Morrison of a… (Klaus)

KLAUS par Grant Morrison et Dan Mora

Un cadeau ouvert par BRUCE LIT

VO : Boom !

VF : Glénat

1ère publication le 29/04/19 – MAJ le 26/12/19

KLAUS est disponible chez Attilan Comics 

Prince of Klausia (C) Glénat

Prince of Klausia
(C) Glénat

KLAUS est un récit complet scénarisé par Grant Morrison et dessiné par Dan Mora. Il s’agit d’y raconter les origines d’un authentique super-héros capable de se déplacer à une vitesse inouïe et d’accomplir des miracles d’efficacité en une nuit : Le Père Noël ! Le tome 2, nettement moins réussi est paru aux Etats Unis.

Prétentieux, arrogant, incompréhensible, foutraque, psychédélique et brouillon (KLAUS contient encore une faute de script hallucinante pour un scénariste de cette trempe) , les adjectifs ne manquent pas lorsqu’il s’agit pour votre serviteur de qualifier l’une des plus grandes idole du Comic-Book : Grant Morrison. L’homme, jamais avare de critique envers WATCHMEN et Alan Moore qui est à la BD ce que Kubrick fut au cinéma, est également coupable d’avoir aidé le jeune Mark Millar / Michael Bay  et sa démagogie putassière à percer dans le milieu du Comic Book.   Si nous n’irons jamais jusqu’à le qualifier de génie (il y a suffisamment de Morrifans pour ça, merci), reconnaissons au mégalochauve une originalité et une excentricité certaine faisant que son univers, à défaut d’être attachant, ne ressemble à aucun autre. Morrison c’est comme la langue de boeuf ou la cervelle : ce n’est pas parce que quelques initiés trouvent ça savoureux qu’il faut se forcer à en manger.

J’étais ainsi déterminé à poursuivre mon petit bout de chemin loin de ses comics hallucinogènes, quand la curiosité, celle qui tue le chat, m’étreint de manière inopinée : ainsi, sur un présentoir, vantait-on, la nouvelle Morrisonnerie dont on nous jurait sur la Webosphère qu’il y s’agissait de son travail le plus accessible.
J’entrepris alors de vérifier une hypothèse qui me taraudait depuis 20 ans : est-ce l’écriture de Morrison qui m’insupportait ou ses sujets ?

Ca va chier dans le ventilo ! Euh...pardon, j'arrive les enfants ! (C) Boom ! / Glénat

Ça va chier dans le ventilo !
Euh…pardon, j’arrive les enfants !
(C) Boom ! / Glénat

Nous voici donc dans une Europe médiévale où un jeune chasseur, Klaus, accompagné de son loup blanc, entreprend de reconquérir le village où il a été laissé pour mort, pour reconquérir un vieil amour et contenter les enfants dont les pères se tuent au travail dans les mines d’un baron cruel.  En moins de 24 heures, Klaus va sauver le village et fabriquer des jouets surnaturels. Entre deux bastons contre des gardes et un démon, nous allons découvrir comment Klaus a décidé de livrer ses cadeaux par la cheminée et l’origine de ses superpouvoirs.

Inutile de faire durer le suspense : KLAUS est une lecture infiniment sympathique, linéaire pour une fois et tout en simplicité. Oh, ce n’est pas non plus une éblouissante réussite et à bien des égards,  si son écriture est inhabituellement plus modeste que d’habitude Morrison se plante dans les grandes largeurs. Mélange du PRINCE OF PERSIA badass et bondissant comme un ASSASSIN’S CREED, son KLAUS ne brille pas d’une personnalité très marquante. Sa caractérisation du gros dur sanguinaire, ami des bêtes et des enfants n’est pas des plus élaborée. Tout comme son invulnérabilité qui, dès le début du récit, annihile tout le suspense quant à la suite du récit.

Klaus Kiski.... (C) Glénat / Boom !

Klaus qui skie ! 
(C) Glénat / Boom !

Lorsque l’histoire se termine, on ne peut pas dire que le résultat soit à la hauteur des ambitions de Morrison : les origines des superpouvoirs du héros sont des plus paresseuses, la magie étant toujours le truc le plus commode pour expliquer ce qu’on a la flemme de développer et la féerie s’efface derrière un récit d’action assez basique dans les deux derniers chapitres. Un domaine où Morrison n’est pas des plus à l’aise : il n’a pas le talent de conteur d’un Neil Gaiman, la folie d’un Bill Willingham et le charme d’un Jeff Smith. Le contraste entre la représentation traditionnelle entre le père noël et Klaus est trop hardcore pour être des plus convaincantes.

