This is the end…(Pour ou contre le Punisher de Aaron)

Punisher MAX tome 5 : Sans Abri par Jason Aaron et Steve Dillon

1ère publication le 08/02/16- Mise à jour le 15/05/18

Tous les scans de cet article : @Marvel Comics

VO : Marvel

VF : Panini

…My only friend, the end !

…my only friend, the end !©Marvel Comics

Punisher MAX par Jason Aaron & Steve Dillon est une série en quatre tomes qui met fin à la carrière du Punisher version MAX. Sans abri (« Homeless » en VO) est la dernière histoires et notre article fait suite à deux chroniques précédentes (ici et ).

Rappelons que cette itération MAX débarrassée de tout Super-héros a permis à Garth Ennis de redéfinir brillamment le personnage de Frank Castle.
Sachant que Valley Forge et Punisher : the End fournissaient déjà des fins satisfaisantes aux aventures du justicier à tête de mort, ce dernier run par Aaron et Dillon est la fin officielle de Punisher Max.

Une fois n’est pas coutume : Cet article comme les deux précédents, est écrit à quatre mains. Mais aujourd’hui, étant donné que nous ne sommes pas au diapason, nous allons couper la poire en deux !  

Attention en poursuivant la lecture de cet article, vous vous exposez à une rafale de spoilers….

1) Pour :

AUTEUR : BRUCE LIT

A vot' bon coeur !

A vot’ bon coeur !©Marvel Comics

Les meilleures choses ont une fin. Et aussi invraisemblable que cela puisse paraître, Frank Castle aussi. C’est donc la dernière ligne droite pour Punisher Max, sorte de d’Ultimate Punisher initié par Garth Ennis, déconnecté du monde des super héros et saupoudré d’intrigues sombres, violentes et réalistes.

Jason Aaron, jeune prodige de Vertigo, a réussi à construire un run de toute beauté, un poil en deçà du maître. Dans sa postface, Aaron admet qu’il voulait écrire la mort du Punisher. Par égard pour Ennis, qui avait établi une chronologie précise de la vie de Frank Castle, Aaron souligne à juste titre que le justicier ne pouvait plus mener sa croisade aussi efficacement à 65 ans !

Une constante : Des personnages Marvel sans pouvoirs, issu de l’univers de Daredevil !

Une constante : Des personnages Marvel sans pouvoirs, issu de l’univers de Daredevil !©Marvel Comics

Depuis le début de ce run, son corps a des séquelles de ses blessures, les flics le recherchent enfin, Bullseye a réussi à le briser psychologiquement. Lorsque cette dernière histoire commence, Castle est un vrai clodo : sale, puant, il dort sur des journaux dans son ancienne maison et il est déterminé à tuer Wilson Fisk avec seulement un 9mm et six balles ! Comment y arrivera-t-il avec tout New York à ses trousses et une nouvelle garde du corps : Elektra ? La chasse à l’homme commence, Frank est plus que jamais un fauve blessé, inquiétant et pathétique.

La confrontation entre ces personnages sera ultra violente, à la limite parfois du supportable. Plus que jamais, le Punisher est décrit comme une machine à tuer qui va exécuter son programme aussi fou, absurde, suicidaire que cela puisse paraître. Ses derniers instants montrent un homme criblé de balles, convaincu qu’il va guérir une fois de plus pour poursuivre sa vendetta … Sauf que …

Déjà vu quelque part ?

Frank, en exhumant le corps d’un gamin, creuse sa propre tombe ! ©Marvel Comics

Via un rythme haletant, Aaron réussit le tour de force à continuer les parallèles entre Wilson Fisk & Frank Castle : deux pères qui ont sacrifié leurs enfants à leur égoïsme. Il parvient à rendre Wilson Fisk humain face à un Castle qui va commettre l’ignominie de se servir du cadavre d’un enfant, exactement comme Nicky Cavela dans Le haut est en bas et le noir est blanc .

