Nazi hard-rock (Review : Les Damnés)

Les Damnés, par Luchino Visconti

Par : TORNADO

1ère publication le 08/02/17 – MAJ le 10/01/20

Une affiche prévenante : On n’est pas là pour rigoler (J’entends des voix-off)…

Une affiche prévenante : On n’est pas là pour rigoler (J’entends des voix-off)…

Cet article portera sur le film de Luchino Visconti : Les Damnés (The Damned (Götterdämmerung)), réalisé en 1969 (année érotique).

Il s’agit du premier volet de la « Tétralogie allemande » de Visconti, avant Mort A Venise et Ludwig ou le Crépuscule des dieux, inspirée des thématiques mythologiques et décadentes de Wagner et Thomas Mann. Trois films seulement au total car, malheureusement, sur les quatre titres prévus, le réalisateur n’en finalisa que trois.

Le pitch : En 1933, le soir de l’incendie du Reichstag, le patriarche de la puissante famille d’industriels Von Essenbeck comprend qu’il doit sympathiser avec le nouveau régime nazi. C’est le début d’une descente aux enfers qui mènera la famille aux confins de l’horreur et de la décadence.

Les Damnés est une fresque familiale imaginaire, inspirée néanmoins d’une famille réelle de l’Allemagne nazie, qui embrassa la cause du 3° Reich en construisant des armes. Raconté comme une pièce de Shakespeare, le récit tient autant de Macbeth que de la montée au pouvoir de Néron avant la chute de l’Empire Romain.

Le film, très long (2h30), développe les luttes intestines de cette famille happée par le pouvoir, où chacun de ses membres se déchire jusqu’à la mort pour hériter du siège suprême.
L’œuvre est aujourd’hui révérée pour sa toile de fond d’une richesse étonnante, où se côtoient un réquisitoire assassin à l’encontre du nazisme, une réflexion sur le pouvoir, sur la perte de l’humanité et sur la dégénérescence d’une société, voire d’une civilisation entière.

Et la décadence, après la grandeur (on va danser le nazi-rock, baby !)…

Et la décadence, après la grandeur (on va danser le nazi-rock, baby !)…
Source : Ebay https://www.ebay.fr/
©Warner Bros

Visconti, amoureux fou de la culture allemande, fait néanmoins preuve d’une objectivité impressionnante en recherchant les causes qui menèrent ce pays sur la route du mal le plus absolu.
Parmi les nombreuses thématiques abordées dans le film, s’insinue la plus terrible des questions : Sachant que l’homme est un loup pour l’homme, et sachant qu’il est aisément corruptible, que se passe-t-il lorsqu’une civilisation bascule dans les extrêmes au point de lui permettre d’assouvir son arrivisme ? Jusqu’où peut-il aller ? Car c’est bien ce qu’il s’est passé pour de nombreuses familles allemandes bourgeoises ayant accompagné la montée du nazisme afin de faire fructifier leurs propres intérêts. Dès lors, il n’y a plus de limites à la folie de l’homme, qui peut donner libre cours à ses pires travers pour le simple profit.
Et puis quel est celui parmi ces assoiffés de pouvoir qui, entre tous, parviendra aux plus hautes sphères ? Réponse tragique, amère et sans ambiguïté, lorsque l’on reconnaît l’ascension de l’empereur Néron derrière celle de Martin, véritable pierre angulaire des Damnés, interprété par l’impressionnant Helmut Berger, égérie de l’auteur du Guépard, de Senso et de Rocco et ses Frères.

Un postulat qui fait froid dans le dos à l’heure où, passé le plus gros de la crise économique de notre temps, nos grandes puissances politiques s’apprêtent à accueillir de nouveau l’étendard de l’extrémisme…La force et l’originalité du film résident également dans le fait que pour dénoncer le nazisme, Visconti cherche d’autres points d’attaque que ceux des juifs ou des camps de la mort, généralement mis en avant dans ce type d’accusation, alors qu’ici ils sont à peine évoqués.

Martin, ou le passage vers le côté obscur de la Force (SS si bon ?)…

Martin, ou le passage vers le côté obscur de la Force (SS si bon ?)…
Source Le fourbi de Philo 
©Warner Bros

L’auteur préfère pointer ce qui, chez l’homme, permet de libérer le monstre sous-jacent enfoui en lui, et qui n’attend que l’avènement d’un tel régime pour libérer sa terrible folie. Dans cette optique, Visconti, renonçant à plaider pour la cause de la communauté homosexuelle dont il fait pourtant partie, ira jusqu’à suggérer que le monstre libéré deviendra sodomite de manière orgiaque, incestueux, pédophile et parricide, en route vers la décadence totale et absolue !
Une formidable honnêteté intellectuelle de la part d’un auteur n’hésitant pas à renoncer aux facilités de la bienpensance afin de regarder la complexité et l’âpreté de l’âme humaine, droit dans les yeux.

Mettons-nous bien d’accord : Il n’est pas question ici de mettre toutes les orientations sexuelles au même niveau et encore moins de dénoncer l’homosexualité comme étant une tare de l’humanité au même titre que l’inceste ou la pédophilie ! Mais juste de saluer l’objectivité d’un auteur qui explore et dénonce l’horreur d’une émancipation déconnectée des valeurs humaines inviolables. Où quand l’homme, libéré de ses obligations d’éthique, devient capable de transformer toutes ses pulsions naturelles en pulsions malsaines, les confondant toutes en les mettant au même niveau.

C’est toute l’étendue du désastre, la pensée philosophique prenant soudain conscience des limites de l’humanisme au sens strict du terme : Aussi paradoxal soit-il, le nazisme est une conséquence directe de la pensée humaniste. Car en mettant l’homme au centre de l’univers (précepte même de la définition humaniste) et en le libérant des contraintes légales et même de la loi divine, quand bien même cette dernière serait imaginaire, le peuple nazi s’est offert la liberté d’ouvrir les portes de l’enfer. Où quand l’homme, en se regardant le nombril, s’est émancipé des règles d’éthique et des valeurs humaines essentielles, basculant ainsi du côté obscur et brûlant son âme sur l’autel de la jouissance et du profit…


Et Martin dans tous ses états (Tata Teutonne)

Dans la forme, le film est à la fois très esthétique et très froid. Fidèle à lui-même, Visconti compose des tableaux raffinés à la lumière sophistiquée, aux travellings complexes, exigeant la plus stricte chorégraphie de la part de ses acteurs, tous habités par leur rôle de manière terrifiante. Mais le décorum de l’Allemagne des années 30, parfaitement reconstitué, est d’une glaçante austérité. La dépravation dans laquelle l’auteur emmènera ses personnages n’en est que plus malsaine, crue et charnelle, dans le sens le plus alimentaire du terme. La célèbre scène de la « Nuit des longs couteaux », dans laquelle les S.A se font trucider par les SS au lendemain d’une orgie homo entre officiers décadents, même si elle a beaucoup vieilli (voir la mise à mort très factice suivie de la vision des corps recouverts de sang artificiel fluorescent), continue de distiller un malaise persistant, et ce plusieurs jours après avoir visionné le film.

Pour le reste, le long métrage est mis en scène de manière très théâtrale, parfois maniérée à l’outrance. La dernière demi-heure, quasi muette, qui met en scène l’état de décadence accompli par Martin et ce qu’il reste de sa famille corrompue par le mal, devient interminable à force de creuser l’écart entre le film et les spectateurs, condamnés à rester en dehors d’une scène volontairement apprêtée et contrefaite, où la chorégraphie distante et contemplative l’emporte sur l’empathie. Un long trip halluciné (une bonne grosse demi-heure, dans mes souvenirs), comme une manifestation surréaliste de la psyché de ces personnages coupés du monde et de leur humanité passée.

