Les Monstres de l’Hammer – 1° partie

Encyclopegeek : Les films d’horreur produits par le studio Hammer en dehors de la série des Dracula et de celle des Frankenstein

Par : TORNADO

1ère publication le 25/10/17- MAJ le 28/03/20

On en fait même des logos…

On en fait même des logos…

Cet article portera sur certains films d’horreur produits par le studio Hammer entre 1959 et 1971, qui n’entrent pas dans la catégorie de la série des Dracula & autres vampires et des Frankenstein.
Il est ainsi complémentaire de l’article historique de Patrick Faivre , ainsi que de deux autres venant explorer d’abord Frankenstein , ensuite les divers vampires du bestiaire de la Hammer.
La liste n’est pas exhaustive et plusieurs films manqueront à l’appel, mais les principaux classiques ne seront pas oubliés.
Il y a quinze films au programme :
La Malédiction des Pharaons – 1959
Les Deux Visages du Dr Jekyll – 1960
La Nuit du Loup-Garou – 1961
Le Fantôme de l’Opéra – 1962
Les Maléfices de la Momie – 1964
La Gorgone – 1964
L’Invasion des Morts-Vivants – 1966
Raspoutine le Moine Fou – 1966
Les Sorcières – 1966
La Femme Reptile – 1966
Dans les Griffes de la Momie – 1967
Les Vierges de Satan – 1968
Dr Jeckyll & Sister Hyde – 1971
La Momie Sanglante – 1971
La Fille de Jack L’Eventreur – 1971

Nous vous proposons un tour d’horizon en passant en revue chaque film, dans l’ordre chronologique…

La momie. Elle revient et elle n’est pas contente !

La momie. Elle revient et elle n’est pas contente !

La Malédiction des Pharaons -1959

Après avoir réinterprété le mythe de Frankenstein avec Frankenstein s’est échappé ! en 1957 et celui de Dracula avec Le Cauchemar de Dracula en 1958, la Hammer s’intéresse en 1959 à l’une des autres grandes figures du patrimoine de l’horreur : La Momie.

Le pitch : En Egypte, à la fin du 19° siècle, une famille d’archéologues anglais découvre le tombeau d’une princesse de la XX° Dynastie ayant vécu quatre mille ans auparavant. Avant qu’ils n’entrent dans le tombeau, un autochtone les met en garde : Une terrible malédiction s’abattra sur eux s’ils persistent à vouloir profaner les lieux. Mais le tombeau est bel et bien exhumé.
Trois ans plus tard, en Angleterre, la malédiction prend la forme d’une momie vivante, qui persécute les membres de la famille ayant découvert la chambre funéraire de la princesse Ananka. La momie s’appelait jadis Kharis. C’était un prêtre qui vouait un amour sans bornes à la princesse…

Après la relecture totale des grandes figures de la littérature fantastique, la Hammer faisait ici une légère entorse à son concept en reprenant le point de départ du film originel de la Universal réalisé en 1932 : La Momie. Cette version de 1959 est donc assez proche, dans son récit, du film qui mettait jadis Boris Karloff en scène dans le rôle titre.
On assiste tout de même à plusieurs changements avec bien entendu l’avènement de la couleur, mais également avec une remise à plat de la figure de la momie, qui apparaît ici sous sa forme la plus brute, c’est-à-dire comme une sorte de monstre, un mort-vivant de type « zombie », soumis à la volonté de son maître. Enfin, de nombreuses scènes en forme de flashbacks nous ramènent en Egypte antique pour une plongée dans le péplum, genre alors très à la mode en cette fin des années 50.


Et le péplum devint gothique…

L’équipe en charge de réaliser et d’interpréter le film est quasiment la même que sur les longs métrages précédents, prenant peu à peu des airs de « grande famille » cinématographique. On retrouve ainsi le réalisateur Terence Fisher flanqué de son directeur de la photographie Jack Asher, de même que le duo vedette du studio au rayon des acteurs, à savoir les inébranlables Peter Cushing & Christopher Lee, le second interprétant le rôle de la momie (et le prêtre Kharis aux temps de l’Egypte antique), ajoutant ainsi un autre rôle emblématique à sa collection de monstres de légende. Jimmy Sangster rempile au rôle de scénariste et il n’y a que le compositeur James Bernard qui manque à l’appel, laissant la place à Franz Reizenstein, probablement en raison des nombreuses scènes aux allures de péplum, un peu éloignées des habituelles notes gothiques du compositeur attitré de la Hammer.