KLAUS est avant tout un récit de super-héros médiéval à la Batman qui rappelle beaucoup le RHANE DE TERRA de Peter David. Rien de mal à cela, on pourrait même substituer ce bon vieux Klaus par  un ancêtre de Bruce Wayne sans que l’histoire varie d’un iota. Pourtant, le récit ne manque pas de charme. Pour une fois, l’Écossais arrive à écrire des êtres humains sans la froideur qui le caractérise (elle est cependant ultra-présente cette froideur dans les décors), on y retrouve son amour absolu des animaux avec un très beau loup blanc qui fait gadget folklorique mais qui offre de belles séquences grâce aux dessins plein d’entrain  de Dan Mora qui se glisse parfaitement dans les chaussures de Sean Murphy avec qui Morrison avait déjà collaboré.

Mora sait rendre l’émerveillement de pénétrer dans une cité fortifiée, illustrer à merveille la chaleur d’une immense bibliothèque,  et soigner ses environnements. Sa vue de la cité vue des toits est absolument saisissante. La réussite de KLAUS est avant tout la sienne.

Si Morrison joue du pipeau comme à son habitude, les dessins de Mora sont là pour relever le niveau. (C) Glénat / Boom

Si Morrison joue du pipeau comme à son habitude, les dessins de Mora sont là pour relever le niveau.
(C) Glénat / Boom

Morrison arrive à se montrer convainquant dans la gestion de ses rôles secondaires, notamment le fils du baron, un marmot odieux et violent qui délaisse progressivement son agressivité pour redevenir un enfant attachant. Tiens, ça ne vous rappelle personne ? Un certain Damian Wayne par hasard, un enfant blindé de thunes, qui après avoir été usé et abusé par un parent dissimulateur redécouvre son enfance via un cycle initiatique violent. Oui, Morrison raconte la même histoire mais de manière suffisamment convaincante pour que la répétition soit plaisante.  LE JOUET suivait également la même trame il y a 40 ans ; Grant Morrison, fan de Pierre Richard ?

Ce conte de noël possède des assises suffisamment solides pour que son histoire de révolte d’enfants opprimés fonctionne, que la rédemption de ses deux héros soit bien amenée et que le lecteur se laisse embarquer par l’humanité inhabituelle que Morrison distille dans cette histoire. On y trouvera une séquence intéressante : celle où il se représente en garde chiourmes violentant impitoyablement des innocents avant que sa violence ne se retourne contre lui. Un aveu au second degré du contre-emploi de son écriture assez notable pour ne pas être savourée. Et son fameux sens de l’ellipse permet une fin d’une inhabituelle poésie chez lui.

KLAUS vaut donc d’avantage pour ses effets secondaires que sa trame principale décevante. Elle montre un Grant Morrison plus sensible qu’à l’accoutumée, celui qu’on avait perdu de vue depuis WE-3 et fait un étrange cadeau de noël à son détracteur le plus acharné : quand il veut écrire une histoire à portée de tous, il peut ! Et l’on aimerait qu’il le puisse plus souvent !

Comme un air de Damian Wayne (?) (C) Glénat / Boom !

Comme un air de Damian Wayne (?)
(C) Glénat / Boom !

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Comme d’habitude, le nouveau Grant Morrison a été encensé l’été dernier. Ces origines du Père Noël sont-elles vraiment un cadeau ? Réponse chez Bruce Lit !

La BO du jour : Et puisque on est dans les sucreries….

15 comments

  • Présence  

    Prétentieux, arrogant, incompréhensible, foutraque, psychédélique et brouillon – Quel tir de barrage !

    C’est rigolo parce qu’en tant que passionné des récits de Grant Morrison, j’étais également parti avec un a priori négatif car un projet des origines du père noël a plus de quoi faire fuir pour son caractère artificiel, que d’attirer le lecteur adulte. Par contre, il était couru d’avance que l’histoire du Père Noël puise ses racines dans la magie : un monsieur qui fait le tour du monde en une nuit, je ne vois pas comment il pouvait faire autrement.

