Un héros mort, et qui le reste (La mort de Captain Marvel)

La mort de Captain Marvel par Jim Starlin

Première publication le 06/11/15- Mise à jour le 20/02/24

Un article de PRÉSENCE

VO : Marvel comics

VF : Lug, Panini

D'après la Piéta de Michel-Ange

D’après la Piéta de Michel-Ange

La mort de Captain Marvel est la première Graphic Novel publiée en 1982. Cette histoire fut publiée en France par Lug dans la collection Top BD puis réedité avec des couleurs aux saturations affreuses par les marchands de sandwichs.

Qu’est-ce qu’il a de si important que ça, ce Captain Marvel ? L’univers partagé Marvel voit le jour en 1961, avec le premier épisode des Fantastic Four. Pendant les années suivantes, Stan Lee (avec l’aide de ses équipes) crée un certain nombre de superhéros divers et variés. En 1967, le lecteur voit arriver un dénommé Captain Marvel (Mar-Vell de son vrai nom), un extraterrestre Kree (mais à la peau blanche, alors que le reste de cette race a la peau bleue), créé par Stan Lee et Gene Colan. Il fait sa première apparition dans Marvel Super-Heroes, puis a droit à sa propre série en 1968 écrite par Roy Thomas, à nouveau avec Gene Colan. Il se présente sous la forme d’un bel homme aux cheveux blancs, avec un costume moulant blanc et vert.

Mais il faut croire que cet extraterrestre n’a pas le charisme d’un autre venu de Krypton, car après quelques épisodes, Mar-Vell hérite d’un nouveau costume rouge et bleu, et se voit doté de bracelets appelés Nega-bands qui lui permettent d’échanger de place avec Rick Jones, de la Terre à la zone négative. C’est avec l’arrivée de Jim Starlin en 1973 que Captain Marvel change de couleurs de cheveux (un joli blond), et qu’il acquiert de nouveaux pouvoirs, dont une conscience cosmique. Dans le dernier épisode réalisé par Starlin, il se battait contre Nitro (Robert Hunter), un supercriminel capable de se faire exploser (à l’origine de Civil War, mais c’est une autre histoire).

Un costume vert & blanc

Un costume vert & blanc ©Marvel Comics

Par la suite, ce sont Steve Englehart, puis Doug Moench qui narrent ses aventures, en développant ses liens avec la population du satellite de Titan (un des satellites de Jupiter), Mentor, Eros, et ISAAC. L’édition commentée dans cet article date de 2010. Elle contient l’épisode 34 de la série Captain Marvel (daté de septembre 1974), les épisodes 1 & 2 de Marvel Spotlight (datés de juillet et août 1979), et la première Marvel Graphic Novel intitulée Death of Captain Marvel (avril 1982). Les épisodes ajoutés à la Graphic Novel permettent de comprendre qui sont les différents personnages.

Captain Marvel 34 – (1974, scénario et dessins de Jim Starlin, dialogues de Steve Englehart et encrage de Jack Abel) – Rick Jones et Mar-Vell partagent leur existence sur terre : quand l’un est parmi les humains, l’autre séjourne dans la Zone Négative (celle d’Annihilus). Le combat contre Thanos (détenteur du Cube Comsique) vient de s’achever et il est temps pour Rick Jones de reprendre la route pour lancer sa carrière de chanteur et guitariste. Malheureusement dès la première partie du voyage, il croise un camion détourné par Nitro (c’est sa première apparition), et Captain Marvel doit intervenir.

La conscience cosmique

La conscience cosmique ©Marvel Comics

C’est le dernier épisode de la série écrit et dessiné par Jim Starlin. Il avait commencé comme dessinateur au numéro 25, et était devenu co-scénariste dès l’épisode suivant. Ici, il donne la direction de la série pour après son départ. Starlin a toujours son style de dessins assez détaillés, avec une prédilection pour les visages dessinés en contreplongée de trois quarts. L’encreur est minutieux. Le scénario fait la part belle aux personnages, et au combat. Cet épisode a été inclus du fait de l’importance de la rencontre avec Nitro pour la suite.

Marvel Spotlight 1 & 2 – (1979, scénario de Doug Moench, dessins de Pat Broderick, encrés par Bruce Patterson) – Captain Marvel et Drax font équipe, avec Rick Jones (sorti de la zone négative) et sa copine du moment, pour aller sauver les habitants de Titan, l’un des satellites de Jupiter. Thanos a corrompu ISAAC (l’intelligence artificielle qui gère la machinerie rendant la vie possible sur Titan) qui a décidé d’éradiquer la vie sur le satellite. Il s’ensuit un affrontement difficile au cours duquel Captain Marvel utilise sa conscience cosmique d’une manière originale.