Malgré une orientation dans le genre péplum, on retrouve tous les éléments ayant gravé la marque du studio Hammer dans l’histoire du cinéma et notamment ce technicolor flamboyant qui fit la gloire du studio. Les couleurs primaires se heurtent ainsi à leurs complémentaires (notamment le rouge avec le vert ou le bleu avec l’orange) pour un résultat visuel somptueux, aux allures de feu d’artifice gothique du plus bel effet.
La Malédiction des Pharaons (The Mummy) est moins sanglant que Frankenstein s’est échappé ! et Le Cauchemar de Dracula (ou même Le Chien des Baskerville) et il semble réellement que les auteurs ont ici souhaité rendre hommage au film de 1932 réalisé par Karl Freund, dans une version colorée, plutôt que de proposer une relecture sanguinolente propre à effrayer les jeunes cinéphiles.
Les scènes se déroulant en Egypte, toutes probablement réalisées en studio dans des décors de carton-pâte somme-toute très réussis, évoquent grandement l’atmosphère du Mystère de la Grande Pyramide, le chef d’œuvre d’E.P. Jacobs !


Les marécages : On y entre et on en sort…

La scène emblématique de La Malédiction des Pharaons demeure néanmoins celle où l’on voit la momie sortir du marécage lors de sa première apparition. Une séquence magistrale qui fera école au point de devenir un archétype et à laquelle sera rendus de vibrants hommages, à maintes reprises, notamment lors du quatrième épisode de la série Amazing Stories (intitulé « Mummy Daddy ») produite par Steven Spielberg dans les années 80.

On notera enfin que La Malédiction des Pharaons n’est pas une création issue de la littérature comme les films précédents, mais une itération en droite ligne du seul domaine du cinéma, puisque le film de 1932 avait été mis en chantier à l’époque où les fouilles égyptiennes étaient très actives et où la notion de « malédiction » avait défrayé la chronique avec la fameuse affaire de la découverte du tombeau de Toutankhamon.
Quant à la thématique propre à la Hammer, qui tient de la métaphore en faisant de ses monstres l’incarnation de l’interdit libertinage, on la retrouve ici encore de manière très marquée, puisque la belle Yvonne Furnaux, qui interprète à la fois la princesse égyptienne et sa réincarnation britannique sous l’ère victorienne, sera bien la seule à pouvoir faire flancher le monstre en fin de compte…

 

La beauté du diable !

La beauté du diable !

Les Deux Visages du Dr Jekyll – 1960

Terence Fisher réalise Les Deux Visages du Dr Jekyll (The Two Faces of Dr Jekyll) en 1960.
Le double rôle principal (celui du Dr Jekyll et de Mr Hyde) est interprété par Paul Massie, acteur peu connu, assez impressionnant dans sa prestation. Il est accompagné par Dawn Adams et Christopher Lee qui, une fois n’est pas coutume, incarne un homme normal, et qui trouve par ailleurs l’un de ses meilleurs rôles.

Le tournant de la fin des années 50 et du début des années 60 est un véritable âge d’or pour la Hammer, qui livre alors ses meilleurs films d’horreur gothique.
Comme souvent avec Terence Fisher, le film ne se contente pas d’illustrer en couleur l’un des mythes fondateur du fantastique (car il s’agit là de l’une des principales illustrations du roman de Robert Stevenson après les classiques adaptions de 1931 et 1941), mais propose au contraire une approche originale et inattendue. Ainsi, comme le fera Jerry Lewis trois ans plus tard avec Docteur Jerry & Mister Love, Fisher propose ici d’inverser le processus en faisant du Dr Jekyll un homme plus ou moins diminué, qui va se transformer en un jeune dandy à la beauté aussi parfaite que la froideur de son âme.

