Dark Floyd (From Pink Floyd to Batman !)

Animals par Pink Floyd

Par BRUCE LIT

PinK Floyd ne croit pas aux gens bons...

Pink Floyd ne croit pas aux gens bons…

Voici la story du disque Animals du Floyd. Et comme toutes les histoires, elle commence par une couverture, en occurrence ici la célèbre pochette du cochon volant. Pourquoi de tous les disques du Floyd, ai-je choisi celui là ? La réponse ici :

Remember when you were young

1987. J’ai 13 ans et comme d’habitude, les devoirs à la maison sont prétexte à flâner, écouter de la musique, déconner avec mon frangin, mimer les solos de guitare de Goldman sur ma raquette de tennis qui ne me sert qu’à ça d’ailleurs.  C’est le début des radios FM, j’écoute NRJ qui à l’époque diffusait du rock et là, pub pour la reformation de Pink Floyd.

C’est un véritable scandale à l’époque. Avec les Stones, ils ont la quarantaine, mon âge aujourd’hui, on les appelle les papys du rock, les bourgeois des stades. Et c’est pas faux. Les Floyd de 87, Ils sont gras, mal fringués, jouent dans des châteaux…Et puis leur leader Roger Waters leur vomira dessus à longueur d’interviews allant même jusqu’à déclarer qu’il ne rejouerait avec les trois vendus (dans le texte !) que si une vie humaine en dépendait. Enfin, ça, ce sera pour plus tard, pour le moment je ne connais pas une traître note de leur musique, simplement que ça a l’air vachement important ce concert à Versailles. Au collège, tout le monde en parle. Un mec de ma classe,  m’attrape en me disant : ouais, Pink Floyd c’est un groupe capable de faire de la musique avec une chasse d’eau

Je n’ose lui répondre que c’est peut être la preuve que c’est un groupe de merde. Trop timide. Trop rien du tout à cet âge là. Je rentre en ruminant cette histoire de chasse d’eau. A coup sûr, il s’est foutu de ma gueule. Je fouille dans les vinyles de mon père. Et là je trouve quoi entre les disques de Fugain, Barbra Streissand et les Bee Gees ? UN PINK FLOYD ! Joie, triomphe etc.

Un livret avenant et chaleureux....

Un livret avenant et chaleureux….

....où Professor Pyg se sentirait chez lui...

….où Professor Pyg se sentirait chez lui…

Merde, c’est quoi cette pochette ? Le nom du groupe n’y figure pas. Elle sont où les photos du groupe ? Le livret montre une photo d’usine désaffectée, putain c’est aimable comme cochon ce disque ! Tiens, d’ailleurs, il y en a un qui flotte dans les airs…Et puis il y a deux fois la même chanson et 4 titres pour un album ?

Une première ballade qui sonne comme du Dylan. Mais où est le refrain ? Et puis elle finit aussi vite qu’elle a commencé. Une minute à tout casser. Survient alors « Dogs ». Les voix sont banales. Rien qui évoque les timbres des Beatles ou des Stones. J’y comprend catzo…Là, le morceau dure un quart d’heure. Et les autres presque aussi longtemps. Je sors de cette première écoute écœuré. Révolté. Fasciné.
Tout en moi me demande de détester ce truc hors norme pour qui écoute la FM. C’est triste à mourir, on y entend des chiens, des moutons et des cochons tandis que s’arrête la musique. En fait, je viens de me faire dépuceler le tympan. Et succomber progressivement (ahah) au son du Floyd.

Now the final solution can be applied

Bien sûr The Wall, bien sûr Dark Side of the Moon, bien sûr Syd Barrett dont je n’ai jamais été plus fan que ça. Mais Animals reste le disque auquel je suis le plus attaché. Il me raconte, tout comme il raconte l’Angleterre de 1977. On y ressent toute la grisaille, la tristesse, la peur de cette époque. Les peurs d’un pays et celle d’un pré-ado.
1977, c’est l’année du Punk. Du No Future. Du conservatisme ultra libéral de Thatcher dont la politique brisera des milliers de vies. Une politique dont Fillon ou Sarkozy seront nostalgiques. C’est dire…

Dans les studios de Britania Row, traîne un merdeux fan du Floyd. Il s’appelle John Lydon mais le monde le craindra bientôt sous le nom de Johnny Rotten, le leader pourri des Sex Pistols. Lydon porte son Tee Shirt du Floyd et par pure provocation rajoute au marqueur « I HATE » au dessus du logo Pink Floyd. La machine est lancée; avec Yes et Genesis, le Floyd sera l’ennemi à abattre. Des bourgeois qui tricotent en studio alors que la musique, la vraie transpire de rage sur moins de quatre accords.