Ces 2 épisodes sont inclus pour expliquer au lecteur ce qu’est Titan, qui sont ses habitants dont Mentor (A’lars), Eros et Elysius (l’intérêt romantique de Mar-Vell). Doug Moench est très bavard dans ses bulles (il décrit ce qui est en train de se passer à l’image), Broderick et Patterson réalisent des dessins minutieux, peut-être un peu surchargés, mais encore tout à fait regardables.

Death Of Captain Marvel – (1982, scénario, dessins et encrage de Jim Starlin, couleurs de Steve Oliff) – Captain Marvel a pris sa retraite sur Titan (lassé d’être un guerrier). Il est en train d’enregistrer ses mémoires. Il accompagne Mentor qui veut récupérer le corps de son fils Thanos dans une arche spatiale abandonnée. Une escarmouche s’en suit au cours de laquelle l’attitude de Captain Marvel montre qu’il est malade. De retour sur Titan, Mentor charge ISAAC de lui faire un check-up. Le diagnostic, un cancer, le condamne à l’échéance de quelques mois, les superhéros vont se mobiliser pour tenter de le sauver.

Il est temps pour moi d'écrire mes mémoires

Il est temps pour moi d’écrire mes mémoires ©Marvel Comics

En 1982, Marvel souhaite lancer un nouveau format de comics, équivalent à nos albums français mais avec couverture souple. Starlin ouvre le bal avec la mort d’un héros, mais sans supercriminel. Ce créateur a su créer sa niche chez Marvel et il a laissé des personnages qui ont connu une belle carrière avec ou sans lui. Par exemple, il a créé Thanos qui est arrivé dans les pages d’Iron Man, puis il est très vite passé dans les pages de Captain Marvel, et destiné à une belle carrière dans Infinity Gauntlet (et suivants), puis au cinéma contre les Avengers. Ensuite Starlin s’est emparé d’un personnage encore plus obscur pour une odyssée spatiale entrelacée de philosophie (Adam Warlock). Et le voici qui vient mettre un terme à la carrière de Mar-Vell qui en 2015 n’a toujours pas été ressuscité (une exception dans le monde des comics).

Pour un lecteur familier de cette histoire, il est difficile de prendre le recul nécessaire pour apprécier l’audace du scénariste. Contrairement à l’attente des lecteurs, Captain Marvel ne se jette pas à corps perdu dans une ultime bataille, contre un ennemi le surclassant de plusieurs niveaux. Il ne sauve pas des milliards de vie une fois encore. Il se bat contre la maladie.

Starlin construit son scénario en passant par les différentes étapes liées à la découverte d’une maladie mortelle : prise de conscience, refus plus ou moins marqué, marchandage, légère déprime (pour Mar-Vell) ou dépression (pour certains de ses amis) et acceptation (les 5 étapes théorisées par Elizabeth Kübler-Ross). Il présente les réactions de Mar-vell et celles de ses proches, passant avec plus ou moins d’acuité par ces 5 stades. Il est vraisemblable que l’auteur se soit inspiré de son propre travail de deuil pour montrer la consternation régnant parmi les amis, ou les connaissances de Mar-Vell. Malgré tous leurs superpouvoirs, ils se retrouvent démunis face à la maladie. Starlin n’hésite pas à se montrer cruel, lorsque certains d’entre eux (éminents scientifiques, voire médecins de renommée internationale) s’interrogent sur le fait qu’ils n’ont pas utilisé leurs connaissances pour concevoir des thérapies.

Le cœur de Mar-Vell dans une scène métaphorique

Le cœur de Mar-Vell dans une scène métaphorique ©Marvel Comics

L’auteur inclut quelques scènes de combat qui sont plus métaphoriques qu’autre chose, qui servent l’histoire, qui enrichissent la mythologie développée autour de Thanos et qui légitiment qu’il s’agit d’une histoire de superhéros. Il s’agit donc avant tout d’un récit autour de la mort d’un malade. Starlin sait faire naître des émotions adultes qui élèvent le récit au-dessus du ridicule inhérent à ces gugusses en collant moulant (malgré Marvel qui passe la moitié du récit avec son masque sur le visage même quand il n’est qu’avec Elysius, sa compagne).

À l’origine, les Marvel Graphic Novels étaient dans un format plus grand et cette édition est dans un format comics traditionnel. De ce fait les dessins peuvent apparaître comme un peu tassés. Les illustrations de Starlin présentent une sensibilité assez européenne, avec quelques clins d’œil discrets à Moebius (dans les décors en particulier). Ils comprennent également une forte influence de Kirby (perceptible dans la force des coups de poings échangés).

