Au nom du Père (Battling Jack Murdock)

Battlin’ Jack Murdock par Zeb Wells et Carmine Di Giandomenico

Monte sur le ring avec BRUCE LIT

VO : Marvel

VF : Panini

1ère publication le 21/08/14- MAJ le 30/11/19

Au nom du père...

Get in the ring  ©Marvel Comics

Battlin’ Jack une mini-série en 4 épisodes publiée par Marvel en 2007.

Pauvres héros …. que ce soit dans la mythologie, la religion ou les comics books, on peut dire que les pères brillent par leur absence. Batman ? parents assassinés sous les yeux d’un Bruce Wayne en culotte courte ! Spider-Man ?  des parents disparus puis clonés ! Le pauvre Peter Parker a le triste avantage d’être responsable de la mort de son père adoptif et de vivre à la merci d’une vieille castratrice increvable qui finira même par le séparer de sa femme. Cyclope lui aussi atteint des records : un père présumé décédé qui revient habillé en corsaire, une enfance manipulée par un généticien fou et un mentor menteur. Heureuse initiative donc de consacrer cette mini série au père de Matt Murdock , un des héros les plus teigneux de l’univers Marvel et ancré dans la réalité. Comme son nom l’indique , Jack Murdock était un battant , dont les leçons de courage profiteront à un DD au bord du gouffre dans Born Again (Never Give up).

La mythologie du personnage est connue et curieusement n’a jamais été approfondie, même par Frank Miller : Jack Murdock est un boxeur raté , employé par la mafia de Hell’s Kitchen pour des ratonnades. En route vers la rédemption, il donne sa première et dernière leçon de courage au jeune Matt en refusant de se soumettre lors d’un match truqué. Les origines en disaient alors peu sur les motivations de cet homme, qui par orgueil , courait droit à la mort par amour pour son fils aveugle , mais sans se soucier apparemment de son devenir. Daredevil: Battling Jack Murdock est donc présenté en 4 chapitres ou plutôt 4 rounds où lors de son dernier macth , Jack se remémore sa vie de loser.

J’vais tout casser / C’est mon fils, ma bataille / Fallait pas qu’elle s’en aille !

J’vais tout casser / C’est mon fils, ma bataille / Fallait pas qu’elle s’en aille !©Marvel Comics

L’ambiance est sombre et le personnage de Jack est immédiatement respectable, malgré le fait qu’il soit l’archétype du mauvais gars au mauvais moment et au mauvais endroit. Le suspense et la tension restent entiers quand bien même le lecteur connaît déjà le destin de Jack. Ceci d’ailleurs crée une complicité immédiate entre le personnage et son public. Les deux savent qu’ il va mourir. Il ne reste plus qu’a assister à la rédemption du père d’un héros qui s’habillera en démon ! En relisant cette histoire, je me suis rendu compte de la singularité du destin de Matt. Jack Murdock incarne un homme privé de soutien féminin, qui doit élever seul un enfant dans la pauvreté la plus totale. D’habitude ce genre d’histoire est réservé aux femmes ! Cette brute épaisse va devoir donc devoir devenir un homme et un père.

Les premières planches superbes de l’histoire montre le rejet instinctif de Jack de cette responsabilité. Malgré ses péchés, Jack ne fait pas partie de ces pères qui se barrent. A sa manière, il aime et éduque Matt. Mais la colère qu’il témoigne dès la première rencontre avec son fils l’imprégnera toute sa vie. Le lecteur passe du clin d’oeil émouvant (la dernière planche où Matt pleure dans les bras de Jack du 1 Round reprend Born Again où Matt enlaçait une Karen Page désespérée) à d’agréables révélations.

Un émouvant clin d'oeil au...

Un émouvant clin d’oeil au…

Matt pardonne à Karen. Une séquence silencieuse et bouleversante où le lecteur se sent presque en trop

…Born Again de Miller©Marvel Comics

On y découvre Turk enfant déjà dans les mauvais coups, Maggie la mère absente, un jeune Matt déjà forte tête ainsi qu’une  idylle mignonnette entre Murdock père avec…. Josie. Oui ! vous avez bien lu LA Josie qui tiendra 30 ans plus tard le bar où DD fera ses descentes ! Véritable tragédie sur pattes, on retrouve chez le père du héros aveugle le sens de l’honneur, une véritable dignité mais de manière plus insidieuse, la violence qui anime DD et son impulsivité, et ses relations ambivalentes aux femmes.

Cette histoire est souvent un peu répétitive, Jack n’en finit pas de s’auto apitoyer et de se mépriser mais a le mérite de mettre en scène un homme qui se sait condmané mais qui refuse de se coucher. Wells utilise à merveille le double sens de la soumission sociale et des règles de la boxe. Murdock sait très bien qu’il va mourir en défiant la mafia. Couvert de sang, il se sent enfin vivant. Et Wells fait indirectement de  Matt le héros de son  père. Jack se rend compte que Matt survivra à sa mort. En ayant prouvé son autonomie, Matt permet à son père de mourir heureux, libéré de ses démons. Et ce faisant, l’héroïsme de son père impregnera durablement Matt ! Cette histoire met finalement une harmonieuse synergie entre le père et le fils.

On retrouve aux crayons Carmine Di Giandomenico qui décidément, après les origines de Magnéto se spécialise dans les prequels. Cet auteur italien est toujours très bon pour mettre en scène des héros du début du XXème siècle. En quelques pages le lecteur est immergé dans le New-York de l’après guerre. Son trait rend immédiatement sympathiques ses personnages et mixe le meilleur de John Romita Jr et , plus près de nous , de Charlie Adlard. Il assure lui même de superbes couleurs. Dommage que le volume soit si court et que la mère de DD reste si mystérieuse car la lecture est haletante et le Twist final permet de comprendre les raisons du suicide programmé de Jack Murdock.

On aurait aimé lire d’autres scènes d’intimité entre Matt et son père sortant du canon de la saga. Mais le duo est bouillonnant d’énergie créatrice, et on peut affirmer qu’une histoire avec Di Giandomenico aux crayons est gage de qualité ! Et puis, il est possible d’apprécier cette histoire sans rien connaître à la mythologie de Daredevil. Une lecture aussi divertissante que riche en sous texte psychanalytique.

Jack et Josie

Jack et Josie  ©Marvel Comics

 

13 comments

  • Présence  

    Jack Murdock incarne un homme privé de soutien féminin, qui doit élever seul un enfant dans la pauvreté la plus totale. D’habitude ce genre d’histoire est réservé aux femmes !

    Bravo d’avoir su ainsi mettre en lumière une spécificité propre à Matt Murdock. En cherchant bien, j’ai fini par trouver un autre exemple de père élevant son fils, mais il s’agit d’un manga et Stan Lee ne s’en est pas inspiré car Daredevil est apparu la première fois en 1964, et Ito Ogami en 1970 dans la série « Lone wolf & cub ».

  • Matt & Maticien  

    En tant que jeune père, je m’interroge sur ce Jack Murdock; en tant que lecteur je suis intéressé. Merci pour ce très bon commentaire.

  • JP Nguyen  

    Bon, comme il faut un avis différent parfois, je m’y colle. Je n’ai pas aimé le twist car j’ai trouvé ça tiré par les cheveux. A la limite, le combat de Jack raconté en une ou deux pages par Miller dans son run original me convenait très bien. Jack gagne pour que son fils soit fier de lui.
    L’élément rajouté par la mini me semble superflu.
    En revanche, les dessins sont effectivement très chouettes.
    Et puis ce retcon est moins lourdingue que celui introduit par Quesada dans Father…

    • Bruce lit  

      Salut JP :
      Euh, tu accepterais de mourir pour que tes enfants soient fiers de toi dix minutes ? Comme je le précise dans l’article le twist est finalement le prétexte pour explorer l’interaction entre Jack et Matt.
      Oui, je n’ai pas aimé le FAther de Quesada non plus. Pas plus que je n’ai aimé le Man Withour Fear de Miller où Matt tue par accident une jeune prostituée…

      • JP Nguyen  

        En l’occurrence, Matt n’est pas fier seulement 10 minutes. Cela définit son chemin de vie. On n’abandonne pas et on se couche pas devant les méchants.
        Le twist est bancal : lors de l’altercation entre Matt et les voyous, il n’a le dessus que de justesse. Rien ne garantit à Jack qu’il s’en tirera sans lui…
        Mais bon, il me semble qu’on est pas obligé d’être d’accord sur tout…

        • JP Nguyen  

          L’intrigue avec Josie était pas trop mal mais c’est la volonté de tout relier ensemble qui me gonfle un peu…
          Si on continue sur cette voie, Bullseye pourrait être le fils d’un des commerçants rackettés par Jack et Ben Urich aurait sa vocation de journaliste en investiguant sur le camion de déchets radioactifs qui a renversé Matt.
          Je ne ressens pas la nécessité de tout relier ou imbriquer, cela me semble superflu.

          Allez, retcon version hardcore : Bullseye est le fils batard de Jack et d’une prostituée . D’où sa haine de Matt… et son obsession pour tirer (un coup)…
          C’est bon, je sors.

          • Bruce lit  

            Surtout, surtout, surtout n’envoie pas ça à Bendis !
            C’est bien dans FAther que le père de la tueuse est le vieil aveugle que DD a sauvé ?

  • JP Nguyen  

    Oui c’est dans Father…

  • Xabaris  

    Je vois un comics qui est tout à fait au goût du cher Bruce, le côté « sans masque » des héros. « La vie quotidienne ».
    Tout ce qui est absent de Batman et qui te donne cette légère révulsion pour ton homonyme.

    Quoi qu’il en soit, j’aime aussi que parfois les choses soient approfondies, en savoir un peu plus sur les raisons qui font qu’un personnage est ce qu’il est aujourd’hui cela m’intéresse.

  • jyrille  

    Ca a l’air sympa. Je n’ai pas lu tous les commentaires sur DD car je ne connais que peu le personnage : j’ai les deux premiers tomes par Miller, tout le run de Benis, tout le run de Lark, et Born Again, pas plus. Ah si, j’ai la moitié de The Man without Fear (une vieille édition Panini il me semble) mais je n’ai jamais accroché à cette histoire.

  • Tornado  

    Tiens, je n’avais pas commenté cet article…
    J’ai également beaucoup aimé cette mini-série, que j’ai gardée (commentaire à ma zone).
    Contrairement à JP, j’aime bien moi, quand on relie tous les fils et je suis assez sensibles aux retcons bien foutus (du genre les origines de Bucky par Brubaker). Et donc j’ai également adoré FATHER, que j’ai gardé aussi…
    Il faut maintenant que je reprenne le run de Mark Waid. Je m’étais arrêté au premier arc que j’avais beaucoup apprécié. Depuis je me suis procuré la totale (merci Matt !). Y a plus qu’à lire…

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