Sherlock House (Dr House)

Encyclopegeek: House

Une pilule de  : BRUCE LIT

1ère publication le 15/09/16- MAJ le 03/01/2020

He is the one they call Dr Feelgood

He is the one they call Dr Feelgood
©Fox

Cette encyclopegeek portera sur l’intégralité de la série House MD, soit Dr House dans nos contrées ou plus simplement House. Nous nous attacherons à la personnalité du Dr Gregory House son anti-héros.
Diffusée sur la FOX entre 2004 et 2012, la série comporte 8 saisons de 23 épisodes chacune avec une fin en bonne et due forme pour l’épilogue de 2008.

House a été créé par David Shore, produite par Bryan Singer, le papa des Xmen au cinéma et nous verrons qu’à certains égards House présente certaines similitudes avec les héros Marvel.
Enfin, il est impossible de ne pas saluer l’éblouissante composition de Hugh Laurie, à la base acteur comique britannique, pour son rôle de docteur américain qui sera probablement le rôle de sa vie. Sa composition lui vaudra deux Golden Globes deux années consécutives ainsi que d’autres distinctions.

Pour ceux qui souhaiteraient en savoir (encore) plus sur ce fabuleux personnage et son rapport à la philosophie de Sartre, je ne saurai que vous conseiller l’article très complet lui étant consacré sur Wikipédia, bien pratique pour éviter de revoir toute cette série au long cours.

L’article comme des métastases sera parsemé de spoilers en étant tout de même moins mortel.

Le mantra de la série : tout le monde ment ! ©Fox

Le misanthrope

Lorsque David Shore a en tête la création d’une nouvelle série médicale qui viendrait s’intercaler entre Urgences et Grey’s Anatomy, il a une idée très spéciale : plutôt que de se lancer dans un soap humaniste où tous les toubibs seraient beaux, gentils et bien intentionnés, pourquoi ne pas faire de son héros l’exact inverse ? House est un médecin brillant spécialisé dans le diagnostic différentiel. Entendez par là, qu’il est le Captain Flam de la médecine, celui que l’on appelle lorsque tous les autres ont échoué à diagnostiquer un patient mourant.

Entouré de son équipe, Gregory House aurait tout pour être heureux : il gagne bien sa vie, il est bel homme et plein d’esprit. Il est également à la tête d’une équipe de trois autres médecins,  travaille avec son ami Wilson (Oncologue) et entretient avec sa directrice Lisa Cuddy un flirt platonique entre amour vache et courtois.

Voici tout à fait le pitch d’une série TF1 (qui inexplicablement diffusera l’intégralité de la série en amputant bien sûr des scènes ou des répliques impolitiquement correctes) si ce n’est qu’une ombre de taille vient ternir le tableau : House est un misanthrope ! Un vrai ! Pas un ours mal léché qui dissimulerait ses faiblesses et son amour des autres derrière une attitude de façade. Non ! House déteste tout et tout le monde à commencer par ses patients à qui il évite d’adresser la parole !
A l’inverse des humanistes de  Urgences, il ne faut pas compter sur sa compassion si le diagnostic penche vers un cancer. Au contraire, il n’hesitera pas à faire une blague cruelle sur le temps qu’il vous reste, les effets de la chimio ou la platitude de votre attitude face à la mort.  Impossible ? On se rappelera que le plus grand écrivain français du XXème siècle, Louis Ferdinand Céline, était lui aussi médecin, et ne brillait pas par son altruisme….

Travailler avec House est épuisant. Ce génie de l’observation est capable de savoir en clin d’oeil ce qui cloche chez vous et dans votre vie.  Tout au long de la série, House mène la vie dure à son équipe qu’il vire sans scrupule, rabaisse ou qu’il contredit en permanence.
Ses supérieurs ne le supportent pas car il viole en permanence l’éthique médicale, que ce soit dans le rapport aux patients ou aux protocoles. D’ailleurs, plusieurs fois au cours de la série, House est menacé ou perd son droit d’exercer la médecine à force de dépasser les bornes. Il est même abattu à la fin de la saison 2 par par un patient en colère !!


Les risques du métier : le Dr abattu !

Enfin, que ce soient Cuddy à qui il voue d’authentiques sentiments amoureux contrebalancés par ses pulsions autodestructrices ou Wilson son seul ami qu’il passe son temps à ridiculiser (du genre à diffuser publiquement  un film de jeunesse érotique où l’Oncologue est déguisé en cerf !!?), ceux qui aiment House seront tentés tout au long de ses 8 saisons de le laisser tomber, tant l’amitié de cet homme est aussi pénible que celle de Rorschach.