Il n’en demeure pas moins un film important et une œuvre essentielle pour comprendre les travers de l’homme aux prises avec le fascisme et l’attrait du pouvoir. Un des grands films malsains de l’histoire du cinéma, qui ne va pas vers le spectateur, mais qui exige au contraire que le spectateur aille vers lui. A noter que le film est une production italo-germanique, témoignant de l’exceptionnelle vitalité du cinéma transalpin des années 60, capable de se ramifier à travers toutes les grandes productions internationales.

Source Emmanuel Free http://emmanuel.denis.free.fr/visconti/damn/damn2.html

Voici venir la nuit des longs couteaux (nazi-rock) ! Source Emmanuel Free 
©Warner Bros

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LA BO du jour : Ad Libitum ? Et allez l’orchestre !

21 comments

  • Matt  

    What did I just watch ?

    Très bon article dans lequel tu expliques de manière fort intéressante la décadence et ses origines.
    Je reste convaincu que briser les tabous par un désir humaniste consistant à se regarder le nombril conduit à une forme de jouissance et de satisfaction factice, provocatrice (et qui ne dure pas), comme un sale gosse qui fait une connerie juste pour montrer qu’il peut le faire. Alors que la vraie satisfaction c’est celle qui ne dépend pas des influences extérieures, celle qu’on ne nous impose pas (car en nous interdisant des trucs, on nous impose aussi une façon de s’en libérer)
    En bref le nazisme est une forme de provocation stupide qui trouve ses racines dans l’égoïsme et la haine^^ complètement à l’opposé de l’illumination intérieure.

    Pour ce qui est du film par contre…euh…tu le rends intéressant par ton analyse mais je ne pense pas que ça me plairait de voir ça…

  • Bruce lit  

    Cette semaine est vraiment un suicide éditorial mais c’est pas grave ça faisait longtemps que je voulais voir du Visconti chez Bruce lit. Tout d’abord merci Tornado d’avoir répondu au pied levé pour la rédaction de l’article.
    Je te trouve un peu dur. 4 étoiles seulement ? C’est vrai que le film est long mais à l’inverse de, ‘chais pas moi, les films Marvel (oooooo le snob !), la durée y est pleinement justifiée, il s’y passe des choses, l’histoire de cette famille qui s’entretue, cette mère qui finit par coucher avec son fils, il falliati bien ça pour illustrer la monstruosité du nazisme. Plastiquement le film est aussi magnifique à regarder.
    Et pourtant je n’aime pas tout Visconti. Autant je vénère Mort à Venise, autant le Guépard m’indiffère.
    Pour le reste tu as raison, c’est un film exigeant qu a besoin de l’investissement de son public. Mais quelle claque !

    @Matt : si tu aimes la saga du Parrain, tu y retrouveras beaucoup d’éléments dans les Damnés. Vraiment Mattie Boy, ça vaut vraiment le coup.

    • Matt  

      Ah mais c’est bien de publier ce genre de choses.
      Heureusement qu’il n’y a pas que du mainstream. Même moi qui suis pourtant fan de Marvel, j’ai du mal à faire des articles sur des trucs hyper connus. Je m’éclate plus sur les œuvres plus discrètes, parce que j’ai aussi la sensation que je peux dire des choses qui n’ont pas déjà été dites (et mieux que moi) par 3000 autres chroniqueurs.
      Après c’est sûr que parler de nazis pendant 2 semaines, ça calme un peu…

  • Tornado  

    La dernière 1/2 heure du film est quand même bien barrée. J’avoue avoir été un peu largué.
    « Mort à Venise » reste mon préféré de la Tétralogie (qui n’est donc qu’une trilogie, je ne comprends pas pourquoi on s’obstine à l’appeler comme ça !).

    Il fut un temps où l’on devait raccrocher ses articles à la culture geek, mais plus maintenant ! 😀
    Sinon, j’aurais cité le fameux épisode de la rencontre entre Xavier & Magneto, dont je parle souvent…

    N’empêche que le sujet du film est entrain de bien revenir dans l’actualité, non ? Imaginez que Marine LePen gagne les élections ! On retrouve un triangle Trump/Poutine/LePen qui évoque celui d’Hitler/Franco/Mussolini. Et le schéma est presque similaire puisque le trio de dictateurs des années 30 (aujourd’hui ce ne sont pas des dictateurs, d’accord mais bon…) était né des retombées de la crise économique…

  • Patrick 6  

    Tornado a raison, je pense à l’époque où l’on devait se creuser la tête pour trouver des passerelles hasardeuses afin de parler de sujets non-ouvertement Geek (Haute fidélité, Joy division…). Désormais on peut parler de Visconti ou du Bolywood (cherchez l’intrus) sans état d’âme ! Youpi ^^
    Bon blague à part j’ai vu ce film il y a fort longtemps, j’en ai gardé le souvenir d’un film éminemment glauque et malsain… Je suis content de l’avoir vu mais pour autant je ne me le retaperai pas avant un moment ! Quoi qu’il en soit je trouve salutaire que ce genre de film existe, puisqu’il apporte un regard décalé et inhabituel sur le Nazisme.
    Tu l’as ma fois fort bien retranscrit !

  • Nico  

    Salut les BruceLit,
    Vous aimez plus les comics? parce que avec vos jours special nazisme, j ai du mal á vous suivre. On se croirait chez telerama depuis dix jours 🙁

  • Nico  

    Le prenez pas mal surtout…..je trouve juste ces semaines un peu hors sujet…

    • Bruce lit  

      @Nico
      Non, je ne suis pas vexé. Tout d’abbord parce que ça va mieux en le disant. Et d’autre part, parce que autour du nazisme et de la Shoah, il est normal que le sujet bouscule, choque, révulse. Le contraire serait même inquiétant.
      Maintenant….
      Je ne me sens pas hors sujet. Regarde Nico : la plupart des comics actuels ou old school parlent de l’abus de pouvoir, d’apprentis dictateurs. De quoi nos héros tentent ils de nous sauver ? De génocide, d’âge d’Apocalypse, d’exterminations massives. Euh…on est dans le thème non ? Même si c’est allégorique. Les Xmen de Remender ne parlent que de ça.
      Donc, je reste droit dans mes (jets) boots : alors que les camps ont été découverts il y a 75 ans, que nos époques s’indigne de voir des homos se marier, que l’avortement des femmes est de nouveau conteste, qu’il est question de bâtir un mur pour se protéger de la peste mexicaine, que Daesh à lui tout seul incarne le nazisme moderne avec des crimes contre l’humanité qui s’effacent derrière les magouilles de Fillon, non ma programmation n’est pas hors sujet. C’est juste que l’on a perdu l’habitude que les super héros MArvel parlent d’autres choses que de leurs petits intérêts à porter ou non des masques.
      Bruce Lit est un blog portant sur l’apport de la culture populaire. Et toute culture se base sur des faits historiques. Dont le nazisme sans lequel le monde d’aujourd’hui ne serait pas le même. Comment comprendre le conflit entre juif et arabe en palestine, sans le retour des victimes de la Shoah en Israël ?

      Enfin, le point de départ de la thématique est parti de Magneto et de deux jours passé avec Claremont à Paris….autour de ce thème ;). Quant à Télérama, j’aurais envie de dire que ma ligne éditoriale était la prems depuis des années 😉 .
      Allez encore un peu de courage, c’est pas comme s’il fallait attendre un mois pour la prochaine thématique. Un article par jour depuis 4 ans quoi ! Vous faîtes un peu les enfants gâtés….

      Peace
      -Bruce

      • Matt  

        Je plussoie. Je ne trouve pas que ce soit hors sujet. Et d’ailleurs je salue la diversité des œuvres chroniquées ici.
        Par contre je suis d’accord pour dire que la dose est un peu forte depuis 2 semaines^^
        Mais bon…éh ! Certains blogs ne publient qu’un ou 2 articles par mois alors rien de dramatique si ça passionne moins pendant quelques temps. Ou disons que c’est pour Bruce que ça peut poser problème ça^^

  • Jyrille  

    Très bel article, Tornado, que je trouve court, j’apprécie d’autant plus 😉 J’ai adoré la façon dont tu éclairait la vue d’artiste de Visconti.

    Je n’ai jamais vu Mort à Venise, j’ai un souvenir vague du Guépard qui m’avait aussi ennuyé et j’a vu ces Damnés il y a plus de quinze ans : j’en garde un souvenir brumeux, sauf pour la scène de la Nuit des longs couteaux, qui m’a marqué à vie je pense. Il faudrait que je le revoie avec mes yeux d’aujourd’hui, mais je pense certainement que c’est un très bon film.

    Dans le même genre et le même thème, j’ai enfin vu il y a quelques années (trois ?) le fameux Salo ou les 120 jours de Sodome de Pasolini. C’était une version restaurée, et la photo était splendide. Par contre, c’est typiquement le film qu’on a jamais envie de revoir tellement c’est éprouvant. Oh rien de méchant n’est vraiment montré, mais la perversion est palpable, la cruauté insoutenable, et le dernier tableau est une pure horreur. Je pense que le but est le même que dans ces Damnés, mais côté italien.

    Je comprends la remarque de Nico, ne serait-ce que par cette thématique très dure et éprouvante. Aurai-je un jour le courage de relire Maus ? Mais je salue cependant le choix du chef : tout d’abord parce que le sujet a le devoir d’être encore abordé, ensuite parce qu’un de mes articles a été rediffusé (et c’est V pour vendetta, on est en plein comics là non ?) et enfin parce que l’ouverture vers d’autres sujets et d’autres formes me semble toujours bienvenue. Le blog ne dérive pas, il continue à s’affirmer et se démarquer des nombreux autres, qui pour la plupart ont trouvé un équilibre qui ne changent pas beaucoup. Mais comme toute entreprise (pas dans le sens légal du terme mais dans le sens premier de construction), Bruce Lit doit évoluer. Et puis Matt a raison : un article par jour pendant quatre ans, c’est magnifique autant que compliqué. Dix jours de Shoah, pourquoi pas – même si c’est clairement un peu minant pour le moral.

    • Bruce lit  

      Excusez moi d’insister, mais je ne trouve pas la thématique plus lourde que ça. Ça l’est dans la conscience collective, oui. Mais pas plus que les thématiques antérieures liées à la guerre, le terrorisme ou la violence.
      Tout simplement parce que je refuse de voir une oeuvre de manière unilatérale.
      Je m’explique.
      A la recherche du temps perdu, c ‘est pas que l’histoire d’un mec qui mange une madeleine ! Le petit Prince, d’un gars qui suite à un coup de soleil, immagine un gosse parlant aux fleurs…Ou Dracula, d’un type qui souffre d’un chagrin d’amour.
      Et bien les oeuvres évoquées c’est pareil. Maus, on y rigole beaucoup. C’est presque moins noir que chez Franquin. Les oiseaux sauvages, c’est très pur comme histoire. Quant à V, les portes d’entrées y sont tellement nombreuses que l’on pourrait le classer dans des thèmes différents à chaque fois.
      Les Damnés, c’est une ode à la perversion, une certaine histoire de l’Allemagne et un drame antique à l’échelle du 20ème siècle.

      On a parlé cette semaine de liberté, d’espoir et du mal. Rien d’inhabituel…..et de musique aussi 🙂

      @Cyrille : merci !

      Tenez, j’aurai pu aussi y mettre Le labyrinthe de pan. Tout le monde aurait arguer sur les FX, le caractère gothique sans être plombée par cette histoire de franquisme….

      • Jyrille  

        Concernant la BO du jour, je n’ai jamais cherché à écouter cet album de Serge en entier. Vaut-il vraiment le coup ?

        • Bruce lit  

          Et hop Cyrille, copier coller de mon commentaire amazon sur la chose :

          Enregistré en moins d’une semaine en fin d’année 1975 , Bunker est un disque à part dans la discographie de Gainsbourg .
          Il s’agit pour Lucien Ginzburg d’aborder le spectre du nazisme à une époque encore taboue. Gainsbourg a porté l’étoile jaune et pour échapper aux rafles avait adopté un faux nom Guimbar (précurseur de Gainsbarre !
          Gainsbourg derrière ses fausses provocations et ses vraies blessures étaient un pudique. Il aurait pu écrire « les Nazis m’ont tout pris», hurler  » Le racisme c’est pourri», pleurer « la guerre m’a tué  » et être dans son beau droit.
          Il pratique au contraire un humour juif too much et en avant la deconnade ! Sans rentrer dans les concepts album comme Histoire De Melody Nelsonet L’Homme A Tête De Chou (Vinyl Replica), les 10 titres de Bunker parlent de la deuxième guerre Mondiale .
          Nazi Rock ouvre l’album et pourrait faire figure de single, même si , nous y reviendrons , Bunker ne brille pas par sa richesse mélodique . Nazi Rock est une référence directe au film de Visconti Les damnés où , lors de la nuit des longs couteaux , Les SA étaient représentés en travelos dépravés .
          A partir de « Tata Teutonne », Gainsbourg entame un jeu tout en assonances qu’il poursuit sur « Zig Zig avec toi » pour conclure sur « Est ce est ce si bon » ? Le Tatata des mitraillettes, le zig des couteaux, le s des nazis qui poursuivent les juifs et cette phrase magnifique de pudeur ironique sur les camps de la mort : « encore eut-il fallu que ces processus se sussent « !
          Sur « J’entends des voix Off » , l’humour de Serge fait des merveilles en imaginant Hitler en plein délire paranoïaque :  » J’entends des voix off / qui me disent Adolf ! / Tu coures à la catastrophe » ; puis sur « Eva » où il est fait état des problèmes érectiles du dictateur du fait que celle-ci écoute « Smoke gets in your eyes », chanson dont Hitler craint que cet air américain l’envahisse ! Comme toujours la lecture du poète doit se faire à double, voire à triple sens : Smoke = fumée = guerre=fours crématoires. Le Petit Juif fumeur de gitane la reprend à son compte cette fumée là en interpretant façon Crooner  » Smoke Gets in Your Eyes » .
          Sur Yellow Star , Gaisnbourg en 1 minute 30 livre un texte très autobiographique sur l’étoile jaune :  » J’ai gagné la Yellow Star / y’a un curieux Hiéroglyphe / y’a peut être écrit Sherif ou Big Chief  » ! Encore une fois, plutôt que de jouer le pathos façon Brel , Gainsbourg se rappelle de ses émotions d’enfants sans parler de ses colères adultes . La classe !
          La guerre se termine sur Rock Around The Bunker où « tout flambe, les tombes, les temples s’abîment » , puis sur un rock décalé « SS In Uruguay » où un ex Nazi finit sa carrière sous un chapeau de paille « je n’étais qu’un homme de paille / mais pour moi pas question de payer l’addition » .
          Et voilà ! À peine 26 minutes et c’est tout ! J’aime beaucoup cet album mais ce qui m’empêche de rajouter une cinquième étoile (jaune !) à Bunker c’est le manque des variétés des compositions.
          Si les textes font sûrement partie des plus acérés de Gainsbourg, les mélodies sont, à de rares exceptions, identiques, construites sur des rythmes Rock’n’roll identiques et surtout, fait rarissime chez Gainsbourg sans aucun arrangeur !
          Gainsbourg, d’Alain Goraguer à Jean Claude Vannier , a toujours su faire appel à des arrangeurs de talent qui, moyennant finances confortables ,se retiraient des crédits pour laisser à Serge le mérite des morceaux . Ici, les limites mélodiques de Gainsbourg sont clairement délimitées.
          Notons enfin la présence dans les choeurs de Claire Torry , qui deux ans auparavant chantait sur « The Great Gig in The Sky  » de Dark Side Of The Moon du Floyd .
          Naturellement en pleine France Giscardienne, ce disque est un véritable suicide commercial et Serge n’en assurera la promotion que deux ou trois fois à la TV avant de sombrer dans l’amertume qui engendrera Gainsbarre . Aujourd’hui encore, lorsque les beaufs veulent se rappeler de Gainsbourg le poil à gratter, c’est toujours à Whitney Houston que l’on pense et jamais à Bunker .
          A cette époque , Gainsbourg avait encore des ambitions artistiques et celà s’entend . Plus encore qu’ailleurs sa diction est impeccable. Il enchaînera avec un autre bide avec le cultissime L’Homme à tête de chou avant de pondre des conneries monumentales ( Sea, Sex and Sun, l’ami cahouette ) histoire de renflouer les caisses .
          C’est en tout cas grâce à ce disque que la génération Punk de 77 se reconnaîtra en Gainsbourg !

          • Jyrille  

            Ok merci ! A l’occasion…

          • Présence  

            @Jyrille – J’avais fait l’acquisition de cet album suite à la chronique de Bruce et je ne l’ai pas regretté (sauf quand ma femme a fini par prêter attention aux paroles que je fredonnais).

      • Matt  

        Bah…question de ressenti perso, tout simplement. Je ne critique pas le choix de la thématique. C’est juste que c’est un peu fatiguant. Pas dans le sens chiant, mais pesant.
        Je n’ai jamais eu l’idée de m’enchainer le labyrinthe de Pan, la liste de Schindler et le pianiste en 2 jours…mais parce que je sais que ça me plomberait le moral.
        Je ne sais pas si j’étais par là lors des thématiques que tu cites…ni si elles ont duré 2 semaines.

        Après faut pas le prendre pour un reproche, c’est juste que bon…voilà, on a tous nos sensibilités et pour moi c’est différent de parler de violence qui permet aussi de mettre du super héros coloré et du Punisher non dénué d’humour décalé (je rêve ou je dis du bien d’un truc de Ennis ?) que parler de camps de la mort qui permettent quand même moins de variétés de ton et de délires que beaucoup trouveraient irrespectueux. Car il y a un côté « intouchable » quand même quand il s’agit de parler de ça.

  • Tornado  

    Nazi-rock : J’ai toujours eu une relation ambivalente avec cet album car j’en aime autant les paroles que j’en déteste la musique ! Mais il était clair que les titres et les paroles des chansons colleraient parfaitement à mon article en plus de lui apporter un soupçon de légèreté (je suis très fier d’avoir placé « Tata Teutonne » sous le scan d’Helmut en travesti ! 😀 ).

    Il y a longtemps maintenant, c’est un peu à cause de moi que Bruce a commencé à diffuser autre chose que des comics et des BDs ou des adaptations de BDs sur le blog. A cette époque, lorsque je sortais des sentiers battus, il fallait que je promette au boss de faire des ponts avec la culture geek. Par exemple j’aurais raccroché les Damnés avec les X-men ! Mais aujourd’hui on s’écarte volontiers des sentiers battus et, je suis d’accord, le fait de publier un article par jour le justifie bien au final ! Tiens, d’ailleurs, j’ai toujours voulu qu’on fasse aussi des articles sur la musique et… ça arrive bientôt !!! 🙂

  • Vincent C  

    Bonjour à tous

    Je recherche le titre d’un comics ou plutôt d’un roman graphique qui doit dater des années 80 ou 90
    Où dans ma mémoire un demon ou le diable apparait dans la cellule d’Hitler pour lui remettre Mein Kampf qu’il devra écrire afin de changer l’histoire

    Impossible de remettre le nom sur le titre et auteur
    Help please

  • Présence  

    J’ai dû voir ce film il y a plus de 30 ans à la télé et la seule certitude qui m’en est resté est que je n’avais pas la maturité nécessaire pour le comprendre. C’est donc un vrai plaisir de pouvoir le revoir par les yeux de quelqu’un plus sensible que moi et plus cultivé pour bénéficier d’un décodage. Merci Tornado.

  • Jyrille  

    Pour info, je viens de terminer le visionnage de la série BAND OF BROTHERS et c’est un chef d’oeuvre que tout le monde devrait voir.

    • Jyrille  

      Et maintenant j’attaque The Pacific.

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