Aaron parvient à impliquer son lecteur de manière incroyable. J’ai ressenti  chaque balle que recevait notre héros. Et,  à chaque fois, je me suis dit cette fois ci , il ne s’en sortira pas  en espérant avoir tort. Une expérience qui m’a ramené à ma lecture, gamin, de La mort de Rahan: un mélange de fatalisme et d’espoir, de joie et de tristesse, de rêve et de cauchemar. Car, oui, la vie de Frank Castle ne pouvait s’achever qu’ainsi !
Elektra est finalement très secondaire ; elle ajoute une pulsion sexuelle à l’histoire mais reconnaissons que le caractère n’est pas très fouillé. Remercions Aaron pour ne pas avoir introduit de ninjas pour cette dernière salve.

Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?

Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?©Marvel Comics

Pour autant, j’enlève une étoile à cette histoire que j’ai adorée pour les quelques faiblesses du script :
1/ Il est impossible que les flics, alors que Castle n’a nulle part où aller, ne pensent pas qu’il vit dans son ancienne maison.
2 / Castle puisse remonte jusqu’à Vanessa Fisk sans l’ombre d’une indice. De plus, la dernière confrontation entre Castle & Bullseye est bâclée et frustrante.
3 / La dernière page : Fury se réjouit qu’une nouvelle génération se réclame du Punisher et défile dans les rues, le couteau à la main.
C’est un contresens total de la part d’un scénariste qui semblait avoir cerné le personnage. Castle n’a jamais voulu être le héros d’une société, un modèle politique à suivre. Simplement un homme incapable de résister à ses pulsions ! Dans Welcome Back, Frank, Ennis montrait de manière cinglante le mépris que ses suiveurs inspirait au justicier. Frank Castle est un modèle unique ; vouloir péricliter son héritage par la jeunesse est une terrible faute de goût.

Nous voila rassurés....

Nous voila rassurés….

Au final, la mort du Punisher présente des avantages et des inconvénients. La série MAX se termine de manière âpre et sans concession à l’image de sa politique éditoriale.  Homeless présente le symptôme DVD : il arrive en effet que certains films aient en bonus une fin alternative à l’officielle.

Aaron, si méticuleux et pointilleux dans l’intrigue de sa série Scalped, semble avoir été pris par le temps et impatient de boucler ses intrigues. Contrainte de Marvel ? C’est dans cet état d’esprit que l’on peut lire le Run d’Aaron : bourré d’énergie, de bonnes idées et de talent, même si on est loin de la fin officielle écrite par Ennis : Punisher The End. Une fin du Punisher coïncidant tristement avec celle de la maturité Marvel trop pressé de retourner  jouer à touche pipi dans les bacs à sable des Crossovers. De quoi rendre la mort de Frank encore plus insupportable….

Ça cartoon avec Steve Dillon !

Ça cartoon avec Steve Dillon !©Marvel Comics

2) Contre :

AUTEUR : TORNADO

Depuis le début de la série, Jason Aaron et son dessinateur Steve Dillon se sont lancés à corps perdu dans le degré ultime de la folie meurtrière tel que la dimension du personnage le permettait sans les contraintes éditoriales et les censures habituelles. Et c’est également le même traitement qui a été infligé à toutes les autres figures de l’univers Marvel convoquées au massacre : le Caïd, Bullseye, Elektra, car Aaron a sélectionné les figures historiques des super-vilains les plus réalistes de la « Maison des idées », c’est-à-dire ceux qui n’ont pas de superpouvoirs, et accessoirement les principaux ennemis de Daredevil, tous revus à la sauce simplifiée du réalisme et de l’épure. Débuté en 2010, le carnage s’est achevé dans le sang ici, en 2012, après 22 épisodes…

