Mais qui punira le Punisher ?

Punisher : Kingpin par Jason Aaron et Steve Dillon

AUTEURS : TORNADO + BRUCE LIT

VO : Marvel

VF : Panini

Des Covers façon 100 Bullets assez efficaces

Des Covers façon 100 Bullets assez efficaces © Marvel Comics

Punisher Kingpin est une mini série en quatre partie qui met fin à la carrière du Punisher version MAX. Cette histoire en est la première. Rappelons que cette itération MAX débarrassée de tout Super Héros a permis à  Garth Ennis de redéfinir brillamment le personnage de Frank Castle.

Sachant que Valley Forge et Punisher: the End fournissait déjà des fins satisfaisante aux aventures du justicier à tête de mort, ce dernier run par Aaron et Dillon est la fin officielle de Punisher Max.
Accrochez, vous et préparez vos mouchoirs, ça va chier….

Imaginez un univers Marvel tout neuf, où l’on propose des relectures de certains personnages sans leurs super-pouvoirs. Imaginez une interprétation adulte, réaliste et violente de cet univers. Imaginez les origines du Caïd dans un esprit naturaliste, sans censure et sans concessions, à travers le prisme d’une série mettant en vedette le plus cynique et le plus ambivalent des super-héros Marvel, lui-même revu à la sauce du comic pour lecteur averti…

Frank a le Fisk aux basques !

Frank a le Fisk aux basques ! © Marvel Comics

Vous êtes dans la gamme Marvel MAX, pensée pour les « grands » et les allergiques à la continuité ! Après un run d’anthologie conduit par l’inestimable Garth Ennis, la série a décliné. Jusqu’à ce qu’en soit décidé le reboot avec cet album qui nous présente une équipe artistique de vedettes qui ont la côte : J’ai nommé Jason Aaron pour la partie écrite et Steve Dillon pour la partie graphique.

Ainsi, pour son dernier baroud, le Punisher va être opposé au Kingpin,  à Bullseye et Elektra, dans des versions sans pouvoirs. Tout commence façon la Usual Suspects. La mafia, lasse des massacres de Castle lui tend un piège en inventant de toute pièce un parrain légendaire qu’il va forcément vouloir éliminer. Wilson Fisk, simple garde du corps manipule son monde pour devenir la créature qu’il a forgé.

Le pêché mignon de Jason Aaron : la littérature comparée !

Le pêché mignon de Jason Aaron : la littérature comparée ! © Marvel Comics

L’autre grande force du récit consiste à mettre en parallèle les manières du Punisher et de son nouvel ennemi afin d’en souligner tous les points communs et toutes les (rares !) différences, chacun devenant le miroir de l’autre ! Ainsi, Aaron parvient à rendre tangibles de fortes personnalités avec un minimum de dialogues, grâce à une savante alternance d’images. Mais à la place des dialogues, nous aurons droit à une voix off qui ne sera pas sans nous rappeler le travail de Frank Miller sur Daredevil dans les années 80… A l’arrivée, son Punisher prend sa dimension dans le comparatif que l’auteur lui fait subir avec ses ennemis, notamment dans leurs échecs respectifs en tant que père : Où sont les limites et qui les franchit ? Jusqu’où va l’escalade ? A quel degré se situe la perte de l’humanité et la damnation ?

Le style d’Aaron est simple, direct, sans aucune intrigue secondaire et diablement efficace. C’est noir, violent et l’ambiance est désespérée menée de main de maître par l’auteur de Scalped.  Chaque épisode possède de bons Cliffhangers. On sent qu’Aron a un immense cahier des charges à respecter, son écriture peut parfois paraître calquée sur celle d’Ennis; il n’en est rien.

La vie d'un père dans la mafia

La vie d’un père dans la mafia © Marvel Comics

Tout d’abord Aaron ne cherche pas à s’affranchir de son modèle: son Punisher est pince sans rire, quasiment muet, cruel, trash ( un gangster essaie de remettre ses yeux arrachés en place …). Mais l’humour d’Aaron est moins grotesque que celui d’Ennis. L’ambiance est tendue, haletante, on sent que pour la première fois le Punisher est vraiment en danger. Et pour la première fois, il crie pendant les bastons, semble sensible à la douleur, tenir à la vie et rame pour récupérer de ses blessures.

