Ozark, citoyens ! (OZARK)

Ozark par Bill Dubuque

Une descente de KAORI

VO/VF : Netflix

Un logo stylisé, avec ce z barré, comme le S de dollar
Source : Allociné
©Netflix

Cet article parlera de la série OZARK, créée par Bill Dubuque, produite par Media Rights Capital et distribuée par Netflix. Elle est composée de 4 saisons de 10 épisodes pour les 3 premières saisons, et de 14 pour la dernière. Jason Bateman, l’acteur principal, en a réalisé 10 épisodes et a reçu le prix de la meilleure réalisation pour une série télévisée dramatique en 2019 aux Emmy Awards.

Il est des séries que l’on suit, sans grandes attentes, juste parce qu’on est pris dans l’intrigue, que c’est bien écrit, bien joué et que l’on se demande comment les personnages vont finir…

OZARK aurait pu faire partie de ces séries. Oui, elle regorge de qualités, oui ça pourrait presque avoir la saveur d’un BREAKING BAD. Mais il me manquait quelque chose. Mais faisons les choses dans l’ordre…

Quelques spoilers risquent de venir égrener votre lecture.

OZARK est une série atypique sortie en 2017. On y suit les tribulations d’une famille supposée bien sous tous rapports qui pour sauver sa peau s’installe dans les Monts Ozarks, région presque assimilée à l’enfer au vu des réactions de la famille à l’annonce de cette nouvelle.

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Ceux qui n’ont jamais vu un épisode de cette série l’ont peut-être deviné : la famille Byrde est loin d’être une famille modèle. On découvre assez rapidement que le père de famille, conseiller financier bien propre sur lui, que l’on aurait aisément qualifié de gendre idéal, blanchit en fait de l’argent pour un cartel mexicain. On se rend vite compte également que la mère de famille est loin d’être une oie blanche innocente puisque non seulement elle est au courant du trafic mais en plus elle trompe son mari… Ajoutons à cela une jolie ado bien dans son époque et dans son monde bourgeois et un jeune garçon en pleine découverte de lui-même et nous avons le portrait de la famille modèle.

Si je devais donner un autre nom à la série OZARK, je la nommerais « Comment la famille Byrde détruisit la vie des habitants d’Ozark » ou encore « Les Byrde, la Malédiction ».

Ainsi, OZARK, c’est aussi cette série-phénomène où les protagonistes sont des personnages auxquels on peut difficilement s’attacher, et où les personnages les plus attachants sont tous des seconds rôles, ces personnages déjà cassés mais que la famille Byrde va soigneusement (et généralement sans le vouloir) briser encore plus, voire détruire totalement… C’est sans doute ce qui m’a permis de m’accrocher aussi longtemps.

J’ai beau fortement apprécié Jason Bateman, son personnage impassible, proche du robot qui ne montre aucune émotion, est froid comme les pierres. Les épisodes, les saisons passent et rares sont les moments où l’on éprouve un peu d’empathie pour ce personnage de Marty Byrde.

J’aimerais pouvoir dire plus de bien de sa femme, Wendy, magistralement interprétée par Laura Linney, mais je ne peux que constater que c’est sans doute le personnage pour qui j’éprouve le plus d’antipathie. Cette femme qui aime le pouvoir, avec ce sourire à la fois hypocrite et méprisant semble encore plus glaciale que son époux.
J’avoue que s’il n’y avait pas ces gueules cassées qui se trouvent embarquées dans le marasme engrangé par les Byrde, j’aurais sans doute fini par lâcher la série.

J’ai un faible pour ces anti-héros, ces moins-que-rien qui partent avec un boulet au pied dès la naissance. Ceux pour qui on se dit que les dés étaient pipés et qu’ils n’auraient pas grand-chose de bien dans leur vie, ceux qui méritent de connaître un peu de bonheur. Ceux-là, on les voit, on veut les porter, les soutenir, et inlassablement, on sait que comme tout ce que touchent les Byrde, malheureusement, ils seront détruits.

Les enfants Byrde
Source : Allociné
©Netflix

Je dois vous avouer quelque chose. Pendant presque 2 saisons, soit X épisodes, j’ai regardé cette série sans émotion aucune. Ou alors comme on regarde un accident de voiture, avec cette fascination malsaine. Et puis est arrivé un personnage. Un de ceux que j’affectionne toujours : victime de sa folie, qui cherche à faire le bien mais est entravé par des chaînes trop lourdes pour lui. Vous voyez, ces victimes innocentes. Les dommages collatéraux. Les pertes acceptables. Tout était là pour me dire que ça finirait mal. Je le savais, je le disais haut et fort. Dans une série sombre comme OZARK, il n’y a pas de place pour les secondes chances, sauf pour les Byrde. J’étais préparée, je le savais. Pourtant, je crois que je n’ai pas versé autant de larmes devant une fiction depuis de nombreuses années. Des larmes mêlées à cette nausée, cette bile qui veut sortir devant tant d’injustice. Et paradoxalement, pour la première fois, j’ai éprouvé un peu de peine pour l’un des personnages principaux.

