Les Origines historiques du Punisher

Punisher : Crime and Punishment par Bill Mantlo et Al Milgrom

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Tout en un ! Les origines et le procès du Punisher !©Marvel

Première publication le 26/08/14- Mise à jour le 20/11/17

Article de BRUCE LIT

VO : Marvel

VF : Lug 

Cet article  est basé sur l’arc Crime and Punishment publié aux Etats-Unis en 1983 dans la série Spectaculaire Spider-Man 81 à 83. Cette histoire a été réeditée dans un trade paperback du même nom (mais sans le jugement du Punisher !)

Les origines du Punisher,  tout le monde les connaît. Un brave père de famille, ancien militaire,  emmène sa famille dans un pique nique à Central Park. Pris au milieu d’un règlement de comptes mafieux, Frank Castle voit périr sous ses yeux impuissants sa femme et ses deux enfants. Révolté et traumatisé, il endosse l’habit du Punisher, un justicier urbain qui va corriger par balles les déviances de New-York.

Garth Ennis puis Jason Aaron sont par la suite revenus en subtilité sur le massacre de Central Park, mais pendant longtemps cette histoire a tenu lieu d’origines canoniques du personnage.

Une histoire rééditée dans ce trade©Marvel

Dans les pages de Spider-Man donc, Frank Castle s’échappe de la prison où Daredevil l’y a jeté dans No More Mr Nice Guy. Il a en tête de tuer Wilbur Fisk, le Caïd (il sera rebaptisé Wilson par la suite sans qu’on sache trop pourquoi). Il croise dans ces trois épisodes Spider-Man qui veut empêcher ce meurtre de sang froid et le duo La Cape et l’Epée qui punissent les toxicos de New-York à leurs manières.

Battu par Fisk, le Punisher est arrêté, son histoire révélée par Ben Urich pour la première fois dans une séquence lapidaire d’une page. Il était sans doute difficile en 1983 de représenter dans un Comics populaire la mort de deux enfants en plein New-York. Frank Jr et Lisa apparaissent  dans un sac mortuaire. Dommage que les scans de cette séquence n’apparaissent pas sur Internet….

Écroué, Frank Castle est jugé.  Peter Parker couvre l’événement mais reste très en retrait. La justice s’interroge sur la responsabilité pénale et se demande si Castle n’est pas un illuminé. Lorsque le verdict tombe, le Punisher craque et s’écroule. Mantlo met en scène un homme brisé qui refuse que ses actes soient considérés comme celui d’un dément. L’anti-héros sort de scène menotté. Peter Parker que l’on a connu plus compatissant envers ses vilains espère quant à lui ne jamais devenir comme Castle…

Toute la mythologie tragique du personnage est bien ici retranscrite par Mantlo. Le Punisher était apparu 9 ans auparavant toujours dans les pages de l’homme araignée. Il intervenait dans des Marvel Team Up musclés qui n’en disaient pas plus sur lui. Il faudra Frank Miller pour lui donner une voix intérieure dans trois épisodes de Daredevil mémorables. Mais c’est Bill Mantlo qui s’attelle pour la première fois à la psychologie du personnage. Pour lui aucun doute Castle est fou. Pourtant, malgré toute la lourdeur qui lui est reprochée à juste titre, il écrit ici le premier Punisher moderne.

Un justicier dans la ville©Marvel

Et Castle intimide autant qu’il apitoie. Frank n’est pas un solitaire. C’est un isolé. Un paria. Un homme incompris aimé de personne. Ni des super héros, ni des personnes qu’il sauve par ses méthodes violentes. Et encore moins des vilains qui veulent sa peau.

Frank Castle est un soldat qui se dédie à sa guerre personnelle à plein temps. Il n’est pas protégé par une double identité, il n’a pas de foyer, plus de famille, nulle part où aller après ses bastons. Pas de Charles Xavier pour le recueillir. C’est un homme qui a tout perdu et n’a plus jamais rien gagné. Un type qui refuse toute aide extérieure. Au delà de toute rédemption, de toute joie, de l’humanité en fait.

Mantlo en quelques pages brosse le portrait d’un homme respectable. Par rapport aux morveux de l’univers Marvel, il semble plus vieux, plus intelligent, plus mature et surtout il est le seul avec Nick Fury et Captain América à avoir fait la guerre. Il rejoint ainsi les Charles Xavier et autres Magneto qui ressortent de cette expérience métamorphosés.

Sans le savoir Mantlo écrit sa première mini-série sur le Punisher. Il apparaît très vite lorsque Spider-Man flirte avec la Chatte Noire, se bastonne avec la Cape et l’Epée que son univers est incompatible avec celui des clowns costumés. Pis que ça ! Il vole littéralement la vedette à Peter Parker qui apparaît bien fade à côté. Car oui, son Punisher qui disjoncte, son refus obstiné de toute concession contre le crime annonce le Rorschach d’Alan Moore.

Certes, la baston contre le Kingpin a beaucoup vieilli et est même ridicule. Fisk élimine Castle en soulevant un tapis sous ses pieds… Et les séquences avec la Cape et l’Epée sont d’un ringard absolu.

Pourtant Mantlo écrit des moments fascinants, notamment les détails d’une nuit du Punisher. A l’affût du moindre délit New-Yorkais, on le voit tirer sur un mari violent mais aussi sur un type qu jette un journal et un taxi qui brûle un feu rouge. Voici des séquences magnifiquement découpées par Milgrom. Saluons d’ailleurs Mantlo pour cette séquence dénonçant les violences faites aux femmes il y a plus de 30 ans !

Si de l’extérieur, les actes de Frank Castle semblent être celui d’un maniaque, Mantlo dote Frank Castle d’une voix intérieure crédible où le personnage, doté de valeurs morales fortes est convaincu du bien fondé de ses actions.

A laffut du moindre crime. Tu frappes ta femme ? Tu meurs !©Marvel

Le Punisher apparaît ici dans toutes ses contradictions : un type bien aux méthodes inacceptables, un homme supérieurement intelligent au comportement ultra rigide. La mâchoire serrée, ne souriant jamais, tout entier à sa mission.

La séquence la plus forte, inacceptable chez Ennis et Aaron, est bien sur celle où Frank Castle hurle sa solitude au milieu de ses juges. Insupporté de passer pour un fou, Castle craque et ne trouve pas les mots pour se défendre. Nous sommes chez Marvel. Il neutralise ses gardiens et invective le juge en le traitant d’irresponsable. Pour Castle, il est insupportable que les criminels puissent sortir de prison pour tuer des innocents comme sa famille.

...tu meurs ! Un journal par terre ?  Tu meurs !

Un journal par terre ? Tu meurs !©Marvel

Son trauma, son expérience de la guerre le coupe à jamais de l’idéalisme des Super-Héros ou de l’humanisme de la société. Et Mantlo a l’intelligence de terminer cette histoire sur un Castle dépité qui quitte la scène menotté, silencieux. Une fin brutale qui annonce le schisme à venir du anti-héros avec l’univers Marvel. Mantlo a beau faire passer le personnage pour un cinglé, Castle réussit à aller au delà du propos de son scénariste !

C’est avec beaucoup de plaisir que j’ai lu cette histoire Old School qui appelle  la montée en puissance de la maturité des histoires Marvel de l’époque. Pour tout historien du Punisher, c’est une histoire indispensable malgré le volet daté de l’entreprise, à mille lieux des origines naïves que Stan Lee mettait en scène au moment des balbutiements de Marvel.

Pour ceux qui voudraient continuer à explorer ce personnage fascinant, je vous invite à cliquer sur les archives du bog. Vous pouvez également vous référer à l’excellent article de Marti chez les copains de Comixity. Et lire celui de votre serviteur publié dans Scarce  dans la rubrique Presse du blog ou ici.

Craint et haï. On nest pas chez les Xmen mais chez le Punisher !

Craint et haï. On n’est pas chez les Xmen mais chez le Punisher !©Marvel

14 comments

  • Présence  

    Malgré toute la lourdeur qui lui est reprochée – Ce n’est pas loyal de me piquer mes répliques.

    J’ai été assez déstabilisé en lisant ton commentaire, parce qu’à la fois il me rappelle fidèlement ces épisodes que j’ai lus à l’époque de leur parution, et à la fois il en donne une interprétation qui ne correspond pas à mon souvenir.

    Dès sa première apparition dans Amazing Spider-Man 129 (1974), le personnage du Punisher est en décalage avec Spider-Man. Il est prêt à tuer, à distribuer une justice encore plus expéditive que celle du superhéros lambda. De ce point de vue, ce n’est pas Bill Mantlo qui a créé ce décalage, par contre il l’a bien repris et peut-être accentué, l’installant dans une position d’anti-héros, et même de criminel.

    Quand j’ai découvert Punisher en train de tirer sur le monsieur qui jette un papier par terre, c’était une caricature et un commentaire rigolo sur l’impossibilité pratique d’avoir un individu qui cumule les 3 fonctions (juge, juré, bourreau). Dans le contexte de l’époque, c’était l’aboutissement de cette tendance à des superhéros plus violents et plus brutaux. Mantlo pousse jusqu’à l’extrême cette propension pour la condamner sans appel, au regard de Spider-Man qui incarne des valeurs morales plus élevées.

    D’ailleurs dans la première minisérie consacrée au Punisher, Steven Grant rétablira l’honneur de Frank Castle en expliquant qu’il était sous l’influence de produits psychotropes pendant toute cette période.

    Comme toi, je reste assez impressionné par les dessins d’Al Milgrom. Ce n’est pas beau, mais le découpage est intéressant.