Attention, Steve Dillon se sert de sa règle…

Attention, Steve Dillon se sert de sa règle…©Marvel Comics

Jusqu’au bout de son concept, Jason Aaron nous raconte la fin du Punisher. Ce final aux airs shakespearien (peu de personnages, beaucoup de questions existentielles, beaucoup de mort) est d’une noirceur et d’un pessimisme extrême et infini. Dans ce registre, ce dernier arc narratif appelle plusieurs références : Tout d’abord celle de la série Scalped, écrite par le même scénariste, dont le niveau de violence et de noirceur est équivalent. Ensuite la saga Juan Solo d’Alexandro Jodorowsky, pour la course contre les horreurs, dans une logique identique de fuite en avant vers la mort. Et, enfin, le terrible Arrivederci Amore, Ciao (le livre et le film), car voilà encore une œuvre offrant le même type de récit noir, désespéré et jusqu’auboutiste, dans lequel aucun espoir n’est envisageable.

Des triplés et un combat hallucinant… de médiocrité graphique !

Des triplés et un combat hallucinant… de médiocrité graphique !©Marvel Comics

Au niveau des qualités, le découpage, la narration et les dialogues du scénariste, au cordeau, vous réservent une lecture d’une traite, éprouvante et cathartique.
Mais il y a des défauts : Tout d’abord, et bien que je me répète par rapport aux articles précédents, il y a le pitoyable travail de Steve Dillon. Regardez les trois premières pages de l’album : On y voit trois malfrats. Tous trois ont exactement la même allure, la même tête, le même visage, les mêmes expressions, et ce sur toute la page. Sont-ce des frères jumeaux monozygotes ? Pas du tout, ce sont simplement trois personnages… de Steve Dillon !

Ouch ! Quelle horreur ! Que quelqu’un ose me dire que c’est bien dessiné !!!

Ouch ! Quelle horreur ! Que quelqu’un ose me dire que c’est bien dessiné !!!©Marvel Comics

Ensuite, quel manque d’originalité ! Pas une fois je n’ai été surpris par les événements de ces six épisodes. Mais là encore, je n’en veux pas tant au scénariste, qui reste sur ses rails, encore qu’il n’a pas poussé bien loin la caractérisation de ses personnages, mais au dessinateur, absolument incapable d’élever le débat. Il eut fallu un metteur en image lyrique, qui sache transcender le récit et le mener au niveau de Shakespeare, où soufflent le vent de la mort et les trompettes de l’apocalypse, où résonnent les tambours de la Rome antique et où brûlent les flammes de l’enfer. Où se jouent les opéras de la tragédie humaine.

A la place, qu’avons-nous ? Des plans fixes, un découpage d’une monotonie navrante, des décors aux abonnés absents, des giclures de sang Grand-Guignol et une lumière domestique sans la moindre ombre menaçante. Le degré zéro de la fureur et des larmes, quand celles-ci auraient dû nous sauter à la face. Les auteurs ont-ils voulu rendre hommage à Frank Miller par le choix de leurs « vilains » ? Parce que si c’est le cas, le dessinateur n’a retenu aucune leçon de la mise en scène du créateur de Sin City !

Dommage. Il nous reste une histoire marquante pour le personnage. A lire au moins une fois, quoiqu’il en soit, pour la marque âpre et puissante de son scénariste.

Cette fois, c’est la fin…

Cette fois, c’est la fin…©Marvel Comics

8 comments

  • Bruce lit  

    « Histories of violence » 1/5
    Lorsque Jason Aaron, le scénariste de « Scalped » décide de tuer le Punisher, on ne peut que s’attendre qu’à une explosion de violence et d’amertume. Le problème, c’est que cette histoire divise aussi bien sur la rigueur du scénario que pour les illustrations de Steve Dillon. Le pour et le contre dans un teamup entre Tornado et Bibi Lit.

    La BO du jour. Ainsi s’achève la vie de Frank Castle, une longue nuit froide où le justicier aura été incapable de se pardonner la mort de sa famillehttps://www.youtube.com/watch?v=G-Bn_kD6QN4

  • Présence  

    En relisant l’article d’hier et en découvrant celui-ci, je me rends compte que je n’ai toujours pas retrouvé d’envie de lire un Punisher autre celui de Garth Ennis. Ces épisodes ont beau être parus sous le label MAX, c’est la version de Jason Aaron, c’est-à-dire une autre version que celle d’Ennis, ce n’est pas le même auteur.

    Malgré toute l’admiration que je porte à Jason Aaron (et à Scalped), je ne vois pas comment il pourrait écrire quelque chose d’aussi viscéral et pertinent qu’Ennis qui a disposé de 60 épisodes pour développer son propos. En outre l’intégration de personnages Marvel (Wilson Fisk, Elektra) me et la présence de Steve Dillon donnent l’impression de revenir à une version Marvel Knights, plutôt qu’à une version MAX (l’humour en moins). Cette impression est confortée quand Bruce écrit que le personnage d’Elektra n’est pas très étoffé.

    Effectivement, je suis un peu de mauvaise foi puisque j’occulte les observations sur le drame shakespearien, et sur la dimension jusqu’au-boutiste. Je reste donc incapable de dissocier Punisher MAX de Garth Ennis, d’accepter qu’il puisse y avoir une autre version MAX de ce personnage.

  • Bruce lit  

    Jamais deux sans trois Présence. Attends l’article de demain.

  • Jyrille  

    Il faut avouer que moi non plus je ne suis pas du tout fan du dessin de Steve Dillon. Il faudrait vraiment que je lise le Punisher MAX de Ennis, mais là, je crois que je vais attendre longtemps avant de tenter le run de Aaron. Et puis j’ai Scalped à compléter…

  • JP Nguyen  

    Mon avis se situe entre celui de Bruce et Tornado, avec un mix de leurs arguments.
    Je mettrai presque la note de Tornado mais avec les arguments de Bruce !
    Le dessin de Steve Dillon ne me dérange pas outre-mesure. C’est loin d’être exceptionnel mais c’est fonctionnel. Mon plus gros problème est plutôt avec le scénario de Aaron. Il y a certes le gros contresens de la fin mais aussi tout le cheminement de la série, où Frank n’est qu’un pion parmi d’autres et jamais vraiment le héros de son histoire.
    Pour le coup, je comprends la réticence de Présence car, pour moi, Aaron n’a pas vraiment retrouvé la « voix » de Ennis sur le personnage.

    • Bruce lit  

      @JP, je suis pas tout à fait ďaccord. La voix intime de Frank Castle est là. Celle de born. Aaron aura finalement mis en scène ďavantage Castle que le Punisher. En outre, l histoire familiale est des plus crédible ainsi que la scéne du pique nique. Je pense qu avec ďix episodes de plus, o. Aurait eu un truc grandiose.
      Je me rappelle avoir lu cette histoire à l olympia avant que ne commence le concert des Stranglers et m être senti endeuillé par la mort de mon héros. C est pas rien….
      @Jyrille :je comprends parfaitement ta reticence. Entrer dans le monde duPunisher, c est un peu comme lire Céline pour la première fois : entrer dans un vaste desert de souffrance….

      • Jyrille  

        Je ne suis pas certain que la comparaison avec Céline soit totalement pertinente mais sur l’esprit je comprends ce que tu veux dire ! 🙂

        • Bruce lit  

          La comparaison avec Céline : lorsque j’ai entamé il y a 10 ans de cela la lecture du voyage au bout de la nuit (titre qui pourrait très bien s’appliquer à la vie de Frank Castle), un certain Mat Maticien m’avait prévenu qu’il valait mieux être en paix avec soi et les autres pour aborder ce brûlot tord-boyaux. Bien sûr Ennis n’est pas Céline, mais il y a dans son constat désenchanté et terriblement lucide sur les enjeux de guerre // vies humaines quelque chose faisant que la lecture dU Punisher reste dérangeante, nihiliste, traumatisante, qui m’évoque, en tout cas personnellement, l’expérience de lecture du voyage où plus rien n’a ensuite été comme avant.

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