Un conteur sachant conter !

Sandman volume 1 par Neil Gaiman et Collectif

Première publication le 29 juin 2014- Mise à jour le 05/08/22.

Un article de BRUCE LIT

VO : Vertigo

VF : Urban Comics

Ladies and Gentlemen : Dave Mc Kean !

Ladies and Gentlemen : Dave Mc Kean !©Vertigo

Cet article alternera entre les scans de l’ancienne version et de la nouvelle  recolorisée. 

Certains Comics ont changé la vie de leurs lecteurs Pour moi ce fut Sandman. Un truc tellement intense j’avais peur à la relecture d’être déçu. Après des éditions inachevées ou imparfaites voici enfin l’édition définitive par Urban Comics recolorisée et retraduites.

L’histoire : Dream est un des 7 éternels avec Destiny , Despair , Desire , Destruction, Delirium et Death . Il est le garant de nos rêves, de nos cauchemars. Le voila capturé par un mage qui le prend pour Death et passe 70 ans en cellule sans boire, ni manger. Lorsqu’il s’échappe, il doit reconquérir son royaume. Et réparer les vies d’humains pour qui une existence de rêves « non contrôlés » a tout déréglé.

Dream en piteux état retrouve son royaume après 70 ans de captivité©Vertigo

Neil Gaiman, après un galop d’essai assez fastidieux ( les 6 premiers épisodes ), aborde des thèmes passionnants : la place des Dieux dans notre imaginaire, leurs responsabilités envers les hommes, leurs vies, leurs morts. Mais pas seulement. Il aborde aussi le rapport au temps des Divinités qui n’y résistent pas.

Destruction abandonne son poste lorsque l’Homme découvre l’arme atomique ;  au fil de la série, on apprend que les dieux oubliés se reconvertissent en danseuses de Strip Tease pour obtenir un minimum d’adoration. Satan, las d’être source d’une haine injustifiée à ses yeux laisse la clef sous la porte de l’Enfer , et la Mort est une jeune femme douce et marrante qui converse avec chacun d’entre nous avant de nous emporter. Dream, tout au long de cette saga, va mesurer les effets de sa captivité et réaliser que tout change : le monde, les hommes et lui.

La mort et le rêve deux entités indissociables. Et la plus sinistre n’est pas celle que l’on croit !©Vertigo

Urban réédite les épisodes 1 à 16 de la série soient :

Prélude et Nocturnes : Dream est emprisonné . A sa libération, il doit reconstruire son royaume. Pour ce faire il part à la recherche de ses outils. Il défie un démon en enfer, récupère son sable chez une toxico qui se drogue aux rêves et affronte un super vilain qui lui avait dérobé un rubis. Au terme de ses 5 épisodes parfois un peu brouillons ( il faut s’adapter au style littéraire baroque et bouillonnant de Gaiman qui, lorsqu’il se prend pour Shakespeare peut être pénible à lire ), Dream ressent un vide existentiel : et maintenant que est le but d’un Eternel ?
Il accompagne sa soeur la Mort qui lui remonte le moral dans un épisode célèbre construit comme une chanson un peu factice.

Et Gaiman inventa l’overdose de rêves !©Vertigo

La maison des poupées: Gaiman a trouvé le ton de sa série. Il va raconter des petites histoires au travers le monde où Dream n’apparaît que quelques pages voire pas du tout.Les interactions entre les divinités et les humains n’en sont que plus crédibles.

C’est ainsi que le lecteur rencontre un homme Rob Gadling qui, âgé de 800 ans refuse de mourir. Chaque siècle Dream le retrouve dans une taverne où Rob lui raconte ce qu’il a fait en 100 ans. Il doit négocier avec lui la poursuite de sa vie d’immortel en faisant le bilan des 100 ans passés.

L'homme qui ne voulait pas mourir et le Dieu qui ne voulait pas d'amis  : un duo explosif

L’homme qui ne voulait pas mourir et le Dieu qui ne voulait pas d’amis : un duo explosif©Vertigo

Avec cette histoire et « Contes dans le sable » qui s’attaque avec des mots incroyablement justes aux légendes africaines , Gaiman s’interroge sur les conséquences de l’amour et l’amitié entre les Dieux et les humains. Car à chaque fois, Gaiman démontre que les Dieux ont autant besoin des mortels que l’inverse…

Dream y est montré comme un être à la fois généreux, courageux, responsable mais aussi rigide, impitoyable et froid. Ses interactions avec nous vont lentement le mener vers une route qu’il refuse, impossible pour un Dieu : le changement.

Dream : un visage au delà du Bien et du Mal©Vertigo

Gaiman déploie ici une maestria qui frôle l’indécence : la convention de tueurs en séries , un vortex qui s’attaque aux rêves, des cauchemars échappés qui parasitent l’esprit d’un enfant battu , le destin tragique d’une reine qui refuse l’amour de Dream. En relisant ces histoires, il est évident que Sandman est l’oeuvre d’un conteur qui décrit l’art de conter. Ses personnages (Shakespeare !) réfléchissent à la manière et aux conséquences du récit d’une histoire.

Les descendants de la reine Nada se racontent sa légende une seule fois dans le désert après la circoncision d’un jeune mâle. A la douleur du sexe mutilé est jointe celle de perdre l’être aimé. Rob raconte les joies et les peines de l’immortalité et les tueurs en séries capturent un journaliste qui voulait raconter leurs histoires. Gaiman raconte l’histoire de chaque rêve, chaque rêveur. Comme dans l’oeuvre de Kant, Gaiman relie en permanence l’individu à l’universel ! Le social à la magie, le réalisme au mysticisme !  Titanesque !

Et Gaiman inventa la convention des tueurs en série !

Et Gaiman inventa la convention des tueurs en série !©Vertigo

Contrairement à ce que Gaiman a toujours prétendu, il est préférable de lire ces épisodes dans l’ordre. Dans ce volume apparaissent Hyppolyta Hall , les Bienveillantes et Rose Walker qui auront un rôle majeur dans la série et sa conclusion. Sandman – contrairement à la réédition de « Swamp Thing » chez Panini , avec qui la série partage un graphisme et une ambiance identique ,  a subi un lifting des couleurs.

Plus adaptées, moins criardes, ces couleurs réactualisent des dessins un peu datés. C’est un enchantement de redécouvrir ces histoires qui donnent aux dessins une lisibilité qui a décuplé mon plaisir de relecture. Et rien que les couvertures surréalistes et belles à pleurer de Dave Mc Kean valent l’achat de l’album. La traduction, très littéraire de Patrick Marcel est irréprochable.

A gauche les nouvelles couleurs, a droite les anciennes. Lesquelles préférez vous ?

A gauche les nouvelles couleurs, a droite les anciennes. Lesquelles préférez vous ?©Vertigo

Urban a bien fait les choses côté bonus : une centaine de pages de croquis , d’interviews de Gaiman et des passages intégrales de l’ouvrage de référence : Sandman Companion ( jamais publié en France) où Gaiman aborde chapitre par chapitre la création de ses histoires. C’est passionnant , drôle, élevé.

On y trouve une anecdote irrésistible : une rencontre entre Gaiman et Alan Moore qui dînent dans un restaurant. Moore lui raconte en détail les mutilations de Jack l’éventreur inflige à ses victimes de From Hell. Gaiman a des hauts les coeur et sort du restaurant . Moore le retrouve pleurant sur le trottoir , notre scénariste, pris d’empathie pour les victimes, répétant : c’est horrible ! Et Moore de lui lancer vachard : Voici donc Neil Gaiman le maitre de l’horreur !

Dream et Nada  un amour infiniment dangereux...

Dream et Nada un amour infiniment dangereux…©Vertigo

7 comments

  • Matt  

    Bonjour à tous

    J’interviens humblement sur ce site rempli de réflexions intéressantes sur bon nombre de comics que vos critiques m’ont parfois poussé à acheter (principalement les critiques sur amazon)

    Et aujourd’hui je me permets une question sur Sandman. C’est une série qui me fait de l’oeil depuis un bon moment sur les rayons de mes bouquinistes. Mais 7 tomes prévus de 400 et quelques pages chacun…et dont le volume va me pousser à racheter une étagère…ça donne envie de se renseigner avant tant l’investissement est important. D’où ma lecture de vos critiques. Et d’où mes questions :

    Est-ce une série qu’on peut laisser en court de route ? Je sais, ça parait curieux comme question parce que si j’aime, je risque de vouloir tout acheter bien sûr. Mais ce que j’ai lu ici et là, c’est que ces volumes regroupent différents arcs. Et sur la critique du tome 3, il est même mentionné qu’on peut le sauter sans perdre le fil.
    J’ai tendance à ne pas relire les séries que je trouve très longues et qui me forcent à reprendre au premier tome. Genre justement une série de plus de 3000 pages comme Sandman semble l’être. C’est comme…reprendre a zéro une série TV de 20 saisons avec une seule histoire à suivre, donc sans faire de pause trop longue au risque de perdre le fil. Je ne sais pas vous, mais moi je suis une fois la série, et puis je ne la regarde plus jamais. Il y a autre chose à voir ou à lire. C’est différent cela dit lorsque les saisons sont indépendantes et qu’on peut se dire « tiens je vais revoir la saison 3 »

    Tout ça pour dire…les volumes sont-ils indépendants ? Peut-on se replonger dans une histoire complète contenue dans un tome au hasard ? J’ai compris qu’il y a plusieurs arcs mais à quel point sont-ils interconnectés ? Et si la série me déplait à partir du tome 3, est-ce que je n’aurais plus qu’à revendre les 2 premiers tomes ? Ou est-ce qu’ils auront en quelque sorte une fin chacun, mais avec une trame de fond inachevée (sans être indispensable) ?