Saluons donc le talent du scénariste qui, après nous avoir impressionné avec sa série Scalped, impose un style percutant, rugueux et aussi simple qu’efficace. Et si les premiers épisodes font craindre un manque d’originalité avec une histoire somme toute assez maigre, le dénouement, sans concessions, laissera finalement au lecteur un sentiment de nouveauté et de degré supplémentaire franchi dans la mythologie des personnages…

C'est censé faire rire ou peur ce genre de scène ? Toute l’ambiguïté de la présence de Steve Dillon dans ces histoires....

C’est censé faire rire ou peur ce genre de scène ? Toute l’ambiguïté de la présence de Steve Dillon dans ces histoires…. © Marvel Comics

Le gros point faible de ce reboot incombe à son dessinateur : Steve Dillon…. il est difficile de l’associer à la ligne éditoriale MAX tant son style est adapté à la caricature. Son Punisher est plus marqué physiquement que lors de son premier run . On peut comprendre que Marvel , après des années d’errance suite au départ de Garth Ennis ait voulu investir dans le dessinateur historique de la saga . Oui, on ne peut pas dire qu’il ait beaucoup travaillé son style depuis dix ans, le fan de Preacher reconnaît tous ses gimmicks depuis le temps et il est quand même hallucinant que l’on continue à donner autant de crédit à un dessinateur aussi paresseux, incapable de faire évoluer son style, qui resserre systématiquement les vignettes sur les gros plans afin de masquer son incapacité à traduire le mouvement et sa volonté claire et nette de dessiner le moins de décors possibles. Et puis tous ses personnages ont la même tête et les mêmes expressions depuis le début de sa carrière !

De toute manière, son travail n’aura pas été apprécié lorsque l’on sait le nombre de dessinateur ayant tiré vers le haut la violence de la vie de Frank Castle. Ainsi, la présence de Dillon est franchement anachronique dans cet univers réaliste et viscéral estampillé MAX, car son style caricatural désamorce systématiquement la moindre scène tragique et la violence des scènes d’action en prend un sérieux coup niveau intensité. Imaginez le même récit illustré par un type comme Alex Maleev ou David Aja !!!

Chez Dillon, tout le monde il a la même tête, les mêmes expressions, les mêmes mouvements !

Chez Dillon, tout le monde il a la même tête, les mêmes expressions, les mêmes mouvements ! © Marvel Comics

Autre bémol : Aaron va un peu vite en besogne concernant la personnalité de Wilson Fisk. C’est un stratège hors pair , un manipulateur près à sacrifier son fils pour se hisser à la tête de son empire.  C’est un peu trop facile, trop rapide en 5 épisodes. Carton rouge également pour le premier adversaire de ce run, le mennonite qui a la personnalité d’un yaourt… Mais rappelons qu’à l’époque, Jason Aaron prenait enfin le relais après un défilé de tacherons sur la licence.

Ce début de fin de règne reste aussi haletant que bâclé. Heureusement Aaron relève brillamment par la suite pour amener Frank Castle dans son voyage au bout de la nuit….. Le scénario retrace en parallèle l’ascension de Wilson Fisk et la chute de Frank Castle. Pour les amoureux du personnage qui arriveront à faire abstraction des dessins simplistes de Steve Dillon, Jason Aaron écrit ici ni plus, ni moins que le Born Again du Punisher.

Promis, juré, craché après, Frank aura de VRAIS adversaires !

Promis, juré, craché après cette histoire,  Frank aura de VRAIS adversaires ! © Marvel Comics

17 comments

  • Présence  

    Très impressionnant, il est impossible de dire qui a écrit quoi (sauf pour un ou deux adjectifs plus marqués Bruce ou Tornado).

    Vivement la deuxième saison de Daredevil sur Netflix : cela devrait être l’occasion de voir surgir des projets intéressants sur le Punisher, peut-être même ce premier tour au Vietnam de Frank Castle par Garth Ennis et Goran Parlov.

  • Bruce  

    Qui a écrit quoi…….Je te laisse deviner qui fait l’éloge de Steve Dillon…….

  • Bruce  

    Mal réveillé ce matin…..heu…. le teaser du jour :

    Spécial 500″ 5 /6
    Après un défilé d’histoires plus médiocres les unes que les autres, Frank Castle retrouvait enfin du noir à l’âme avec l’arrivée de Jason Aaron pour sa dernière aventure. Un Crossover d’écriture signé Tornado- Bruce Lit pour le début d’une grande histoire mise en image par le controversé Steve Dillon.
    LA BO du jour : Frank Castle est vieux et continue de souffrir et de faire souffrir en attendant d’être abattu entre deux regrets. Pendant ce temps un autre homme en noir chantait sa mort prochaine dans une reprise traumatisante du Hurt de NIN….https://www.youtube.com/watch?v=vt1Pwfnh5pc

  • JP Nguyen  

    Je suis choqué par cet article. Comment osez vous dénigrer ainsi la personnalité des yaourts ?
    😉

  • Bastien  

    Bonjour,
    Article très intéressant malheureusement je crois que Dillon va m’empêcher de lire cet ouvrage.
    Bonne journée

  • Yuandazhukun  

    Chier….(non je commence pas toujours mes phrases en étant vulgaire sauf avec Dillon, j’aime le prononcer à la française son nom…ça fait plus tâche je trouve….) je les ai sur mes étagères et dieu sait que ça m’a couté ! brr j’en frémis encore ! Qu’il est mauvais !!!!!! Non mais sans déconner c’est censé faire flipper les yeux du gars qui sortent des orbites ??? (bravo pour le scan bien choisi !)Oui pardon je juge ! Exceptionnellement… ! Il gâche quasi tout ! Heureusement le run de Aaron est assez court c’est pour ça que j’ai craqué, ce que je ne peux faire pour Preacher trop long….Par contre félicitations toutes vos critiques dans l’article c’est exactement ça que je ressens quand je vois son boulot à Dillon ! Vous êtes géniaux les gars un formidable article que j’ai dévoré ! Un duo splendide ! Un grand merci !

      • Bastien  

        Bopnjour,
        @Bruce : Pour contrecarré l’effet Dillon, je ne lis pas plus d’un arc à la fois et je laisse passer un à deux mois avant d’en attaquer un autre (et dans ces cas là les arcs en 6 sont des supplices). Mais même comme cela il arrive à me dégouter de la lecture. Je pense qu’il ferait un bon remède anti comics pour ceux qui veulent se désintoxiquer…
        Du coup ma lecture de Preacher prend un temps pas possible.
        Bonne journée.

        • Bruce  

          Ah, effectivement, un anti histaminique s’impose là ! J’ai eu le même problème avec John Mc Crea sur The Boys.Ses dessins étaient tellement hideux que j’ai revendu mes VO, tout racheté en VF pour me concentrer sur le texte tellement les dessins faisaient mal aux yeux.

  • Stan FREDO  

    Steve Dillon. Probablement le dessinateur que j’apprécie le moins. Pour rester mesuré…

  • Tornado  

    Ce commentaire me permet d’exprimer ce que je ressens pour Dillon. C’est amusant car, au départ, Bruce est venu me parler sur les commentaires Amazon, à propos de Garth Ennis, mais aussi de Steve Dillon ! On s’est « rencontrés » comme ça, au départ.
    Aujourd’hui, nous écrivons cet article à deux et c’est comme pour fêter cette première rencontre. C’était en 2009, je crois.
    J’ai retrouvé une de nos premières discussions sur Dillon (en 2010) : http://www.amazon.fr/review/R39DHO1BPBWW9V/ref=cm_cr_dp_cmt?ie=UTF8&ASIN=2809412340&channel=detail-glance&nodeID=301061&store=books#wasThisHelpful

    Je profite de cette intervention pour dire au revoir à tout le monde. C’est demain que je pars en voyage pour le coeur de l’Italie. ALors, ciao tutti !

  • Yuandazhukun  

    Un pays magnifique l’Italie ! J’ai fait un road trip toscan l’an passé c’était fantastique…Bon voyage Tornado ! Et superbes vacances ! ( et pour Dillon je ne peux adhérer à la thèse du côté humoristique de ses dessins pour atténuer la violence des histoires. A partir du moment ou une histoire me plait en aucun cas je n’ai besoin du filtre d’une maman pour m’adoucir la vision violente du conteur).

  • Jyrille  

    Encore une fois, on ne sait pas qui écrit quoi, c’est marrant et admirable. Ou est-ce au contraire flippant ?

    J’ai tout de suite reconnu le trait de Preacher que je découvre, mais comme dit dans l’article, les scans me feraient fuir tellement cela ne colle pas avec l’ambiance donnée par la couverture qui est très réussie, elle.

    • Bruce lit  

      Pour nous reconnaître ? Facile ! Quand c’est bien , c’est Tornado ! Et quand c’est bien aussi, c’est moi 🙂
      VOus passerez à mon bureau en fin de journée M. Cyrille pour le billet de retard !

  • Nico  

    Une saga qui termine avec un certain brio une série commencée dix ans avant.

    Le scénario est solide mettant en parallèle Wilson Fisk et Franck Castle. L’ascension de l’un et le déclin de l’autre. 

    L’âge rattrappant (enfin) le baroudeur de la lutte contre le crime, le Punisher est plus lent, moins habille, plus vulnérable et cela se ressent clairement au fil de l’aventure.

    Tandis que son opposant plus jeune construit puis renforce peu à peu son empire du crime.

    La mise en parallèle des deux antagonistes se poursuit jusqu’au bout, la fin en apothéose se refermant sur eux tel un huis clos ou ils s’annéantissent l’un l’autre.

    Steve Dillon a un style qui lui est propre qui ne plait ÉVIDEMMENT pas à tous. Mais cela justifie-t’il une telle véhémence?

    La patte Dillon focalisant l’attention sur les visages.
    Des expression multiples et nuancées. Jouants des muscles faciaux.

    Une maîtrise de tout le spectre des mimiques du faciès donnant une idée plutôt juste de l’intrigue sans avoir besoin de texte.

    Sauf sur Castle, qui affiche à de rare exceptions près un visage figé en une expression: la détermination.

    L’aspect monolithique des personnages correspond parfaitement au punisher.
    Accentuant le choix de Franck d’être comme un bloc inébranlable face à la folie malfaisante des gangsters.

    Une manière de crayonner simple et efficace.

    Pas de surcharge du dessin, centrant l’attention du lecteur sur les personnages et ce qui est important. 

    Pas de fouillit: l’image est claire et précise.

    Pas d’illustration brouillonne colorée à la va vite.

    À moins d’être de mauvaise fois on ne peu le nier.

     

    « Le mennonite qui a la personnalité d’un yaourt » vous pourriez développer? (Sérieusement)

    Le mec est un ancien porte flingue reconverti dans la simplicité de la religion mennonite. Qui décide de redevenir un tueur à gage le temps d’un contrat pour aider sa famille à vivre tout en conservant certain principes. Classique, basique certes mais ça suffit. De mon point de vu, plus aurait été du remplissage (inutile?).

    Bref, une histoire à lire et à savourer si le style vous plait. 😉

    • Bruce lit  

      Salut et bienvenue Nico.
      Comme tu ne l’as peut-être pas remarqué, l’article est écrit à quatre mains entre Tornado et moi. La critique concernant Dillon, c’est lui. Peut-être répondra t’il, moi c’est un dessinateur que j’aimais bien.

      « Le mennonite qui a la personnalité d’un yaourt » vous pourriez développer?

      Ça c’est moi ;). Effectivement, le personnage ne m’a pas plus intéressé que ça car très peu développé au regard du travail de Garth Ennis sur les vilains de Punisher MAX. Par la suite, c’est indiqué dans l’article, les personnages prennent plus d’épaisseurs.

    • Matt  

      Bah moi je trouve aussi que Dillon c’est franchement pas terrible. Tous les perso semblent être des automates avec des balais des le cul. Ils sont figés et ont des mouvements rigides, ce qui fait que même quand ils courent, on dirait qu’ils miment une course avec des mouvements bien mécaniques. Ce sont presque des figurines en fait ses persos^^ Restreints dans leurs mouvements par des articulations limitées.
      Pour les visages figés, autant ça marche en effet sur le Punisher monolithique, autant quand on voit que c’est le cas de tous les persos, ça désamorce le truc et on se dit « ah…c’est peut être pas fait exprès pour le Punisher alors »

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