Mais arrivé à ce stade de l’exposé, il convient de tenter de répondre à cette question: pourquoi le public et le casting de la série a supporté pendant huit ans un personnage aussi odieux ?

L’affaire Gregory

Premierement, Gregory House porté par le charme de Hugh Laurie est un type cool. Un rocker dans un hôpital. Il ne porte jamais de blouse blanche, arrive à moto en baskets et une barbre de trois jours. Plus drôle et spirituel que Deadpool, il est aussi imprévisible et a des manières de polisson. En fait, par moment, on y retrouve le volet victimes consentantes de chez Gaston: tout le monde en a marre des blagues de House, mais lorsqu’il n’est pas là, l’hôpital semble étrangement vide.

Manipulateur et cynique, il est capable dans une même scène de feindre la gentillesse et l’attendrissement avant d’achever son interlocuteur de vannes qui font encore le bonheur d’internautes.
Ses réparties proviennent aussi bien de la culture rock (les  Rolling Stones ou Syd Barrett, le fondateur de Pink Floyd sont convoqués), que des séries TV de l’époque (Jack Bauer de 24), de jeux vidéo, de Star Wars ou de la littérature.images

xav_1

Gregory House et Charles Xavier : deux mentors à l’esprit vertigineux paralysés par un corps qui les trahit
©Marvel Comics
©Fox

Le volet rocker sera assumé jusqu’au bout de la série. House joue de la guitare le soir après le boulot,  il n’hésite pas à se payer des putes qui s’attachent à ce bel homme torturé et enfin, Gregory House se drogue ! On se rappelle que Kurt Cobain justifiait son addiction à l’héroïne comme seule capable de calmer ses ulcères d’estomac. House lui  est accroc à la Vicodin, un calmant qu’il avale à la vue de tous comme des smarties pour oublier une horrible douleur à la jambe. Celle-ci a été attaquée par une tumeur l’ayant atrophiée et torture en permanence le brillant médecin.

Comme Charles Xavier des Xmen, House est un bienfaiteur incapable de se guérir lui même. C’est un meneur handicapé. Un homme fort dans ses fondations (House veut dire maison quand même, vous n’êtes pas si nuls en anglais !) mais humilié par la maladie. Comme Xavier encore, il récupérera provisoirement au cours de la série ses jambes avant que le retour au statu-quo ne le paralyse de nouveau. Il  sombrera passagèrement dans la folie et la violence avant d’être incarcéré. Comme Xavier au moment d’Onslaught.

Sois calme ma douleur

Comme en BD, le médium de la série télévisée permet de connaître l’homme derrière le médecin.
C’est de la triche ! Car dans la vie, on aurait sûrement envie de tuer un mec comme House.  Pourtant son combat contre la douleur achève de le rendre attachant. Le public admire son courage et souvent sa folie, celle consistant à s’opérer lui même sans anesthésie pour tenter de retirer ses tumeurs.

Car dans certains moments, House est admirable. Le public est tenté de se reconnaître dans un type si brillant qu’il ferme son clapet à n’importe qui, quelque soit son rang social. Allons plus loin:  on a tous en nous quelque chose de Gregory House. Cette envie de se  soustraire à toute notion de Surmoi, de balancer tout ce que l’on a sur le coeur à tous ceux qui nous empoisonnent l’existence.


C’est un docteur abandonné, qui a vécu sans se retourner….

House en celà est un personnage romanesque fascinant. Il est la personnification de l’égoïsme sans que celui-ci ne soit malveillant. Car House, en dépit des apparences n’est pas un sadique, ni un pervers qui jouit de la souffrance d’autrui.
C’est au contraire un personnage tragique qui a intégré sa propre mortalité et qui choisit de vivre sa vie seul. Sans souffrir ni faire souffrir. Et qui va constamment se heurter à l’obligation de vivre avec moins brillant que lui.

Car aussi cool que House puisse paraître, la série ne prend aucun gant avec lui: c’est un inadapté, certes génial, mais dont la misanthropie va le mener dans un drame crescendo aux frontières de la folie et de la mort.
Lui qui refuse de s’attacher à quiconque sera très perturbé lorsque l’une de ses employés mourra en accident de voiture et qu’un autre se suicidera.  Lorsque pour la première fois de sa vie, il aura besoin d’aide dans une situation critique, personne ne répondra à ses appels au secours.

Accroc à la vicodin, notre héros sera progressivement en proie à des hallucinations nuisible à son travail. Il acceptera de se faire interner en psychiatrie, suivre une thérapie avant d’échouer. Car House est incapable d’être heureux.
Doté de capacités surnaturelles à percevoir l’invisible, ce qui le fait exceler dans son métier le détruit en tant qu’être humain. Sans son travail de médecin, House n’est rien.

