S-Express (X-Factor par les Simonson)

Focus X-Factor par Louise et Walt Simonson

Special Guest : OLIVIER GUAY

Légendes de BRUCE LIT

VO : Marvel Comics

VF : Lug, Semic, Panini

1ère publication le 16/03/20 – MAJ le 08/08/20

On le rabâche assez comme ça : BRUCE LIT permet aux lecteurs du blog de monter sur scène et de pousser la chansonnette  pour peu qu’il y ait une interaction entre nous et vous. Tel est le cas du petit Olivier Guay, effectivement tout joyeux de venir nous /vous causer du X-FACTOR des époux Simonson.

Les nouveaux anciens Xmen !  ©Marvel Comics

Les nouveaux anciens Xmen !
©Marvel Comics

X-Factor 1 sort en décembre 1985 mais par le truchement, établi et connu, des dates anticipées sur la couverture des comics, il est daté de février 1986. Comme semblait l’insinuer la couverture de ce numéro avec le slogan maintes fois rabâché : « Because You demanded it… », X-Factor est le prétexte tout trouvé par Marvel de réunir les cinq X-Men originaux éparpillés entre séries secondaires sans succès (Amazing Adventures), groupes divers et variés (Defenders, Avengers,…) et minis-séries. Le principe de base du slogan étant que Marvel faisait ce que les fans demandaient. Et les fans suivaient ce type d’accroches comme l’animal cher à Panurge. Le principe de l’auto-influence tout bêtement.

X-Factor devenait ainsi la troisième série continue dédiée à une équipe X, après Uncanny X-Men et New Mutants qui se vendaient très bien. John Byrne, en maître tout puissant à cette époque chez Marvel, fit le caprice de ressusciter Jean Grey dans les pages de Fantastic Four quelques mois auparavant. Ainsi rien n’empêchait Marvel de ramasser monnaie sonnante et trébuchante sans réellement de projet bien défini sur le long terme pour la série.

Difficile dans ces conditions de pouvoir pousser la série en avant autrement qu’en y apposant un énorme X sur la couverture. Difficile également, sans y mettre réellement les moyens, d’espérer fidéliser les lecteurs sur une base aussi fragile. Difficile surtout, John Byrne s’étant comme à son habitude carapaté vite fait une fois son acte accompli, de pérenniser un concept, certes bankable, mais très casse gueule.

Le bouton reset est enclenché : Cap' dédouane Jean des crimes du Phénix (C) Marvel Comics

Le bouton reset est enclenché : Cap’ dédouane Jean des crimes du Phénix
(C) Marvel Comics

Et si (soyons dans un trip « What If ? » mais bien réel) il était temps de faire passer au stade supérieur nos cinq X-Men originaux ? Faire évoluer des mutants ? Les faire grandir ? Et si, enfin, des auteurs décidaient que ce club des cinq (Hank remplaçant Dagobert dans le rôle de l’animal de compagnie, soyons fous…) allait devenir une équipe de référence ?

Cela démarre mal, le début est poussif sans réelles avancées scénaristiques. Bob Layton rame comme un galérien qui n’aurait pas choisi le bon bateau pour naviguer. Hank abandonne sa fourrure bleutée pour son apparence humaine première. Arrivée de nouveaux gentils et mauvais mutants pour constituer un casting original qui n’en a que le nom. Une némésis de pacotille (originalement le Hibou !) qui tire les ficelles en arrière plan…sauf que les ficelles sont grosses comme des cordes d’amarrages.
Tous les personnages gesticulent dans tous les sens sans mise en scène scénaristique. Et l’impression forte que les cinq principaux acteurs restent englués dans un statu quo atavique.

C’est l’arrivée d’un couple mythique d’auteurs qui va révolutionner réellement la série. Louise Simonson s’installe sur le titre au numéro 6, rejoint par Walter son mari au 10. Depuis plus d’un an, Louise s’est attelé à Power Pack qu’elle a co-crée avec June Brigman et qu’elle continuera d’écrire durant sa période X-Factor. Walter, lui, sort d’un run de plus de quatre ans sur Thor qu’il a écrit et dessiné, signant d’un brontosaure cette période mythique que très peu d’auteurs, ont égalé.
Le début de leur prestation commune est concomitante au Mutants Massacre et se terminera au n°39. Walter faisant quelques pauses (12, 16, 20, 22, 32 et 35).
Le graphisme de Walter est aux antipodes de ce qui se faisait auparavant. Plus punchy, il donne du mouvement à ses cases et les émotions sur les visages sont parfaitement retranscrites. X-Factor est passé à la vitesse supérieure niveau graphisme sans contestation possible.

Tout bascule pour Angel. ©Marvel Comics

Tout bascule pour Angel.
©Marvel Comics

Il en est de même quant aux intrigues mises en place par Louise.
Le pauvre Warren, la cinquième roue du carosse puisque son pouvoir consiste…à voler, se fait épingler tel un papillon par Harpon le maraudeur et ce, dès la dernière page du numéro 10. Ce type de scène cliffhanger a toujours été de mise chez Marvel comme chez DC. Mais à contrario de ce qui se faisait avant, il n’y aura pas de pirouette scénaristique de la part de Louise. Angel finira amputé de ses ailes. Privé de son pouvoir et de sa liberté, redevenu un simple « humain », il prendra la décision de se suicider au numéro 15. Pour mieux revenir en tant que Death, quatrième cavalier d’Apocalypse, 8 numéros plus tard durant l’event « Fall of the Mutants ». S’il fallait envoyer un message clair à Claremont qui n’avait jamais su quoi faire, Louise Simonson l’a fait. Faisant passer le friqué, naïf et pédant Warren Worthington III en un des personnages les plus torturés de l’univers X qui, scénaristiquement parlant, mettra des années à se reconstruire sans jamais arrivé à se débarrasser de ce côté sombre (en témoignent les Uncanny X-Force de Remender plus de 20 ans après).

L’exemple pris pour Warren, c’est l’arbre qui dévoile la forêt au lieu de la cacher.
En l’espace d’une trentaine de numéros, le couple aura permis le passage à l’âge adulte des cinq membres bloqués depuis leur création dans un statut d’adolescents en quête de reconnaissance (Ah sacré Charles Xavier et son complexe paternel de supériorité !).
Ainsi, Iceman entrapercevra à ses dépends, et l’aide d’Infectia, l’étendue de son pouvoir ce qui l’obligera à porter une ceinture de contrôle taille 3XL. Lancer des boules de neige ou fabriquer des toboggans de glace, ne va plus être sa préoccupation première. Dorénavant, éviter de transformer en Mister Freeze toute personne qui viendrait à lui serrer simplement la main, sera sa première obsession. En creusant cette idée, physiquement et psychologiquement parlant, au-delà de tout contact physique et donc social, Bobby grandit mais se prive par la même occasion de toute vie charnelle et sentimentale. Pas encore adulte, mais plus enfant…Le stade intermédiaire en somme.

C'est à partir de là que Iceberg montre qu'il en a dans la ceinture... ©Marvel Comics

Iceberg montre enfin qu’il en a dans la ceinture…
©Marvel Comics

Cyclops en parfait égoïste égocentré laissera tomber la mère de son fils et épouse, Madelyne, pour retrouver les bras de Jean, son grand amour de toujours. Scott devient un salaud par excellence. Roucoulant avec Jean, et laissant mourir de chagrin Madelyne. Essayer, sans succès contrairement à Archangel, de flinguer Hodge après sa trahison et beugler ses ordres tel un sergent de régiment à titre d’exemples, deviennent des attitudes coutumières de l’enfant tyran qui sommeillait en lui. Si Inferno a lieu, que des gens meurent par dizaines à cause de cette invasion démoniaque, c’est en grande partie parce qu’ivre de colère, Madelyne, ressuscitée deviendra la Goblyn Queen et concluera un pacte avec S’ym et N’astirh pour se venger. Inferno se concluant pour X-Factor sur la désintégration par Cyclops de Sinister, sa troisième figure paternelle après Charles et Corsaire, son père biologique.

Jean prendra son statut de femme au sens vrai du terme et ne sera plus cette gourde qui se met dans le pétrin pour être sauvée par son ou ses chevalier(s) blanc(s). Oubliée Strange « Girl » et tous ses côtés irritants. Elle devient le vrai leader d’X-Factor, calmant régulièrement les angoisses et les colères de Scott, incitant telle manœuvre dans une bataille, réussissant à faire basculer Archangel vers la lumière par ses mots, menant, quasi à elle seule, son équipe et les X-Men quand Inferno se déchaine. Sans sombrer dans un féminisme exacerbé qui aurait pu être caricatural sur le long terme, Louise lui fait prendre conscience de qui elle est et de ce qu’elle veut. Sa réssurection n’est pas seulement physique mais aussi mentale. Elle va progressivement apprivoiser le Phoenix qui sommeille en elle, cette part féminine reniée par elle et ses pairs depuis sa première apparition en 1963. S’assumer en tant que femme autrement qu’en faisant des tartes ou qu’en portant des robes plissées.
Hank, redeviendra Beast en recouvrant son apparence bestiale au numéro 33. Effaçant l’ineptie de Layton (ou celle de son éditor de l’époque), Louise remet en place la dichotomie de ce personnage. Intelligent mais au physique hors normes. Ce qui, néanmoins, ne l’empêche pas d’avoir une relation avec la journaliste Trish Tilby. La belle et la bête version comics.

L'age d'Apocalypse : des moments mémorables dans la mythologie de Angel !  ©Marvel Comics

L’age d’Apocalypse : des moments mémorables dans la mythologie de Angel !
©Marvel Comics

Les costumes, colorés façon « Mon Petit Poney » du début de la série, évolueront pour devenir plus agressifs en cours de run (n°26), donnant moins envie de s’y frotter. Les couleurs pastels ou gaies cédant la place à des couleurs plus froides ou agressives. Pour exemple l’ancien costume vert et jaune de Jean conserve le jaune associé à un orange sombre (les couleurs du Phoenix). Quand les jeunes loups aux dents longues, Jim Lee et Whilce Portacio, reprendront la série au numéro 65, leur première initiative sera de revenir à des costumes jaunes et bleues…comme trente auparavant, faisant fi (par manque de culture comics et de prospection intellectuelle) de ces costumes qui avaient fait entrer l’équipe dans une ère plus mature.