Le film explore la psyché de son personnage en le forçant à assumer les conséquences de ses actes. Aussi beau que brillant, Edouard Hyde est également doté d’un esprit froid et calculateur qui ne s’embarrasse d’aucune considération éthique et qui ne pense qu’à jouir de sa condition, sans se soucier des répercutions occasionnées par ses pérégrinations nocturnes. Dès lors, c’est à un bras de fer psychologique et intérieur que vont se livrer les deux personnalités du Dr Jekyll, chacune essayant en vain d’imposer sa domination à l’autre, espérant prendre définitivement le contrôle…


Le triangle amoureux, version malsaine…

Alors qu’il découvre que son épouse, délaissée par son abnégation dans le travail et ses recherches scientifiques, le trompe avec son meilleur ami, Henry Jekyll ne va penser qu’à la reconquérir. Econduit aussi bien sous sa forme de Dr Jekyll que sous celle de Mr Hyde, le pauvre homme va se retrouver devant une impasse qui le conduira à violer sa propre femme sous l’emprise de son double maléfique !
Dans le rôle du meilleur ami jouant également un double-rôle, Christopher Lee compose un dandy presque aussi cynique que Mr Hyde, capable toutefois de contenir ses pulsions. Il sera néanmoins le vecteur de la chute de son ami (et par extension de la sienne), puisqu’il incarnera le modèle à dépasser, qui mènera ainsi Edouard Hyde à commettre le viol et le meurtre comme autant de passerelles vers l’objet de ses désirs…

Comme toujours avec les films de la Hammer, cette approche du film d’horreur est avant tout le prétexte d’écorcher la pudibonderie de l’Angleterre victorienne en dissimulant, sous les atours du fantastique, l’attrait des gens soi-disant vertueux et civilisés pour l’interdit libertinage…
D’une noirceur condamnant toute possibilité de rédemption, n’épargnant aucun personnage, Les Deux Visages du Dr Jekyll s’impose au final comme un idéal de film d’horreur classique, dont l’aspect horrifique est avant tout psychologique, pour une plongée dans le mythe du dédoublement de la personnalité mené avec un savoir faire et une profondeur exemplaire.

 

Léon, la Malédiction…

Léon, la Malédiction…

La Nuit du Loup-Garou – 1961

C’est encore Terence Fisher qui réalise La Nuit du Loup-Garou (Curse of the Werewolf) en 1961.
Étrangement, il s’agit du seul film sur le thème du loup-garou de la Hammer, le studio ayant par ailleurs produit une quinzaine de films sur le thème du vampire (dont huit dédiés à Dracula), sept films sur Frankenstein et quatre sur la momie.

Le pitch : L’Espagne, au XVIII° siècle. Parce qu’il joue de malchance en arrivant en plein milieu de la cérémonie de mariage de l’odieux marquis Siniestro, un mendiant se retrouve enfermé dans les geôles du château. Oublié dans sa sinistre cellule pendant des décennies, il finit par devenir fou et par régresser à un certain état animal. Et lorsqu’une servante se retrouve dans sa cellule pour avoir osé repousser les avances du vieux marquis, il la viole.
Quelques mois plus tard, la servante meurt en couche en mettant au monde un petit garçon, prénommé Léon. L’enfant est élevé et adopté par le vieux professeur Alfredo Carido.
Dix ans plus tard, les chèvres de la région sont retrouvées égorgées par un loup sur lequel tire le gardien du troupeau. Le lendemain matin, il faut extirper la balle de la jambe du petit Léon.
Dix ans plus tard, encore, Léon est devenu un homme grand et fort. Il semble avoir vaincu la malédiction du loup-garou grâce à l’amour de ses parents adoptifs. Mais que va-t-il se passer à présent qu’il part découvrir le monde ? un monde nettement plus cruel que sa bienveillante cellule familiale…