La solitude du génie

House incarne la liberté absolue : celle de n’être soumis ni à sa hiérarchie, et encore moins aux relations amicales ou amoureuses. Il est un déviant intégré, un type qui aurait pu finir tueur en série finalement si, paradoxalement, il n’était pas, en dépit de lui même une force de vie. Un guérisseur en série.

Lorsque Wilson sera interrogé sur les raisons de son amitié, il répondra que House est une force de la nature qui emporte avec lui toute convention, tout cliché. House est une force du bien qui en dépit de ses provocations sauve des vies humaines là où personne n’y parvient. Supporter sa folie est un moindre mal pour Wilson au regard du nombre de vies qu’il sauve.

Il s’inscrit en celà dans les caractéristiques des héros doubles des séries des années 2000. Comme Vick Mackey (le flic pourri de The Shield), comme Dexter Morgan (le tueur en série d’ordures dans Dexter), comme Jack Bauer (une brute qui massacre les terroristes dans 24), Gregory House est un anti-héros ultra compétent dans son métier mais un échec en tant que citoyen d’une société ne tolérant ni la déviance ni que la fin justifie les moyens.

Sa misanthropie est finalement une résultante de son grand professionnalisme. Confronté à la mort et aux maladies les plus perverses qui se masquent derrière de faux symptômes, House adopte la posture d’un Socrate ou Descartes: tout le monde ment. House ne fait confiance en personne et surtout pas au malade qui tentera au maximum de minimiser sa responsabilité dans ce qui lui arrive.

Libre de tout affect ou de sentiments, Gregory House peut aller là où ça fait mal, faire accoucher l’autre de sa vérité pour lui éviter de mourir.
House ne vit pas avec les autres mais contre eux. Ses équipiers ne lui sont valables que comme contradicteurs, gardiens du sens commun qu’il réfute pour aller au delà. Il est le voyant cher à Rimbaud qui a atteint les vérités les plus douloureuses et masquées par une société trop policée.


L’arrogance de House le mènera en psychiatrie et en prison

Les Showrunners se régaleront avec Gregory House qui sera impeccablement écrit du début à la fin, à l’inverse d’un Dale Cooper dans Twin Peaks.
Nous irons plus loin. Parfois, House et ses réparties constitueront l’unique interêt d’une série qui sur la fin sera victime du syndrôme Marvel.  Interné ou en prison, House finit toujours par reprendre ses activités comme si presque de rien n’était.  En 8 ans le déroulé de chaque épisode restera similaire: une maladie inconnue, un premier traitement à côté de la plaque et House qui trouve la vérité dans le dernier quart d’heure après avoir épuisé ses hypothèses et son entourage.

Làs, House avec Dexter, Californication ou 24 fera partie de ces shows trop frileux qui bousculent le héros en chaque début et fin de saison pour le réintégrer dans sa routine à chaque fois.

Un Sherlock Holmes moderne

David Shore ne s’en est jamais caché : il a voulu faire de son médecin à la canne un Sherlock moderne. Tout d’abord dans la consonance des noms : House=Holmes, Wilson=Watson. Son premier patient s’apelle Rebecca Adler en référence à Irène Adler (et Destiny des Xmen ! ), la seule femme ayant tenu tête à Holmes.  House habite au 221 Baker Street et est abattu par un patient nommé Moriarty !

Comme si le doute était encore possible, nous dirons que House est imperméable aux sentiments qui viendrait fausser son esprit de déduction, qu’il est musicien (guitare pour House, violon pour Holmes) et drogué (cocaïne pour Holmes, Opiacé pour House). Que son seul ami est à la fois son souffre douleur et le témoin de ses exploits. La maladie est traquée sans relâche comme un criminel par House : celui-ci envoie son équipe perquisitionner le domicile du patient pour y trouver des empreintes , des causes d’infections ou des traces de bactéries.

Sherlock House

Sherlock House
©Fox

L’esprit de déduction permet à Holmes/House de triompher du mal, mal à prendre au sens littéral pour le médecin. Si un certain sentiment de justice à accomplir est prégnant chez Sherlock Holmes, le bien être du patient désinteresse House au plus haut point; ce qui lui importe étant la quête de vérité. Toutefois cette quête est dangereuse: lorsque le formidable esprit de Holmes n’est pas en activité, celui-ci tombe dans de terribles accès dépressifs. House quant à lui flirte avec la folie et l’exclusion sociale.

