Séductrice malgré elle

Fatale-vol 3 à l’ouest de l’enfer par Brubaker et Phillips

AUTEUR : PRÉSENCE

Une beauté fatale et un monstre fatal

Une beauté fatale et un monstre fatal©Image

Ce tome fait suite à La Main du Diable.

Il contient les épisodes 11 à 14, parus en 2013, écrits par Ed Brubaker, dessinés et encrés par Sean Phillips, mis en couleurs par Elizabeth Breitweiser et Dave Stewart.

Épisode 11 – En 1936 au Texas, un officier de police attend Joséphine dans un bar.

Elle est partie rendre visite à un écrivain appelé Alfred Ravenscroft. Dans une de ses nouvelles, elle a découvert des descriptions évoquant pour partie sa situation et ses sensations.

Épisode 12 – En 1286, en France, Mathilda, une sorcière, est mise au bûcher, par un étrange ordre religieux. Elle survit et s’enfuit dans la forêt où elle est recueillie par Ganix un ermite.

Épisode 13 – EN 1883, dans le Colorado, Joséphine est chef d’une bande de desperados. Elle est capturée par Milkfed (un indien) qui l’amène à Waldo Smythe, une sorte de bonimenteur itinérant.

Épisode 14 – En 1943, en Roumanie, le sergent Walter Booker découvre une carte qui le mène sur la piste d’un groupe d’individus se servant de la guerre mondiale pour nourrir la terreur. Joséphine bénéficie des enseignements de Mirela, une bohémienne disposant d’un savoir occulte.

Fatale Sorcière bûcher

La sorcière au bûcher©Image

Il est possible de commencer la lecture de la série par ce tome, sans rien perdre de l’histoire. Toutefois Ed Brubaker et Sean Phillips continuent bien de développer les thèmes abordés dans les 2 tomes précédents. Dès le premier tome La mort aux trousses, il était évident qu’ils souhaitaient rendre hommage au concept de Femme Fatale telle qu’il a pu être dépeinte dans les polars de type « hardboiled ». Joséphine est donc l’incarnation de la femme fatale, cette séductrice irrésistible.

Comme le tome précédent commençait à le montrer, Joséphine n’a pas toujours été une beauté fatale menant les hommes par le bout du nez. Ici Brubaker et Phillips montrent que dans les premiers temps ce pouvoir de séduction a plus été un fardeau, une malédiction qu’autre chose. Tout d’un coup, ils dépassent l’utilisation adroite et sophistiquée d’un cliché, d’une convention du polar, pour faire exister leur personnage de manière admirable, et pour évoquer la solitude qui peut être celle des femmes belles au point que les individus mâles sont incapables de les voir autrement que comme un objet de désir.

Une femme fatale

Une femme fatale©Image

La connivence existant entre les 2 créateurs leur permet de rendre évident cet état de fait en 1 seule case, avec peu de mots et juste 2 hommes se battant pour payer un verre à Jo. Avec cette simple case, Joséphine passe du statut de garce à celui de victime.

Contrairement à ce que l’éclatement du tome sur 4 périodes différentes pourrait laisser croire, la narration présente une forte cohérence. Brubaker entremêle avec élégance les phases d’apprentissage de Jo, avec des éléments venant aussi bien apporter un éclairage complémentaire sur des informations précédentes, ou ouvrir d’avantage l’horizon de la mythologie de cette série.

Phillips joue avec l’image de la femme forte pour un magnifique portrait de Joséphine en poncho, encore plus séduisante que d’habitude. Le scénario alterne les visions de Joséphine, entre féminité épanouie en tailleur ou robe blanche virginale, et tenue adaptée à l’effort physique (le jean & poncho, ou encore pantalon & bottes de cuir). Les créateurs se donnent comme objectif de montrer que Joséphine est l’incarnation de l’idéal de beauté féminine, dans tous les champs du possible. Le thème de la femme fatale n’est pas le seul qu’ils continuent de développer.

Jean & poncho

Jean & poncho©Image

Il y a bien sûr le cœur de l’intrigue avec ces monstres, et ces mystérieuses organisations secrètes, ainsi que les individus qui ont pu percevoir ce niveau de réalité, soit en le recherchant activement comme source de pouvoir, soit en y assistant par hasard.

Ils continuent également de rendre hommage à différents genres littéraires (ou sous-genres). À ce titre le premier épisode est un régal pour les connaisseurs. Joséphine est donc à la recherche d’un auteur de nouvelles et romans fantastiques, habitant avec sa mère dans un coin paumé du Texas. Il est possible de prendre la vie d’Alfred Ravenscroft au premier degré et de ne pas y prêter plus attention. Il est possible aussi d’y voir un hommage au créateur de Bran Mak Morn, et tant d’autres héros hors du commun.

Un coin paumé dans le Texas

Un coin paumé dans le Texas©Image

Le deuxième épisode dispense des effluves de Robin des Bois (parmi d’autres), le troisième est un hommage au western, et le dernier aux missions périlleuses pendant la seconde guerre mondiale. Ces hommages s’intègrent naturellement à l’intrigue, et sont rendus aussi bien par le scénario que par les dessins (pour ces derniers en particulier pour cette image de Joséphine l’arc à la main dans la forêt).

Brubaker et Phillips continuent d’élargir l’horizon du récit en introduisant de nouveaux personnages disposant tous d’une apparence unique (le policier Nelson, Alfred Ravenscroft et sa mère, Ganix et Mathilda, Milkfed et Waldo Smythe, Mirela), tout en consolidant la structure déjà établie avec des personnages déjà croisés (Walter Booker ou Mister Bishop).

Des nazis, toujours aussi méchants, et en plus avec des tentacules

Des nazis, toujours aussi méchants, et en plus avec des tentacules©Image

Ils élargissent également l’horizon de manière littérale en situant l’action dans de nouveaux endroits. Phillips est impressionnant dans sa capacité à donner corps à chaque environnement, de la petite maison de Ravenscroft envahie de livres et de manuscrits (il y en a jusque sur les marches de l’escalier), aux escarpements rocheux du Colorado.

La proportion de cases disposant d’un arrière plan dessiné en bonne et due forme est élevée, plus des 2 tiers des cases. La mise en couleurs permet d’installer une ambiance différente par séquence et de servir de rappel visuel de l’environnement lorsque l’arrière plan est vide. S’il n’est pas possible de déterminer qui s’est chargé de quelles couleurs (entre Beitweiser et Stewart), il est parfois possible de se dire que dans telle case, le traitement est un peu plus grossier que ce qu’aurait fait Dave Stewart tout seul (un coucher de soleil dans l’épisode 13 par exemple).

Des bouquins partout, même sur les marches de l’escalier ©Image

À la fin de ces 4 épisodes, le lecteur en ressort avec le sentiment inattendu d’avoir lu une histoire complète et consistante, variée et intelligente, avec un point de vue sur le fardeau de la beauté, et plusieurs hommages respectueux et élégants sur la fiction de genre.

Il a découvert 4 récits avec des personnages complexes et fascinants, et une intrigue à base de complot occulte de plus en plus palpitante. Il a voyagé aux côtés d’individus singuliers, dans des endroits uniques et dangereux.

One comment

  • Lone Sloane  

    Je viens de lire Velvet de Brubaker et Epting et avec Velevet Templeton it was love at first sight, Presence.

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