Pure connerie. Le leader des Pistols n’aura jamais de toute sa carrière pour dissiper ce malentendu, lui qui se sera évertué à demander à son public de briser les dogmes vient d’en créer un. Parce que Animals, c’est un disque Punk. Aussi essentiel que Never Mind The Bollocks, Here’s The Sex Pistols ou London Calling. Roger Waters, le leader du groupe est un nouveau riche, certes. Il a signé les paroles du disque le plus vendu de tous les temps Dark Side of the Moon (qui ne sera détrôné que par le Thriller de Michael Jackson) mais très vite la célébrité et le fric le terrorise. Paranoïaque en diable, persuadé d’être aliéné par le music business, il conçoit Wish you Were Here où il pleure son groupe,Syd Barrett le fondateur du groupe devenu fou, la fin de l’insouciance supplantée par l’ambition.

WYWH est un disque mélancolique, triste, doux. Il aurait dû être double. Mais certains morceaux sont trop agressifs. Waters, comme Gainsbourg, ne jette jamais rien et recycle ses chansons. Lorsque vient le temps de composer un nouvel album, il récrit les paroles de ce que deviendront « Dogs », « Pigs » et « Sheep ». Animals, le disque le plus violent du Floyd est né.

Alors que Bowie créera son Diamond Dogs faute d’obtenir les droits de 1984, Waters se rabattra lui sur la Ferme des animaux de Orwell. Dans ce roman célèbre, les animaux, dirigés par les cochons fomentent une révolte d’abord légitime puis complètement fanatique contre les hommes qui les exploitent. Waters n’en garde que la sève, délaissant la portée anti-communiste de l’oeuvre initiale.

Le roman de Orwell inspirera Pink Floyd et....Bill Willingham pour la ferme des Fables !

Le roman de Orwell inspirera Pink Floyd et….Bill Willingham pour la ferme des Fables !

Dark Side of the Moon était un disque altruiste où la classe moyenne n’avait d’autre refuge que la folie pour échapper aux pressions du capitalisme. Wish You Were Here était une élégie tout en douceur de la mort de l’innocence. Atom Heart Mother arborait une vache dans de frais pâturages. C’était un disque un peu hippie, champêtre, plutôt souriant. Animals et son cochon est le disque de la haine, du cynisme, des désillusions. Du métal urbain.

Waters n’a jamais connu son père mort pendant la deuxième guerre mondiale. Le bassiste développera toute sa vie un fort sentiment de responsabilité et de culpabilité. Comme Peter Parker. Son père a t’il donné sa vie pour que 30 ans après sa mort, Thatcher bousille la vie de la classe ouvrière, interdise le droit de grève, fasse monter l’extrême droite, ferme les usines ? Dont la Battersea Station, la centrale électrique de la pochette aujourd’hui classée monument historique.

Un groupe obsédé par les troupeaux...

Un groupe obsédé par les troupeaux…

La ferme !

Il conçoit alors de diviser l’humanité en trois castes :

les Chiens assoiffés de pouvoirs, politiciens, bourgeois ou businessmen qui écrasent les autres avant d’être trahis à leur tour et de mourir seuls. La rythmique presque flamenco de la chanson est inoubliable. Même le doux David Gilmour commence la chanson en demandant enragé : Tu dois être complètement cinglé  !  C’est ce que je me dis souvent quand je me passe ce disque : pourquoi s’imposer une telle noirceur ?  Fermez les yeux : il est possible de s’imaginer marcher dans une usine désaffectée,respirer l’air vicié d’une civilisation industrielle qui s’auto détruit, les vitres brisées craquent sous mes pieds, ça sent la pisse, et des capotes à l’odeur de sperme à la bière traînent par terre .

Outra la fable politique, Animals est le testament  du Flower Power, du « Summer 68 » d’Atom Heart Mother où l’on paressait dans les pâturages sous les rayons du « Fat Old Sun ». Le triomphe du capitalisme qui transforme les hommes en fourmis agitées à mourir au boulot. Une vision pas si éloigné de  Franquin…..et de ses Idées Noires :  l’homme est mauvais, tout enclin à réussir au détriment de l’autre, de la nature et du bon sens.  La pollution, les politiques, la bombe nous tuera tous. L’intérêt d’une minorité de chiens se fera au détriment d’une majorité bêlante….

Tout en anaphore, Waters dresse l’inventaire impitoyable de ce qui attend les Chiens : Être un étranger chez soi,prendre du plaisir à marcher en laisse, être trouvé mort au téléphone ou au fond de la tamise une pierre au pied…ani_19

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De la fin de l’innocence soixante-huitarde au cauchemar du choc pétrolier, les angoisses de Waters et Franquin sont les mêmes

Les Porcs sont les parvenus qui ont atteint le succès et veulent se maintenir en haut de la pyramide sociale. Leur ambition serait presque drôle si elle n’était pas si pathétique. On y trouve aussi bien Waters lui même qui se considère comme un imposteur (thème développé dans The Wall) mais aussi Thatcher qualifiée de sac-à-merde et Mary Whitehouse qui menait une croisade puritaine contre les groupes de rock.