Dans un épisodes non canonique (Sherlock Holmes contre Jack l’éventreur), Sherlock affronte le plus grand tueur en série de tous les temps. L’épilogue montre que Holmes EST Jack. Ce qui fait l’attrait de Holmes ou House est ce qui fascine chez les tueurs en série: des êtres suprêmement intelligents, méthodiques, instruits que la société ne peut plus canaliser dans leurs pulsions. House, lui, n’est jamais tenté par le meurtre. Il ira jusqu’à condamner un de ses équipiers qui laisse mourir un dictateur africain. Et ici l’interprétation de Laurie fait toute la différence.

House se comporte comme un connard mais n’est pas un monstre. Ses doutes, ses peurs sont silencieuses et souvent perceptibles dans le regard bleuté de son interprète. House a toujours un temps d’angoisse avant de peser sur le diagnostic vital de son patient. Aussi misanthrope soit-il, House défend les valeurs de la vie et de la logique sur l’obscurantisme et la religion.
Tout au long de la série, il n’aura que mépris envers tous les patients qui tentent de se suicider et ceux cherchant consolation dans la vie après la mort.

Enfin, comme Holmes, House simule sa mort  à la fin de la série en se rendant compte de l’impasse où l’a menée sa vie. Il décide de prendre un nouveau départ pour assister son ami Wilson atteint d’un cancer incurable.


Tu n’as pas réussi dans la vie tant que tu n’apparais pas dans les Simpson !

La question de confiance

Car paradoxalement, ce misanthrope génial apparaît comme un dernier bastion d’honnêteté et d’intégrité. House tutoie la mort et la maladie. Il ne sait pas mentir et est homme de parole. Lorsque son employée, le Dr Hadley apprend qu’elle est atteinte de l’horrible maladie de Huntington, elle se tourne vers House pour lui faire promettre que le moment venu, il l’aidera à mourir.

Lorsque l’oncologue, le gentil Dr Wilson, est à son tour victime d’une tumeur foudroyante, House décide de l’accompagner jusqu’aux portes de la mort quitte à se mettre en danger. Un parallèle pourra être ici dressé avec la relation entre Matt Murdock et Foggy Nelson dans le DD de Mark Waid. House et Murdock sont deux héros  obsessionnels que leur quête de vérité a mené aux frontières de la raison et radiés de leur licences professionnelles. Pour aider leur ami dans l’affrontement du cancer, ils simulent la mort pour un nouveau départ.

Ainsi s’achève cet article sur Gregory House, un anti-héros incroyable qui aura permis sous couvert de divertissement familial de parler à des heures de grandes audiences de philosophie, de mort et de maladie et de comment affronter tout ça.

Gregory House nous aura malmené pendant 8 ans avec ses sarcasmes et son non respect des conventions. Mais pour certains, dont votre serviteur, il aura guéri via le tube cathodique et des dialogues souvent magnifiques, pas mal d’angoisses existentielles et apporté un supplément de regard sarcastique sur nos trajets de vies en plus du portrait attachant d’un homme qui refuse de rentrer dans le rang et se bat comme un lion contre l’obscurantisme, la fatalité la mort. Never give up encore et toujours….

house_5

Source : Youtube

Foggy Nelson et James Wilson découvrent leur cancer et vont devoir compter sur leur copain tête brûlée
©Marvel Comics
©Fox

29 comments

  • Kaori  

    Oh, un article sur House !
    Bravo, ça c’est de l’article complet !
    Rien à a ajouter, c’est une des séries où on pouvait rater un épisode sans perdre le fil rouge de l’histoire, mais tout en faisant en sorte de ne jamais en rater un seul tellement c’était bien écrit….
    Bien sûr, par moment, ça s’essouffle, et il faut poursuivre malgré toutes les péripéties. Il y a quand même des épisodes qui sortent du lot…
    Tu as parfaitement décrit le personnage ainsi que le talent de Hugh Laurie, délicieusement cynique et touchant à la fois.
    Et bravo aussi pour les thèmes philosophiques.
    Je n’avais pas pensé à Matt et Foggy. Bien vu…

    • Bruce lit  

      Merci Kaori.
      Quelqu’un a des nouvelles de Laurie ? Il continue de tourner ?

    • Eddy Vanleffe  

      génial cet article que j’avais pas vu-ou oublié-
      la grosse erreur de la série ce d’avoir soudainement focalisé sur les histoire de cœurs des personnages au détriment des enquêtes médicales qui font des quatre premières saisons une tuerie absolue d’inventivité, de questionnement intelligent et de rire cynique bienfaisant…
      a ce titre alors que tout le monde semblait avoir lâché, la dernière saison renoue avec sa verve d’antan grâce à un renouveau du casting désopilant…

  • Nikolavitch  

    après se pose l’éternelle question :

    Si en frappant le sol de sa cane, le médecin boiteux Don Blake se transforme en Thor, Greg House se transforme-t-il en Loki en faisant de même ?

Répondre à Présence Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *