritant qui n’a pas sa place dans une société organisée.

Comment se faire des amis façon Jugi : leur dire qu'en cas de pépin, faut pas compter sur lui....

Comment se faire des amis façon Jungi : leur dire qu’en cas de pépin, dans la montagne, faut pas compter sur lui….©Fanfare / Ponent Mont

La force du récit est de confronter à ce tigre indomptable un personnage tout à fait normal et intégré en la personne de Fukumashi le photographe. Le sommet des Dieux est aussi son histoire, celle où l’on voit un personnage on ne peut plus banal marcher sur les traces d’un  indépendantiste pour s’affranchir à son tour de la sécurité étouffante de notre quotirien.
Les alpinistes n’ont rien de suicidaire pourtant. La montagne leur permet de lutter contre la mort et d’apprécier chaque seconde arrachée à la faucheuse. De se pencher au dessus du vide pour y chercher un reflet.  De poursuivre sa route en ignorant l’écho des regrets, le froid du doute, l’emprise des erreurs.

Chaque homme au sommet d’une montagne est le dernier homme sur terre. Ou le premier de la création. Celui à qui s’offre l’univers sans partage. Un vertige au delà des mots que Taniguchi traduit admirablement en dessin. Lorsque Joji arrive au sommet d’une montagne, il n’a pas le temps de prendre une photo. Il doit immédiatement redescendre sous peine d’asphyxie, de cécité ou de mort.  Il remplit son vide d’immensité, accorde son corps au bruit du vent, converse avec ses absents, se prépare à mourir en se sentant si vivant.

Prends moi en photo avant que je ne m'enfuis

Prends moi en photo avant que je ne m’enfuis©Fanfare / Ponent Mont

On aurait tort d’y voir pour autant une vulgaire came à l’adrénaline. Le Sommet des Dieux est au contraire la description d’une expérience professionnelle nécessitant une discipline et un ascétisme hors du commun. Lorsque Junji décide de gravir 8000 mètres sans oxygène, ni compagnon, il se prépare pendant dix ans ! Il enregistre chaque recoin de son parcours, acclimate son corps, pèse jusqu’au moindre stylo pour calculer son poids à porter, économise ses mots pour que son souffle le porte au sommet.

A cette discipline réservée à l’élite de l’humanité s’accorde la beauté du texte; lorsque Junji réalise qu’à bout de force, il risque de ne pas terminer son périple il déclame ceci: Pas question de m’endormir avant d’avoir épuisé ma dernière goutte d’énergie, et si mes mains refusent j’irai sur les doigts, si mes jambes refusent d’avancer j’irai en mordant la neige à coups de dents, et si mes dents me lâchent il me restera les yeux, j’avancerai en suivant la route de mon regard. Et si vraiment il n’a plus moyen, j’irai avec le coeur. 

La profession de foi de Jungi : Never give up !

La profession de foi de Jungi : Never give up !©Fanfare / Ponent Mont

La détermination de Junji à atteindre le sommet de l’Olympe n’est pas sans rapper celle de Seiya, qui privé de 5 sens continue d’accomplir sa quête en brûlant sa dernière étincelle de vie.  Mais à l’inverse du Shonen de Kurumada, Le sommet des Dieux ne mise pas tout sur la volonté dans un univers où les hommes les plus aguerris s’envolent comme des fétu de paille balayés par le vent.

C’est ici que se cache l’étrange défi du Sommet des dieux: la confrontation entre le prévu et l’imprévu, l’expérience et la chance, la sagesse et la force brute. Toute les qualités que possède Junji, sorte de Frank Castle de la montagne taciturne et inquiétant avec qui le lecteur se sent pourtant immédiatement en confiance. On pense aussi au Musashi Miyamoto de Vagabond qui intègre au fil de la violence de ses combats une fascinante paix intérieure. Une brute devenue philosophe….

Tombé du ciel, à travers les nuages....

Les risques du métier©Fanfare / Ponent Mont

Il y aurait tellement à dire sur Le sommet de Dieu, notamment sur sa fin, certainement la plus bouleversante de l’oeuvre de Taniguchi.  D’ailleurs, il n’est pas dit que votre serviteur ne fasse pas prochainement un focus sur celle-ci qui mériterait un article en soi. Mais vous l’aurez compris, c’est à vous maintenant de sauter le pas, je ne vous mâcherai pas le travail et ai amputé cet article de plus de 2000 mots inutiles…

Taniguchi et Baku vous ont ouvert la voie avec ce conte à la fois naturaliste et poétique sur le but à donner à son existence et la souffrance à investir pour réaliser ses rêves. Certes, une société ne pourrait perdurer si tous nous lâchions boulot, femme et enfant pour aller vivre notre passion à fond.  Il n’empêche que Taniguchi, en ouvrant une brèche de liberté, une lucarne d’oxygène dans nos vie policées avec pour seul horizon notre smart phone, touche encore au coeur. Et s’impose définitivement comme un auteur au sommet….

Jungi emprunte le Stairway to Heaven

Jungi emprunte le Stairway to Heaven©Fanfare / Ponent Mont

54 comments

  • Tornado  

    Je me souviens à présent pourquoi j’ai fait l’impasse sur cette histoire : 5 tomes et… sens de lecture japonais (pas la peine d’insister les gars, je refuse de lire à l’envers pour 2 raisons : 1) je déteste ça 2) il y a déjà suffisemment de lectures à l’endroit dans ma pile d’attente).

    Ton article est convaincant du début à la fin sur la force et la poésie de cette oeuvre. Et je trouve chaque image de montagne belle à tomber à la renverse (notamment les 2 vignettes où l’on voit chuter les alpinistes).
    Je guette toujours les rééditions des albums de Taniguchi. Mais pas dans le sens japonais…

    • Présence  

      Ah ben zut ! Tu as posté avant moi.

    • Matt  

      C’est à ce point là ton aversion pour le sens de lecture japonais ? C’est dommage, tu loupes des trucs.
      Je me souviens quand j’étais plus jeune d’avoir lu un tome de Dragon Ball Z et d’avoir trouvé étrange que Vegeta se fasse transpercer le coeur…à droite. M’enfin il est pas à droite le coeur, c’est quoi cette grosse bourde ? Et c’est là que j’ai compris le problème que posait l’adaptation au sens de lecture français : l’effet miroir.
      Donc au final je n’ai pas trop d’avis sur le meilleur sens de lecture. Certes ça peut se comprendre d’adapter un manga dans le sens de lecture du pays…mais si ça veut dire appliquer un effet qui dénature le travail de l’auteur…bof. Certes tu me diras c’est juste un effet miroir…mais dans un sens ça modifie pas mal les décors, les architectures, les particularités des personnages (un borgne, un manchot, un droitier qui devient gaucher etc)

      • Tornado  

        Oui, c’est à ce point là. Je suis un lecteur extrêmement lent. Lire 20 pages d’un épisode de comics me prend beaucoup plus de temps qu’un lecteur (en moyenne), car ma lecture est contemplative. C’est en grande partie dû à mon passé de dessinateur et à mes jeunes années d’apprenti dessinateur de BD. Et enfin à mes études d’arts plastiques : Je ne peux m’empêcher de tout décortiquer, de regarder chaque détail du dessin, du découpage, des cadrages, des plans, des effets de couleur et des effets spéciaux.
        Mais c’est aussi le cas lorsque je lis un roman : J’adore la littérature et je relis souvent plusieurs fois chaque phrase pour m’en imprégner, ce qui signifie que je le fais aussi pour les textes et les dialogues d’une BD, raison pour laquelle je ne supporte pas le style des vieux comics, souvent écrit avec les pieds (et peu importe si la raison était les impératifs et autres délais éditoriaux restreints).
        Ainsi, le sens de lecture japonais décuple encore ce temps de lecture, et finit par gâcher mon plaisir de lecteur. Idem pour une BD où il faut tourner le livre pour lire un coup en vertical, un coup en horizontal : Je déteste ça !
        Ainsi je me focalise sur les BDs selon une sélection particulière du fond et de la forme. C’est JP qui faisait remarquer que, arrivé à un certain âge, on commençait à être moins ouvert et à rechercher sans cesse les choses qui correspondent avant tout à notre sensibilité. C’est donc devenu mon cas.
        Bruce m’a offert la série « Ayako » d’Osamu Tezuka. J’ai lu le premier tome et j’ai trouvé ça super. Mais je repousse sans cesse la lecture des deux autres tomes à cause de mon aversion pour ce sens de lecture différent. Sachant que le boss lit hyper vite : C’est moi qui lui ai offert mon exemplaire d’Onslaught en omnibus, et il a lu ça plus vite que son ombre ! 😀

      • Matt  

        Oui, ça se comprend. J’ai longtemps hésité à lire à l’envers aussi. Mais en franchissant le pas, j’ai vu que je pouvais m’y faire. Bon déjà t’as essayé, c’est pas un blocage par principe^^ Pour ma part, même si je dessine comme toi, je suis beaucoup plus perturbé par un découpage psychédélique, des dessins hyper chargés qui se chevauchent et les doubles pages (je suis par exemple moins gêné de devoir tourner le bouquin pour voir un dessin en format paysage, que de me taper un format paysage sur des doubles pages avec une reliure au milieu du dessin où il faut se battre pour trouver ce qu’il faut lire en premier et arracher la reliure pour voir des détails. Même si je peux trouver ça très beau. Je pense par exemple à certaines planches d’Olivier Ledroit si tu vois où je veux en venir. ça dépasse de partout, ça se chevauche, etc. Pfiou…dur. A côté de ça, le sens de lecture japonais c’est reposant^^

        C’est vrai que moi à l’inverse je vais parfois sauter quelques phrases dans les vieux comics écrits avec les pieds (ce qui doit donc te paraître une aberration^^) si je vois que le dialogue ne fait que décrire l’action. Et donc ça va moins me gêner (même si je ne nierai pas que le narration était lourde).

        A chacun ses démons il faut croire.

  • Présence  

    Cet article fut peut-être accouché dans la douleur et amputé à la naissance, mais il se lit tout seul et j’ai ressenti ta passion de lecteur / rédacteur. Je sais que mon fils l’avait également fortement apprécié, au point de décider de lire tout Taniguchi (pas à l’échelle de 10 de préparation, mais sur plusieurs années au fil des anniversaires et des Noël).

    De ce que tu en écris, Taniguchi a l’air d’avoir fait sien le roman originel, au point de réaliser une adaptation autonome (voilà qui devrait titiller la curiosité de Tornado).

  • JP Nguyen  

    Taniguchi et Baku vous ont ouvert la voie avec ce conte à la fois naturaliste et poétique sur le but à donner à son existence et la souffrance à investir pour réaliser ses rêves. Certes, une société ne pourrait perdurer si tous nous lâchions boulot, femme et enfant pour aller vivre notre passion à fond. Il n’empêche que…
    Bruce, tu sembles avoir très bien formulé l’essence de ce manga que je n’ai pas encore lu. Ceci dit, j’ai toujours eu un problème avec les sportifs de l’extrême. D’un côté, leur passion et leur excellence dans leur discipline force l’admiration. D’un autre, comme tu le dis, il faut bien des gens pour faire tourner la boutique…
    Et parfois, je repense à ces documentaires sur la formation de la Terre, sur l’échelle des temps astronomiques ou même simplement géologiques… Nous ne sommes rien et ne faisons que passer… Alors quel sens donner à tout ça, et y-a-t-il un sens meilleur qu’un autre ?
    Désolé pour le ton un peu pessimiste de ce commentaire… Le sujet du bouquin ajouté à l’actualité, sans doute…

    • Matt  

      Il faut peut être y voir autre chose qu’un abandon de la « boutique » mais simplement une volonté de vivre différemment. Chacun peut y voir ce qui lui plaît. Cela peut simplement vouloir dire essayer de vivre encore dans notre société mais sans trop se laisser bouffer et retrouver ce dont elle nous éloigne et dont nous avons besoin (nature, échanges, expériences….plutôt que métro, boulot, dodo) Ne pas s’enfermer dans un boulot de merde, dans un endroit qu’on déteste pour une histoire de gros salaire, et ce même si la situation économique n’est pas facile. En gros ne pas être un zombie. Et ce n’est pas un caprice je pense, parce que combien de ces gens enfermés dans une vie qu’ils détestent finissent par se suicider ou consulter un psy ? Il faut prendre soin de soi un minimum. Quand je vois ces histoires de harcèlement moral qui poussent des salariés à se tuer, je trouve ça grave. Très grave. Parce que contrairement aux attentats (qui sont grave aussi hein, bien sûr), ça passe sans trop faire de bruit…on dit que ce sont les gens qui sont fragiles…que la soiciété est comme ça, que c’est pas si grave de se faire torturer moralement, etc. ça passe pour une pratique compréhensible pour l’intérêt financier. Alors que c’est de la maltraitance dissimulée et de l’incitation au suicide.

