La révolution en carton (La casa de Papel)

La casa de papel, saison 3 par Álex Pina

Un braquage signé BRUCE LIT

1ère publication le 24/09/19- MAJ le 04/04/20

i Banca Rota !  ©Netflix

2 personnages ne servent strictement à rien sur cette affiche : sauras-tu les trouver? 
©Netflix

LA CASA DE PAPEL est une série espagnole de Alex Pina qui est en passe de devenir un phénomène de société. Diffusées par Netflix, les deux saisons avaient créé un engouement sans précédent obligeant littéralement Pina à rempiler pour un troisième chapitre alors que pour beaucoup la messe était dite.

Pour ceux qui vivent sur la planète Présence et qui n’en auraient jamais entendu parler, LA CASA DE PAPEL raconte le braquage de génie d’un professeur et de ses élèves masqués du visage de Dalí dans l’Espagne contemporaine. La série tranchait avec les règles du genre : les braqueurs ne s’échappaient d’une banque mais s’y installaient, ils n’en volaient plus l’argent mais le fabriquaient avec la collaboration de leurs otages. 

Après avoir ridiculisé la police et l’armée, chaque personnage s’échappaient avec quelques millions d’euros et, en  bonus pour le professeur, la fliquette qui le pourchassait et dont il s’était entiché. Plein de rebondissements, de situations improbables mais portée par des acteurs dynamiques,  LA CASA DE PAPEL aura dynamité son entrée dans la culture geek avec notamment la présence de Cosplayers et leurs fameuses tenues de Dali dans les conventions.  

Alex Pina aura pris son temps pour écrire cette saison qu’il voulait à la hauteur des précédentes avec le même casting. A t-il réussi son pari ? C’est ce que nous allons voir pour peu que les spoilers ne vous fassent pas peur. 

Lorsque commence cette nouvelle histoire, le spectateur peut constater que nos braqueurs coulent des jours heureux dans des paysages de cartes postales.  La sensuelle et sauvage Tokyo s’ennuie de  boire et copuler sur son île déserte avec son fiancé Rio.  Sa décision de le quitter pour aller faire la fête en Amérique Latine met en branle (sic) une chaîne d’événement aboutissant à la capture puis à la torture du jeune homme par le gouvernement espagnol.

Rongée de colère et de culpabilité, Tokyo reprend contact avec Le Professeur et le supplie de retrouver son fiancé. Pour ce faire, quoi de tel qu’organiser un nouveau braquage spectaculaire pour attirer l’attention des médias puis du gouvernement.  Nos Dali s’attaquent désormais à la réserve d’or du gouvernement espagnol. Il s’agit pour le professeur d’organiser une crise politique pour dénoncer la torture commis sur son ami.


Haut les masques !

LA CASA DE PAPEL est à la fois révérée et raillée pour l’invraisemblance de ses situations et la ruse du Professeur à anticiper les réactions de ses antagonistes.  Ceux que les premières saisons avaient courroucé prendront la poudre d’escampette : LA CASA DE PAPEL reprend les fondamentaux de la série avec nettement plus de moyens : plus de figurants, plus de droits d’auteurs (une excellente utilisation de DI DOO DAH de Gainsbourg et une autre jouissive de ROCKS de Primal Scream), plus de décors (escales en Thaïlande, en Amérique Latine ou en Italie).

Pour le scénario, nous sommes encore en terrain connu : Tokyo est sexy et imprévisible, Nairobi attachante et violente, le Professeur un joueur d’échec hors pair.  La dose de nouveauté vient du rajout dans la bande des anciennes victimes des premières saisons : Raquel qui a trahi la police et qui va assister son amant dans l’organisation du casse et Monica,  l’ex-otage judicieusement nommée Stockholm qui élève son enfant avec Denver.  Par un habile tour de passe-passe, on retrouve le dandy Berlin exécuté dans la saison précédente sans que cela soit gênant.

Stockolm, l'ancienne otage passée terroriste sans que cela soit très convaincant.  ©Netflix Source : Allociné  http://www.allocine.fr/series/ficheserie-21504/photos/detail/?cmediafile=21628265

Stockolm, l’ancienne otage passée terroriste sans que cela soit très convaincant.
©Netflix
Source : Allociné 

Tout concourt à faire de cette 3ème saison, une histoire où les femmes dominent les rôles masculins. Les dialogues sont souvent spirituels et s’apprécieront d’avantage en espagnol pour les nombreuses vannes colorées.  Dans ces moments LA CASA DE PAPEL sait retrouver la verve des films d’Almodovar.  Quelques belles sorties sur le sexe homosexuel, le patriarcat et des femmes badass fatiguées qu’on l’on regarde leurs culs même durant un braquage.