C’est cela la force de ce run de 30 numéros : avoir posé les bases de la psychologie des cinq membres pour les années à venir et aussi jalonné le sentier sur lequel, encore aujourd’hui à l’instar d’Hickman sur Dawn Of X, énormément d’intrigues se baseront.
Les Simonson créeront ainsi Cameron Hodge et ses Justes, donneront une stature et une dimension à Apocalypse en le liant à Archangel ; transformeront Madelyne Prior en une furie ivre de vengeance dans Inferno, la métamorphosant en Goblyn Queen ; offriront une dimension à Mister Sinister bien plus étendue qui perdure dans les comics actuels ; se débarasseront de Candy Southern, la girlfriend godiche et encombrante d’Angel ; amèneront Christopher, le fils de Scott et Madelyne vers son destin qui le verra devenir Cable ;…

Sans Walter au dessin, toutes ces métamorphoes n’auraient pas eu le même impact. Son style reconnaissable entre mille avec ses visages taillées à la serpe, les plongées et contre-plongées qui parsèment ses planches, la violence des explosions ou coups portés durant une bataille s’allient à merveille avec les scénarios de sa compagne. Simonson & Simonson sur X-Factor est comparable à Claremont & Byrne sur Uncanny X-Men quelques années en arrière. Walter étant également bon scénariste, il ne serait pas étonnant qu’il ait pu participé à l’écriture d’X-Factor vivant sous le même toît que sa dulcinée.

Arrêtez de me traiter de connaaaaaaaard !  Scott lave son honneur en explosant Sinistre !  ©Marvel Comics

Arrêtez de me traiter de connaaaaaaaard !
Scott lave son honneur en explosant Sinistre !
©Marvel Comics

Louise et Walter auront indéniablement marqué la série et les esprits avec leur run.
Louise continuera d’écrire X-Factor jusqu’au numéro 64 de la série avant que Jim Lee et Whilce Portacio n’en prennent les rênes pour six numéros. Walter ayant été appelé au chevet de Fantastic Four, il quittera le navire au numéro 39.

Au numéro 71, Peter David, arrivera pour relancer une toute nouvelle équipe entièrement remaniée, tout en devenant une autre excellente période pour ce titre. David, scénariste chez qui prime l’ascendant psychique des personnages, se servira de ce qu’avait insufflé Louise Simonson pour bâtir son équipe à lui. Qui sont Polaris, Quicksilver, Guido, Madrox et Wolfsbane sinon des seconds couteaux de l’univers X ? Des personnages dont on ne sait que faire ? Et en plaçant à leur tête comme Leader le frère même de Scott, Alex alias Havok, la tradition familiale des Summers d’être des « chefs » nés est respectée dans un sens. Mais ceci est une autre histoire que, peut être, je serai amené à vous conter dans une autre chronique.

En France, la série sera traduite dans le mensuel Spidey (86 à 114) puis ensuite dans la version intégrale Facteur-X par LUG/SEMIC. Avec la censure et le remontage de planches propres à l’éditeur lyonnais qui ne voulait pas traumatiser ses lecteurs…
Tous ces épisodes ont été republiés par Marvel dans leur collection Essential facilement trouvables sur Internet pour peu qu’on est familier de l’anglais. L e seul bémol est que, afin d’être économiques pour les lecteurs, les Essentials sont imprimés en noir et blanc.
Panini, fin novembre 2019, a publié X-Factor en Intégrale. L’occasion est donnée de s’y mettre sans se trouver de fausse(s) excuse(s).

La relève  ©Marvel Comics

La relève
©Marvel Comics

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La BO du jour

69 comments

  • Jyrille  

    C’est toujours un plaisir de découvrir une nouvelle plume, bienvenue donc Olivier ! Je ne suis absolument pas client des X-Men et de super-héros de manière générale, mais j’en ai de plus en plus à force de lire des articles ici-même.

    J’aime bien la plupart des scans, mais ce n’est tout de même pas le genre d’histoire qui m’attire. La couverture finale étant pour moi assez repoussante.

    Mais c’est toujours agréable d’apprendre des choses, sur tel ou tel run et surtout la situation éditoriale. Merci donc d’être venu partager ta vision sur ce run !

    La BO : j’adore.

  • Nicolas  

    Un grand merci pour ce bel article, un des meilleurs runs en comics des années 80 et de belles leçons de mise en page par Walt Simonson

  • Chip  

    Salut à toi et merci, ça me donne envie de me plonger un peu dans cette periode que j’ai négligée.

    N’empêche qu’on m’ôtera pas de l’idée que cette série a fait l’objet de la pire adaptation télé.

    • Bruce lit  

      @Chip
      Désormais le Salut à toi m’est indissociable de JP Fanguin….

      • Chip  

        Ça ou les bérus C’est ton choix.

        Bisous

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