    Comme Bruce, j’ai trouvé que l’artiste sait raconter les hauts faits de Klaus en pleine force de l’âge, avec une ville médiévale bien décrite, et des séquences spectaculaires, sans tomber dans la moquerie. Grant Morrison a décidé d’écrire une aventure au premier degré, sans intellectualisation, mais sans niaiserie, très divertissante pour elle-même, où il règne un esprit de noël de bon aloi, sans mièvrerie.

  • Matt  

    Il faut quand même s’appeler Bruce pour râler que la magie est à l’origine des pouvoirs d’un personnage réputé magique.^^
    Tu voulais développer quoi ? La science à l’origine des pouvoirs ? De la science à la Morrison ? T’es sûr que t’aurais préféré ? 😉
    Et puis bon…si c’est pour utiliser une science prétexte qui explique tout et n’importe quoi, c’est pas forcément mieux (oui, le gêne X des mutants permet de tirer des lasers par les yeux, de se téléporter ou de passer à travers les murs…)

    Marrant quand même qu’un mec qui déteste les sciences et aime davantage la littérature et la poésie ne puisse pas blairer la magie et les contes féériques non plus.

  • Eddy Vanleffe  

    Ca a l’air marrant…
    Bizarrement, Bruce sait le vendre… 🙂

    autre truc bizarre, le fait que l’oeuvre de Morrisson ne parvienne pas à m’intéresser au point d’en être hostile…
    avec le recul, je trouve son oeuvre globalement agréable à lire
    j’ai vraiment pas aimé lire The Filth, New X-Men ou Final Crisis…
    mais sinon, le reste, j’ai me bien.
    profitons pour parler de mUltiversity que j’ai lu en ce début d’année, et qu’il m’a fallu un certain temps à processer…
    Je trouve Morrisson très très humble au contraire de tout ce qu’on peut ne dire.
    C’est clairement un récit nostalgique, d’un mec qui regrette les « Crisis » ou le grimm and gritty…
    il décrit ( en parodiant presque JUpiter’s Legacy) une nouvelle génération de héros comme de sales gosses ayant perdu de vue le truc… il tente de mettre un terme à Watchmen (et franchement il est temps-pas pour les lecteurs mais pour les auteurs) en faisant revenir les modèles comme pour insister sur le reyclage permanent…
    et surtout il dresse sa carte des 52 terres… dedans il laisse la place à tous les délires de ses collègue et en laisse une bonne dizaine de « vierges » pour qu’on puisse se greffer au truc.
    il veut retrouver ce climat de « partagé » dans des univers Apartheid… tout en tissant un fort contexte mythologique prenant ses bases chez Siegel-Schuster ou Garder Fox et tous ceux qui se sont succédé…

  • Jyrille  

    Merci pour la présentation Bruce ! Je ne suis plus Morrison constamment, je passe allègrement sur ce Klaus (et puis hé, j’ai toujours Multiversity à lire et… tout le reste à relire, surtout Final Crisis), il est bien que ce soit toi qui t’y colles.

    Mais ton animosité envers le mégalochauve est trop grande, car je trouve des traces de mauvaise foi dans ton article pourtant très bien troussé… La note aurait-elle été moins salée s’il s’était s’agi de Jeff Lemire ou de Rick Remender ?

    La BO : je suis fan.

    • Bruce lit  

      @Cyrille et Matt.
      Je me suis collé à cette review de manière presque forcée, ayant dit tout ce que j’avais à dire sur Grant Morrison, c’est à la fois redondant pour moi de l’écrire et pour vous de la lire, j’en conviens. Le sentiment de répétition voire de mauvaise foi vient de là j’imagine. Cependant, par le passé, je ne crois pas avoir fait preuve d’indulgence pour des auteurs que j’aime : Moore, Ennis, Claremont sont aussi passés au crible de mon seul indicateur : mon plaisir de lecture. J’ai longtemps trouvé la littérature de Lemire tiède et ne me suis pas gêné de l’étriller sur SWEET TOOTH, PLUTONIA ou ses XMEN avant d’être enfin convaincu par son BLACK HAMMER et son merveilleux ROYAL CITY.
      Donc….Non coupable 😉

      Je me suis senti de commenter cet article sans plus d’envie que ça : j’en avais un exemplaire à la maison et Ozymandias m’avait garanti que cette fois-ci, c’était accessible. C’est ce que je précise dans ma préface : c’est plus l’écriture de Morrison qui m’intéressait que le sujet pour lequel j’aurais allègrement passé mon chemin si cela avait été un autre auteur. A moi donc d’inverser tes arguments 😉

      Matt, je ne déteste pas foncièrement la magie. C’est sa représentation graphique et toujours psychédélique qui me hérisse le poil. Je reste cohérent avec moi-même puisque c’est aussi un courant musical qui me fait fuir et qui a donné naissance notamment au prog rock que je déteste. Lorsque la magie intervient de manière plus naturaliste dans SANDMAN ou FABLES, c’est ok.
      Que l’origine des pouvoirs de Klaus soit magique, soit. Ce qui m’a agacé, c’est que le comic book vend le machin en disant « Découvrez les origines mystérieuses de Klaus ». Or, à la lecture, il n’y en a pas d’origines. C’est ce que j’appelle de la magie paresseuse. Si Klaus avait été plongé dans une fontaine magique, ça me convenait sans souci.

      @Eddy : c’est la dernière fois que je lis du Morrison. Il est donc hors de question que je lise des crises de Multivers. J’estime avoir fait suffisamment d’efforts depuis…20 ans (!) pour lire un type dont la littérature ne me branche pas plus que ça. Ne restera à la maison que 1234 pour les dessins, ses Xmen parce que certaines idées sont géniales, We3, Arkham Asylum, quelques BAtman et Supergods. Hey, c’est pas si mal, non ?

      @Présence : pour le tire de barrage tu omets de citer la langue de boeuf 😉

      • Jyrille  

        Effectivement, c’est pas si mal, surtout que j’aime beaucoup ses Batman (que j’ai envie de relire tiens…). Je comprends mieux le ton de ton article, tu défends très bien ce qui a amené ces conclusions. Pressé de lire l’article sur Seven Soldiers of Victory, maintenant ! Encore plus !

        Pour la magie, elle est justement très naturaliste également dans HELLBLAZER et dans THE INVISIBLES ^^

        @ Tornado : j’aime plein de pop sucrées, comme Kylie Minogue. Il y a une part de fantaisie là-dedans, de nostalgie aussi sans doute, mais elle est moins prégnante que lorsque j’écoute les Smashing Pumkins par exemple. Parfois, j’ai besoin de cette légèreté quasi aveugle. Je me souviens avoir pas mal réécouté Kylie après les attentats de novembre 2015.

        • Bruce lit  

          The INVISIBLES : j’ai lu les 5-6 premiers tomes. J’aimais bien avant que ça ne parte en vrille.
          HELLBLAZER : le volet relationnel entre Constantine et Kitt m’intéresse plus que l’affrontement contre les démons. Et quelque chose me dit que Ennis aussi…

      • Matt  

        Au final tu as même plus de Morrison que moi, Bruce^^

  • Tornado  

    Je n’ai pas saisi le sens du titre de l’article.
    J’apprends avec surprise que Cyrille aime une sucrerie comme ce titre de Wham. c’est inattendu (J’aime aussi ce titre par nostalgie, et de toute manière j’adore les sucreries) !
    Sinon le comics a l’air sympa ! Je ne pense pas l’acheter vu que mes étagères sont suffisamment lourdes et remplies pour un bon bout de temps. Mais si j’avais l’occasion de lire ça un de ces quatre, why not. 🙂

    • Bruce lit  

      C’est un clin d’oeil à Gainsbourg : Harley Davidson of a…

      • Tornado  

        Le clin d’oeil n’est pas évident. Un fan de Gainsbourg comme moi n’avait pas réussi à le repérer ! 🙂

      • Matt  

        Ah moi j’ai juste cru que Bruce voulait sire « son of a bitch » à Morrison vu qu’il ne l’aime pas…

      • Kaori  

        Pareil que Matt, j’avais capté le « son of a b**** » mais pas la référence à Davidson…

  • PierreN  

    « Grant Morrison, fan de Pierre Richard ? »

    C’est peu probable (quoique), mais en tout cas un documentaire récent a évoqué la grande popularité de Richard dans d’autres pays européens (big in Japan aussi ? il faudra poser la question à Patrick).

  • Kaori  

    Bon, celui-là, même si c’est bien écrit et bien dessiné, y a rien qui m’attire là-dedans.

    Je salue les efforts de Bruce pour s’y être attelé malgré un total désamour, voire une aversion pour Morrison.
    La critique est moins assassine que je ne le pensais 😉

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