Le pauvre Léon a du sang sur les mains…

Toute la force du film est de faire du neuf avec du vieux, et pas seulement en mettant le mythe du loup-garou sous les feux du Technicolor (jusqu’ici, le loup-garou hantait les classiques de la Universal des années 30 et 40 avec Le Monstre de Londres, Le Loup-garou  ou encore Frankenstein Rencontre le Loup-garou ). Car le script d’Anthony Hinds (qui adapte le roman Le Loup-Garou de Paris de Guy Endore) apporte une dimension psychanalytique inédite à cette grande figure du fantastique.
Maudit par une ascendance malheureuse, Léon doit ainsi lutter constamment contre sa nature sauvage. Et seuls une bonne éducation et un milieu sain peuvent lui permettre de remporter ce combat intérieur. Soit une métaphore lumineuse de l’homme civilisé, capable du pire comme du meilleur selon sa condition familiale, son éducation, son milieu social, son parcours et ses choix personnels. C’est-à-dire selon le contexte dans lequel il évolue.

Au niveau de la tragédie et de l’horreur, Terence Fisher n’y va pas avec le dos de la cuiller et réalise un film d’une violence extrême pour l’époque. Comme il est de coutume de le faire chez la Hammer, le film est d’une plastique somptueuse, ce qui permet de faire passer les pires horreurs sous le vernis étincelant du gothique flamboyant qui fut sa marque de fabrique.
Par ailleurs, c’est l’époque où le studio britannique ne réalise aucun compromis et aligne les projets et les concepts forts. A ce titre, La Nuit du Loup-Garou est un véritable diamant noir, un modèle du genre qui parvient à réunir en son sein tous les antagonismes en faisant cohabiter miraculeusement la pire des tragédies et l’horreur la plus glauque avec la grandeur romanesque du récit et la beauté fulgurante de ses tableaux gothiques expressionnistes.
Le script n’épargne ainsi personne et va au bout de la tragédie, au sens grec du terme, sans chercher à séduire le spectateur autrement que par sa brillante mise en forme.
Par la suite, les échecs au box-office condamneront la Hammer, peu à peu, à abandonner cette intégrité artistique pour essayer diverses formules, de plus en plus commerciales.

Dans le rôle de Léon, le grand Oliver Reed trouve ici à la fois son premier grand rôle principal (il avait fait une courte apparition dans Les Deux Visages du Dr Jekyll) et l’une des ses plus belles et bouleversantes prestations.
Au rayon maquillage, l’apparence du loup-garou, calquée sur celle de la Universal mais également sur La Belle et la Bête de Jean Cocteau, est une éclatante réussite, l’acteur parvenant à extérioriser une violence doublée d’une innocence impressionnante.
Mention spéciale, enfin, au long prologue du film, où l’affreux marquis Siniestro règne sur un banquet de toutes les cruautés et marque ainsi, par un enchainement du destin, l’ascendance maudite du pauvre Léon Carrido. Une séquence démente, d’une intensité cathartique quasiment égale au prologue, indépassable, Chien des Baskerville  !

Et pour quelques mythes de plus…

Et pour quelques mythes de plus…

Le Fantôme de l’Opéra – 1962

Terence Fisher, toujours lui, réalise Le Fantôme de L’Opéra (The Phantom of the Opéra) en 1962.
Il s’agit de l’une des innombrables adaptations du roman originel de Gaston Leroux, mais surtout de la troisième adaptation majeure pour ce qui est de l’histoire du cinéma, après le chef d’œuvre de Ruppert Julian réalisé en 1925 (avec Lon Chaney) et la version Universal Monsters  de 1943 (avec Claude Rains).