    Un peu comme du Marvel ou du DC quoi…On peut lire une histoire, et puis même si on sait que truc ou machin va revenir, ou que les personnages vont continuer d’évoluer (ou regresser dans un reboot foireux), tant pis, on peut s’en moquer et garder l’histoire qu’on a achetée.

    J’ai la sensation d’après les critiques que je lis que c’est un comics difficile à cerner tant qu’on ne l’a pas lu. C’est pourquoi je n’ai pas de réponse claire à mes interrogations. Et c’est donc là, si vous êtes gentils, que vous entrez en scène pour m’éclairer^^

    Merci

    • Bruce lit  

      Bonjour Matt,
      Susciter une passion pour Sandman, quel bonheur. Pour répondre à tes questions, Sandman est composé de récits courts ( l’quivalent de nouvelles) et d’autres plus longs. Les 7 tomes racontent l’évolution de Dream, une divinité forcée à changer malgré lui. La fin est magnifique et, dès le premier tome, Neil Gaiman parsème des indices sur ce qu’il l’attend. Maintenant, oui, il est possible pour toi un volume et de te contenter de la fin. Chaque histoire est parfaitement conclue. Il est possible d’en faire le raccord avec les volumes suivants, c’est ce qui en fait toute la richesse, mais oui, la fin du volume 1 est hautement satisfaisante.
      Pour ma part les Volume 1, 2, 4 sont indispensables. Le trois, j’aime pas du tout et le 5 m’a toujours ennuyé ! Donc voilà 56€ économisés !!

      • Matt  

        Eh bien merci pour cette réponse rapide !
        Cela me rassure et je vais donc pouvoir tenter l’expérience.
        Et d’après ce que tu dis, sauter des volumes ne pose pas de problèmes, même si on continue la série. C’est en effet intéressant.
        56€ ? Plutôt 70€. Chaque tome est à 35€ et ce n’est pas négligeable en effet si je peux en éviter. Je m’arrangerai peut être pour en emprunter certains et non les acheter si je veux me faire une idée. Mais déjà je vais pouvoir sauter le pas et m’acheter le premier tome.

        Merci bien et continuez de chroniquer des BD et comics. C’est du beau boulot. J’interviens pour la première fois mais je suis vos critiques sur amazon depuis un moment et je vous suis reconnaissant pour vos efforts, même lorsqu’il m’arrive d’être en désaccord avec vous, d’écrire des critiques construites et de donner des pistes sur ce qui peut plaire ou déplaire plutôt que d’encenser ou descendre bêtement des œuvres sans argumentaire.

  • Bruce lit  

    Matt, laisse tomber amazon et lis nous à temps complet ici, c’est une zone libre….et en images ! Et beaucoup des articles amazon s’y trouvent aussi sans insultes, VNU, censure et tout le toutim.

  • Jyrille  

    Je viens de finir de regarder la saison 1 de The Sandman sur Netflix. Comme je n’avais pas beaucoup de souvenirs du comics à part quelques passages marquants, j’ai rouvert le tome 1 de Urban, celui-ci, qui compte donc les 16 premiers épisodes, et les deux premiers arcs, Préludes et Nocturnes et La maison de poupées. A part les changements de sexe et de minorités classiques chez Netflix (il y a beaucoup de gays par exemple et notamment, un John Constantine devenu Johanna Constantine (a priori ce personnage existe aussi dans les comics), ce qui ne me déplaît pas car c’est la lumineuse Jenna Coleman qui la joue), la série suit parfaitement la trame, les épisodes, les images même du comics. Chaque épisode de la série reprend même le titre des épisodes de comics. C’est quasiment un copié-collé. Je suis épaté.

    Sinon ben c’est vraiment à voir, rien que visuellement c’est chiadé.

    • Bruce lit  

      Il n’était pas possible d’utiliser John Constantine pour des questions de droits. Johanna apparait effectivement lors de l’arc où Dream va cher chercher Morpheus dans les catacombes de Robespierre.

      • Jyrille  

        Merci, tu vois j’avais oublié cette histoire ! De toute façon il faudra bien que je les relise tous, mes Sandman.

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