VAMPIRE VOUS AVEZ DIT VAMPIRE ?

Dark Shadows par Tim Burton

1ère publication le 28/02/16- Mise à jour le 28/12/19

Article de PATRICK 6 

Cet article portera sur le film de Tim Burton Dark Shadows réalisé en 2012, inspiré de la série des années 60.

La famille Badass

La famille Badass

Sur un concept similaire à celui de la Famille Addams (créée deux ans auparavant), la chaine ABC produisit un feuilleton quotidien intitulé Dark Shadows à partir de 1966. La série créée par Dan Curtis comptabilisa le nombre effarant de 1.225 épisodes étalés sur 5 ans. Les deux premières années furent tournées en noir et blanc, puis en couleur jusqu’à sa fin en 1971.

Ce feuilleton raconte les aventures de la famille Collins dans leur sinistre manoir de Collinwood. La série est filmée en vidéo, souvent en live et en une seule prise !
Durant la première année le succès est très relatif, jusqu’au moment où le personnage du vampire Barnabas Collins est introduit dans la série.
Le succès sera dès lors retentissant aux Etats Unis !
Dans la foulée moult créatures maléfiques sont également incorporées au show : fantômes, zombies, sorcières… Un véritable festival de l’horreur !

Par son mélange de gothique, d’histoire d’amour et de mélodrame, la série a bousculé les codes du feuilleton télévisé des sixties. A des horaires inhabituels (le milieu d’après midi) et à une époque où les magnétoscopes n’existaient pas encore, les jeunes se précipitaient après l’école pour suivre les péripéties de la famille Collins ! Parmi ces enfants addictes se trouvaient les dénommés Tim Burton et Johnny Depp… A noter que l’impact de la série fut si grand qu’elle fit l’objet de 3 adaptations sur grand écran avant celle de Tim Burton ! Avec dans l’ordre La fiancée du vampire (1970), Night of dark shadows (1971) et La malédiction de Collinwood (1991)

Ne vous inquiétez cependant pas si la série ne vous dit absolument rien, c’est tout à fait normal, puisqu’elle est restée inédite dans nos contrées. Si l’on peut le regretter pour les petits Français des années 60, on ne peut hélas pas en dire autant pour les enfants des années 2010 car la série a très mal vieilli… Entre acteurs approximatifs, textes ineptes, réalisation hasardeuse et effets parfaitement ringards la série flirte dangereusement avec le nanar. Il vous sera demandé beaucoup d’effort pour vous y intéresser de nos jours ! Les plus braves d’entre vous pourrons cependant la trouver aisément sur internet.

L’ancien et le nouveau casting : Le jeu des sept erreurs ©Entertainment Weekly ©Warner Bros
Source Allo Cine   

Vampire un jour, vampire toujours

En 1760 la famille Collins quitte Liverpool à destination du nouveau monde. Ils fondent la ville de Collinsport et y font fortune grâce à leur compagnie de pêche maritime. En 1775 Angélique Bouchard (interprété par Eva Green), servante de son état, tombe amoureuse de Barnabas Collins. Celui-ci l’éconduit. Par malchance pour le pauvre Barnabas, la domestique s’avère être une sorcière ! Et rancunière qui plus est ! Elle ne se contentera pas de tuer les parents du Sieur Collins, elle poussera également Josette (la fiancée de Barnabas) au suicide et enfin transformera ce dernier en vampire !
Pour couronner le tout elle le fera enfermer dans un cercueil dans lequel il restera pour les 200 ans à venir ! Faut pas l’énerver la p’tite…

En 1972 des ouvriers libèrent accidentellement le vampire du cercueil qui lui sert de prison. En guise de remerciement Barnabas les tue en buvant leur sang !
Il retrouve son manoir de Collinwood occupé par ses descendants. Autrefois riche et prospère son clan est désormais en pleine déroute financière et sa bâtisse tombe en ruine !
Quelle ne sera pas sa surprise de constater qu’Angélique (Angie de son nouveau nom), elle aussi, est toujours de ce monde et que sa soif de vengeance n’est toujours pas étanchée…

Family business

Paradoxalement c’est Johnny Depp, séduit par le scénario, qui est à l’origine du projet. Il réussit à convaincre Tim Burton de s’investir dans ce film (alors qu’on imaginerait plutôt le contraire).
L’acteur déclarera d’ailleurs : « Il nous a semblé totalement évident que la seule personne capable de porter un tel projet était Tim. Tandis qu’on s’est mis à développer le scénario il s’est de plus en plus passionné pour le projet ».

Comme souvent avec Tim Burton tourner un film est avant tout une histoire de fidélité et d’amitié. Ce nouveau long métrage sera la huitième collaboration entre le réalisateur et Johnny Depp (une performance), le septième avec Helena Bonham Carter, le cinquième avec Christopher Lee (Bon OK ici il fait surtout de la figuration) et le deuxième avec Michelle Pfeiffer !
Tout ce petit monde se connait ce qui contribuera grandement à harmoniser le tournage et à créer une bonne ambiance. Le film se veut fidèle à l’esprit de la série tout en s’adressant à un public contemporain. Cependant d’après le réalisateur sa version sera bien plus tournée vers l’humour que l’original (et surtout beaucoup moins kitsch et mieux réalisé).

Alors que Tim Burton commence le tournage sa carrière est au creux de la vague. Son dernier film, Alice aux pays des merveilles n’a pas vraiment convaincu. Entre une 3D inutile, un scénario paresseux et une réalisation paradoxalement très plate, le film a déçu la plupart de ses fans. Sans compter que ses deux longs métrages précédents (hors animations) ont eux aussi laissés perplexes : Charlie et la chocolaterie évoque bien plus une pub pour Orangina que l’univers onirique de Roald Dahl et le gorissime Sweeney Todd eu été bien meilleur sans son côté comédie musicale boursouflée…

Bref le réalisateur qui s’est quelque peu égaré souhaite reconquérir son public et revenir à ses fondamentaux : les atmosphères gothiques directement issues des films de la Hammer ! Alors Burton a-t-il réussi son pari ? Oui et non !

Un bilan mitigé

A l’actif du film il y a en tout premier lieu son casting irréprochable ! Chaque acteur est parfaitement à sa place et incarne à merveille son personnage. La part du lion revient sans conteste à Johnny Depp et Eva Green qui sont tous deux incroyablement convaincants dans leurs rôles d’amants/rivaux maudits ! Leur partie de jambes en l’air (au sens premier du terme) est l’un des grands moments du film !

Ensuite les décors sont splendides ainsi que les costumes. Nous avons ici affaire à du Burton pure souche. La photographie tout comme les effets visuels sont parfaitement bluffants (il faut dire que le budget du film en la matière est plus que conséquent !).

Faire débarquer un vampire du 18éme siècle dans les Etats-Unis des années 70 se révèle un choix particulièrement pertinent. On se sent en empathie avec Barnabas puisque les seventies nous semblent toutes aussi étranges que pour lui ! Les bizarreries de cette période sont soulignées : les pantalons pattes d’eph, le macramé, les lava lampes, les boules à facettes, etc… Tout le décorum kitsch de cette décennie est exposé et l’on a le sentiment de parcourir un musée (de l’horreur) ! Par contre au passif du film il faut bien dire que l’on a bien du mal à s’attacher au personnage du vampire et pour cause ! Comment se sentir proche de quelqu’un qui vient de tuer une douzaine de personnes sans état d’âme (fussent-ils des hippies) ?

Le personnage de Victoria Winters, la nouvelle amoureuse (transie) de Barnabas, n’est guère développée et fait pâle figure face à sa rivale Angie ! A tel point qu’on se demande en effet pourquoi le vampire la préfère ! La diaphane Victoria s’efface devant la sorcière dont la personnalité est aussi affirmée que son tour de poitrine est imposant ! Du coup nous ne sommes absolument pas ému par cette love story peu crédible !

De plus le film fonctionne unilatéralement est n’offre que peu de niveau de lecture autre que littéral. On assiste essentiellement à du comique de situation, des circonstances aussi loufoques que cocasses, mais dont il ne reste rien à la sortie du film, mis à part le souvenir d’avoir passé un bon moment… (ce qui n’est déjà pas si mal me direz-vous).

Le scénario en lui-même n’est pas exempt de contradiction. On ne comprend pas par exemple pourquoi la sorcière Angie se contente de maudire les Collins, plutôt que de s’en débarrasser une bonne fois pour toute en les tuant tous ! Le personnage du loup-garou introduit en toute fin de film ne sert strictement à rien (si ce n’est rajouter des effets spéciaux supplémentaires). Il disparait aussi vite qu’il est apparu sans qu’on s’en émeuve le moins du monde !
Quant au fantôme de la pauvre Josette puisqu’il a le pouvoir de se venger de son assassin, on se demande bien pourquoi elle attend 2h  pour agir alors qu’elle aurait pu le faire dès le début !

Une tension palpable… tu la sens ma tension oui ??

Une tension palpable… tu la sens ma tension oui ??
Source sens critique
©Warner Bros

Welcome to his nightmare

Comme bien souvent dans l’univers Burtonien la musique est particulièrement soignée. Tout d’abord par son complice de toujours, le compositeur Danny Elfman, qui signe la BO de Dark Shadow, même si on peut déplorer que pour ce film le musicien soit un peu en roue libre et ne donne pas le meilleur de lui-même. Sa partition est illustrative mais n’a rien de grandiose… Efficace certes, mais on est loin de la musique magique et envoutante d’Edward aux mains d’argent !

Pour le reste des morceaux des années 70 illustrent les scènes clés. Barry white pour souligner le côté torride de la scène d’amour entre Johnny Depp et Eva Green par exemple.
Viennent aussi compléter le tableau, The Moddy blues, Iggy Pop, The Carpenters, etc…

Confirmant son goût pour le bizarre et le décalé le réalisateur demandera au chanteur Alice Cooper de faire une apparition dans le film ! Mais attention nous sommes sensé être dans les années 70 il est donc hors de question pour le chanteur d’apparaitre avec son visage de quasi septuagénaire actuel !

Ainsi par la magie d’Hollywood, Alice Cooper se verra rajeunir de 40 ans ! Il interprète deux morceaux, No more mister nice guy et Ballad of Dwight fry, en fringuant trentenaire au cours d’un « happening » organisé par la famille Collins. Et Barnabas, s’attendant à voir une femme chanter, de déclarer « Voilà la femme la plus laide que j’ai vu !»

Pour expliquer sa présence le réalisateur déclarera : « Alice Cooper appartenait vraiment à cette époque et il s’inscrit parfaitement dans l’ambiance;  le plus effrayant c’est qu’il ressemble exactement à ce qu’il était à l’époque. D’ailleurs nous avions un numéro de Rolling Stone d’époque dont il faisait la couverture et je trouve qu’il a peut-être meilleure mine aujourd’hui. C’est très très étrange. »

En tous cas la scène est très drôle est fonctionne parfaitement. Les fans regretteront seulement que les morceaux ne soient pas interprétés en entier (on n’entend pas plus de 30 secondes d’affilé).
Du reste Alice n’est pas le seul à pouvoir se plaindre d’être sous-employé par le cinéaste, puisque la chanteuse de Siouxsie & the Banshees en 1992 se déclarera extrêmement déçue que le morceau qu’elle avait composé spécialement pour Batman Returns ne soit audible que quelques secondes dans le film (Bruce Wayne et Catwoman valse au rythme de ce morceau). Détail amusant durant ce concert une partie du casting original de la série peut être aperçu dans le public !

En résumé en conclusion, on aurait tort de bouder son plaisir, sans être un grand cru, le film se laisse voir avec plaisir. Sans apporter quoi que ce soit de nouveau à l’univers onirique de Tim Burton (on peut parler ici d’un film typiquement Burtonien) le film corrige malgré tout nettement le cap par rapport à ses débâcles précédentes.

Son film suivant Big Eyes, sorti en 2015, semble indiquer un changement de direction radicale dans sa filmographie (et hélas pas pour le meilleur). On ne peut que spéculer sur la suite de la carrière de Burton, mais il n’est pas impossible que Dark Shadows soit le chant du cygne du réalisateur… Ce film n’en a que plus de valeur.


Chantera t-il Forever young ?

28 comments

  • matt  

    Après visuellement et niveaux effets spéciaux, évidemment que l’original a davantage vieilli. Mais c’est une évidence qui n’a aucun intérêt à mes yeux…

  • Tornado  

    J’aime bien aussi le premier film CHARLIE avec Gene Wilder, acteur Mel Brooksien que j’adore (Frankenstein Jr !). Mais je préfère quand même le Burton parce que j’aime trop son univers, même si c’est c’est too much. Et puis il y a dans sa filmographie la toile de fond sur l’absence du père qui fait lien et sens de film en film, et qui finit par constituer une fresque très cohérente, proche de celle de Spielberg.

    J’adore les DEUX – VAMPIRE VOUS AVEZ DIT VAMPIRE ? ! Tout comme GENERATION PERDUE et tous ces teen-movies des 80’s que je ne me lasse pas de revoir. C’est un cinéma et une époque dorée pour moi. C’est à la fois sincère et inoffensif (tout comme les films de Zemmeckis). Je suis tellement fan. Je retombe en enfance (ou en adolescence) direct à chaque fois que les revois.

    • Jyrille  

      Jamais vu Génération Perdue…

    • Kaori  

      Je plussoie totalement… Tu rajoutes LES GOONIES et c’est bon.

      • Tornado  

        Ah non ! C’est pas bon ! Faut aussi ajouter les Joe Dante (EXPLORERS et les GREMLINS) et les Stephen King (STAND BY ME, PEUR BLEUE, ÇA…). Bien évidemment les spielberg/Zemmeckis (E.T., RETOUR VERS LE FUTUR, et certains épisodes d’AMAZING STORIES). 🙂

        • Tornado  

          (plusieurs de ces films ont d’ailleurs été chroniqués ici. Plusieurs mais pas tous…)

    • matt  

      Woah, comme ça change de sujet là !
      Bah moi l’univers de Burton j’aime bien aussi, mais ça me gêne quand il s’impose sur des histoires qui n’en ont pas forcément besoin, surtout si c’est avec de gros sabots. Le truc sur l’absence du père dans Charlie, ça semble sorti de nulle part aussi.
      Je comprends bien que si on va voir du Burton, c’est pour voir ses délires. Mais il y a des limites. AU bout d’un moment c’est l’overdose et ça devient lourdingue. Surtout que son univers ne se renouvelle pas.

      Enfin de manière globale je préfère ses films gothiques sur la mort, tout ça…plutôt que ses films « pour enfants » qui ne sont pas spécialement drôles. Et Depp en Wonka on dirait La Denrée de la soupe aux choux quoi^^ Il pousse des cris de dindon et des rires bizarres que je trouve très pénibles et pas drôles.

      Un Burton sur Sweeney Toss (même si j’aime pas trop les comédies musicales) ou même ce Dark Shadow, ça marche mieux sur moi. Sleepy Hollow, Edward Scissorhands, Big Fish (pas trop gothique mais avec ce qu’il faut de fantaisie sans que ce soit le gros conte de fée hyper abusé), Ed Wood, les Noces funèbres, ce sont ses films que je préfère.
      J’ai du mal avec ses films pour enfants ou son Miss Peregrine. C’est too much, trop lourd en CGI et en maquillages outranciers aussi. ça devient presque une parodie de son univers tant c’est poussé trop loin à mon sens. Burton avait l’habitude d’intégrer dans le vrai monde des éléments de fantaisie. Si d’un coup t’as l’impression d’être dans le monde de Narnia dès le début du film, ça marche plus trop pour moi.

      • Kaori  

        @Matt : Je rajoute à ta liste « L’Etrange Noël de Monsieur Jack », bien évidemment.
        Je n’ai pas vu Miss Peregrin etc. La BA m’avait un peu refroidie…
        Mais à l’occasion, je le regarderai, pour m’en faire ma propre idée. J’ai l’impression que Burton a favorisé l’image en oubliant le message, ce qui n’était pas le cas autrefois. La forme qui prévaut sur le fond désormais…
        A voir.
        Je ne suis effectivement pas fan de son ALICE ni de son CHARLIE.
        Ca va ? on est revenu dans le sujet ? 😀

        @Tornado : évidemment 😉
        J’ai dévoré les articles du blog sur ces films. Il n’y a que EXPLORERS que je n’ai pas vu.

        • Jyrille  

          Miss Peregrin est vraiment très bon pour moi. Cela faisait longtemps que je n’avais pas vu Burton redevenir intéressant.

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