Musicalement, ils’agit certainement avec Money de la meilleure intro du groupe : aux arpèges inquiétants de Wright répond la ligne de basse grinçante de Waters avant que la guitare anormalement distordue de Gilmour finisse de rendre le tout suffocant. Le jeu rond et rythm’n’blues de Nick Mason finit de donner à ce morceau son côté mutant radioactif.

Et enfin, les Moutons : le prolétariat qui vit insouciant, préférant prétendre que le danger n’est pas réel et brouter dans les champs que de se révolter contre ses gardiens. Lorsque les moutons, plus nombreux  finissent enfin par se révolter contre les chiens, c’est une anarchie brutale qui donne lieu à un nouvel abus de pouvoir. Et dont la fin rappelle celle de La Ferme des animaux tout comme Tintin et les Picaros : une révolution en chasse l’autre sans que rien ne change…

La conclusion du disque censée être une note d’espoir se gaufre lamentablement et achève de rendre Animals comme une vraie bête de pessimisme : Waters dit avoir trouvé l’amour d’une femme qui s’inquiète pour lui, qui le protégera des Porcs. C’est quoi prendre soin de quelqu’un chez lui ? Réponse : Être celle qui enterra mes os….
Avec un gai luron comme ça, on comprend qu’il aura fallu 4 divorces au bassiste du Floyd pour se stabiliser…Il déclarera d’ailleurs à l’époque être incapable d’écrire des chanson d’amour. Ce qui est d’ailleurs flagrant : la discographie du Floyd ne comprend aucune chanson pour glorifier ce sentiment.

Pig man, ha ha, charade you are...

Pig man, ha ha, charade you are…

Oui, les propos de Waters suintent le No Future. Chaque syllabe qu’il prononce est remplie de venin et de fiel. Porté par des lignes de basse parmi les plus inspirées de sa carrière souvent proche du hard rock dans les driving rythm, David Gilmour  ajoute des guitares très agressives, stridentes, accordées un ton au dessous et doublées dans les octaves (comme dans le hard rock justement), soit l’inverse de ce que l’on pourrait attendre d’un groupe hippie. Le tout est enveloppée des nappes synthétiques de Rick Wright 1000 fois plus agressives que celles du groupe teuton de l’époque Kraftwerk. Le clavier martyr du groupe ne signe aucun morceau, tout comme ce branleur de Nick Mason dont Animals est le disque préféré.

Et pour cause, c’est la dernière fois que le groupe joue ensemble. Lors de The Wall, des chansons entières seront enregistrées par des sessions men non crédités. Ici, il n’y a que Snowy White qui délivre un solo de guitare coupé au montage de « Pigs on the wing » (part 1 & 2). La raison de ce découpage est purement financière et rappelle l’ambiguïté de Waters : les royalties de l’époque étaient calculées en fonction du nombre de chansons signées et non de leurs durées. C’est ainsi que Waters se fit plus de pognon en signant deux morceaux d’une minute chacune que Gilmour qui écrivit les 15 minutes de « Dogs ». Un vrai porc effectivement qui annonce la fange des conflits à venir…

Pig man, charade you are !

La première idée Storm Thorgerson, le graphiste du groupe était de représenter un enfant en pyjama, peluche à la main, debout et réveillé par le coït de ses parents. Ils baisent comme des animaux… Waters rejette violemment l’idée et, mis au défi,  de trouver meilleure idée traverse Londres à vélo. Il passe devant la Battersea Station et trouve la battisse sombre et inhumaine.

Le cochon volant au dessus des 4 cheminées de l’usine est censée être un symbole d’espoir. Avec The Wall, censé être un disque humaniste, on verra que les concepts de Waters se retournent souvent contre lui, tant le message véhiculé par Animals est déprimant….Et, à l’image de son cochon qui  échappe à son créateur.

Lors de la session photo, on amène un cochon gonflable surnommé Algie. 14 Photographes sont dépêchés ainsi qu’un tireur d’élite pour abattre le cochon si’l venait à s’échapper. La taille d’Algie étant en effet susceptible de perturber le trafic aérien ! Alors que la première session ne se déroule pas pour des problèmes techniques, la deuxième est catastrophique ! Et pour cause, mal attaché, Algie s’envole et s’échappe au dessus de Londres…

C’est la panique : la Royal Air Force a repéré….un cochon volant à 18 000 pieds de Londres. Et le manager du groupe a perdu le tireur d’élite ! Des avocats sont convoqués d’urgence pour palier à une éventuelle responsabilité d’une catastrophe aérienne.