Terence Fisher et son scénariste John Elder transposent le roman de Gaston Leroux dans le Londres Victorien et, les restrictions budgétaires les y obligeant, renoncent à la magie de l’Opéra Garnier, choisissant ainsi de développer leur adaptation dans un décor moins onéreux. Pour autant, l’ambiance à la Charles Dickens qui se dégage du film ne manque pas de charme et, au final, participe d’une itération qui se démarque des autres.
Le script est très intéressant car il s’éloigne également de la chronologie habituelle afin de privilégier le mystère. L’histoire commence lors du premier meurtre commis par le « fantôme ». Mais l’événement est vite apparenté à un suicide, l’existence du « fantôme » demeurant encore de l’ordre de la légende. Ce n’est que petit à petit que le film se recentre sur la figure centrale du « monstre », revenant sur ses origines par le biais d’un flashback introduit lors de la dernière partie, peu avant le dénouement.
C’est cette construction savante qui fait tout le sel de cette adaptation, qui s’impose parmi les plus réussies, malgré un final précipité qui la prive au dernier moment de sa perfection. D’autant que le film ne s’attarde pas beaucoup sur les passages musicaux à l’opéra, encore moins sur le Faust de Gounod, ce qui pourra décevoir les puristes de l’œuvre de Gaston Leroux…


Le monstre n’est encore pas celui que l’on croit…
C’est l’époque où, malheureusement, la Hammer commence à rencontrer les échecs commerciaux, auxquels participe malencontreusement notre Fantôme de L’Opéra. On notera par ailleurs un final qui, bien que tragique, est moins pessimiste qu’à l’accoutumée puisque les amoureux ne périssent pas dans d’atroces souffrances, comme c’était le cas dans la quasi-totalité des films du studio jusqu’ici !
Pour l’essentiel, le film joue principalement sur l’horreur psychologique en développant l’idée que le monstre n’est pas celui que l’on croit au départ. Ainsi, le « fantôme », anciennement le professeur Petrie (interprété par Herbert Lom), est avant tout la victime de l’odieux Ambrose d’Arcy (Michael Gough), le propriétaire de l’Opéra de Londres, sur lequel il canalise son désir de vengeance. Le film met l’accent sur la cruauté du personnage interprété par Michael Gough, ce dernier n’hésitant pas à voler l’œuvre du pauvre professeur afin de ménager sa propre réussite, qui lui permettra de régner sur son opéra où il pourra abuser des jeunes cantatrices, soumises à son harcèlement libidineux. Un postulat dont se souviendra Brian De Palma au moment de l’écriture de son Phantom of Paradise.

Bourré de qualités formelles, d’une atmosphère gothique envoûtante culminant dans le décor magique des égouts de Londres, le film profite également de la qualité de son interprétation. Si les habituels Peter Cushing & Christopher Lee ne répondent pas présents, les excellents Herbert Lom (le truculent commissaire Dreyfus de la série des Panthère Rose) et Michael Gough (un habitué du registre fantastique qui terminera sa carrière auprès de Tim Burton en incarnant Alfred Pennyworth, le majordome de Batman), composent un duo d’antagonistes à la hauteur du sujet, volant ainsi la vedette aux jeunes tourtereaux interprétés par des acteurs nettement moins charismatiques.
En bref, une excellente illustration du mythe, qui ne mérite pas son insuccès, à l’image de l’immense Terence Fisher, mis temporairement à la porte du studio…

Les Maléfices de la Momie – 1964

Variation sur un thème imposé ?

Les Maléfices de la Momie (The Curse of the Mummy’s Tomb) est réalisé par Michael Carrerras en 1964. Bien qu’on puisse le classer dans un cycle de quatre films produit par la Hammer entre la fin des années 50 et le début des années 70, il ne s’agit pas de la suite de La Malédiction des Pharaons, et chacun de ces quatre films est autonome.
En réalité, ce second film pourrait presque être considéré comme une sorte de remake de La Malédiction des Pharaons, ou en tout cas une variation sur le même thème, tant son script est proche du film de Terence Fisher. Et on y retrouve d’ailleurs le même acteur (George Pastell), dans un rôle identique d’égyptien préoccupé par le respect dû à ses croyances.

Le Pitch : Des égyptologues anglais exhument la tombe du Prince Ra et découvrent son sarcophage. Un riche homme d’affaire américain, celui-là même qui a financé les fouilles, leur impose d’organiser une tournée mondiale afin d’exhiber la momie dans une sorte de cirque ambulant, espérant ainsi faire fortune. Lorsque, de retour en Angleterre, la momie disparait et que les responsables de l’exhumation sont retrouvés morts un par un, on soupçonne la surnaturelle « malédiction des pharaons » d’être une sinistre réalité. Et si la vérité était ailleurs ?