Peter Parker incapable de gérer son émotion

Peter Parker incapable de gérer son émotion ©Marvel Comics

Les scènes de dialogue abondent et elles bénéficient d’une mise en scène assez travaillée pour ne pas être lassante. À 2 reprises, Starlin convoque une flopée de superhéros de l’époque au chevet de Mar-Vell, et il n’est pas sûr que vous les reconnaîtrez tous (qui se souvient de Isaac Christians ou d’Eric Symon Paine ?).

D’un côté, il est possible de s’agacer des tics propres aux comics de superhéros, tels que les visages fermés, ou au contraire les personnages la bouche grande ouverte, montrant toute leur dentition. Quelques postures relèvent plus du ballet classique, que d’un geste naturel. C’est l’héritage des superhéros, et la façon dont Starlin dramatise les situations, en accentuant les réactions pour être sûr que son lecteur ne se trompe pas sur les émotions en jeu. D’un autre côté, l’artiste profite du nouveau format pour soigner ses planches, en incluant des décors avec une fréquence élevée, et en effectuant des découpages conceptuels dans la disposition des cases, en jouant sur l’écoulement du temps (des séquences en temps réel).

Avec ce récit, Starlin utilise les superhéros pour se concentrer sur la mort imminente et inéluctable d’un proche. Même si cette incursion du réel dans ce monde artificiel peut sembler incongrue (ces costumes chamarrés et ces personnages un peu poseurs), cet auteur met en scène le processus de deuil avec justesse.

Étrangement, il s’agit d’un personnage qui n’a pas été ramené à la vie, et ce depuis 1982. Il a bien fait quelques apparitions posthumes sporadiques, mais pas de résurrection. Son titre de Captain Marvel a été porté par Monica Rambeau, puis par Genis-Vell et même pendant une courte période par Phyla-Vell (la petite sœur de Genis-Vell), et de nos jours (en 2015) par Carol Danvers. Mar-Vell est donc un des rares superhéros à ne pas être mort au combat, et à ne pas être revenu d’entre les morts de manière pérenne.

La fin des illusions

La fin des illusions ©Marvel Comics

66 comments

  • JP Nguyen  

    Merci pour cette belle rétro.

    « qui se souvient de Isaac Christians ou d’Eric Symon Paine ? »
    Moi, moi ! Gargoyle et Devil-Slayer, des Defenders !

    Je n’ai pas lu la Mort de Captain Marvel à sa sortie mais bien des années (voire décennies) plus tard. Ne faisant pas partie du lectorat de sa série d’origine et n’ayant pas ou peu suivi ses aventures solo, l’impact émotionnel fut beaucoup moindre pour moi. Néanmoins, il faut reconnaître l’ambition et la prouesse de Starlin de traiter cet évènement de façon digne et éloignée des clichés de l’époque.
    La scène montrant le Chose et Spidey au chevet du Captain sonne très juste. Elle transcrit à la fois le côté tragique de la situation et la personnalité des deux héros (Ben qui évoque des faits d’armes et l’Araignée qui ne peut pas trouver de blague à sortir pour masquer sa détresse émotionnelle, face à une mort qui doit lui en rappeler d’autres…)

  • Présence  

    Bravo ! Tu as gagné un no-prize.

    Je n’ai découvert que bien des années après que Starlin avait écrit ce récit sur la base de sa propre expérience de deuil (son propre père atteint d’un cancer). De même le concept des 5 étapes du deuil ne m’a été expliqué que bien après.

    Par contre, je lisais régulièrement les aventures de Captain Marvel dans Titans,et j’avais eu la chance de mettre la main sur d’anciens numéros de Strange pour découvrir cette étrange acquisition de la conscience cosmique, ainsi que la cosmogonie établie par Starlin (à base de Kronos, liant les Éternels à Mentor de Titan).

  • Patrick 6  

    A l’instar de JP je me rappelle aussi de Gargoyle et Devil-Slayer, mais surtout parce que j’étais fan à l’époque des Défenseurs ! (même si avec la période Don Heck j’ai eu du mal)

    Autrement une nouvelle fois un bel article qui me rappelle bien des souvenirs !
    Pour info le Top BD a été édité deux fois par Lug. On reconnait la 2eme édition par sa couverture redessinée par Mitton ! (Je suppose qu’ils avaient dû perdre les films originaux, car le dessinateur Lyonnais à reproduit à l’identique la couverture de Starlin)

    Je dois dire que c’est la seule fois que j’ai pu m’intéresser Mar-vell tant j’étais totalement passé à coté des aventures de ce personnage !
    En tous cas il aura fini sa carrière sur un chef d’œuvre !
    Un héros transcendé par la mort… Viva la muerte ?