Au final Algie, est retrouvé dans un champs d’un fermier furieux : le cochon a terrorisé ses vaches !
Une troisième session est organisée avec cette fois deux tireurs d’élite ! Tout se passe bien sauf que la lumière est pourrie… La pochette finale est une juxtaposition des trois sessions et Pink Floyd se paie un coup de pub phénoménal !

Le marketing arrive : sur scène le groupe arbore de jolis cochons fluorescents sur leurs tee shirts. Les présentoirs de vinyls ont bien sûr des formes de cochons. Et la pub à double tranchant : groink, groink, waf waf, Im the new Pink Floyd..
Ce qui serait prétexte à une partie de rigolade chez les Who, est toujours  matière  à drama chez le Floyd. Pour un mec de 34 ans, Roger Waters est un mec terriblement déprimé. Les excès du rock, les pipes backstage et la reniflade, il s’en fout. Il veut délivrer son message.

Et la tournée In the flesh qui durera 6 mois devra être bigger, huger, louder…Impossible de jouer dans des petites salles désormais après avec un cochant volant au dessus du public. Il demeure des loupés certains soirs : la glace sensée fournir des écrans de fumée fond trop vite et rend le groupe invisible sur scène. Le public vient pour les explosions, les pétards, pour écouter Money, pas pour entendre les prophéties apocalyptiques de Waters. Backstage, Waters souffre d’une hépatite non diagnostiquée. Il reçoit des piqûres pour soulager des maux d’estomac et ne sent plus ses mains avant de monter sur scène. Chaque soir, il donne des numéros au public. Le groupe comprend sur le tard qu’il s’agit des jours qu’il lui reste à tirer sur scène…

A force d’entendre le public gueuler, le bassiste morose ne s’entend plus jouer. Il décide alors de porter un casque sur scène pour être en phase avec son groupe. Et c’est encore à double tranchant : alors que Waters veut délivrer la meilleure performance possible avec son groupe, le casque l’isole de son public.
Le dernier soir à Montréal, il demande au public de la fermer. Il essaie de jouer « Wish you were here » malgré les pétards. « J’aimerais bien chanter ma chanson bordel. Et je pense que certaines personnes voudraient l’écouter  » ! Il repère alors un fan enivré dans la fosse et lui crache à la gueule !

Waters est immédiatement horrifié par son geste. Son ambition s’est retournée contre lui. Il est finalement devenu ce Chien who was trained not to spit in the fan. La haine que son public lui inspire n’à d’égale que celle qu’il ressent envers lui-même. Avec les meilleures intentions du monde, il est impossible de sauver l’autre de lui même. Il prend conscience qu’entre lui et son public s’est construit un mur invisible. Mais ceci est une autre histoire, un autre disque, une autre larme, et surtout une autre brique….

 

L’héritage du disque se perd dans celui du groupe. Difficile de s’y retrouver entre les groupes indés comme Blur, Cure ou REM qui se réclament essentiellement du Floyd de Barrett en méprisant ouvertement la Waters Area et ceux, souvent inatendus, qui vénèrent le Dark Side of the Floyd; les gens de Korn, NIN, Marilyn Manson mais aussi Radiohead ou Muse qui adoptera pour son compte le fameux Storm Thogerson pour ses pochettes. Les Claypool, le bassiste réputé de Primus, réenregistrera Animals dans son intégralité. Au cinéma, Alfonso Cuaron lui rendra un hommage appuyé dans son film autrement paranoïaque Le fils de l’homme.

D’un point de vue des Comics, c’est moins évident. On avait tiré notre balle en or au moment de l’article sur The Wall où de nombreux parallèles étaient faits entre l’oeuvre de Waters et d’Alan Moore.

Le fils de l'homme
Le fils de l’homme
De Batman à Roger Waters : des Freaks friqués !

En cherchant bien dans ce sillon, on peut dresser un parallèle entre Roger Waters et …Batman ! Tous les deux sont orphelins : le père de Waters a été annihilé par une bombe, celui de Batman abattu sous ces yeux. Les deux garçons possèdent un QI au delà du commun qui va aussi bien leur permettre d’accomplir de grands desseins que les isoler de la vulgate. A vrai dire, sous des appart philanthropes, Waters et Bruce Wayne sont deux être renfermés qui tout en s’exposant aux yeux du public luttent contre leur propre folie.
Milliardaire, Waters sur scène redouble d’effets mégalomanes pour, de son propre aveu , épater son père de l’au delà. Une sorte de Bat-Signal que tout le monde devrait percevoir.

Il est troublant de poursuivre la comparaison ; Batman c’est le miroir inversé de Superman : au Kryptonien la cité lumineuse de Metropolis, à Batman les ténèbres de Gotham. Dans cette ville minée par la folie et la parannoia, les névroses obsessionnelles de Bruce Wayne trouvent du répondant. Dans sa lutte contre le crime, Batman s’entoure non pas d’amis mais de sideckick : de la main d’oeuvre malléable et disciplinée pour parachever son oeuvre.

Les chevaliers de l'ombre

Les chevaliers de l’ombre

Roger Waters est son équivalent en musique. Alors que les Beatles, Led Zep’ ou les Stones vantaient les mérites de la drogue, du sexe ou de l’amitié, Waters est le triste sire des années 70. Un musicien enfermé dans sa Batcave que la plupart du music business a en terreur et qui écrit sur la crise économique, le libéralisme, la folie, la mort et les regrets. Quant à ses musiciens, il est de notoriété publique qu’entre 77 et 83 qui marque la fin du groupe, Waters les affubla du charmant surnom Les Muffins : des mecs mous et soumis qui lui permettaient d’atteindre ses objectifs artistiques sans broncher.

Dans Animals, la cité semble aussi corrompue et désespérée que Gotham. Et malgré tous les efforts déployés par Waters-Batman, dénonciateurs et justiciers, le système de corruption et de passivité reste si bien ancré qu’il est aussi tentant d’accabler les chiens et les porcs que de sauver les moutons. Une mission que continuent de jouer Waters et Wayne en dépit des années. On sait que Wayne continue d’être redoutable malgré la vieillesse dans DKR. Waters quant à lui envoie à chaque artiste des lettres incendiaires, assez terrorisantes, pour tout artiste souhaitant se produire en Israël. Le pauvre Robbie Williams s’en souvient encore.

A 70 ans passés, Waters s’est réconcilié avec son groupe, est capable d’autocritique désormais mais continue d’être ce vieil homme qu’il a toujours été même quand il était jeune.    Et le monde devra encore compter sur ses deux sentinelles : Bruce et Roger. Qui nous gardera de ces chauves souris, de ces cochons et de ces gardiens Crazy Diamondsani_28

Algie, est désormais présent à tous les concerts de Waters...

Des sentinelles à la fois emblématiques et inquiétantes

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La BO du jour : ça t’avance à quoi de prétendre que le danger n’est pas réel ?

51 comments

  • Présence  

    Convaincu par ton article, j’ai réécouté cet album avec des écouteurs, et je l’ai trouvé pas mal. Mais sur ma chaîne, c’est inaudible. Donc en même temps que Spirit of Eden de Talk Talk, je me suis offert la remasterisation de 2016, et c’est le jour et la nuit en termes de qualité auditive avec le pressage dont je disposais. Emporté par mon élan, j’en ai profité pour prendre Meddle avec, que j’avais écouté juste pour la première sur youtube après ton article. Grâce à toi, je peux me délecter de 2 albums supplémentaires de Pink Floyd. Merci.

    • Bruce lit  

      Meddle et Animals sont des albums tellement différents. Meddle reste plus accessible à mon sens que le deuxième. Content d’avoir joué le rôle de passeur que tu officies auprès de moi pour les comics.

  • Présence  

    Emporté par mon élan, je me suis mis à réécouter The pros and cons of Hitch hiking qui ne m’avait pas plu à la première écoute, et qui commence à faire son chemin, maintenant que j’accepte de l’écouter pour ce qu’il est et non pas pour ce que je voudrais qu’il soit (= un autre album de Pink Floyd). En découvrant que Amused to death avait bénéficié d’une nouvelle masterisation, j’en ai fait l’acquisition (mon premier CD avait un son vraiment pourri) et c’est ce que je suis en train d’écouter à l’instant. Du coup j’attends avec impatience son nouvel album.

    • Bruce lit  

      The Pros comporte de très jolies mélodies et une production cohérente. le concept de l’album l’est bcp moins.
      Amused to DEath est d’une richesse exceptionnelle. mon exemplaire est déchiré de partout, le livré encore mutilé de postillons séchés tellement je l’ai chanté cet album. L’annonce d’un nouveau disque de Waters 25 ans après est effectivement un événement. Il ne te reste plus qu’à sauter le pas de Ca Ira son opéra sur la révolution française qui est tout aussi exceptionnelle.
      Avis aux amateurs et à la team parisienne : je vais au concert de Midnight Oil de juillet à l’olympia et d’Alice cooper en décembre.

  • Jyrille  

    Je viens de réécouter Animals. J’ai peur d’essayer de me souvenir quand cela était arrivé la dernière fois. En plus, je l’ai en CD !