Raaaaaa… (c’est son nom)

Pas de quoi bouder son plaisir : Les Maléfices de la Momie est un formidable divertissement vintage. Un petit classique assez parfait dans son genre. Parfaitement rythmé, solidement réalisé, interprété et superbement mis en image, il s’écoule sans temps mort jusqu’au final gothique de circonstance.
Ponctué d’effets horrifiques flirtant avec le gore (mains coupées, pour l’essentiel), le scénario est extrêmement bien écrit et s’offre le luxe de développer une petite comédie de mœurs gentiment cynique car, comme d’habitude avec la Hammer, les amourettes finissent toujours mal et les protagonistes rivalisent de tout un tas d’actions et de choix parfaitement opportunistes !
Chaque personnage est très bien développé et aucun ne fait acte de figuration, rendant ainsi le spectacle très vivant, voire truculent.

L’absence de héros au sens propre, ainsi que l’absence des acteurs phares présents dans le film de Terence Fisher (Peter Cushing & Christopher Lee), et par extension l’absence de Terence Fisher lui-même auront avec le temps joué en défaveur du film de Michael Carreras, par ailleurs producteur et grand manitou du studio Hammer, qui passait ici à la réalisation (il ne réalisera que onze films au total, dont deux consacrés au cycle de la Momie). Revoir le film aujourd’hui dans de bonnes conditions (avec le regard bienveillant nécessaire à ce type de spectacle suranné) constitue néanmoins une excellent surprise, pour un divertissement sans prétention (on ne joue certes pas dans la même catégorie qu’un film de Terence Fisher aux thématiques fédératrices), qui lorgne clairement vers un esprit pulp, tel un bon petit classique sans prétention.

La Gorgone – 1964

Entre vert clair et vert foncé…

En 1964, Terence Fisher est de retour pour réaliser Gorgone : Déesse de la Terreur (The Gorgon). Il retrouve par ailleurs le compositeur James Bernard, ainsi que les acteurs Peter Cushing et Christopher Lee. L’actrice Barbara Shelley, une habituée de ce type de cinéma, participe également au casting.

Le pitch : Dans l’est de l’Europe, autour du lugubre château Borski, plusieurs personnes sont retrouvées mortes, changées en pierre. Le médecin du village, un certain Dr. Namaroff, refuse de céder aux croyances et autres superstitions qui prétendent que l’une des gorgones de la mythologie erre dans les ruines du château, les nuits de pleine-lune. Mais il semblerait que le bon docteur ne dévoile pas toute la vérité…

D’un côté, Gorgone : Déesse de la Terreur se démarque des habituelles productions Hammer dans le sens où le monstre de l’histoire n’est pas issu de la littérature gothique victorienne (comme l’avaient été Dracula, Frankenstein et Dr Jekyll & Mister Hyde), mais de la mythologie grecque. Mais d’un autre côté, il est étonnant de voir à quel point Terence Fisher et son équipe parviennent à plier cette figure mythologique à leur patine habituelle, dans une série de tableaux gothiques dans la plus pure tradition du studio.
Le chef opérateur habituel, Jack Asher, est ici remplacé par Michael Reed, alors que le scénariste John Gilling fait son entrée. Mais ce changement d’auteur et de techniciens ne transparait nullement à l’écran, ce qui démontre à quel point le studio avait réussi à mettre au point une véritable continuité thématique et esthétique, à travers lesquelles se développaient une imagerie gothique somptueuse, aux couleurs flamboyantes, teintée de passionnantes métaphores sur le code moral et les tabous de la société victorienne. Car cette interprétation de la Gorgone est bel et bien une savante métaphore sur le pouvoir sexuel que pourrait exercer une femme sur les hommes, dans la mesure où le code pénal s’effacerait devant la part animale et sauvage de l’âme humaine, qui permettrait ainsi de briser les tabous et les entraves de la société…


Ne regardez pas, malheureux !