    • JP Nguyen  

      @Patrick : c’est pas plutôt Don Perlin que Don Heck?

    • Présence  

      J’avais relu avec un énorme plaisir les épisodes des Defenders de Steve Gerber (malgré la présence de Sal Buscema). J’avais tenté quelques épisodes de la période JM DeMatteis & Don Perlin (épisodes 107 à 125, Avengers annual 11 et Marvel Team-up 119), c’était un peu pénible, surtout tous les aspects superhéros. La dimension individuelle était plus lisible.

      • Patrick 6  

        Par contre je garde un souvenir émerveillé des épisodes par Keith Griffen (notamment ceux avec le Scorpion) qui étaient tout simplement incroyables !

        • JP Nguyen  

          @Patrick : Keith Griffen, vraiment ? Il aurait du bosser sur Wolverine, avec un nom pareil… Désolé, c’est mon côté relecteur fou.

          Mais sinon, Keith Giffen sur Defenders, je ne connais pas trop cette période… Un futur article ?

          • Présence  

            Je soutiens cette suggestion d’un article sur cette période des Defenders, car je garde également un très bon souvenir de l’association de Keith Giffen avec David Anthony Kraft.

  • Tornado  

    L’un des rares récits old-school (rayon comics de super-héros) que j’ai eu du plaisir à relire.
    J’avais trouvé que la forme était encore très naïve et ampoulée, ce que tu fais parfaitement ressortir, de manière respectueuse dans l’article ; mais que le fond était très adulte, avec -comme c’est souvent le cas chez Starlin- un sens impressionnant de la dimension mythologique. L’impression d’assister à un grand moment du genre consacré.
    Par contre, contrairement à JP, la scène où tous les super-héros réunis au chevet du mourant, même si le concept est cohérent, m’avait gêné par sa grande naïveté. Certainement parce que je n’ai jamais accepté l’idée que des super-héros urbains comme l’ami Spidey soit transposés dans les sagas cosmiques (il n’a rien à foutre là dedans !).

    J’avais gardé le GN (première édition !). Mais je ne le retrouve plus. L’ai-je revendu sans m’en rappelé ? 🙁

  • Bruce lit  

    Je te trouve un peu tiède sur ce coup là Présence. je dis ça et en même temps je souhaitais que tu postes ton article très complet plutôt que le mien trop Old School aussi. Toutes tes remarques sur le old-school sont plus que justes. Mais à mon sens, ce n’est rien face à l’ambition du récit de Starlin.

    Car pour la première fois le Comic Book mainstream abordait de front le cancer. La force de de récit, comme l’évoquait Patrick, est qu’il est possible de l’aborder sans ne rien connaître de la continuité du personnage et de l’apprécier. C’est très courageux, et il y a des scènes très émouvantes : celle où Marv-ell rencontre Rick sur le toit et lui annonce sa maladie. L’hommage du général Skrull. Et l’abandon des Krees (pourquoi ais je toujours eu l’impression que les Krees et les Skrulls équivalaient au conflit sans fin entre Juifs et Arabes ?) d’un des leurs.

    Pour les gamins de l’époque, il ne s’agissait pas d’une mort brutale en pleine gloire, mais d’une agonie annoncée, sans coup de théâtre, de la préparation à la mort, de ces petits moments de tristesse, d’humour, de vie et de mort. La question que Rick posait aux scientifiques Marvel était si cruelle : « pourquoi personne d’entre vous n’a trouvé le remède à la maladie ». Une impuissance aussi importante et indispensable que celle de nos héros face au 11 septembre.

    Voici donc une histoire qui apprend à mourir ! Mazette ! Marvel pourrait éditer encore ce truc de nos jours ? A ma connaissance, il y a eu vaguement une jolie tentative par Jeph Loeb à la mort de Captain America post Civil war avec de jolis moments de Spider Man, mais c’est tout. Un peu de Brubaker avec DD aussi. Mais tout un album ???

    Enfin, en 1982, les réunions des héros Marvel étaient encore plutôt rares ce qui renforçait le volet « tous contre le cancer ». Et puis, cette fin brutale comme la mort. Le crépuscule tombant sur Marvel, ses amis là pour son dernier souffle et le terrible : « il est mort » de Manthor. Une Ellipse silencieuse au quatrième de couverture sur la tombe du héros, et le gamin dubitatif que j’étais réalisait que tout et tout le monde meurt.

    @Torndo: tu ne m’as répondu hier. Comment et qui a ressuscité Kraven ?