    Du coup j’ai relu ton article, Bruce : il est remarquable. Maintenant que j’ai une vision plus globale de l’oeuvre du groupe, je pense un peu plus comme toi. Même si Animals n’est pour moi pas l’album le plus sombre (pour moi c’est Meddle, il devrait être le prochain dans la liste), il est tout de même très éloigné de tous les disques hippies du groupe que je ne connaissais pas ou trop peu (More, Ummaguma, Atom Heart Mother…). C’est un peu l’inverse en négatif de Atom Heart Mother. Autant de titres, mais structurés différemment. Même si certains passages de Dogs m’ennuient un peu, il est bien plus cohérent que leurs albums hippies que j’ai cités. J’aime beaucoup Sheep.

    Mais c’est également clairement le début de la fin du groupe pour une trilogie de Waters profondément déprimante. C’est pour cela que je préfère Meddle, Dark Side of the Moon et Wish You Were Here. Contrairement à Queen par exemple, Pink Floyd est un groupe qui n’a jamais su ce qu’il faisait, qui a avancé à petit pas tout en étant très productif et aux sonorités très différentes. Le titre Atom Heart Mother pourrait faire penser à du Magma ou à Sufjan Stevens lorsqu’il se fait symphonique (l’album Age of Odz devait être super à voir sur scène… pourquoi ces types ne viennent pas par ici ?), ce qu’il n’a jamais refait. Et ici, c’est très mécanique, machinal, avec un son metallique. Un groupe multiforme, à géométrie variable, un collectif avant l’heure.

    • Bruce lit  

      Tu as tout à fait raison Cyrille. Il aura fallu jusque Meddle pour que le groupe trouve enfin son son, son identité musicale malgré des copies plus ou moins brillantes auparavant. Par contre pour moi, Meddle est encore un album fumette, drogue qui ne correspond pas à mes goûts musicaux. Je préfère largement les albums Héro ou Coke.
      Animals est presque un album de hard-rock.
      Je ne sais pas si Tornado aura le même avis : je pense que sans Animals et surtout The Wall, le groupe ne serait pas si connu aujourdhui. Ce sont les albums qui font entrer le groupe dans la violence des crises économiques dont nous ne sommes plus sortis. En cela, le groupe s’est remarquablement adapté.
      Sans The Wall par exemple, le Floyd serait devenu un groupe culte et respecté ùais qu’on écouterait moins comme un T Rex par exemple dont on se fout éperdument aujourdhui.
      The Wall est un groupe qui reste cité aujourd’hui par les Sisters of Mercy, Nin, Marilyn Manson, qui ont modelé le son les années 90 et 00. PAs sûr que Meddle y serait parvenu.
      En tout cas tes retours sont passionnants. Merci
      (Je travaille toute la journée aujourdhui. Ne pas s’étonner de mon silence radio avant ce soir).

      • Jyrille  

        C’est vrai que lorsqu’on dit Pink Floyd, la première chose qui vient, c’est soit The Wall soit Dark Side of the Moon. En cela je rejoins aussi l’avis de Tornado. Par contre je trouve que ça marche moins comme trilogie, Dark Side – WYWH – Animals. Ma trilogie préférée, c’est Meddle – Dark Side – WYWH. Mais tu as raison, Animals et The Wall ont installé définitivement le groupe mondialement comme étant important. Au delà de ça, avec Dark Side et les suivants, le groupe a aussi été énormément reconnu pour leur travail sur le son et le mastering, comme les Beatles avant eux. Pendant longtemps, il était dit que Dark Side était l’album le plus utilisé par les vendeurs hifi pour tester leur chaînes.

        Nikolavitch : merci ! Ca me conforte que je ne dis pas que des conneries 😀

        • Tornado  

          Quand j’étais à l’internat au lycée, je ne fréquentais que des punks (ce qui est paradoxal puisque je hais le punk, mais, allez savoir pourquoi, c’est avec ces mecs que je m’entendais le mieux…). Quand il fallait écouter Pink Floyd dans le dortoir, il aimaient soit les 4 premiers albums (The Piper – Saucerful – More – Ummagumma, c’est à dire les albums psychés), soit Animals et The Wall. Donc, en ce sens, on sent bien qu’avec ces deux derniers albums, le groupe a réussi in-extremis à asseoir une légitimité rock.

          • Jyrille  

            Oui, Animals est un meilleur album que dans mon souvenir. Je viens de réécouter Meddle, et maintenant je le trouve beaucoup moins sombre qu’avant. C’est une sorte de Atom Heart Mother réussi, un vrai coup de maître cet album, l’équilibre entre chansons douces presque hippies et délires psyché est parfait. Même les passages les plus psychés de Echoes ne sont pas ennuyeux. C’est superbe.