      C’est un manga qui a l’air très bien en tous cas. Et que j’ai déjà été tenté d’acheter. Les dessins sont magnifiques. Et cette quête de sens à donner à son existence en réalisant quelque chose me parle. Je ne crois pas que la vie ait un sens particulier, mais c’est notre enfermement dans un mode de vie dont nous ne choisissons rien qui nous donne ce besoin d’avoir l’impression d’exister et de s’émanciper en faisant quelque chose.

  • Bruce lit  

    « En route pour l’aventure » Finale
    De l’Olympe au Sinaie, la Montagne est le haut lieu des Dieux. Habu Joji lui s’attaque seul à l’ascension de l’Everest dans « Le Sommet des Dieux », (encore) un chef d’oeuvre de Taniguchi au sommet de son art et de son humanisme.
    La BO du jour : Je m’en irai dormir dans le paradis blanc/ où l’air est si pur que l’on se baigne dedans/ et jouer avec le vent, comme dans mes rêves d’enfants/ comme avant…….https://www.youtube.com/watch?v=pUt6YLeECGI

    Tout d’abord, bonjour et merci à tous d’être là en ces heures si tristes. Je me suis demandé s’il fallait continuer à publier ce matin et puis….vu la tournure que les choses prennent, ce n’est pas prêt de s’arrêter….Je ne sais pas comment faisait les auteurs des Guignols pour continuer tous les jours en fonction de l’actualité.

    //L’abandon de la boutique : je prends cette remarque comme empreinte du pessimisme ambiant JP. Que ce soit via la musique, le sport ou le cinéma, nous sommes, et ce lieu en est la preuve, à la recherche de héros, de symboles qui vont au delà de ce que peut autoriser la société. Une déviance positive en quelque sorte qui rappelle que si les actes de Habu ne sont pas les plus altruistes du monde, ils sont admirables en terme de courage, de volonté et d’abnegation. Des valeurs qui finalement sont finalement plus importantes que leurs effets secondaires.
    Je suis triste de voir qu’après ET publié le 13 novembre, un autre article prônant l’humanisme et les idéaux de paix et de tolérance sortent en des heures si sombres.
    Toutefois, chaque jour, je pense à ce Domaine des Dieux, à Habu et à Matt Murdock qui bravent les limites de la raison et du courage par aller au delà.

    @Matt ton exemple sonne très juste. Il délimite la frontière civilisée entre la vie et son espérance d’amélioration et la survie, celui qui pousse un homme à fuir un camion blanc avec un genou fêlé…Je pense personnellement que rien n’a de sens mais je crois aux cycles, aux saisons. Que l’homme est une marionnette de plein de choses mais que parfois, il peut en voir les fils (coucou Alex Nikolavitch, je lis ton bouquin sur les Dieux de Kirby et la référence au Dr Manhatan de Watchmen m’a beaucoup touché ce matin) et parfois, s’en affranchir…Ou tout du moins mourir en pensant pouvoir le faire, ce qui est, en y pensant, pas la pire façon de mener son existence.

    @Tornado: Quartier Lointain m’a ému, Le sommet des Dieux m’a bouleversé. Je crois que le message est passé…

  • Jyrille  

    Encore un très bel article habité et habile, où on ne sent pas la difficulté que tu as eu à l’écrire. J’aime beaucoup Taniguchi mais je n’ai pas tout lu de lui car certaines de ses bds m’ont laissé un sentiment de redite. Mais Quartier lointain et Le journal de mon père sont splendides.

    Comme JP j’ai un sentiment partagé sur ce genre de sportifs et ayant de nombreuses autres séries ou bds plus attrayantes à mes yeux pour le moment je ne pense pas me lancer à l’assaut de ces cinq tomes dans l’immédiat mais je garde ton avis en mémoire.

    Quant au reste j’y vois surtout un message de dépassement de soi plus qu’un manifeste antisocial, mais je reviendrai en parler plus longuement plus tard…

    • Bruce lit  

      Comme JP j’ai un sentiment partagé sur ce genre de sportifs
      Taniguchi ne laisse aucune équivoque sur le comportement de Habu, il ne le pose jamais comme un modèle à suivre et met en scène des personnages que son comportement a laissé sur le carreau. Ce qui est très beau reste la description du changement qui s’opère en chacun de nous face à la confrontation d’avec la nature du fait de cette déduction assez logique : comment redescendre parmi les hommes lorsque l’on a atteint le sommet des dieux ? Je ne veux pas spoiler , vraiment, vraiment pas cette fin splendide où Taniguchi trouve l’issue à donner à Habu dans un moment dont je suis sûr de me rappeler encore dans 20 ans….
      J’ai parfois beaucoup pensé au Grand Bleu, même si Besson est out et à Jacques Mayoll qui doit à chaque plongée avec les dauphins trouver la force de remonter à la surface. En celà, l’article du jour est raccord non ?
      Mais je comprends ta remarque. j’ai eu véritablement un sentiment de haine à la fin de « Into the Wild » où, outre une mise en scène assez plate, Sean Penn nous assénait l’histoire d’un personnage égoïste dont j’ai accueilli la mort avec ferveur. C’était inexplicable, probablement du fait, que le personnage m’humiliait à sa manière. Alors que Habu me fascine…Subjectivité…Taniguchi est cretainement plus habile et moins moralisateur…

      @JP: le Never Give Up du scan t’est bien sûr adressé.

  • Matt  

    Je ne ressens pas non plus dans ton article que le manga donne raison aux comportements de ces sportifs. Mais plutôt qu’il met en scène un personnage qui a une obsession qui peut être compréhensible pour le lecteur car elle a des côtés fascinants, mais qui est aussi destructrice.
    Je pense pouvoir trouver mon compte dans ce manga moi. Il faudra que j’y pense. Mais bon faut arrêter avec les bons trucs là, mon compte en banque va vous haïr^^

  • JP Nguyen  

    Bon, j’ai lu les deux premiers tomes cet après midi.
    J’avais laissé le choix à mes filles entre balade en forêt et médiathèque et elles ont choisi la médiathèque. J’ai lu les 2 tomes sur place et emprunté les 3 derniers.
    C’est une lecture très prenante et c’est solidement réalisé… Celà dit, j’attends de savoir comment tout ça va se finir. Le personnage d’Habu est particulier mais pas totalement antipathique.
    Par moment, il me rappelle De Niro et Pacino dans Heat. Il adore ce qu’il fait, et il ne sait faire que ça.

  • Bruce lit  

    « En route pour l’aventure » Finale (posté par Présence)
    Le sommet des dieux, de Jiro Taniguchi, adapté d’un roman de Baku Yumemakura : un manga de sport extrême, une ode ode à la liberté, à la solitude, au recueillement, un conte à la fois naturaliste et poétique sur le but à donner à son existence et la souffrance à investir pour réaliser ses rêves… et tellement plus encore.

    @JP : Alors là, tu me fais super plaisir ! Je suis très touché d’avoir cette influence sur tes lectures. Les deux premiers volumes sont les plus mous…A partir de maintenant, c’est que du bon. Quant à la fin….Rahhhh, cette fin….
    Je n’ai pas revu « Heat » depuis 20 ans. Je ne me rends pas compte de la portée de ta comparaison.

    @Matt : Tu fais allusion à la mort de Vegeta contre Freezer ? Un grand moment en effet !
    C’est un vilain de Ken le survivant qui a le coeur à droite ^^

    @Tornado : Pour Onslaught, je n’ai rien fait d’exceptionnel : je connais l’histoire par coeur. Pour le reste, je lis comme toi mais à un rythme différent : la première lecture est souvent rapide, je suis principalement guidé par l’intrigue et le destin des personnages. Puis je relis l’histoire dans la foulée pour en apprécier les détails. Sauf évidemment les gros pavés d’Alan Moore…Ceci est notamment guidé par mes habitudes d’enfant : Les Special Strange sortait tous les deux mois, je dévorais l’histoire pour vérifier si mes héros ne mourraient pas. Et après je pouvais relire l’histoire de manière plus détendue. Une approche que j’ai gardé pour les Jeux Video où je fonce comme un malade pour rejouer ensuite le jeu une bonne dizaine de fois….Donc au final, je suis autrement plus lent que toi !