    • Tornado  

      Alors, je n’ai pas lu l’épisode de sa résurrection. mais j’ai lu l’arc où sa fille cherche à le venger :
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      Par la suite, il y a eu plein d’épisodes avec toute une famille cherchant à le ressusciter. Je n’ai pas lu cette période de « Brand New day ».
      Mais j’ai vu le Kraven ressuscité combattant la dernière version de Venom en Terre sauvage (Flash Thompson) dans
      http://www.amazon.fr/product-reviews/280942439X/ref=cm_cr_dp_see_all_btm?ie=UTF8&showViewpoints=1&sortBy=bySubmissionDateDescending

    • Présence  

      Très tiède – Oui, j’ai fait un effort conscient pour que mon admiration pour Jim Starlin ne l’emporte pas sur mon sens critique. Peut-être ai-je alors pêché en sens inverse. Je souhaitais également ne pas trop mettre en avant le plaisir de voir ce créateur revenir sur un personnage qu’il a marqué par la première saga Thanos et le cube cosmique, ne pas trop jouer sur la continuité.

      Captain America: Fallen son, de Jeph Loeb – Pour faciliter la lecture, je recopie une partie de mon commentaire, encore assez court à l’époque.

      Jeph Loeb structure les récits de deuil suite à la mort de Captain America sur la base des 5 étapes théorisées par Elisabeth Kübler-Ross : le déni, la colère, le marchandage, la dépression et l’acceptation.

      Le premier épisode est illustré à grands traits par Leinil Yu et montre comment Wolverine refuse de croire à la mort de Steve Rogers et investit le vaisseau du SHIELD pour s’assurer que le corps détenu est bien celui de son ami, avec l’aide de Doctor Strange et Daredevil.

      Le deuxième épisode est centré autour de la réaction de Carol Danvers (Ms. Marvel) qui évacue sa colère sur Tiger Shark qui eu la mauvaise idée de se trouver sur son chemin. Elle est assistée par quelques Avengers (Ares, Wonderman, Black Widow et Sentry). Pendant ce temps, Ben Grimm organise une partie de poker chez Stephen Strange pour que chacun puisse parler du défunt (Spider Woman, Luke Cage, Spiderman et Iron Fist). Les dessins sont signés d’Ed McGuinness dans son style habituel mâtiné de cartoon qui dénote un peu par rapport au sujet de l’histoire.

      Le troisième épisode est dessiné à grands traits par John Romita Jr et encré par Klaus Janson dans un style assez détaillé pour que le lecteur puisse se plonger dans l’ambiance. Clint Barton (Hawkeye) et Tony Stark (Iron Man) marchandent entre eux et avec leur propre conscience pour savoir comment donner un sens à la mort de leur camarade et déterminer quelle attitude adopter pour la suite de leur vie. Ils trouvent sur leur chemin Patriot et une version féminine d’Hawkeye (Katherine Bishop des Young Avengers) qui vont faire les frais de leur divergence de points de vue.

      Dans le quatrième épisode, David Finch illustre une scène qui se passe au cimetière et qui oppose Spider Man à Rhino. Jeph Loeb marie à merveille le manque de confiance de Peter Parker avec les souvenirs des morts violentes de ses proches.

      Enfin John Cassaday illustre avec des pages de toute beauté la cérémonie d’inhumation de Captain America pendant laquelle les héros et les anonymes finissent pas accepter la réalité de cette mort.

      Au final, cette histoire articulée autour du concept des 5 étapes est agréable à lire et elle constitue une oraison funèbre à la hauteur du héros qu’elle célèbre. Par contre, les situations apparaissent parfois comme un peu contraintes à force de devoir coller au concept à illustrer.

    • PierreN  

      « A ma connaissance, il y a eu vaguement une jolie tentative par Jeph Loeb à la mort de Captain America post Civil war avec de jolis moments de Spider Man, mais c’est tout. Un peu de Brubaker avec DD aussi. Mais tout un album ??? »

      Maintenant que j’y repense, cette mini-série elle ne serait pas sortie peu après après la mort du fils de Loeb ?

      J’ai lu ce Gn gamin dans une réédition des 90’s (un top BD vraisemblablement) et il m’a tout autant marqué que la mort de Kraven ou Skurge dans le run de Simonson, tous deux retrouvant une certaine stature avant le trépas.

      • Présence  

        Sam Loeb, le fils de Jeph Loeb, est décédé en 2005, et Fallen Son est paru en 2007. Toujours est-il que je n’ai pas mémoire que Jeph Loeb ait construit un récit sur les 5 étapes du deuil, de manière aussi manifeste (déni, colère, marchandage, dépression, acceptation) avant la mort de son fils. Cela donne l’impression qu’il a évoqué cette étape de sa vie, après avoir bénéficié d’un soutien psychologique, ou après s’être renseigné sur les pratiques issues de la théorie d’Elisabeth Kübler-Ross.