            Je vais me refaire Dark Side demain (pour quoi, la millième fois ?), peut-être mon préféré finalement, il ne ressemble à aucun autre Floyd et possède trop de bonnes idées.

    • Nikolavitch  

      Intéressant, cette idée « ils ne savaient pas ce qu’ils faisaient », parce que le making of de Dark Side montre très exactement ce fonctionnement au doigt mouillé (le côté impro génial de Great Gig in the Sky, notamment, avec la chanteuse persuadée d’avoir fait de la merde, quand les autres sont ébahis et lui demandent encore).

  • Tornado  

    Il est probable que sans The Wall, Pink Floyd n’aurait pas eu la même aura. Mais il y a quand même eu The Dark Side of The Moon auparavant, qui a eu un succès planétaire assez similaire. Par contre Animals me parait moins emblématique avec le recul, même si je trouve que c’est un album important, injustement boudé par la critique.
    Animals + The Wall + The Final Cut est effectivement une trilogie.
    Mais The Dark Side of the Moon + Wish You Were + Animals, ça fonctionne bien aussi en termes de trilogie.

  • Jyrille  

    Je viens de réécouter The Wall. Ca y est j’ai fait le tour de Pink Floyd. Et je suis mortifié de ne pas voir ton article sur cet album ! Un article non remasterisé j’imagine. Je voudrai tellement le relire. Bon en attendant, un pote m’a prêté le blu ray du concert The Wall de Roger Waters. Je vais mater ça dès que possible.

    Alors… je connais trop cet album, c’est quasi du par coeur (même si je ne connais pas toutes les paroles loin de là). Je l’aime beaucoup. Il n’a rien à voir avec les Floyd d’avant (à part quelques idées mélodiques de Animals) et d’après (à part quelques idées mélodiques de The Final Cut). C’est un peu leur The Lamb Lies Down On Broadway : dernier album (ou presque) du groupe, double, qui raconte une histoire totalement alambiquée (Peter Gabriel et Roger Waters ont bien fait de ne jamais devenir scénaristes), avec pas mal de chansons courtes. Les deux albums s’éloignent ainsi du format prog, et même du psyché pour Floyd. La différence principale, c’est que le son de The Wall est incroyable. Encore aujourd’hui la production est parfaite, impeccable. Je crois même que je le connais mieux que The Lamb car, autre différence finalement, il est bien plus facile d’accès. Dans les thèmes, on pourrait aisément le rapprocher de la folie qui est traitée dans Dark Side Of The Moon et de l’absence traitée dans Wish You Were Here. Ou comment sublimer et se dépasser pour arriver à cet album culte qui est un miracle en soi. Rien ne laissait présager que le Floyd accouche d’un tel album, si facile à écouter, si prenant. Ils détournent le disco, le blues, le gospel, avec leur son, leur façon de jouer. Impressionnant. In The Flesh reste mon morceau favori du disque.

    Maintenant, globalement, je pense que Pink Floyd est un groupe mystérieux sur bien des points. Comment un groupe qui n’a quasiment pas de tubes peut-il avoir autant de succès et de fans (acharnés) à travers le monde ? La preuve, c’est qu’aucune de leur compilation n’est probante (à part peut-être Echoes), que le groupe ne peut pas être compilé : aucun lien ne perdure entre leurs albums, chaque disque est une expérience, un pas en avant. Tout le monde connaît Pink Floyd, tout le monde connaît Another Brick In The Wall Part 2, Wish You Were Here (la chanson) et Money. Mais après ? Run Like Hell ? Learn To Fly ? High Hopes ? Echoes ? Shine On You Crazy Diamond ? Vera ? In The Flesh ? Arnold Layne ? See Emily Play ? Eclipse ? One Of These Days ? Careful With That Axe, Eugene ? Pas vraiment des tubes, ou alors des tubes d’amateurs de musique (ou alors il faut être Anglais). Aucun groupe ne leur ressemble, pas même The Fall. Enfin je dis ça mais si ça se trouve, il en existe beaucoup. Mais un seul de ceux-là restera très longtemps.

    • Bruce lit  

      Très intéressant tes propos Cyrille.
      Effectivement l’article de The Wall est en lifting. Ce n’est pas le plus dur à remasteriser. Reste à savoir la forme que je veux lui donner.
      Comme tu le dis, PF est une énigme. Déjà pour l’époque, ils étaient en marge. C’est un groupe qui ne doit qu’à lui-même. On entend très peu d’influence extérieures dans leur musique, à peine du Dylan pour une oreille avertie (c’est très facile d’imaginer Dylan chanter Mother, par exemple).
      Pour le reste PF a composé sa musique, s’est autoproduit (c’est ce qui m’impressionne le plus chez eux : pas de Andrew Oldhman, ni de George Martin), a surmonté la folie de son créateur et a refusé de mourir aux conflits d’égos de ses musiciens.
      PF c’est du rock à l’ancienne : une porte d’entrée mystérieuse avec des pochettes étranges, sans les photos des musiciens. Ils n’ont pas de belles gueules, pas de voix exceptionnelles, une rock attitude inexistante, désespérants à lire en interview. Tout, tout, tout pour la musique. Eh….mais je suis en train de faire un article là !

      • Jyrille  

        Ah ah ! Tu oublies quand même Bob Ezrin pour The Wall, qui a justement transformé les démos de Waters qui sonnaient très Dylan pour ce que j’en ai entendu. Et merci !

  • Tornado  

    Pas de belles gueules ? Gilmour ? Rick Wright ?
    Pas de voix exceptionnelles ? Gilmour ?

  • Bruce lit  

    @Tornado : oui, je maintiens.
    Si tu te places en mythologie rock, les mecs du Floyd n’ont aucune chance niveau sex appeal face à Jagger, Morrison, Plant ou Daltrey. Même Hendrix avait plus de chances de finir en poster sur les murs des gonzesses. Ou Gainsbourg. Les mecs du Floyd, pardon, c’est du charme ordinaire, oui.

    Pour les voix, je ne dis pas que c’est mal chanté. Personne ne peut rivaliser avec le timbre de Gilmour sur WYWH. Mais pour une oreille non initiée, il est facile de confondre les voix de Gilmour et Waters. Ce sont des voix standard, pas des voix de chanteur avec un timbre particulier à la Axl Rose, Alice Cooper ou Iggy. Et en terme de prouesses vocales, on est loin de Freddie Mercury, Mac Cartney ou Bowie.

    Je ne dis pas ça pour dévaloriser mon groupe fétiche hein.

    • Jyrille  

      D’accord avec les propos de Bruce.

  • Thierry Gagnon  

    Ah oui, là c’est sûr, c’est du bon blogue ça madame! 🙂
    J’en ressors instruit et encore mieux orienté dans la carrière tumultueuse de ce groupe iconique que j’adore tant.
    Ma conception de la discographie du groupe est que Pink Floyd est une série de périodes aux styles hétérogènes. Chaque période est dominée par une tête forte à laquelle se plie le reste du groupe, jusqu’à ce que la tête tombe ou claque la porte. Une sorte de chaine musicale de musiciens de studios talentueux qui saisissent la dominance quand la tête plus forte n’est plus là.
    Période psychédélique : Syd Barrett
    Période rock fâché : Roger Waters
    Period dad rock easy listening: David Gilmour
    Ça donne aussi essentiellement des albums solos cachés sous le logo PF, comme Final Cut ou Pulse.
    Mes albums favoris sont ceux où on sent plus l’implication créative du groupe dans son ensemble, comme Meddle, Dark Side of the Moon ou Wish you Were Here, qui me paraissent mieux balancés, et avec le zénith de la balance sur les épaules de Dark Side. The Wall et Animals restent excellents, mais clairement des projets Roger Waters.

    • Bruce lit  

      @Thierry : Chaque période est dominée par une tête forte à laquelle se plie le reste du groupe, jusqu’à ce que la tête tombe ou claque la porte. Une sorte de chaine musicale de musiciens de studios talentueux qui saisissent la dominance quand la tête plus forte n’est plus là. Superbe formule. J’adore.
      Période rock fâché : Roger Waters Oui, je comprends ce que tu veux dire mais dans les faits ce n’est pas si simple.
      Entre Saucerful, More, Ummagumma, Atom Heart le Floyd est un groupe perdu, sans réel leader. C’est un groupe alors vraiment collegial où Rick Wright a l’occasion de prendre le leadership et ne le fait pas / n’ose pas. Il s’agit de disques souvent remarquables mais à mon sens un peu laborieux car personne ne sait vraiment ce qu’est le son Pink Floyd.
      Meddle est pour moi le premier grand disque moderne du Floyd et là encore, ce n’est pas Waters qui dirige vraiment. Regarde le live à Pompei : le réalisateur pense que c’est Mason qui dirige le groupe (en fait un stagiaire a foutu la moitié des rush à la poubelle et ne reste au moment du montage que les plans du batteur !).
      C’est un vrai plaisir d’avoir un floydien de plus à bord en tout cas.

      • Thierry  

        Merci Bruce pour ce contexte supplémentaire. Ma conception de la carrière des Pink Floyd reste encore intuitive et rudimentaire. Il me fait toujours plaisir d’en apprendre plus. 😉

        • Tornado  

          Cool. De nombreux articles sur Pink Floyd vont sans doute débarquer avec l’ouverture des vendredi rock. Une intuition…^^

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