    • Matt  

      Oui, la mort de Vegeta tué par Freezer. J’avais acheté le manga quand j’étais au collège et je me souviens de ce sentiment de redécouvrir la série que je n’avais pas vu depuis des années mais cette fois en BD. C’était génial. Pour moi c’est vraiment la saga que je préférais parce qu’elle était liée au passé des héros. Et Vegeta a beau être un salaud et souvent un crétin vantard, c’est le seul personnage qui évolue et qui a une histoire. Le voir pleurer quand il se fait achever par Freezer, et supplier son ennemi, c’est un passage fort. J’ai toujours préféré Vegeta comme personnage même si on me disait « mais il est con, il fait le malin et se fait rétamer » Oui c’est vrai mais bon…
      Freezer était le grand méchant parfait aussi. Dommage qu’avec la continuation du manga et les évolutions de puissance ridicules des persos, Freezer soit finalement, au terme du manga, un personnage tout faible s’il s’amusait à revenir d’entre les morts (oui je sais qu’il est revenu dans de récentes OAV/ séries mais je m’en fous, il paraît que c’est nul)

      Je me souviens aussi de Souther, le méchant de Ken le survivant sur lequel le super coup de Ken ne marche pas faute de points vitaux à la bonne place.^^

      Tiens au fait j’ai lu Onslaught. Enfin pas l’omnibus mais juste quelques revues contenant le principal. Et bien sûr j’ai lu le prélude avant. Ben…c’était sympa en fait. Surtout le prélude qui est très bon. En fait c’est même pas super intéressant de lire Onslaught sans le prélude. C’est là que tout se prépare. Il y a de bons épisodes qui montrent Xavier qui change progressivement. Quant à Onslaught, c’est surtout la baston qui met fin à ces intrigues qu’il vaut mieux avoir lues donc. Et les moments de la révélation de l’identité de Onslaught, c’est pas mal du tout. En fait c’est au moment où tout l’univers Marvel entre en scène que ça devient un beau bordel pas super intéressant. Je n’ai lu que la moitié de l’Omnibus à travers mes revues et j’ai la sensation d’avoir lu le principal. Je crois que cette saga souffre d’un « trop plein » de séries. C’est d’ailleurs pénibles les références sans arrêt « voir x-force truc », « voir X-man » alors que certains persos impliqués ne servent à rien.
      Pas un chef d’oeuvre clairement, mais je ne regrette pas de l’avoir lue et je ne compte pas le revendre. Surtout à cause du prélude qui contient de bonnes choses. Je me suis même surpris à apprécier les dessins (le problème vient surtout des couleurs flashy)

    • Matt  

      Et j’ajoute que c’est cool de se faire offrir un omnibus qui coute un prix scandaleux maintenant. Juste pour une qualité de papier meilleure, j’aurais bien aimé prendre l’omnibus à la place des revues kiosque, mais pas à un tel prix ! Surtout si la moitié des épisodes est dispensable.

      • Tornado  

        Etant donné le temps que Bruce nous consacre, et hormis le fait que c’est le plus gentil des hommes (si, si, je suis objectif ! 🙂 ), c’était la moindre des choses. Et de toute manière je préfère que mon omnibus soi-disant hors de prix finisse dans sa bibliothèque, que chez un inconnu !

        • Bruce lit  

          @Tornado….euh…c’est parce que je m’entends bien avec tes potes que tu dis ça ?
          @Matt : le retour de Freezer est chroniqué ici

          @Cyrille : Ouah, la vache, tu as la Rage Against the Michel ? Certains titres de Berger ont vraiment méchamment vieilli surtout les titres funky. Mais ces ballades : « Pour me comprendre », « Seras tu là ? », « Diego », je suis incapable de résister à cette jolie tristesse. Berger est mort après le paradis blanc. C’est la génération Coluche, Balavoine qui a tant compté. Oh Balavoine aussi était chiant parfois à faire la morale à tout le monde et Berger à s’appitoyer mais je suis incapable de résister à « Quelque chose de Tenessee…. »

          • Tornado  

            OBJECTIF j’ai dit !