La force de la série repose sur ces interactions souvent irrésistibles entre ces personnages que le spectateur a appris à apprécier malgré leurs zones d’ombre. Tokyo fait sucer son flingue à un baroudeur qui la déshabille du regard, Nairobi a  la meilleure scène  de  la saison lorsqu’elle expose sa conception déviante de la maternité et  le destin de Raquel clôt efficacement l’histoire. Face à elles, une profileuse toute droit sortie d’un film des frères Coen : enceinte jusqu’aux yeux, chahutée par ses hormones et dotée d’un caractère espiègle et faussement candide, Alicia avec ses pulsions sadiques et son indifférence à se salir les mains est déjà une vilaine mémorable sur laquelle circule les plus folles rumeurs sur le net.

Alicia, une femme au bord de la crise de nerfs et surtout de l'accouchement.  ©Netflix Source Allociné http://www.allocine.fr/series/ficheserie-21504/photos/detail/?cmediafile=21635118

Alicia, une femme au bord de la crise de nerfs et surtout de l’accouchement.
©Netflix
Source Allociné 

Les plus grands frissons, le spectateur les aura au début et à la fin de la saison : le cliffhanger promet bien entendu une quatrième saison avant la fin de l’année. Quant au début, l’on était en droit de penser qu’avec le mouvement des Indignés, l’Europe en crise et celle des gilets jaunes, Pina disposait d’un matériel exceptionnel pour raconter la nouvelle histoire de ROBIN DES BOIS qu’il avait promis. C’était dans son cahier des charges : LA CASA DE PAPEL serait désormais une série politique. On y entrecroit  lorsque la bande à Dali jette des milliers d’Euros à la foule madrilène du haut d’un zeppelin. Lorsque commencent des émeutes faisant des braqueurs des héros populaires contre un gouvernement corrompu (un épisode est consacré au  Panama Papers), on se dit qu’à l’action haletante va s’ajouter une autre couche de lecture bienvenue.

A ce titre,  LA CASA DE PAPEL est un échec : comme en politique, ces promesses étaient trop belles pour être tenues et la morale, assez embarrassante. Nos héros ne sont pas des Robin de Bois, leurs actes ne sont pas altruistes. Ce don du ciel est une diversion pour permettre de pénétrer incognito dans la banque, pas une redistribution désintéressée auprès d’opprimés.  Nos héros achètent  leurs alliés, monnaient le silence, menacent et font chanter. Chaque épisode commence avec un avertissement : la série a recours a du placement produit ! En matière de subversion, rien pour détrôner LE PRISONNIER donc…

Idolâtrés comme des rock-stars, les Dali sont finalement assez conservateurs : du sexe (hors champ et bien poli), pas de drogues, une gentille cuite pour Tokyo et des personnages monogames : on a connu plus dévergondés ! Nos révolutionnaires de papier avec leur butin égal au PIB d’une nation pauvre n’ont jamais pensé à réinjecter leur pognon dans des écoles, des OMG ou des infrastructures populaires. Ils se comportent au contraire comme des touristes  décérébrés sur des îles de cartes postales où ils vivent sans se mélanger à la population locale. Pour la fibre sociale, on repassera :  même un bandit comme Escobar saura se montrer plus généreux dans NARCOS.

LA CASA DE PAPEL ne propose ni une redéfinition du monde, ni un modèle d’économie équitable.  Nos héros pratiquent au contraire l’entre-soi, dînent dans des lieux huppés à la décoration bourgeoise et  privilégient leur intérêt personnel à celui des autres.  Dans ces nouveaux épisodes, acteurs et scénaristes se désintéressent totalement du sort et de la personnalité des otages à tel point que cela en devient malsain.  Le professeur et sa bande risquent la vie d’innocents, s’en servent de boucliers humains, terrorisent des civils pour…dénoncer la torture sur leur ami !  C’est assez puant, sans aucune empathie et d’un romantisme en toc.

Rappelons que déjà dans la 1ère saison Berlin violait et manipulait une jeune otage  sans que cela gène ses équipiers ou sa glorification à l’écran. Mazette, dans ces moments LA CASA DE PAPEL pourrait avoir été scénarisé par Mark Millar, autre grand spécialiste des idées en vrac et du viol des femmes comme ressort dramatique obligatoire.Tokyo se comporte comme une ado en rut, indifférente aux  angoisses qu’elle suscite, Denver, jeune père de famille simule des exécutions, tire sur un otage désarmé et l’envoie ensuite chercher une bombe pour qu’il s’endurcisse. Les nouveaux personnages ne servent à rien ou sont mal exploités.

Palerme, le psychopathe de substitution à Berlin. ©Netflix Source Allociné http://www.allocine.fr/series/ficheserie-21504/photos/detail/?cmediafile=21635121

Palerme, le psychopathe de substitution à Berlin.
©Netflix
Source Allociné 

Pourtant, si l’on en vient à considérer le show comme une adaptation d’une BD imaginaire, LA CASA DE PAPEL reste un divertissement  plaisant à suivre. La série doit beaucoup à 24 pour son rythme haletant (mais sans son intrigue politique) et surtout à PRISON BREAK dont le pitch est quasiment le même : s’emprisonner dans une forteresse et planifier avec des plans A, B, C… une échappatoire quitte à prendre les autorités pour des connes : se tatouer le plan de la prison sur le dos ou se cacher dans les arbres lors d’une battue policière.

Les ficelles sont énormes, les couleuvres à avaler ont la taille d’un Anaconda mais LA CASA DE PAPEL a un atout : l’humour et le sens de l’équilibre de mettre cette grosse farce en scène sans tout à fait se ridiculiser.  On pourrait même arguer que la série a tout d’un Shonen, ces mangas réservés aux jeunes adolescents, violents ma non troppo. Les personnages ont un costume, sont unis comme une famille, se sacrifient les uns pour les autres et se dépassent constamment. L’intelligence supérieure du Professeur trouverait tout à fait sa place dans DEATH NOTE ou LIAR GAME.  Quant au surnom de notre héroïne, il renvoie directement à la capitale du manga, non ?

Séduisante et racoleuse, menteuse et sournoise, LA CASA DE PAPEL semble se réinventer lors du dernier épisode qui propose une mise en abyme intéressante : au Faut-il recommencer un casse ?  correspond le Une nouvelle saison, mais pour quoi faire ?  Le cliffhanger propose la destruction totale du statu-quo de la série.  La saison 4 saura-t-elle exploiter des personnages plus sombres qu’auparavant ou jouera -t-elle la sécurité ? Un argument comme un autre pour retrouver la bande à Tokyo prochainement sur Netflix.

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Crainte et attendue, la saison 3 de LA CASA DE PAPEL  fait vibrer le Bullshit Detector de Bruce Lit avec sa révolution de carnaval et Tokyo en adolescente en rut.  La contre-révolution se passe ici .

LA BO du jour : si les ados fans de Bieber et de Rihanna découvrent le petit cul dodelinant de Gillepsie et sa bande, la révolution n’est pas perdue…

93 comments

  • Jyrille  

    J’ai décidé de finir La Casa de Papel car il me reste la saison 5. Et c’est n’importe quoi, c’est du pur foutage de gueule, le vrai truc qui échappe à ses créateurs et qui ne sait plus quoi faire pour essayer d’impressionner. Ils auraient vraiment dû arrêter à la fin du premier braquage, depuis qu’ils ont repris en en faisant un second, c’est nul à chier. Putin encore 6 épisodes…

    • Bruce lit  

      Ah Ah. Pour une fois, on est d’accord. Du foutage de gueule sexy et glamour.

  • Fletcher Arrowsmith  

    J’ai arrêté à la saison 2 en luttant. Rien compris à l’engouement de ce truc passé les 2 – 3 premiers épisodes, qui se tenaient, mais ensuite …..

  • Eddy Vanleffe  

    Pareil qu’un peu tout le monde Premier braquage très bon, avec de bons persos, de bons moments et des « arcs » finis à la fin.
    second braquage merdique, répétitif, capillotracté à mort, mal joué, et horripilant

  • Jyrille  

    J’ai fini la saison 5. Les épisodes 9 et 10, les deux derniers, ainsi que la fin de l’épisode 8, renversent la situation : en changeant de paradigme, on retrouve la série des débuts, totalement irréaliste mais avec une écriture et des situations qui fonctionnent enfin, encore plus de sexy. Comme quoi il faut toujours y croire.

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