    • Chip  

      « La question que Rick posait aux scientifiques Marvel était si cruelle : « pourquoi personne d’entre vous n’a trouvé le remède à la maladie » »

      Quelques années plus tard, le Squadron Supreme se posera à son tour cette question chez Gruenwald…

      • Présence  

        J’aime bien Mark Guenwald au point de relire tous ses épisodes Captain America au fur et à mesure qu’ils sont réédités en Epic Collection. Par contre, je n’ai jamais eu e courage de relire son Squadron Supreme.

        • Chip  

          Ca a ses nombreux petits défauts, mais pour le lecteur de l’époque la minisérie qui traite les superhéros en dieux et/ou dictateurs bienveillants marquait un tournant. En tout cas pour le lecteur de Lug. Enfin pour moi quoi.

          • Présence  

            Je n’ai découvert cette série du Squadron Supreme qu’après avoir lu Watchmen, ce qui a fortement atténué l’effet du récit de Gruenwald sur moi.

  • Jyrille  

    Encore un article impeccable, qui insiste bien sur les points uniques de ce comic, et qui fait passer bien des émotions. Le dessin de Starlin (surtout celui de la conscience cosmique) me fait beaucoup penser à celui de Mezzo (dessinateur du Roi des mouches), d’ailleurs d’autres scans avec une narration ampoulée (vu sur FB mais aussi sur l’article sur Adam Warlock il me semble) m’avaient fait la même impression.

    « La mort de Captain Marvel est la première Graphic Novel publiée en 1982. » Tu veux dire le premier GN Marvel ?

    • Présence  

      En fait , je n’arrive pas à me décider entre le masculin (un album, un roman graphique), et le féminin (une BD, une nouvelle graphique, parce que ça ne correspond pas vraiment à la longueur d’un roman).

  • yuandazhukun  

    J’avais chialé à la fin de l’album pensant que Mar-vell allait s’en sortir d’une manière ou d’une autre…Et tu as raison Présence d’insister sur le fait qu’aujourd’hui encore on lui fout la paix, pas de résurrection nom de Dieu ! Et je pense que ça restera comme ça maintenant car c’est un vieux perso que beaucoup de jeunes lecteurs ne connaissent pas (non ?)…J’ai toujours les strange avec les aventures du cube cosmique et j’avoue que Starlin au dessin je suis encore un grand fan ! Quel merveilleux auteur ! Merci Présence pour ce bel article old-school !

    • Présence  

      Je subodore que l’absence de retour de Mar-Vell correspond à une question de droit d’une nature ou d’une autre, mais je n’ai jamais réussi à trouver un article dévoilant le fin mot de l’histoire.

      • Bruce lit  

        Bendis a essayé avec Secret Invasion. Et il apparaît non ? dans Uncanny Avengers ?

      • PierreN  

        Je crois me rappeler que si Marvel utilise fréquemment le titre de Captain Marvel (avec Monica Rambeau, Carol Danvers, Genis-Vell et Noh-Varr) c’est aussi pour une raison contractuelle, afin d’empêcher la distinguée concurrence de l’utiliser à nouveau avec le fameux Captain Marvel de Fawcett, racheté par DC vers les 60’s après des années de procès, ce qui fait que depuis les années 70 tous ses séries portent le titre de Shazam.

  • Présence  

    Toute la nuance est dans l’adjectif pérenne. Mar-Vell a disparu des comics Marvel de 1982 (date de parution de Death of Catpain Marvel) à 1987 où il apparaît comme fantôme dans Avengers annual 16. Puis il disparaît encore laissant son titre à d’autres personnages comme Monica Rambeau et Genis-Vell. Pendant les années 1990, Ron Marz utilise l’âme du défunt dans la série Silver Surfer et dans la minisérie Cosmic Power Uilimited. Il doit aussi apparaître dans la série de Genis-Vell écrite par Peter David, toujours en tant qu’esprit d’un mort. Toujours mort, il participe au mini-événement Chaos War en 2010/2011, et il a eu droit à encore une autre apparition posthume dans les Secret Avengers de Rick Remender, pendant l’événement AvX.

    A l’occasion de Secret Wars, il y a bien eu une minisérie Cpatin Marvel, écrite par Brian Reed et dessinée par Lee Weeks (2008) montrait le retour de Captain Marvel… qui était en fait un skrull.

    Merci wikipedia

  • comics-et-merveilles.fr  

    Que de souvenirs, merci Presence.
    J’ai moins été conquis par Captain Marvel parce que j’ai toujours été moins attiré par les aventures cosmiques (pour faire simple, toute histoire se passant dans l’espace) dans les comics. A l’époque Seul Jim Starlin arrivait à faire exception.
    L’histoire de Captain Marvel m’avait moins marqué du coup (contrairement à celui de Jean Grey), mais avec du recul, je la trouve bien plus dramatique.

  • Lone Sloane  

    Merci pour la madeleine amère, Présence. C’est un récit qui a laissé son empreinte et dont la construction est pleine de scènes marquantes, celles des sans qui ponctuent ta chronique et celles citées par Bruce.
    L’ensemble reste dans mon esprit la perturbante dégradation physique d’un homme dans la force de l’âge super-héroïque (un comble pour des enfants ou adultes impressionnables) et la dignité dans laquelle Jim Starlin drape la mort de Mar-Vell. Le scan où il accepte l’issue en abandonnant les illusions d’une mort séduisante est toujours aussi émouvant.

    • Présence  

      L’abandon des illusions – C’est un thème que Starlin avait déjà utilisé dans le suicide dans le futur d’Adam Warlock, où celui du futur expose à celui du passé à quel point sa vie va aller de mal en pis, et que sa fin est a bienvenue (assez brutal également).

      Les remarques de Bruce – L’un des points qui vient atténuer l’impact du récit à mes yeux est ce départ vers un au-delà qui s’annonce comme une nouvelle aventure, une forme de vie après la mort new-age avant l’heure, ne reposant sur aucune conception spirituelle, une sorte de foi dans l’immortalité de l’âme, sans dogme religieux, sans fondement.

      • Bruce lit  

        La vache ! Comment qu’on est pas d’accord sur ce coup là Présence ! La fin reste une source d’espoir en contraste avec l’horreur absolue de cette maladie, qui encore aujourd’hui tue plein de Marvel, sans que personne ne sache toujours ce qu’il y a après ! Lorsque Dream meurt à la fin de Sandman, l’impact est strictement le même ! Je ne suis pas choqué que Mar-Vell accède à une sorte de Val-hala après sa lutte contre la maladie…
        Même avec mes yeux d’adulte, la fin est cruelle et l’espoir d’un ailleurs légitime. En quoi, Jim Starlin répondrait mieux à ce qui taraude l’humanité depuis, minimum 2000 ans ?

        • Présence  

          Je n’attendais de Jim Starlin une révélation sur ce à quoi peut ressembler l’au-delà, mais pas non plus un fin romantique où après son dernier combat, le héros part bras dessus, bras dessous avec son ancien ennemi pour un monde meilleur. Après avoir mis en scène avec nuances l’horreur implacable de la maladie, il termine sur une forme de Happy End new-age.

          • Bruce lit  

            Non, ce n’est pas un Happy End ! Mais une fable sur l’honneur d’un combattant honoré par ses amis et ses ennemis. Il s’agit d’un Comics de Super héros dont la vie est consacré à la violence. Que l’âme puisse continuer l’ouvrage d’un corps qui ne puisse pas suivre n’a rien de choquant, ni de scandaleux…La double lecture est possible, pour l’adulte le corps décharné de Mar-Vell à l’agonie est sans équivoque. Le passage lumineux vers la mort est un cliché certes, mais oui, la réconciliation avec l’ennemi Thanos reste un moment qui transcende l’existence. Mar-Vell part en paix avec les autres et lui-même sans craindre la mort.

  • Présence  

    L’impression que l’on peut ressentir en écrivant est très éloignée du ressenti de chaque lecteur. Par exemple, pour celui-là, je conserve la sensation d’un article très appliqué, et assez superficielle, trop éloigné de l’émotion du récit.

    Bruce nous a déjà offert la possibilité d’écrire un deuxième article sur ouvrage déjà commenté pour en donner une autre lecture. Je suis preneur de la tienne pour cette mort mémorable.

  • Léo Vargas  

    Hello,

    En règle général, quand je lis ce genre d’histoire, je m’attends à un événement qui va rétablir la situation.
    En lisant cette histoire, j’ai eu l’impression de savoir que rien n’allait changer.
    Certainement à cause du ton mélancolique donné dès le départ…
    J’ajoute également, que cette histoire à énormément de similitude avec la mouche de Cronenberg où rien ne vient interférer avec la chute du héros…

  • Matt  

    Je n’ai pas vu les expressions que tu cites, sauf « con de moi » (expression naze + gros mot, la totale). J’imagine qu’il y en a toujours à découvrir…pour le pire surtout.
    Du coup je me suis récemment re-procuré des albums « une aventure de l’araignée » (la proie du vautour, la folie de mystério que j’avais lues gamin) parce que l’intégrale qui réédite ça n’est pas lisible. Et tant pis s’il y a peut être un peu de censure. J’accorde trop d’importante au français et à la façon d’écrire un dialogue pour supporter les délires de Coulomb.