  • Jyrille  

    Finalement je ne vais pas partir dans une diatribe philosophique sur la société, mais je tiens à dire que je déteste la chanson de Michel Berger qui t’a inspiré ce titre. C’est peut-être une belle chanson, ça peut toucher des gens tout ça mais pour moi c’est juste insupportable. Cette orchestration, ce son de synthé, c’est pas possible. Et je pense même que la chanson simplement au piano m’horripilerait. C’est tout ce que je déteste dans la variété française qui pète plus haut que son derrière.

  • JP Nguyen  

    Ben voilà, je viens de finir le dernier tome. C’est une très bonne série, même si il y a un peu un mélange assez spécial de Tintin (l’imbroglio avec le vieux appareil photo et les kidnappeurs) et de quête existentielle.
    Ce qui est appréciable, c’est que l’histoire nous plonge dans la tête des protagonistes mais ne formule pas de jugement définitif sur le sens de la vie et tout ça, tout ça. Comme plusieurs récits de Taniguchi que j’ai pu lire, c’est assez contemplatif.
    C’est une bonne lecture que je recommanderais mais je ne souhaite pas forcément l’avoir dans ma bibliothèque (demandez pas pourquoi, c’est un ensemble de critères subjectifs liés à l’investissement émotionnel et à la place disponible…)

    • Bruce lit  

      Oh la vache tout dans la même journée ? presque 2000 pages ?
      La fin t’a touché ?

  • Tornado  

    En voilà encore un qui lit plus vite que son ombre…

  • Matt  

    J’avoue que là…2000 pages c’est beaucoup pour moi aussi en une journée. Je dirais même que je n’aime pas me presser à ce point dans une lecture et que je ferais des pauses volontairement entre les tomes^^

  • JP Nguyen  

    Ce n’est pas la toute fin qui m’a le plus touché mais plus certains passages qui parsèment la série, notamment toutes les petites réflexions sur ce qu’on choisit de faire de sa vie, rapport à mon imminente crise de la quarantaine tout ça, tout ça…
    Et je reste sur ma comparaison avec les protagonistes de Heat. Ce sont des « driven characters ». Ils ont une passion et s’y consacrent à fond, en laissant tout le reste de côté… Ils sont obsédés, possédés par une force supérieure…

    @Cyrille : je n’aurais pas cru que tu pourrais manifester autant d’hostilité envers cette chanson ! Elle m’a toujours paru assez inoffensive…

    • Bruce lit  

      Bon, content que tu aies aimé. Tu valides les 5 étoiles ?

  • Matt  

    En ce qui me concerne, j’avoue que ça me tente davantage que quartier lointain qui me fait un peu peur. Quand je dis « peur », je ne veux pas dire que je doute de la qualité de l’oeuvre, mais je suis quelqu’un qui a pleuré en lisant « Daytripper » pour des raisons difficilement explicables venues de ressentis, de regrets, de choses qui dépendent de nos difficultés dans la vie, de nos choix, de nos douleurs, du regard plus ou moins bienveillant qu’on porte sur notre propre personne, etc. Donc ces récits jouant avec le passé, la nostalgie, les regrets…ça me touche trop en général. Et je me sens pas super bien au terme de ma lecture.

    • Bruce lit  

      Daytripper, le truc sur les jumeaux,là, j’ai pas aimé du tout….

      • JP Nguyen  

        Bruce, tu confonds pas deux oeuvres de Fabio Moon et Gabriel Ba ?
        Daytripper et Deux frères sont des mêmes auteurs mais parlent de choses différentes.

        • Bruce lit  

          que j(ai détesté toutes les deux avec mention spéciale pour Deux Frères….

  • Matt  

    Oui, j’avais cru comprendre ça.
    Difficile de dire si j’ai aimé, ça m’a attristé.

    Allez je me permets un petit lien vers une chanson légère d’un groupe québécois sur les choses perdues de nos vies qui n’exhorte pas à aller les retrouver en haut des sommets, mais du moins dans nos cœurs.

    https://www.youtube.com/watch?v=KVIxxatSIPI

  • Cathy  

    Très belle critique, tu me donnes envie de le relire ! J’en ai peu de souvenirs car lu il y a longtemps, mais je me rappelle avoir été bluffée, autant par l’histoire que par les magnifiques planches dédiées aux sommets.

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