    • Bruce lit  

      Tu sais que je te titille et que je pense à toi dès que je vois Mantlo et Buscema !
      Ce qui est apparait pour la première fois ici est son rapport à l’homme de la rue avec les exemples cités. Je ne les ai pas lu du tout comme quelque chose de comique.Mais il est vrai que cet article prend un recul de 30 ans avec un regard contemporain sur le personnage.
      En bossant (dur) sur le commentaire je me rendais compte de l’équilibre à trouver entre le descriptif de cette histoire et le contexte de la légende du personnage. Dommage que l’histoire des psychotropes invalide un Castle qui s’écroule. J’ai du mal à l’imaginer prendre des drogues au regard de sa personnalité.
      L’article d’hier sur Hulk et son débat m’ont amené à réfléchir sur l’apport de Mantlo en tant que créateur. Je m’imaginais Ennis enfant lisant ces épisodes, les notes qu’il prenait, ce qui était bon et ce qui était à jeter. Et, j’ai trouvé que sans le tisseur, le Punisher tel que nous le connaissons est déjà là. Et pas le type qui se fait manipuler par le Chacal lors de sa première apparition. Du coup,j’ai rajouté des paragraphes hier en catastrophes sur cet article bouclé il y a un mois ! Merci les gars !

      • Présence  

        Frank Castle drogué – En fait, il a été drogué à son insu lors de son précédent séjour dans la prison de Ryker Island, ce qui a fini par provoquer un comportement pyschotique. Source : premier épisode de la minisérie du Punisher par Steven Grant, Mike Zeck et John Beatty.

  • Tornado  

    Pareil qu’hier : Merci pour cet apport à ma Culture personnelle. Et merci parce que ça m’évite d’être obligé de lire ce type de comics à la forme infantile.
    Je n’ai pas lu « Circle of Blood », considéré comme la première version vraiment moderne du personnage. Mais j’ai lu la suivante (zéro absolu), que j’avais trouvée très proche de la version de Garth Ennis, comme une ébauche de cette dernière.

  • Marti  

    « C’est un homme qui a tout perdu et n’a plus jamais rien gagné » : magnifique formulation qui désigne très bien le personnage !

    Avec le Punisher on a un bel exemple d’un personnage secondaire qui a eu une évolution empirique pour aboutir à une caractérisation finalement très différente de ce qu’il était au départ, justifiée parfois par des explications certes bancales comme cette histoire de drogue mais qui ont permis cette mutation vers le Frank Castle que l’on connaît.

    Merci pour la citation de mon article !

    • Marti  

      Et je n’avais jamais entendu parler de cette histoire de Wilbur Fisk tiens, merci de l’anecdote !

  • Nicolas  

    Et c’est pas fini !

    Pour le Punisher, ma comicsthèque ne serait pas complète sans le Welcome Back Frank de Ennis et Dillon, chef d’oeuvre d’humour noir et de dérison et sans le Essential Punisher vol. 2 reprenant tous les episodes de Mike Baron et Whilce Portacio, brillant run montrant un Punisher faillible, régit par sa mission mais pas aussi pychopathe que Rorschach : il va après les dealers, le Ku Klux Klan, les trafiquants de cocaine, se trouve des partenaires lors de l’arc Echec au Caid (paru chez Sémic jadis) et s’humanise un brin auprès des femmes. Le dessin de Portacio est dynamique à souhait, pas du tout trash.
    C’est très dynamique, ne se prend pas trop au serieux.

    Frank Castle ne pourra jamais finir sa mision, il le fait, mais les circonstances de la vie le guident à faire ce qu’il fait, une sorte de déterminisme. Enfin bref, c’est du bon comics.

    • bruce tringale  

      @Nicolas : as tu apprécié le run de Jason Aaron ?

      • Nicolas  

        Je ne connaissais pas, mais merci pour l’info : je le commande de ce pas sur Amazon !
        Je te conseille fortement cet Essential Punisher, en retour.

        • Nicolas  

          J’ai également aimé ces épisodes dans lequel les uper-villains autrefois abattus par le Scourge reviennent sur terre, avec des pouvoirs augmentés et des costumes plus cool. C’est fait intelligeament je trouve : même les personnages qui font figure de losers peuvent gagner à subir quelque changements !

  • jyrille  

    Je ne connais absolument pas le Punisher, mais je viens de lire les DD où il apparaît (dont le No More Mr Nice Guy, titre emprunté à Alice Cooper ?), et je ne suis pas certain que ce type de personnage m’intéresse…

  • Erik 5  

    Tout comme Jyrille, le Punisher n’est pas un personnage qui me passionne, évidemment j’ai entendu parler du run de Garth Ennis mais je ne l’ai jamais lu.
    Après ton article, au demeurant excellent (oui, De Funés est mon maitre à penser) j’ai une vision un peu moins manichéenne de Frank Castle et le jour où j’ai un peu de temps j’approfondirai mes connaissances sur ce Punisher.

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