La grande escroquerie du comic-book (Bullshit Detector : The Ultimates)

The Ultimates par Mark Millar et Bryan Hitch

L’ultimate Anti-Millardise de  BRUCE LIT

VO : Marvel Comics

VF : Panini

1ère publication le 28/01/19- MAJ le 09/10/23

Captain Cavern et sa bande de Yuppies (C) Marvel

Captain Cavern et sa bande de Yuppies.
(C) Marvel

Voici une revue au vitriol des deux premier arcs  des ULTIMATES de Mark Millar et Bryan Hitch. Soyez prévenus, ses ULTIMATES si souvent portés aux nues par plein de gens biens, notamment Tornado qui signait ici l’un de ses premiers billet pour le blog,  m’ont mis d’humeur massacrante. BRUCE SMASH ! 

Je ne vais pas vous refaire l’histoire car si une chose est quasi certaine, c’est qu’une majorité des jeunes lecteurs de La Maison des Idées a grandi avec les Ultimates, cette remise à jour de l’univers Marvel au début des années 2000 avec strabisme prononcé vers le cinéma. Et puis être anti-Millar, c’est faire du Millar et donc, entrer direct dans le vif du sujet, et je sais faire ça très bien. En résumé:
Yaddi Yadda, continuité trop lourde, bla bla dépôt de bilan Marvel,la la la Joe Quesada, Obladi Oblada nouveaux lecteurs, nouveaux auteurs, Never Mind the Bollocks, Here’s Mark Millar (ma capacité de synthèse a toujours étonné mes enseignants à la fac…).

Et là tout se complique… Parce que dans le coeur de beaucoup de fans, THE ULTIMATES est un classique, un truc aussi indispensable à l’univers Marvel que LA SAGA DU PHÉNIX NOIR ou LA MORT DE CAPTAIN MARVEL. Sur le fond, aucun problème, à chaque génération ses classiques, inutile de comparer l’incomparable. Sur la forme, pardon, c’est là que ça commence à urtiquer. Car ULTIMATES  inaugure une révolution dans le médium du comic book : du super héros facile à comprendre, facile à collectionner, facile, très facile, trop facile à aimer avec ses clins d’oeil à l’actualité de l’époque et sa dose d’ironie. C’est le début d’une recette destinée à….faire recette, au cinéma notamment avec la fameuse méthode Millar : prémâcher le travail d’une adaptation au cinéma quitte à transformer, pervertir, déguiser un scénario en script.

Une contre plongée pour un sexe solaire... (c) Marvel Comics

Une contre plongée pour un sexe solaire…C’est lui qu’a la plus grosse bien sûr  !
(c) Marvel Comics

On a aussi parfaitement le droit de trouver lamentable ce récit dont la vulgarité soi disant assumée n’a d’égal que la pollution mentale qu’elle déclenche chez un lecteur un poil aigri. Quoi ? C’est donc ça, le complexe du Messie selon Millar ? Un truc si formaté, plus dirigiste qu’un CALL OF DUTY où le lecteur n’a aucune liberté d’interprétation, où l’on suggère plus que lourdement le nom des vedettes du blockbuster à venir (aucun ne sera retenu à part Samuel Jackson), où l’ironie du message n’a d’impertinent que la forme ?

Car, et c’est souvent le cas chez Millar, le pitch importe plus que le fond. L’enrobage n’a d’égal que l’enfumage. Et on le sait, la fumée ça pique les yeux, pas vraiment l’effet recherché en Bande Dessinée.
Ainsi donc, ces Ultimates seraient moins parfaits que leurs modèles vertueux, ils se comporteraient de manière réalistes avec une forte critique de la société de spectacle dont les super-héros seraient les Ultimate People. Soit ! Sauf que tout ça est terriblement sérieux !  Aucun second degré, tout ceci est parfaitement hypocrite. Comme lorsque Kurt Cobain laissait croire que I HATE MYSELF AND I WANT TO DIE était une blague alors qu’il s’agissait d’une  véritable déclaration d’intention. C’est le cas de Millar qui a toujours eu l’honnêteté d’avouer son adoration du billet vert.  Et ce n’était pas la première fois qu’il nous faisait le coup.

Une actrice portée disparue désormais... (C) Marvel Comics

Tony Stark et la star d’AMERICA PIE…Tout un programme…(qui s’en rappelle encore) ? ) (C) Marvel Comics

Ses ULTIMATE X-MEN et son AUTHORITY confrontait déjà ses personnages à la célébrité, au culte du pognon et à la vacuité intellectuelle. Que ce soit  pour ses X-Men ou ses Vengeurs, l’héroïsme est une valeur ringarde, irréaliste, l’altruisme pur et désintéressé n’existe pas, surtout dans une Amérique post 11 septembre. Un constat affligeant lorsque l’on sait l’héroïsme réel et l’humilité dont firent preuve les civils lors du 11 septembre et le 13 novembre. Millar prouvera par là même que contrairement à ce qu’il imagine, il a toujours un train de retard sur ses constats sociétaux. Et ses adorateurs l’amnésie complice.

Lire les ULTIMATES c’est aussi bandant que parcourir un bilan comptable ou suivre les cours de la bourse (sic)  : Iron Man ? Il teste ses armures pour impressionner des actrices, des secrétaires et des sponsors. Nick Fury ? Le mec est un vrai banquier qui à chacune de ses scènes dresse l’inventaire de tous ses jouets technologiques et de ce que ça coûte au contribuable américain. Pas une page sans que le borgne ne chiffre pas en millar, forcément en milliards  l’étendue de son pouvoir.  Cap America ? Un beauf vaguement homophobe et raciste qui répond aux civils qu’il justifie son salaire en les sauvant. Hank Pym ? Un mec obsédé par l’inventaire de ses mensurations lorsqu’il grandit. Janet Pym est là pour se faire tabasser et inspirer aux héros une réaction indignée, le lot de toutes les femmes chez Millar dont l’utilité se résume à se faire assassiner et /ou violer dans son oeuvre.

Et  n’oublions pas Hulk. Ce pauvre Hulk, dont il sera dit que Millar l’humiliera de manière continue en le transformant en vieille merde cannibale et psychopathe dans OLD MAN LOGAN, en putois sur pattes dans 1985 avant de le rendre plus abruti que d’ordinaire. Dans ULTIMATES, le personnage se laisse appâter par une paire de nibard, escalade une gigantesque tour, très grande la tour,  et fait de gigantesques dégâts parce que sa copine mange avec Freddy Prinze Jr (l’intuition de Millar pour déceler des légendes du cinéma est remarquable…).  Pour la maturité, on repassera.

Ultimate cocu (C) Marvel Comics

Ultimate cocu !
(C) Marvel Comics

Lorsque Bruce Banner se retrouve en taule et qu’on lui apprend que sa crise de jalousie a tué 500 personnes, sa première réaction est de de se demander l’impact que cet événement aura sur son image publique. Une image assez cool et détachée, hein ? Punk, tout ça ?  Allez dire aux fans de The Clash que leur musique ne véhiculait aucune valeur morale (bonne chance !). Cette ordure de G.W.Bush est présenté comme un mec ultra-cool qui tope dans la main de Steve Rogers. Le Punk, le vrai lui aurait craché à la gueule, les Super-Héros que Millar s’empresse d’humilier avaient déjà cassé la gueule de Hitler et combattu Nixon. Le seul contre-pouvoir à toute cette mascarade est incarné par Thor transformé en alter-mondialiste refusant de servir l’ultralibéralisme de son pays. On se dit que Millar ose enfin la vraie subversion avant que celui-ci accepte de dîner dans un palace avec Tony Stark. Pour la rébellion, on repassera…

Au bout des 6 premiers épisodes, je suis resté fasciné par la médiocrité du propos de Millar ; ainsi donc cette équipe qui dépasse tous les records, qui coûte et veut gagner des millions a été constituée pour arrêter un cocu en colère !  Rendez-moi mes supervilains à cape et mégalomanes… Vous trouvez que j’exagère ? N’est ce pas Millar lui-même qui déclare tout fiérot dans son Manifesto vouloir sortir de la logique du super héros qui traque les voleurs de banque ? Un exemple pas si anodin en fait quand on sait la passion du personnage pour ce qu’on y trouve dans ces banques. Fans ! Millar n’est pas votre héros mais celui de Macron !

Comprenez-moi : voilà un scénariste qui pète plus haut que son Pschit… Il y a du Stan Lee chez cet homme : roublard, sympathique mais totalement obnubilé par le pognon, le marketing et le cinéma. Il y a encore du Stan Lee en vendant de la fumisterie en l’adoubant du mot génial, en appliquant des recettes plaquées froides et sans âme d’un comics à l’autre. Mais au moins, Lee peut se targuer d’avoir participer à la création d’un univers quand Millar se contente de dépoussiérer l’ensemble.

Ultimate Uncoolé (C) Marvel Comics

Ultimate Uncoolé
(C) Marvel Comics

Désacraliser nos super héros c’est bien, c’est punk, c’est salutaire. Sauf que Millar ne sera jamais un punk. JAMAIS.  Les Clash ou les Pistols pouvaient se permettre de vomir sur Pink Floyd, Elvis ou les Beatles.  Ils avaient les chansons, les propos et  la suprême ironie de continuer à les aimer en secret. Leurs albums ce n’était de la pose et ces gens peuvent se targuer d’avoir révolutionné la musique en plus de nos vies.

Millar, lui c’est le Desktop qui débouche des canalisations vétustes.  Tout chez lui n’est que du parfum de synthèse.  L’iconoclasme Punk, la vraie critique  venimeuse et brutale du Super-Héros vous la trouverez chez Pat Mills (MARSHAL LAW) ou bien entendu dans THE PRO ou THE BOYS de Ennis.  Millar veut transformer les Vengeurs en rock star. Gasp ! ses héros ont d’avantage le comportement des minables de LOFT STORY que de Jim Morrison, Keith Richards ou Lou Reed.

Tu dis que tu veux une révolution ? Well, dans son deuxième arc, Millar se dit qu’il serait temps que ses NULLTIMATES affrontent enfin des vilains….
Des Aliens Nazis ! (Soupirs).

Pendant que vous lisez cet article, Nick Fury perd au moins 1 million de dollars... (C) Marvel Comics

Pendant que vous lisez cet article, Nick Fury perd au moins 1 million de dollars…
(C) Marvel Comics

Oui, ça c’est de l’originalité, hein…C’était bien la peine de traiter le Old School de ringard quant on met en scène l’archétype du vilain bête et méchant…Alors que Spider-Man se frottait au totemisme et au chamanisme chez Straczinski, que Frank Castle s’attaquait à la traite des filles de l’est chez Ennis, alors que Peter Milligan, lui, proposait une passionnante thèse sur les affres de la célébrité en partenariat avec Grant Morrison et sa pop culture mutante, Millar lui, inventait la lutte des méchants contre des yuppies avec une mise en scène à la Michael Bay…

Michael Bay…
Le Luc Besson américain. L’homme dont il convient de railler chaque blockbuster. Il faudrait se réjouir d’en avoir l’équivalent côté comics alors que cet univers rengorge de perles aussi accessibles que profondes et jamais rééditées ?  De célébrer un Comics de Parvenu composé de coquilles vides plus soucieux de leur égo trip que de valeurs d’altruisme ? De supporter l’imposture d’un « auteur » qui comme un gosse mime des explosions avec sa bouche et écarte les bras pour montrer que c’est grand comme ça ?!

Millar a triomphé néanmoins : cette version des héros Marvel débarrassée de tout altruisme, de compassion, d’empathie et de générosité est celle que connaîtront nos enfants.  Tandis que le socle dur, celui constitué des fans des héros seventies se sont servi de ces figures mythologiques pour dépasser leurs limites et tenter à leur humble échelle de ressembler à Matt Murdock (l’avocat des pauvres), aux Xmen (les éducateurs de gosses en difficulté, j’y reviendrai dans un prochain article) ou à Steve Rogers (Le rêve américain dans ce qu’il a de plus noble).

A tous ces gens, Millar fit un bon bras d’honneur en tentant de les ringardiser en oubliant cette cruelle vérité : les Punks, les vrais se sont aussi désagrégés et pas toujours de manière très honorable tandis que Roger Waters, les Stones ou MacCartney, ces groupes emblématiques de ce qu’ils voulaient enterrer existent encore.  Tout ceci est presque politique : ce qui fut vendu sous les oripeaux du changement est en fait le conservatisme le plus odieux, celui que l’on tente de fuir en temps habituel en lisant des comics….Que les UTLTIMATES soient du Comics Porn-Corn, du divertissement bourrin, du Big Mark 100% matière grasse, rien de mal à ça. Mais par pitié, arrêtons de porter  Millar réédité à l’envi au pinacle de la création. Car, pour paraphraser Guitry, les Comics c’est trop sérieux pour les confier à des rigolos….

La folie des grandeurs... (C) Marvel Comics

La folie des grandeurs…
(C) Marvel Comics

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Des Punks, des vrais, se demandent ce qui est arrivé à nos héros !

113 comments

  • SonOfRay  

    J’ai réfléchi s’il y avait un comic book de Millar qui m’avait plu, je n’en trouve pas ; je dévore quotidiennement des comics, mais je n’ai jamais voulu essayer Ultimates, à cause des couvertures : la lumière qui obscurcit le dessin au lieu de l’éclairer, les sourires qui me semblent narquois de certains personnages ; finalement les couvertures ont bien joué leur rôle puisqu’elles m’ont repoussé.

  • Alchimie des mots  

    Alors, je n’ai pas lu le comics car les Ultimates n’ont jamais été ma tasse de thé.
    Des xmen, à Spider-man et aux Avengers puisqu’il en est question.
    À la lecture de cet article, comme toujours tu ne mâche pas tes mots mais je suis d’accord avec toi sur le fond.
    La lecture des comics m’a toujours tiré vers le haut de part les valeurs morales qu’elle véhicule.
    Et je n’aurais franchement pas apprécié lire une version aussi complexe de personnages qui ont bercé ma jeunesse.
    Bon je n’adhère pas au concept mais si d’autres apprécient pourquoi pas.

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