New X-men : Front Lines

X-Factor : The Mountain Top  par Jeff Jensen et Arthur Ranson

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Des couvertures originales qui ne font pas dans le « joli »©Marvel Comics

AUTEUR : TORNADO

VO : Marvel

VF : Panini

Première publication le 21 avril 2014- Mise à jour le 20 janvier 2016.

Cet article portera sur une mini-série réalisée en 2002 par le scénariste Jeff Jensen et le dessinateur Arthur Ranson, intitulée X-Factor : The Mountain Top.
En VF, les quatre épisodes ont été publiés dans le magazine X-men Extra N°37. Ils mettent en scène deux agents du FBI spécialisés dans les affaires mutantes : Catherine Gray et Aaron Kearse.

Cette mini-série n’a strictement rien à voir avec le groupe X-Factor, composé de mutants affiliés aux X-men, bien qu’il s’agisse tout de même d’un récit se déroulant dans le même univers et la même continuité…

Un zoom qui met dans l’ambiance…

Un zoom qui met dans l’ambiance…©Marvel Comics

Aucun rapport avec le groupe X-Factor… D’ailleurs, les mutants, que ce soient les X-men ou bien d’illustres inconnus, méchants, gentils ou ambivalents, apparaissent comme « vus de l’extérieur », ou « de loin ». Ce sont les humains dit « normaux » que nous accompagnons dans ces quatre épisodes réalistes, étouffants et paranoïaques. Le titre X-Factor prête donc à confusion. Mais replacé dans le contexte de l’époque, il rappellera celui de la série X-Files. Et là, on comprend tout de suite la note d’intention !

L’histoire débute de manière éprouvante. La première planche plante un décor de cauchemar, en mettant en scène un « plan séquence » opérant un zoom sur les lettres du Panneau Hollywood. Sur la lettre « Y », le cadavre d’un homme crucifié et à moitié décomposé (qui m’a beaucoup rappelé l’affiche du film L’Au-delà de Lucio Fulci) est exposé avec le mot « mutant » gravé sur la chair de sa poitrine…

Quand c'est l'horreur, il existe de bonnes références...

Quand c’est l’horreur, il existe de bonnes références…©Marvel Comics

Avec une telle entrée en matière, le ton est donné : Il ne s’agit pas d’un récit à prendre au second degré. On a beau connaitre l’univers des X-men comme si ces derniers faisaient partie de notre famille, on ne s’est sans doute jamais vraiment posé la question suivante : Et si c’était vrai ? Comment serait le monde si les mutants existaient vraiment ? Serions-nous réellement des défenseurs de la cause mutante ou bien aurions-nous peur, sachant que certains sont véritablement malveillants et extrêmement dangereux ? Redouterions-nous cette « race » appelée à supplanter l’humanité à plus ou moins long terme ?

La haine pourrait-elle nous gagner, finalement ? Evidemment, pour répondre à toutes ces questions, il manquait une œuvre réaliste, adulte et premier degré, qui permettrait d’avoir un point de vue sur la situation depuis les êtres humains communs. C’est ainsi que la mini-série du jour fait son entrée.. Il y aurait beaucoup à dire sur la densité d’une œuvre comme Mountaintop (titre inspiré par le discours de Martin Luther King). Aaron Kearse est un agent du FBI hautement croyant, mais dans le sens bigot du terme.

Son travail à la DSDM (Division spéciale pour les droits des mutants) est en total opposition avec sa foi profonde : Comment la présence des mutants se justifie-t-elle au regard de la bible ? Comment peut-il défendre la cause d’une espèce qui réduit à néant les fondations sur lesquelles il a bâti l’essentiel de son existence ? Cette ambivalence n’a pas échappé aux X-men qui se méfient de lui comme la peste et qui, par deux fois, viennent le malmener. Qui plus-est, Aaron a perdu son bras lors d’une rixe contre un mutant particulièrement dangereux, justifiant une rancœur réelle à l’encontre de ceux qu’il est censé défendre.

Le cas de Cathy Gray est différent. Elle croit en son travail, d’autant plus qu’elle a donné la vie à une mutante. Mais sa petite fille est morte en bas âge, de surcroit à cause de la manifestation prématurée de son pouvoir mutant. Elle entretient également des rapports houleux avec sa mère, une militante pro-mutant qui a passé sa vie à sacrifier sa famille à sa cause désespérée. C’est donc un agent du FBI aussi déterminé que désabusé qui vient boucler le duo.

Le cas tragique de Cathy Gray…

Le cas tragique de Cathy Gray…©Marvel Comics

Le monde (et dans ce cas plus exactement l’Amérique) dans lequel évoluent les mutants est donc une version hypertrophiée et cauchemardesque de notre monde réel, dans lequel le racisme, la haine à l’encontre des minorités sociales et les clivages communautaristes gangrènent notre civilisation.

Dans ce sens, X-Factor : The Mountain Top n’y va pas avec le dos de la cuiller et brosse un tableau sans concessions dans lequel n’importe quel groupuscule, n’importe quelle association ou n’importe quel organisme officiel est corrompu par la malveillance et les idées extrémistes, qui découlent des expériences de chacun, de son éducation, de son parcours et de ses épreuves. De ce point de vue, les auteurs ont fait preuve d’une clairvoyance et d’une justesse totale. Chapeau bas.

La mini-série est publiée en plein cœur du run de Grant Morrison sur la série New X-Men. Certaines idées du scénariste sont d’ailleurs reprises ici, comme celle de la « troisième espèce », qui voit de simples humains se faire greffer des organes mutants en espérant développer le gène « facteur X » (ce qui justifie encore une fois le titre !).
Par ailleurs, le principe de voir la « mutanité » comme une sorte de loterie, où les mutants ressemblent plus à des « freaks » qu’à des super-héros séduisants et bodybuildés, est également un parti-pris directement repris sur le travail de Morrison.

L’art de saisir l’essence des X-men.

L’art de saisir l’essence des X-men©Marvel Comics

A ce titre, les rares moments où nous voyons les X-men sont tétanisants, car ils apparaissent dans toute leur « différence », comme nimbés d’une aura dérangeante. Le dessinateur Arthur Ranson, au style réaliste pourtant peu enclin aux effets spéciaux, réussit à donner à nos mutants d’habitude si familiers une présence viscéralement inquiétante, comme une matérialisation de cette « différence » tant et tant ressassée par leurs ennemis humains, le tout réalisé avec un minimum d’effets.

Aucun amateur de la mythologie des X-men, de près ou de loin, ne devrait passer à côté de cette mini-série. Un corolaire idéal au run de Morrison, qui trouvera sa place dans votre bibliothèque à côté de Dieu crée, l’homme détruit, le chef d’œuvre de Chris Claremont

Comment les humains perçoivent-ils nos mutants préférés ?

Comment les humains perçoivent-ils nos mutants préférés ?©Marvel Comics

23 comments

  • Bruce lit  

    Je vois ici tout ce qui pourrait faire une ambiance façon Xmen MAX vu des humains façon Kurt Busiek. Je serais très friand de ce genre de série.
    Malgré mes réserves sur le peu d’empathie pour les deux flics, j’ai beaucoup apprécié cette expérience all new différent. Pour une fois, Marvel ne s’est pas foutu de nous.
    Je serai plus réservé sur la comparaison à Dieu crée mais je comprends la comparaison.
    Encore merci !

  • Tornado  

    Je ne compare pas cette mini à « Dieu crée » pour le style ou la qualité, mais pour les thèmes. J’aimerais beaucoup que ces épisodes soient davantage connus du public. C’est quand même hallucinant qu’ils n’aient jamais fait l’objet d’un TPB aux USA !!!
    Je te rejoins sur l’idée d’un X-men MAX. Ce serait totalement justifié dans cet état d’esprit réaliste qui prend la différence des mutants comme un danger réel et palpable, loin des super-héros sexy et trop classes !

  • Bruce lit  

    « Xmen d’hier et d’aujourdhui » 1/4
    Les habitués de la maison le savent : Tornado n’aime pas/plus les X-Men.
    A part, cette histoire: « X-Factor HillTop » écrite par des auteurs lambda. Une histoire d’Xmen sans Xmen, dénommée X-Factor sans rapport avec la série éponyme lorgnant X-Files et Lucio Balva. Une étrangeté assurément à la une de Bruce Lix !

    La BO du jour : Call me, King of the Mountain !https://www.youtube.com/watch?v=OuC_k51NUqU ?

    @Tornado : presque deux ans pour remasteriser cet article. Le voici enfin, tel qu’il aurait dû être !

  • JP Nguyen  

    J’étais totalement passé à côté (de l’article et de la série ).
    J’aurais du coup bien envie de le lire. ..

    Ça me fait surtout regretter une époque où le mainstream était innovant et ne se rebootait pas en boucle.

  • Tornado  

    C’est vrai. Je ne supporte plus les X-men et toute leur clique.
    Mais je n’ai pas tout revendu (*). J’ai gardé quelques mini-séries comme celle-ci (dont les superbes minis parues après House of M, publiées sous la bannière des « 198 »). J’ai gardé « Dieu Crée l’Homme Détruit » et « Vignettes ». Et j’ai même acheté d’occaz « La Saga du Phénix » dans la collection Hachette, histoire de pouvoir le relire à l’occasion.
    J’ai évidemment gardé le run de Grant Morrison dont j’avais adoré la seconde moitié. Et le run de Warren Ellis que je n’ai pas encore lu. Bref, j’ai fait le ménage ! 😀

    @JP : Tu as vu juste (comme toujours). Cette époque post-HOM colle parfaitement avec l’ère Marvel Knights. Et c’était effectivement une époque où le mainstream Marvel était innovant.
    J’adore cette mini-série « X-Factor HillTop » car je trouve qu’elle restitue complètement le postulat de « Dieu Crée l’Homme Détruit » (à savoir le racisme sous-jacent de la franchise « X »), mais vu du côté humain.

    @Bruce : Oui. Merci pour cette remastérisation. L’article est désormais comme il faut ! 🙂

    (*) J’ai revendu mes 20 intégrales Panini X-men par Claremont ! Je m’étais arrêté à 1984 et je ne me sentais pas le courage de poursuivre !
    J’ai revendu tous les tomes de la collection « Best-of Marvel », dont la saga « l’Ere d’Apocalypse ». A chaque fois que j’ai essayé de la commencer, les dessins estampillées 90’s, que je déteste, m’ont fait rebrousser chemin !
    J’ai revendu toute la saga du « Messie ». Le genre de truc qui m’a achevé et dégoûté de la franchise.
    J’ai revendu tout le run de Joss Whedon. Un truc vraiment bof dont je ne me rappelle plus rien avec le recul…
    J’ai revendu les « X-men La FIN ». J’ai commencé à lire le premier tome et ça m’avait énervé tellement j’y comprenais rien !
    Et j’ai revendu toutes les sagas des années 90 que j’avais en revues : « Opération Tolérance Zéro », « Les Enfants de l’Atome », « La Croisade de Magnéto », et pleins de minis sur Magnéto à Genosha.

    C’est vraiment la continuité indigeste et la fâcheuse tendance à crossoveriser les séries X toutes les 3 secondes qui sont venues à bout de mon intérêt pour cet univers. Quand on y pense, je n’ai gardé que des sagas qui existent par elles-mêmes. Et qui possèdent un sous-texte avec le méta-commentaire propre à la franchise.

  • Tornado  

    Merci à toi de venir apporter le l’eau à mon moulin ! 😉

  • Tornado  

    @Bruce : Et qu’est-ce que c’est que ce blog pro-mutant dans lequel il n’y a pas une ligne sur le run de Morrison ???!!! 🙁

    • Bruce lit  

      Mardi, il sera question de la continuité des X-Men sur 10 ans ! Votre idole Morrison en sera donc même si l’article définitif reste à écrire….

  • Patrick 6  

    A l’époque où je suivais encore l’actualité du comics j’avais noté que le magazine « X-Men Extra » était généralement synonyme de « Extra-Mauvais » c’est donc tout naturellement que j’ai zappé cette série… A tort manifestement ! Je ne pense pas qu’on puisse la trouver maintenant, mais si je tombe dessus en occase je penserai à toi 😉

    • Bruce lit  

      Ah, on peut te trouver ça facile à aapoum Bapoum Patrick !

  • Jyrille  

    Ça m’a l’air tout à fait intéressant. Ca me rappelle le parti – pris que l’on peut voir dans Ultimates donc merci pour la découverte !

  • Tornado  

    Il y a eu une très bonne période pour X-men Extra :
    N°36 : Très bonne mini-série sur Diablo.
    N°37, présente mini-série.
    N°38 : Très bonne mini sur Chamber, par Brian K. Vaughan.
    N°39 et 40 : Mini-série sur Kitty Pride par Claremont. Sympathique.
    N°42 : Excellente mini sur Domino. Une de mes préférées.
    N°45 à 47, 49 et 51 : La maxi-série sur les origines d’Emma Frost. Très bon.
    N° 58 et 59 : « Les 198 ». Excellent.
    N°59 et 60 : « Génération M » par Paul Jenkins. Génial.

    Si ça intéresse, je veux bien faire l’article sur certaines de ces mini-séries. Je les ai tous en magasin.

  • Présence  

    J’espère vraiment que Marvel rééditera un jour cette minisérie que je puisse la lire. Non seulement l’article de Tornado met l’eau à la bouche, et est totalement convaincant, mais en plus j’apprécie le travail des 2 auteurs. Jeff Jensen avait réalisé un récit sur une enquête menée par son père (u officier de police) sur un tueur en série (Green river killer, disponible en français) d’une grande justesse, sans effet de manche. Arthur Ranson est un dessinateur régulier (quasi historique) de 2000 AD, avec une superbe Psi Judge Anderson, et d’autres séries avec Alan Grant (Mazeworld) ou John Wagner (Button Man) de haute volée. Il avait également illustré une étrange histoire de Batman intitulée Tao, écrite par Alan Grant.

  • Bruce lit  

    Le teaser de Présence :
    « X-Men d’hier et d’aujourd’hui » 1/4
    Jeff Jensen (Green River Killer) et Arthur Ranson (Psi Judge Anderson, Button Man) montrent les mutants Marvel, tels qu’ils apparaissent à une humanité sans pouvoir. Tornado vous fait partager le malaise provoqué par ces plus qu’humains, une minorité dangereuse.

  • Matt  

    Renvoyé ici par l’article sur le Punisher, je me pose la question qui tue :
    les x-men extra étant la propriété de G. Coulomb…celui-ci n’y échappe surement pas…et donc…est-ce lisible, m’sieur Tornado ?
    Enfin toi je sais que tu supportes mieux que moi mais…bon…je demande quand même.

    • Bruce lit  

      Dans mon souvenir, oui ça passait.

    • Matt  

      Hum…
      Merci.
      Mais un second diagnostic d’un autre médecin serait le bienvenu^^

    • Kaori  

      Les scans sont corrects en tout cas, je trouve. Moi ça m’a donné envie de le lire, ce numéro !

      • Tornado  

        Au départ j’avais fait une 1° version avec des scans pourris piochés sur le net. Ensuite Bruce a été d’accord pour entièrement remasteriser l’article et, là, j’ai fait les scans moi-même à partir de la revue VF.

        • Tornado  

          (et du coup ça peut montrer à Matt la teneur de la trad…)

          • Matt  

            Vaguement ouais.
            Mais tu sais, avec moi, il suffit d’un seul « vache de valdingue » et la revue elle va valdinguer dans la poubelle hein^^

  • Tornado  

    C’est bel et bien G. Coulomb a la trad…
    Par contre, je n’ai pas souvenir d’une trad dérangeante. Et pourtant j’y suis également hermétique quand c’est mauvais, genre sur la Saga du Phénix (c’est Coulomb sur Les Chroniques de Conan aussi. Et pourtant c’est supportable, sans être remarquable…).

    • Matt  

      Oui, sur Conan au moins elle a du sentir que les expressions d’avant guerre ne convenaient pas à un monde médieval fantastique. Du coup à part quelques erreurs de français que j’ai remarquées, ça passe.

      Sur la série Emma Frost, à part son insupportable expression « des clous » (qui devient insupportable surtout parce qu’elle l’emploie toutes les 3 pages, pas trop pour sa ringardise), c’est lisible aussi.

      Pareil sur la dernière chasse de Kraven, c’est elle. Et on n’a droit qu’à…encore… »des clous ». Mais pas de gros nawak WTF.
      Peut être que quand le contenu lui semblait dark et sérieux, elle se calmait…

      Bon…à voir. ça coute pas trop cher une revue d’occasion. Je vais tester.

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