Living in the Past – 1° partie

Webspinners Tales of Spider-Man + Untold Tales of Spider-Man, par collectif

Un article de : TORNADO

VO : Marvel

VF : Panini

1ère publication le 20/07/16- MAJ le 20/07/22

Living in the past, NOW !

Living in the past, NOW !©Marvel Comics

Cet article propose un focus sur le magazine Spiderman Extra de l’éditeur Marvel France du N° 18 au N° 23 (les six derniers numéros, publiés en l’an 2000).
D’une manière générale, cet article portera principalement sur la série Webspinners Tales of Spider-Man et dans une moindre mesure sur la série Untold Tales of Spider-Man. Car ce sont ces deux séries qui furent publiées dans ces magazines.

L’ensemble des épisodes et des récits qui vont être chroniqués ici datent de 1996 à 2000.
Ils possèdent presque tous un point commun : Celui de revenir dans le passé de Spiderman afin de raconter des aventures inédites du personnage ayant eu lieu entre certains épisodes classiques des années 60 et 70, voire même des années 80.
La chronique portera sur la quasi-totalité des épisodes de la série Webspinners Tales of Spider-Man, avec un survol de la série Untold Tales of Spider-Man pour les épisodes uniquement publiés dans ces six magazines (les premiers épisodes de la série ayant déjà été publiés en amont)…
Cet article sera suivi d’une deuxième partie consacrée aux cinq premiers numéros du magazine Spiderman Hors-série publié à la suite du dernier numéro de Spiderman Extra.
Dans l’ensemble, ces articles peuvent être regroupés au sein d’une même thématique que l’on pourrait intituler :« Où peut-on trouver de bonnes histoires de Spiderman autonomes et auto-contenues ? ». A ce titre, on peut y ajouter l’article sur les Spiderman’s Tangled Web.

 Spiderman, c’était mieux avant ?

Spiderman, c’était mieux avant ?©Marvel Comics

Spiderman Extra N°18

Ce magazine regroupe les trois premiers épisodes de la série Webspinners : Tales Of Spider-Man, ainsi qu’un épisode de la série Untold Tales Of Spider-Man (le #11). Les trois premiers forment l’arc narratif intitulé A chacun Ses Rêves, publié initialement en 1999. Il est écrit par le scénariste J.M. DeMatteis et mis en image par le dessinateur Michael Zulli. L’épisode Untold Tales Of Spider-Man (intitulé De l’électricité dans l’air) est l’œuvre du scénariste Kurt Busiek et du dessinateur Pat Olliffe, publié à l’origine en 1996.

1999. C’est une année qui marque un tournant pour l’univers Marvel, qui inaugure une période aspirant à publier des versions matures et plus artistiques de ses héros. Cette démarche culminera avec le label Marvel Knights, une signature garante de récits autonomes, nés de la plumes d’auteurs confirmés ayant les coudés franches. Peut-être la meilleure période historique de l’histoire de la Marvel. Un idéal de comics super-héroïque intelligent, exigeant, intègre. Un âge d’or aujourd’hui révolu.
Dans cette optique, la série Webspinners : Tales Of Spider-Man fait figure de prologue. Il s’agit d’effectuer une relecture des premières années du héros, sous la forme d’une série de petits récits auto-contenus (n’excédant pas trois épisodes), réalisés à chaque fois par une équipe artistique distincte.

Ce premier arc narratif revient à l’époque où Peter Parker est un tout jeune étudiant qui vit chez sa vieille tante. Il souffre de sa solitude au milieu d’un campus où tous les autres étudiants se moquent de lui. Pourtant, le soir venu, il revêt le costume du super-héros Spiderman et part combattre les super-vilains ! Au moment où commence notre histoire, le jeune Quentin Beck prépare son retour sous le costume de Mysterio, le maitre des illusions. Il fomente alors un plan afin de faire croire au monde que son ennemi Spiderman a assassiné J.J. Jameson, le directeur du journal le Daily Bugle…

Spiderman chez Vertigo ?

Spiderman chez Vertigo ?©Marvel Comics

Dans la continuité du personnage, cette histoire originale s’insère entre les épisodes Amazing Spider-man #13 et 14 publiés initialement en 1964. L’épisode #13, intitulé La Menace de Mysterio, venait d’introduire ce nouveau super-vilain dans la série. Le bonhomme, ancien spécialiste des effets spéciaux pour le cinéma, avait endossé le costume de Spiderman afin de commettre des crimes en toute impunité, avant de revêtir le costume de Mysterio et de proposer à J.J. Jameson de se débarrasser de l’Homme-araignée moyennant rétribution. Bien évidemment, il terminait cette aventure en perdant son combat contre notre héros…
A chacun Ses Rêves débute alors que Quentin Beck fait le point sur sa vie et déprime sévère. Nous suivons conjointement ses atermoiements, ainsi que ceux du jeune Peter Parker…

Le moins que l’on puisse dire est que l’approche choisie par DeMatteis et Zulli est déroutante car, pour un peu, on se croirait chez Vertigo (la ligne éditoriale adulte de DC Comics) ! Le dessin est plutôt réaliste, assez « sale », un peu glauque. Les personnages sont à peine reconnaissables et l’atmosphère ne correspond pas beaucoup aux épisodes de 1964. Il s’agit donc vraiment d’une forme de relecture.
L’approche narrative est également surprenante, où un Peter Parker plus vieux raconte ses souvenirs en se promenant au milieu du comic-book et en s’adressant directement au lecteur ! Les fondamentaux de la mythologie liée à la série sont préservés (notamment les rapports entre Peter et sa tante, ses « camarades » de campus et le tonitruant Jameson), mais l’approche proposée par les auteurs opère un étrange malaise, comme s’il s’agissait plus d’une interprétation libre que d’une simple relecture.

 Deux jeunes new-yorkais se retrouvent au cinéma…

Deux jeunes new-yorkais se retrouvent au cinéma…©Marvel Comics

A plusieurs reprises, on peut piocher ici et là quelques bonnes idées, notamment celle d’opposer les personnages dans le civil et de traiter Peter Parker (17 ans) et Quentin Beck (22 ans) comme de véritables jeunes new-yorkais beaucoup plus proches l’un de l’autre dans leurs vies respectives que ne le sont les autres jeunes de leur entourage. Nous découvrons ainsi que leurs vies sont poisseuses, et que l’enfance sordide du futur Mysterio ne pouvait guère amener le bonhomme à une saine existence. On s’attache ainsi à nos deux personnages principaux sans une once de manichéisme primaire, tout en faisant la connaissance de deux autres protagonistes originaux (inventés pour l’occasion), dont les interactions avec notre héros et notre vilain du jour enrichissent la caractérisation de ces derniers.
Une scène est particulièrement savoureuse, qui voit nos deux ennemis se retrouver seuls (au sens « esseulés ») dans une salle de cinéma qui projette le King Kong de 1933. Les deux jeunes se gargarisent alors de la qualité des effets spéciaux de Willis O’Brien sans savoir que leur interlocuteur est Mysterio, ou Spiderman !

Hélas, ces qualités ne sont pas suffisantes pour réussir à éclipser les défauts de taille qui viennent faire effondrer l’édifice. Car les scènes en civil sont aussi réussies que les scènes en costumes sont ratées ! Là, la sauce ne prend plus. Le plan de Mysterio est si bancal, ses illusions sont si improbables, le ton des événements est si Grand-Guignol, que tout l’édifice réaliste concocté en amont s’écroule d’un simple tremblement. Les dessins ajoutent à la bérézina, tant le style de Michael Zulli est complètement à côté de la plaque dès qu’il s’agit d’illustrer les personnages en costume de super-héros ou de super-vilain (son Spiderman est une catastrophe !).

Dommage, c’était pourtant bien parti…

Dommage, c’était pourtant bien parti…©Marvel Comics

C’est une véritable déception tant le concept était jouissif : Confier à un scénariste exceptionnel ayant écrit l’une des plus grandes sagas du héros (La Dernière Chasse de Kraven) et à un dessinateur issu des comics indépendant le soin de réviser la première période historique du personnage. Quatre ans plus tard, sous le label Marvel Knights, un autre tandem remportera le défi avec beaucoup plus de réussite en trouvant le bon équilibre entre le passé et le présent, entre le monde de l’enfance et celui des adultes, le tout teinté d’un hommage sincère adressé aux comics des années 60, pour un résultat universel et postmoderne, plein d’esprit et de poésie. Et c’est ainsi que le scénariste Jeph Loeb et le dessinateur Tim Sale nous offrirons le splendide Spider-Man : Bleu.
Soit un premier essai plutôt raté pour un concept passionnant, car il existe des lecteurs (comme votre serviteur) toujours preneurs de ces relectures d’anciennes histoires ayant aujourd’hui, parfois, extrêmement mal vieilli, n’en déplaisent aux puristes de l’Âge d’argent…
A noter que cette même année 1999 sera décisive pour le personnage de Mysterio, puisque son destin ne tardera pas à être scellé dans une fameuse – et inoubliable – saga de la série Daredevil : Sous L’Aile du Diable

Déception encore plus prononcée pour l’épisode Untold Tales Of Spider-Man #11, au concept similaire, également écrit par un grand auteur de comics super-héroïques. Cette dernière histoire s’insère entre les épisodes historiques Amazing Spider-Man #12 et 13. On y voit Electro faire équipe avec l’Anguille (deux super-vilains doués d’un pouvoir d’électricité). Spiderman les affronte en compagnie de Blue-bird, une héroïne inventée pour l’occasion de cette série, complètement grotesque (on pense aux pires personnages de l’univers DC Comics !). Le scénario est au diapason de cette rencontre infantile : Interdit aux moins de neuf ans…

Bonjour les enfants !

Bonjour les enfants !©Marvel Comics

Spiderman Extra N°19

Encore trois épisodes de la série Webspinners : Tales Of Spider-Man (les #4, 5 et 6), ainsi qu’un épisode de la série Untold Tales Of Spider-Man (le #12). Les trois premiers forment l’arc narratif intitulé Le Surfer Attaque, publié initialement en 1999. Il est écrit par le scénariste Eric Stephenson et dessiné par Keith Giffen (épisodes #4 et 5), puis le studio Vianney Jalin (épisode #6). L’épisode Untold Tales Of Spider-Man (intitulé Le Secret de Betty Brant) est l’œuvre du scénariste Kurt Busiek et du dessinateur Pat Olliffe, publié à l’origine en 1996.

De manière étrange, l’arc narratif du jour (chaque arc est confié à une équipe artistique distincte et dure trois épisodes) semble plutôt revenir davantage sur la série Silver Surfer que sur Amazing Spider-Man ! A l’époque, la première série classique dédiée au Surfer avait duré 18 épisodes. Mais elle finissait en eau de boudin, le héros cosmique décidant soudain de se venger de l’humanité, ce qui était complètement incohérent au regard de tous les épisodes précédents ! Plus tard, on le retrouvait dans d’autres séries et ses velléités de vengeance s’étaient tout simplement évaporées. L’idée du scénariste Eric Stephenson est donc d’imaginer (29 ans plus tard !) ce qui a pu se passer entretemps pour justifier cette évolution…

Etant donné que Spiderman est quasiment dans une position « d’invité » au cœur de sa propre série, on peut tout de même déduire que cette aventure se déroule avant les mythiques épisodes Amazing Spider-Man #89 et 90 de 1970, où l’on assistait à la mort tragique du Capitaine George Stacy, qui tient ici un petit rôle…

Keith Giffen se prend pour Jack Kirby !

Keith Giffen se prend pour Jack Kirby !©Marvel Comics

Dès le départ, les auteurs affichent une note d’intention claire : Puisqu’ils écrivent en toute rétro-continuité une aventure du Silver Surfer se déroulant après l’épisode #18 écrit par Stan Lee et dessiné par Jack Kirby, la dite aventure sera une forme d’hommage adressée à ses créateurs. Lee & Kirby avaient créé le personnage du Silver Surfer dans les pages de la série Fantastic Four en 1966 au cours du légendaire épisode #46 (Fantastic Four : Alors Vint Galactus). Plus tard, Stan Lee lancera une série dédiée au personnage en compagnie du dessinateur John Buscema. Mais c’est bien Jack Kirby, rappelé au dernier moment après le départ de Buscema, qui illustrera le numéro #18 dont notre aventure du jour est la suite tardive.
Keith Giffen se met alors à singer le style de Jack Kirby, tandis qu’Eric Stephenson imite Stan Lee dans la narration (encart de textes et bulles de pensées à foison). L’exercice de style est amusant une minute, mais tourne rapidement en rond et l’ensemble devient purement et simplement régressif.

Le script en lui-même est exaspérant : Le Silver Surfer est sous l’emprise de Psycho-man, un vilain venu d’un univers parallèle qui manipule les émotions du héros afin de le retourner contre des insectoïdes commandés par Annihilus, le pire ennemi de Psycho-man. Spiderman commence par affronter le Surfer qui s’en prend aux new-yorkais, avant de découvrir le pot-aux-roses et de prêter main forte au héros argenté. Nos héros sont alors transportés sur Sub-atomica, où Psycho-man tente encore de les manipuler afin de les utiliser dans sa guerre contre Annihilus.
Bon, c’est débile, infantile et ennuyeux, et l’on se demande ce que fait Spiderman dans cette réunion de personnages cosmiques. Certes, les comics des années 60 et 70 ressemblaient un peu à cela. Mais c’était il y a quarante ou cinquante ans et depuis les choses ont bien changées.

 A gauche Keith Giffen. A droite le studio studio Vianney Jalin…

A gauche Keith Giffen. A droite le studio studio Vianney Jalin…©Marvel Comics

Les deux premiers épisodes parviennent encore à titiller l’intérêt du lecteur par les efforts graphiques de Keith Giffen qui joue à être Jack Kirby. Certes, il n’est pas aussi bon que le maître, mais ses efforts sont très sympathiques et offrent un certain intérêt à la lecture au niveau de l’ambiance. Hélas, Giffen lâche l’affaire avant la fin et le dernier épisode est mis en image par le studio Vianney Jalin pour un résultat aussi lisse et consensuel que le scénario s’enlise dans sa puérilité abyssale.

Déception encore pour l’épisode Untold Tales Of Spider-Man #12 (suite de l’épisode précédent de la même série). On suit les atermoiements de Betty Brant, la petite amie de Peter Parker (à l’époque). On apprend son passé et son histoire tragique. Soit une série d’éléments que nous ignorions pour une entreprise totale de rétro-continuité. L’idée est intéressante, mais là encore l’ensemble souffre d’une mise en forme datée et balourde, qui ne prend pas assez de hauteur avec les épisodes de l’époque…

Psychedelic Spidey !!!

Psychedelic Spidey !!!©Marvel Comics

Spiderman Extra N°20

Ce numéro est une exception, car il n’y a pas d’épisodes Webspinners : Tales Of Spider-Man, mais plutôt deux histoires autonomes issues d’autres séries. Soit Untold Tales of Spider-Man Strange Encounters 1 et Peter Parker : Spider-Man annual 1999.

1) Strange Encounters est un numéro spécial (48 pages) de la série Untold Tales of Spider-Man. Comme tous les épisodes de la série, celui-ci est écrit par le scénariste Kurt Busiek, mais il est dessiné par Neil Vokes, avec une participation de Roger Stern pour la création du récit. Il a été publié initialement en octobre 1998.

Comme tous les arcs narratifs de la série, celui-ci se déroule dans le passé du héros. A l’époque où ses aventures étaient contées par Stan Lee, dessinées par Steve Ditko ou John Romita Sr, soit dans les années 60.
Ici, deux malfrats dérobent une statuette dans un musée. Il s’agit d’une lanterne magique et elle renferme un démon. Le Docteur Strange et Spiderman s’allient afin de le combattre et vont bientôt s’apercevoir que le sinistre Baron Mordo tire les ficelles d’une entreprise machiavélique visant à dominer le monde…
Nos deux héros se retrouvent dans une dimension mystique, en compagnie d’un groupe de personnes qui passaient par là, dont J.J. Jameson, Betty Brant, Flash Thompson et Liz Allen…

Voilà une histoire bien naïve, racontée « à l’ancienne » (avec bulles de pensées et tout le toutim). Publiée en 1998, une telle histoire parait bien anachronique et aurait tendance à s’oublier aussitôt le livre refermé pour un lecteur adulte (quoique, apparemment, elle ait été introduite dans la continuité officielle des deux personnages…). Tout dans l’esprit, du dessin (rond et presque humoristique, parfait pour un Journal de Mickey !), au style narratif, semble d’ailleurs destiner la chose à des enfants ou des jeunes adolescents. D’épisode en épisode, cette série Untold Tales of Spider-Man me rappelle de plus en plus les Spidey Super Stories, de courtes histoires à destination des petits qui paraissaient dans les années 70, et que l’on pouvait découvrir en VF dans les années 80 dans le magazine Spidey des éditions LUG.

Kurt Busiek et le vétéran Roger Stern s’amusent à retrouver l’esprit de Steve Ditko en envoyant les personnages dans une dimension mystique aux allures de feu d’artifice psychédélique chamarré. Hélas, le dessinateur Neil Vokes ne possèdent pas les moyens de l’ambition et le charme n’opère pas du tout.
Pour un public averti (2 étoiles)…

Where is Mickey Mouse ?

Where is Mickey Mouse ?©Marvel Comics

2) Peter Parker : Spider-Man annual 1999 – Song of the Man-Thing est également un numéro special de 48 pages. Celui-ci est écrit par J.M. DeMatteis et illustré respectivement par Liam Sharp, Al Rio & Dan Schaeter.
Il s’agit d’un récit vraiment très… spécial ! Pas vraiment le genre de lecture aérée et compréhensible pour le néophyte !

Le pitch : Les âmes de Ted & Ellen Sallis ont fusionné dans le Nexus. Ils parviennent à incarner l’Homme-Chose (Man-Thing), jadis habité par l’âme de l’entité K’ad-Mon.
Mais Scrier, un être aux pouvoirs quasi-omnipotents, désire de son côté s’approprier le Nexus afin de remodeler le monde à son image.
De son côté, Peter Parker fait d’étranges rêves dans lesquels la réalité a connu une évolution différente (son oncle Ben est encore en vie, de même que Gwen Stacy, avec laquelle il a eu un enfant). Il soupçonne quelques perfidies. Son chemin va alors croiser celui de l’Homme-chose, qui va l’entrainer jusque dans le Nexus…

Pour bien comprendre cette orientation un peu… ésotérique, il faut revenir en arrière : A la fin des années 90, Marvel souhaite imiter son concurrent DC Comics avec sa ligne Vertigo. Et en particulier son Swamp-Thing jadis écrit par Alan Moore (sachant que Man-thing est le parfait équivalent de ce Swamp-thing !). L’éditeur confie alors les rênes de son projet à J.M. DeMatteis, tandis que Paul Jenkins hérite de Satana et Warren Ellis de Werewolf by Night ! Hélas, le public boude ces nouveautés (à une époque où le marché des comics bat sérieusement de l’aile) et les séries s’arrêtent prématurément avant leur dixième épisode. Cependant, DeMatteis va insister afin de conclure son récit et finira par obtenir gain de cause à condition de le faire sous la forme d’un one-shot plus attractif pour le public, en l’occurrence dans les pages d’un annual dédié à Spiderman…

Un étonnant mélange d’orientations picturales !

Un étonnant mélange d’orientations picturales !©Marvel Comics

Le scénariste nous livre ainsi cet étrange résultat, à mi-chemin entre le super-héros mainstream et le comic-book arty à la Dave McKean. Mélange baroque qui se retrouve jusque dans la partie graphique, certaines planches (dans la « réalité ») s’opposant à d’autres (dans le « Nexus ») avec une orientation picturale complètement opposée, sans que je réussisse d’ailleurs à savoir quel dessinateur s’occupait de quelle partie…

A l’arrivée, on ne comprend pas tout, on regrette de ne pas avoir lu les épisodes de Man-Thing écrits par J.M. DeMatteis, mais on peut se laisser séduire par cette narration onirique haut-perchée et cette plongée dans le délire mystique qui ne nous donne pas l’impression d’être pris pour des imbéciles heureux (4 étoiles). Et d’ailleurs, la réunion de ce one-shot avec le précédent dans le même magazine laisse songeur…

Tranches de vie sur le Pont

Tranches de vie sur le Pont©Marvel Comics

Tranches de vie sur le Pont

Spiderman Extra N°21

On retrouve ici la formule habituelle, soit trois épisodes de la série Webspinners : Tales Of Spider-Man (les #7, 8 et 9), ainsi qu’un épisode de la série Untold Tales Of Spider-Man (le #13). Les trois premiers forment l’arc narratif intitulé Le Pont, publié initialement en 1999. Il est écrit par le scénariste Joe Kelly et dessiné par Bart Sears (crayonnés) & Andy Smith (encrage). L’épisode Untold Tales Of Spider-Man (intitulé La Mort Frappe) est l’œuvre du scénariste Kurt Busiek et du dessinateur Pat Olliffe, publié à l’origine en 1996.

Le récit du jour s’intercale entre les épisodes #27 et 28 de 1965 (période Stan Lee/Steve Ditko).

En septembre 1965, la série Amazing Spider-man s’apprête à franchir un cap : Ses personnages principaux vont quitter le lycée pour entrer à l’université. Une mutation importante pour le héros et ses camarades, qui entreprennent soudain le chemin vers l’âge de la maturité, avant que le dessinateur Steve Ditko ne passe le relai à John Romita Sr, pour une ère effectivement moins tournée vers l’enfance, et davantage vers les préoccupations de ces jeunes adultes en devenir qui évoluent peu à peu vers un univers feuilletonesque de plus en plus naturaliste, où les combats entre les héros et les vilains seront parfois éclipsés par les atermoiements de nos jeunes new-yorkais…
C’est dans cette logique que le scénariste Joe Kelly va opérer une sorte de métaphore avec cette histoire de 1999, intitulée justement « Le Pont », comme s’il s’agissait de franchir quelque chose…

Du comics fun, mais pas forcément élégant

Du comics fun, mais pas forcément élégant©Marvel Comics

Le pitch : Peter Parker est dans une situation désespérée : Ses tentatives de jeune prodige de la science pour obtenir une bourse à l’entrée à l’université sont menacées par l’invention d’un jeune camarade fortuné qui profite de sa situation privilégiée. Parallèlement, Peter s’est empêtré dans un imbroglio insurmontable puisqu’il a promis d’accompagner au bal de fin d’année rien de moins que trois cavalières, à savoir Betty Brant, Mary Jane Watson et Liz Allen ! Qui plus-est, cette dernière est la petite amie de Flash Thompson, le pire ennemi de Peter dans le campus, et bien évidemment cette brute épaisse de Flash s’est mis en tête de se venger ! Il défie alors Peter de le rejoindre sur « le Pont » le soir du bal, afin de se livrer à un rite de courage pour mériter le titre de « cavalier de Liz Allen ». Comme si tout ceci ne suffisait pas, Peter a combattu récemment l’Homme-sable entant que Spiderman et lui a causé bien des ennuis en lui envoyant à la figure le produit chimique qu’il préparait pour obtenir sa bourse d’étude. Devenu une monstruosité déchaînée, l’Homme-sable met alors le quartier à sac afin de retrouver son ennemi…
Comment Peter va-t-il réussir à se sortir de tous ces ennuis ? Serait-ce autant d’épreuves que le destin acharné aurait semées sur son passage ?

Les premières planches de ces trois épisodes ne sont pas très engageantes : Joe Kelly est un scénariste mainstream connu pour son travail sur la série Deadpool et pour son engouement pour le « fun » (comprenez des histoires rigolotes et divertissantes où on se prend pas la tête). Ainsi, il convient d’avouer que le début du récit est plutôt irritant pour un lecteur n’ayant pas développé un goût particulier pour ce genre de comics « fun » : L’humour est un peu à la ramasse et l’écriture de l’ensemble n’est pas très élégante. Qui plus-est, les dessins sont particulièrement affreux et le découpage des planches n’est pas toujours d’une limpidité exemplaire !
Pour autant, le fond de l’histoire mérite vraiment le détour.

Un vilain très moche !

Un vilain très moche !©Marvel Comics

En trois épisodes seulement, Kelly réussit à écrire une véritable tranche de vie dans une période (Lee/Ditko) où tout semblait avoir déjà été raconté. Le scénariste nous livre ainsi une version longue des épisodes d’alors où Stan Lee commençait à développer certaines séries Marvel comme une sorte de « soap-opéra » au pays des super-héros urbains. Et surtout, il parvient à nous livrer une histoire réellement inédite, qui ne procure pas au lecteur le sentiment d’avoir déjà lu cela à maintes reprises.
Soyons clairs : Malgré un ou deux combats laconiques avec l’Homme-sable, Le Pont n’est pas une histoire de super-héros et de supervilains qui se bastonnent dans le bac à sable. C’est une histoire humaine sur une bande d’adolescents qui s’apprêtent à entrer dans l’âge adulte, d’où cette métaphore du « pont », qui symbolise évidemment le passage entre les deux âges de la vie.

Tout au long de son récit, Joe Kelly s’applique à donner beaucoup d’épaisseur à ses personnages. Que ce soit Liz, Betty, Flash, et bien évidemment Peter (Mary Jane demeure pour le moment hors-champ car Peter ne l’a pas encore rencontrée), ils bénéficient tous d’un vibrant éclairage, débarrassé du moindre manichéisme primaire (même l’Homme-sable est au dessus du bien et du mal). Liz s’impose comme une jeune femme aux velléités d’émancipation bridées par son dévouement pour un Flash plus fragile qu’on ne le croirait, obligé de s’imposer par la brutalité afin de combler les ambitions malsaines d’un père policier, lui-même brutal et alcoolique. Betty se révèle la plus touchante, obligée de renoncer elle-aussi à la frivolité de la jeunesse afin de préserver son poste au bureau du Daily Bugle, sous l’égide du tyrannique J.J.Jameson. Quant à Peter, il fait une fois de plus les frais de son détachement face à ses responsabilités, détachement qui le conduit systématiquement aux pires catastrophes.

Bouh qu’y sont pas beaux ces dessins !

Bouh qu’y sont pas beaux ces dessins !©Marvel Comics

A l’arrivée, Le Pont, derrière ses airs de récit un peu fun et inoffensif, est un récit profond, où tous les personnages franchissent une même étape à leur manière, avec chacun ses priorités et ses obligations. Enfin une belle histoire de super-héros, où le décorum divertissant n’est que le vernis derrière lequel s’étend une toile de fond qui résonne comme une réflexion universelle sur la nécessité de changement et de renoncement aux plaisirs fugaces lorsqu’il s’agit de rentrer de plein pied dans la difficile réalité de la vie.

Comme évoqué plus haut, l’ensemble souffre d’une mise en image particulièrement laide, d’un découpage bâclé et d’une écriture un peu grossière. Un manque certain de mise en forme, pour une toile de fond qui aurait mérité mieux.
Le Pont demeure néanmoins un récit à priori incontournable pour tout amateur du personnage de Spiderman (et de sa mythologie interne) qui se respecte…

Bonne surprise encore pour l’épisode Untold Tales Of Spider-Man #13, au concept similaire. Cette fois, le scénariste Kurt Busiek cesse ses enfantillages et livre enfin un épisode un peu plus mature que les précédents. S’étant manifestement aperçu que son personnage de Bluebird (création ridicule rappelant les pires super-héros de l’âge d’argent) était plus embarrassant qu’autre chose, il décide tout bonnement de nous raconter… sa mort ! Notre bon Spiderman est alors pétri de remords, culpabilisant à l’idée de ne pas avoir réussi à la sauver… Bon, ça reste très anecdotique par rapport aux trois épisodes de Joe Kelly, avec la participation d’un vilain particulièrement grotesque nommé le Chevalier noir (un ennemi de Giant man, old-school et pas piqué des hannetons), mais c’est déjà moins illisible que les épisodes précédents…

L’ère Marvel Knight arrive !

L’ère Marvel Knight arrive !©Marvel Comics

Spiderman Extra N°22

Ce nouveau numéro regroupe « seulement » trois épisodes de la série Webspinners : Tales Of Spider-Man (les #10, 11 et 12), étant donné que le troisième est un épisode double (le #12). Ce nouvel arc narratif, publié initialement en 1999, s’intitule Une Vie de Rêve (A Day in the Life). Il est écrit par le scénariste Paul Jenkins et dessiné respectivement par Sean Phillips (épisodes #10 et 11) & J.G. Jones (épisode #12).

Changement de formule ! Manifestement, le principe de relecture des anciennes aventures de Spidey, qui faisait l’apanage de la série, ne rameute pas les foules. Webspinners change donc de registre et retourne au temps présent tout en revisitant le passé ! Peter Parker est marié à Mary-Jane Watson et leur idylle bat de l’aile. C’est le moment qu’a choisit le Caméléon, le premier ennemi historique de Spiderman, pour exécuter son dernier baroud d’honneur…

Spiderman par Sean Phillips : la classe !

Spiderman par Sean Phillips : la classe !©Marvel Comics

On sent poindre l’ère Marvel Knights (en gros de 1999 à 2007), dans le sens où de grands auteurs de comics, en l’occurrence Paul Jenkins, commencent à pouvoir raconter ce qu’ils ont envie sur un personnage le temps d’un récit auto-contenu.
Pour le coup, ces trois épisodes forment le type d’histoire idéale pour un lecteur adulte venu lire une simple et bonne histoire de Spiderman.
Trame conceptuelle, narration originale, récit introverti, personnages fouillés, tout concoure ainsi à faire de cet arc narratif quelque chose de plus qu’un simple divertissement où l’on trouve des super-héros et des super-vilains en slip qui se bastonnent.
Soit une nouvelle preuve que la communion entre le fond et la forme permet d’atteindre un niveau supérieur au sein de ce medium qu’est le comic book de super-héros.

Pourtant, à bien y regarder, il ne se passe pas tant de choses que cela dans cette histoire. Les personnages nous font part de leurs atermoiements dans une phase d’introspection extrême, ils parlent beaucoup, agissent peu. Mais qu’est-ce que c’est bon ! Car c’est superbement écrit, magnifiquement découpé et mis en image. Du pur art séquentiel, expérimental, exigeant, prenant. Parfait pour refermer le bouquin en se disant qu’on n’a pas été pris pour une bille !

Une mise en abîme du passé, par J.G. Jones

Une mise en abîme du passé, par J.G. Jones©Marvel Comics

Dans les deux premiers épisodes, l’action se déroule au temps présent et se termine de manière tragi-comique. Cette conclusion laisse néanmoins notre héros sous le choc, qui rentre chez lui très affecté.
Dans le troisième épisode (qui est double), Peter Parker se met alors à rêver de tous les êtres chers qu’il a perdus (Gwen Stacy, le Capitaine Stacy, Harry Osborn et l’oncle Ben) depuis qu’il a endossé le costume de Spiderman. Du déjà vu mille fois ? Oui… et non, pas du tout. Car Paul Jenkins va une fois encore nous raconter cela d’une manière plutôt originale. Peter rêve ainsi qu’il est allongé et retenu prisonnier par sa propre toile sur un lit de planches de comics, chaque planche représentant un épisode historique dominé par la mort d’un personnage important. Des planches qui vont soudain s’animer, tour à tour, afin de faire revivre au rêveur son passé…

A l’arrivée, voilà un petit arc narratif qui fait du bien. Bien écrit et extrêmement bien dessiné, adulte, original, à la fois nostalgique et étonnant, ce petit récit introspectif s’adresse tout naturellement aux anciens lecteurs de Spiderman souhaitant redécouvrir le personnage et son passé à travers des yeux adultes et artistiquement exigeants…

Gare à la gueule de bois…

Gare à la gueule de bois…©Marvel Comics

Spiderman Extra N°23

Ce dernier numéro de la collection regroupe seulement deux épisodes de la série Webspinners : Tales Of Spider-Man (les #17 et 18). Cet arc narratif, publié initialement en 2000, s’intitule Le Héros du Peuple. Il est écrit par les scénaristes Tom DeFalco & Ron Frenz, et dessiné par Bob Mc Leod.

(Les épisodes Webspinners : Tales Of Spider-Man #13 à 16 ont été publiés dans le magazine principal Spiderman (vive Panini, quoi !) et je ne pourrais donc pas vous en parler puisque je ne les ai pas lus ! Soit deux arcs narratifs de deux épisodes chacun, respectivement écrits par Howard Mackie et Rurik Tyler, avec des dessins de Graham Nolan et Rurik Tyler)…

Spider-Man Extra N°23 s’achève avec deux autres épisodes de la série Untold Tales Of Spider-Man (les #14 et 15) toujours réalisés par Kurt Busiek & Pat Oliffe.

Bon, et bien pour le coup, c’est la gueule de bois !
D’une manière abrupte, le pauvre lecteur naïf que je suis s’est ainsi fait balader entre les deux extrêmes puisque, après la belle découverte de l’arc narratif écrit par Paul Jenkins, je tombais directement sur cette merde absolue interdite aux enfants de plus de quatre ans et demi écrite par ces vieux croutons de Tom De Falco & Ron Frenz.

Je m’excuse, mais dès que je constate qu’un comics de super-héros moderne retombe dans la sphère infantile de laquelle il a été si difficile de l’extraire avant la levée du comics-code, ça m’énerve et je deviens virulent, dangereux et infréquentable !
Vous souvenez-vous des séries dédiées à Spiderman dans les années 70 et 80 ? Oui ? Alors vous devez vous rappeler qu’entre deux arcs sympas et réussis, il y avait un sacré paquet de déchets et de récits embarrassants de l’ordre du reader-digest, version bébé-cadum.
Et bien c’est tout à fait le genre de ces deux épisodes minables, qui semblent effectivement exhumés depuis les années 80, dans les pages d’un vieux Strange dont on aurait oublié le contenu, faute de souvenirs marquants (en règle générale, quand ça arrivait, on se rappelait surtout de la couverture de Jean Frisano !).
Intrigue débile, vilains débiles, action débile, dénouement débile. La totale…
Certes, l’idée de ces épisodes était de retourner dans les années 80. Mais je ne pensais pas que ce devait être d’une manière aussi littérale, surtout si c’était pour revivre ce que cette époque proposait de moins intéressant…

Salut les débiles !

Salut les débiles !©Marvel Comics

Si l’intrigue se révèle soporifique au possible, on touche le fond avec ces moments embarrassants où les personnages se disputent comme des cruches, en se battant soudain comme des enfants attardés. Tout à fait le genre de situation navrante que je n’arrive plus à supporter aujourd’hui, où la nostalgie ne fonctionne même pas puisqu’il s’agit d’un récit des années 2000 !

L’espace d’une vignette, on croit naïvement pouvoir profiter d’un petit combat iconique inédit entre deux vilains bien connus (voir image ci-dessous). Mais que nenni ! Car on se retrouve quelques pages plus loin au bout d’une ellipse, le combat s’étant déroulé hors-champ !
Bref, de la bouse absolue, indigne d’être publiée à l’aube de l’ère Marvel Knights…

Je passerais encore plus rapidement sur les deux épisodes Untold Tales Of Spider-Man écrits par Kurt Busiek tellement la lassitude me gagne. Car manifestement, l’auteur d’Astro City semble avoir décidé de livrer un hommage un peu trop appuyé à ces même comics old-school en ramenant sur le devant de la scène des vilains de son propre jus, créés dans le plus pur esprit de l’époque, sans aucune prise de recul. C’est ainsi que ces deux épisodes centrés sur la lutte entre Spidey et un certain « Scorcher » m’auront plongé dans un ennui abyssal, dont je ne suis pas mécontent d’être sorti…

Cet article touche ainsi à sa fin.
La lecture de tous ces épisodes aura en définitive été une déception.
Au début de l’article, je disais que le but était de rechercher des publications autour du thème :
« Où peut-on trouver de bonnes histoires de Spiderman autonomes et auto-contenues ? ».
Si vous êtes peu regardant et que vous êtes friand du style ampoulé des comics old-school, vous pouvez lire le tout. Mais si vous recherchez de grandes histoires intemporelles et relativement adultes, je vous conseille surtout l’acquisition des numéros 21 et 22.

A l’arrivée, il n’est pas étonnant que la formule n’ait pas fonctionné et que ces séries aient été arrêtées prématurément. Il semble que Marvel tatonnait à propos de ce principe basé sur la nostalgie des lecteurs. Encore une fois, il faudra attendre les séries Marvel Knights et l’arrivée du duo Jeph Loeb & Tim Sale pour trouver le juste équilibre entre la toile de fond nostalgique et le traitement adulte de la forme…

On se retrouve à la rentrée, si vous le voulez bien, dans la deuxième partie de Living in the Past, dédiée au magazine Spider-Man Hors-série où je vous proposerai un focus sur les cinq premiers titres qui, dans un sens, offrent une suite logique à ces derniers numéros du magazine Spider-Man Extra

Vous voulez du combat iconique ? Hé bé vous en aurez pas !!!

Vous voulez du combat iconique ? Hé bé vous en aurez pas !!!©Marvel Comics

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