Esthétiquement, le film est somptueux, tirant le meilleur parti de ses décors factices et de sa magnifique photographie, teintée de toute une gamme de verts, allant de l’émeraude à l’ocre, rehaussée par les clairs-obscurs expressionnistes des scènes de pleine-lune.
Les apparitions du monstre, savamment distillées, sont tétanisantes, bien aidées par la musique de James Bernard, beaucoup plus lugubre et envoûtante qu’à l’accoutumée… Christopher Lee et Peter Cushing héritent chacun d’un rôle assez inhabituel, à des années lumières des personnages manichéens qui pullulaient alors dans le cinéma horrifique.

Un très bon Hammer, sans doute un peu trop bavard et théâtral, mais une franche réussite pour l’époque, à l’atmosphère unique en son genre. Tim Burton s’en souviendra certainement en réalisant son Sleepy Hollow, tant certaines de ses images semblent sortir directement de cette Gorgone : Déesse de la Terreur de 1964…

 

(A suivre)…

—–

Loups-Garous, Momies, Fantômes et Gorgones : Tornado libère le reste du bestiaire de La Hammer chez Bruce Lit! Creepy ! 

 

48 comments

  • Matt  

    Et ayé j’ai (enfin) vu la nuit du loup garou aussi.
    C’était bien. Mais pas mon Hammer préféré. Il n’y a rien à dire sur le script avec comme tu l’évoques l’héritage maudit du jeune homme, son entourage qui peut le sauver, etc. Mais niveau rythme, je sais pas…
    On passe peut être trop de temps sur l’enfance, on n’a pas le temps de se foutre du sort de l’adulte qui découvre et souffre de cette malédiction. ça va un peu vite et paradoxalement, vu que ça prend son temps au début, il y a quelques longueurs. Enfin…c’est une impression personnelle. Sinon le film reste bon. C’est peut être aussi parce que le thème du loup garou est souvent traité de la même façon que c’est devenu redondant (même si en se replaçant à l’époque, ce n’était pas encore surexploité mais c’est plus difficile d’en faire abstraction en le voyant maintenant) Les vampires par exemple, ils sont souvent traités comme des méchants salauds donc un film comme « entretien avec un vampire » fait figure de traitement original. Le loup garou est quasiment tout le temps une victime cela dit. Et pour faire un peu original, il faut parfois passer par une touche de comédie bizarre (comme dans « le loup garou de Londres »)

    Bref j’ai bien aimé mais j’ai la sensation que j’aurais mieux aimé si je n’avais pas déjà vu autant de films de loup garous^^ : the wolfman, hurlements, Wolf, le loup garou de Londres, Ginger Snaps (que tu devrais essayer si tu ne connais pas…et les 2 suites aussi même si ça baisse en qualité graduellement)

    Bon allez j’ai des Godzilla des années 80 à voir maintenant.

  • Tornado  

    Ah, là, je ne puis être objectif par rapport à ton ressenti. « La Nuit du Loup-Garou » est l’un des premiers films que j’ai vu sur ce thème, et il m’a marqué au fer rouge ! Je l’ai vu à une époque où ce type de film faisait encore un peu peur, c’est pour dire !
    Auparavant, je pense que je n’avais vu que « Le Loup-garou de Londres » et « Hurlements », qui m’avaient fait flipper parce que j’étais encore gamin !
    Tiens, je prépare d’ailleurs un article dans lequel ces films occuperont une place de choix…

    • Matt  

      Et la compagnie des loups, c’est un truc de loup garou ? Pas vu celui-là.

  • PierreN  

    J’ai le souvenir d’une transformation en lycanthrope mémorable (et bien fichue aux niveau des effets spéciaux manuels) dans le Fright Night original.