    Tiens c’est pas mal là aussi :

    http://filmsfantastiques.blogspot.fr/2014/04/les-traductions-calamiteuses-de-spider.html

    « bougre de polichinelle arriéré » ou « tu-tues » (pour des armes !!) et le pétage de lomb final « glaglatez, navarrais, maures et castillans » WTF ??

  • Présence  

    Ça n’est pas rien que cet aveu. – Cette séquence m’avait également beaucoup marqué. Mes lectures de jeunesse (bibliothèque rose puis de bibliothèque verte) ont inscrit en moi que le héros est celui ne renonce jamais, qui trouve toujours une solution pour résoudre le problème, qui la cherche jusqu’à temps de la trouver par astuce et persévérance. Or là, ils font le constat de leur impuissance. Ils n’essayent même plus. Quel aveu en effet ! Ils sont contraints de se résigner malgré la puissance de leurs superpouvoirs.

    En lisant tes remarques, je prends conscience d’à quel point Starlin s’est montré habile en faisant apparaître la personnalité de chaque superhéros au travers de sa réaction face à la mort, à commencer par la détresse de Peter Parker.

    J’aime beaucoup cette notion d’inconvenance que je n’avais pas relevé mais qui permet de mieux saisir en quoi ce récit est transgressif, non seulement par rapport aux récits de superhéros, mais aussi d’une manière plus générale. Je te remercie pour tes remarques qui sont comme d’habitude très enrichissantes.

  • Philippe Fadde  

    Bel article. Merci.
    Complètement d’accord aussi avec les propos d’OmacSpyder.
    C’et marrant, et comme quoi il n’y a pas de coïncidences, je viens justement de faire un tout petit commentaire sur mes souvenirs de Starlin sur un autre blog, et voilà que je découvre ici sur vos propres commentaires !
    Si c’est pas de la conscience cosmique ça ! (rires)

    Comme beaucoup (effet de génération sans doute) cette mort du capitaine, je dis capitane car cette case où il enregistre ses mémoires me fait penser, dans la pose et dans l’idée, à Charlton Heston prêt à explorer un autre monde dans le premier film de la planète des singes(1967) cette mort de celui aussi qui porte aussi la lumière, comme dirait Cormac Mc Carthy, m’avait plongé dans un doute effroyable.

    Starlin était de toute façon angoissant et déjà complexe à lire déjà dans Strange.
    J’accroche moins aujourd’hui à tout ceci, mais cette histoire autour de sa mort m’avait également fortement marqué. Pour l’anecdote, Starlin avait été invité par mon ami Fred (déesse éditions). J’étais arrivé tôt le premier le matin pour le voir, mais à moins de cent mètres de la boutique, mon téléphone sonne et me voilà obligé de partir pour répondre à un appel urgent. Du coup je suis repassé au magasin deux jours plus tard et il restait encore quelques dessins et d’autres belles choses, mais jamais l’expression « poussières d’étoiles » ne pris autant de sens pour moi que cette impression de voir et de ne pas voir ce qui avait tant brillé dans le ciel Parisien le week-end précédent…

    Philippe Fadde

    • Présence  

      Bonjour Phillipe,

      j’utilise le tutoiement de mise sur le présent site. Merci pour ce retour. Je n’ai jamais eu l’occasion de rencontrer Jim Starlin, mais j’ai eu la curiosité de regarder des vidéos d’interview sur Youtube. C’est l’un des auteurs qui m’a convaincu de continuer la lecture des comics après l’adolescence, et que j’ai suivi tout au long de sa carrière : Batman, Dreadstar et autres Breed.

      Si le cœur t’en dis, tu peux trouver d’autres articles consacrés à ses œuvres sur le site (avec des commentaires). Pour y accéder il suffit de cliquer sur le mot clé Jim Starlin à la fin du présent article.

      – Infinity Gauntlet
      – Warlock
      – Thanos
      – Hulk / Thing : the big change

  • Matt  

    Pour ma part j’ai redécouvert cette saga avec la version rééditée par Hachette « vie et mort de captain marvel, partie 2 »
    Et j’aime toujours. Oui ça a un peu vieilli mais Starlin reste intéressant sur le fond et pour moi ça change beaucoup de choses. Grâce à Hachette aussi, j’ai pu lire son Warlock (2 bouquins). Si on ajoute à ça Thanos Quest, le gant de l’infini, on a déjà un bon aperçu du best of de Starlin.

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