Cette empathie a peu duré. Et alors que je pensais être vraiment détachée de cette série, je me suis rendue compte qu’à plusieurs moments, j’avais eu le souffle coupé, la respiration stoppée, tant l’intensité dramatique de certaines scènes étaient importantes. La musique de Danny Bensi et Saunder Jurrians (The OA, , The Outsider) n’y est pas pour rien, comme ce thème « suspense » que l’on retrouve de temps en temps. On se dit « oulà, ça va mal tourner », la scène passe et on se surprend à pousser un long soupir de soulagement. J’ai rarement été aussi prise par une série. À tel point qu’à un certain moment, j’ai été tellement insupporté par un personnage que j’ai failli me lever pour mettre fin à ce visionnage trop riche en émotions négatives…

La série présente de nombreuses qualités pourtant. Certaines scènes sont absolument magnifiques, bouleversantes, d’autres choquantes, irritantes, insupportables. Beaucoup de moments parfaitement réalisés dans les moindres détails. Un générique d’introduction original qui change à chaque épisode, avec ces quatre dessins qui nous donnent des indices sur ce qui va se produire, et qui en plus forment les lettres du mot Ozark comme le montre ce montage de la saison 1

Une des ces scènes qui donnent des frissons…
@Netflix

Mais la première qualité que je lui trouve, c’est l’interprétation de ses acteurs : impeccable. J’ai déjà mentionné Jason Bateman et Laura Kinney dans les rôles principaux. On peut aussi saluer la prestation des deux ados qui ont mûri et se sont révélés dans la série : Sofia Hublitz dans le rôle de Charlotte Byrde, actrice à suivre, et Skylar Gaertner dans le rôle de Jonah.

Mais mes personnages préférés, ce sont les Langemore. D’abord Russ, cet homosexuel refoulé dont l’interprétation de Marc Menchacca a réussi à le rendre sympathique. Aidé par son talent de chanteur (quelle voix…) et deux scènes vraiment très belles… Ensuite il y a Wyatt, joué par Charlie Tahan, qui peut se targuer d’avoir eu les scènes les plus … traumatisantes de la série. Il fallait oser. J’aurais une pensée pour Three, interprété par Carlson Homes, et Boyd (Christopher James Baker) qui ont disparu dans l’indifférence générale…
Je continuerais avec « mon » Ben Byrde/Langmore, joué par Tom Pelphrey. Intense en émotions, intense en interprétation. Bouleversant. Cela faisait longtemps que je n’avais été autant remuée par un personnage.

Mais celle qui emporte tout sur son passage, celle qui sort des ténèbres pour mettre tout le monde à terre par sa lumière, c’est bien entendu Ruth, jouée par Julia Garner. Ce petit bout de femme, grossière, vulgaire, et pourtant tellement lumineuse, tellement puissante, forte et fragile à la fois, porte la série jusqu’au bout sur ses épaules. Avec son physique atypique, sa démarche de garçonne, ses moues et son regard noir, elle dégage un charme inoubliable. Et pour couronner le tout, la complexité du personnage est à la hauteur du talent de son interprète (qui remporta deux prix pour son interprétation).

L’autre point fort de la série est la qualité d’écriture : constante, avec un scénario qui a su se renouveler sur quatre saisons. Mais pour me faire l’avocat du diable, je relèverais deux scènes qui selon moi ne collent pas. D’abord ce flashback en saison 4 sur un événement de la saison 3 laissé en suspens. J’ai détesté cette scène parce qu’elle n’a servi qu’à m’apporter de faux-espoirs. Elle arrive bien trop tard et ne sert à rien, comme si elle avait été écrite pour mettre fin à une éventuelle rumeur… Comme si elle répondait clairement à mon conjoint dont le slogan est « si on ne voit pas de corps, alors c’est qu’il/elle n’est pas mort… ». Juste une scène cruelle selon moi…

L’autre scène qui m’a également énervée est la scène que l’on voit en introduction de la saison 4 et que l’on retrouve plus tard au milieu de cette même saison. C’est une scène qui choque tout de suite le téléspectateur, qui laisse des émotions mitigées… « enfin le karma ! », avec un « mais quand même… ». On commence donc la saison avec un flashforward qui fait complètement chou blanc quand la scène se produit « en temps réel ». « Tout ça pour ça ». L’impression d’avoir été pris pour des cons. Mais mon plus gros grief est cette morale qui n’existe pas.

Chez les Byrde, tout est question de pouvoir…
Source : Allociné
©Netflix

Beaucoup de personnes comparent OZARK à BREAKING BAD. Sans doute à raison, en vue du propos, de cette plongée dans la noirceur du héros. Pourtant, BREAKING BAD montrait autre chose. Si Walter White s’enfonçait peu à peu dans les Ténèbres, Jessie Pinkman, lui, remontait peu à peu la pente en passant du bon côté. Alors que White basculait sans possibilité de retour du côté obscur, Jessie se découvrait une conscience, une morale. Et puis on avait une fin « juste ». Caricaturale, peut-être, mais juste : le vilain était puni, le gentil s’en sortait.

Dans OZARK, rien de tout ça. Les Byrde se contentent de faire des choix pour sauver leur peau, entraînant toujours au passage des répercussions dramatiques sur tous ceux qui les entourent, au point que, si on divulgâche en abordant la fin de la série, on arrive au point culminant dans lequel on comprend que non seulement il n’est plus possible de revenir en arrière, mais que chacun y trouve son compte dans la noirceur qui se propage un peu plus…

Tout ceci explique pourquoi, malgré ces 4 saisons pleines de qualité, une personne attachée à la justice comme moi déteste cordialement cette série pourtant saluée unanimement…

Julia Garner/Ruth Langmore et sa chèvre : la raison qui m’a fait tenir jusqu’au bout…
Source : Allociné
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La BO : en hommage à une des plus scènes les plus émouvantes de la série…

45 comments

  • Eddy Vanleffe  

    Salut, c’est schtroumpf Grincheux!
    Merci pour dresser un portrait aussi clair et aussi passionné sur une série qui n’était pour moi qu’un logo parmi d’autres sur le fil Netflix…
    Le seul avantage certain de cette plateforme à mon sens est de proposer un panel vraiment varié en terme de nationalité…
    Je suis de plus en plus allergique aux fictions américaines, et ça doit bien faire des mois que j’en ai pas regardé (je suis resté éloigné des Blonde, Dahmer etc…) . leur société me déprime et rien ne provoque mon enthousiasme.
    Je me suis forcé à regarder Breaking Bad (même pas jusqu’au bout d’ailleurs) et je ne suis pas pressé de regarder Ozark…la putréfaction ne me fascine pas pour tout dire.
    Tu précises que tu es bien plus « sérivore » que cinéphile… je fais le chemin inverse… me lier à un truc à regarder trop longtemps, je n’en ai plus la patience…Le cinéma c’est très bien!
    Un film au bout de deux heures, c’est plié! pas de gras!

    En lisant Charly 9 de Jean Teulé, je me suis fait la réflexion d’un truc que j’avais besoin viscéralement dans n’importe quoi, c’est d’une certaine forme de truculence, de personnages hors normes ou d’outrance pour me remuer les zygomatiques d’une manière ou d’une autre. (Le description de la décision de la Saint Barhélémy par Teulé es hilarante)
    Là ça a l’aire d’être déprimant, bassement quotidien… une sorte de rubrique « moeurs/faits divers » permanente…

    • Kaori  

      Salut Schtroumpf Grincheux !

      Les films, je n’y arrive toujours pas, je ne me l’explique pas vraiment. Faut qu’on me force ou alors que le sujet me passionne… C’est souvent sociétal, ou réaliste et ça me gave. Je préfère le fantastique mais sans que ça fasse peur… Bref, je deviens trop difficile, ou pas assez… Et puis un film ça dure en général minimum 2h, alors faut commencer à 20h30 pétante si je ne veux pas m’endormir devant… Une série tu peux faire 2 fois 45 minutes, c’est bon 😉
      Moi aussi je peux faire ma Schtroumpfette grincheuse 😉

      Bassement quotidien, non. C’est quand même très violent. N’importe qui peut se faire exploser la cervelle sans qu’on s’y attende. Un peu à la WALKING DEAD.
      Le quotidien, c’est les repas à table, ou les disputes familiales, avec la mère qui joue les Cerbère et le père qui fait tampon et médiateur.
      Mais je vois ce que tu veux dire en parlant de rubrique « mœurs/faits divers ». Rubrique très glauque alors ^^;

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