  • Matt  

    Bon ben j’ai fini ma journée cinéma en enchainant avec la compagnie des loups (vu que j’ai pas eu de réponse plus haut^^)
    Je suis un peu partagé. Le film est beau, c’est une histoire de loup-garou qui change un peu en même temps qu’une réécriture du petit chaperon rouge…mais j’ai pas pigé l’intérêt de faire comme si tout cela était le rêve d’une fille du 20eme siècle. Et la fille est bizarre, elle semble se foutre de tout ce qui se passe et accepte sans souci la mort de sa grand mère et s’attache au loup. Je sais pas; c’est surement le côté « fable » qui s’affranchit d’explications pour tout comportement étrange des personnages qui fait un peu bizarre.
    Mais un film original en tous cas. C’est un peu casse-gueule ce genre de films s’inspirant de contes. Legend de Ridley Scott est ennuyeux à mourir même s’il est magnifique sur la forme. Et je n’ai pas vu Tale of Tales mais il semble pas mal partager le public aussi.

  • Matt  

    Bon…ok.
    Je vois que ça t’a plu. Bon à mon aussi mais je dois avoir un souci avec la logique des comportements dans les « contes filmés » ^^
    Enfin bref si faut attendre l’article pour en causer…tant pis.
    T’as vu Tale of Tales par contre ? J’suis curieux mais il semble diviser les foules.

  • Tornado  

    Non, je ne l’ai pas vu et je n’en avais d’ailleurs jamais entendu parler !

    Tiens, le titre de mon article me fait penser que, ces derniers temps, je suis désespérément à la recherche du film « Les Monstres de la Mer », une production Roger Corman de 1980. L’année de sa sortie, il avait obtenu un gros succès en France et je me souviens que tous les ados allaient le voir et en parlaient énormément. C’était la sensation horrifique de l’année !
    Moi j’étais trop jeune pour aller le voir et, depuis, je ne l’ai jamais vu.
    Il parait qu’aujourd’hui c’est un pur nanar mais qu’il vaut le détour. Seul problème : Il n’a jamais été édité en DVD et demeure complètement introuvable, même en fichier illicite.
    Le site Nanarland l’a référencé :
    http://www.nanarland.com/Chroniques/chronique-monstresdelamer-les-monstres-de-la-mer.html

  • Bruce lit  

    Contre toute attente, j’ai eu grand plaisir à revisiter cet article avec les trailers.
    Je suis complètement passé à côté de ce cinéma. L’affiche du Loup Garou est vraiment classe.
    Pour info, Dionnet l’a partagé sur son mur

    • Tornado  

      Il manque plein d’éléments de discussion, non ? Les discussions juste au dessus se suivent sans queue ni tête. Des gens auraient-ils été virés ? 😀

      • Bruce lit  

        Euh…non.
        Il y a avait juste deux trois « merci », « de rien »

  • Jyrille  

    Ah, encore un article dont j’attendais la réédition ! Ce qui me mène à 27 à lire et commenter + 9 dont je dois d’abord lire les bds… Ca me rend heureux, c’est marrant.

  • Jyrille  

    Hey donc ! Celui-ci aussi, je l’avais loupé en octobre 2017… Pfiou. Allons-y.

    Je n’ai bien évidemment vu aucun des films, mais tu données envie de les voir. Je me souviens qu’à la lecture de la nouvelle de Poe, le Mr Hyde n’était pas spécialement monstrueux, mais bien différent, et cette dualité ne pouvait que générer plusieurs idées d’adaptation. J’ai vu il y a très longtemps le Jerry Lewis, j’en garde un bon souvenir brumeux (il faudrait que je le revoie)…

    Terence Fisher bossait comme un fou et pour un petit succès loupé, il est mis à la porte ? Décidément, le monde du travail, où qu’il se situe, est sans pitié. D’ailleurs je viens de voir Merci Patron ! de Ruffin.

    Je dois encore voir les bandes annonces, il n’y a pas de BO (ce qui me donne un coup de nostalgie pour le coup), mais merci encore pour la culture, Tornado ! Un jour peut-être verrais-je tous ces films.

    • Matt  

      C’est de Robert Louis Stevenson Dr Jeckyll & Mr Hyde.
      Je ne me souviens plus de son apparence physique dans le bouquin. Juste de ses actes odieux. Je ne sais plus s’il est vraiment dépeint comme laid et simiesque comme les premières adaptations

      • Jyrille  

        Ah oui tu as raison je confonds avec le Double assassinat dans la rue morgue…

Répondre à Tornado Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *