Un cochon en cage sous antibiotiques (Top 10 Radiohead)

Top 10 : Radiohead

Une playlist technophile et phobe par FLETCHER ARROWSMITH et CYRILLE M
Illustration de Joshua Budich
Source Pinterest

Cet article, qui ne pourrait pas exister sans les sites Wikipedia, Youtube et Genius, comporte beaucoup de liens et de chansons bonus. Nous vous conseillons donc d’écouter d’abord les dix morceaux mis en avant (placés en titre, gras et majuscules, suivis par le nom de leur album d’origine entre parenthèses), dans l’ordre, avant d’explorer tous les autres chemins possibles. Pour les plus curieux, nous vous invitons à regarder ce documentaire d’Arte.

L’introduction de Cyrille

Après Depeche Mode, Coldplay et Queen, je me suis aperçu que cette formation majeure n’avait pas encore été explorée sur ce blog. Surtout que notre histoire – celle qui me lie à Radiohead – est ancienne, les ayant découverts à leurs débuts, grâce à une Black Session de Bernard Lenoir (les Black Sessions étaient des concerts en direct diffusés sur France Inter, ayant lieu dans un des studios de la maison de Radio France. Ils sont les descendants directs des John Peel Sessions anglaises. Je les enregistrais sur des cassettes audio).

A l’époque, le groupe se différenciait un peu grâce à ses trois guitaristes, le chanteur Thom Yorke ne la lâchant pas malgré ses envolées lyriques. Le concert était sympa mais pas non plus exceptionnel. Creep (spéciale dédicace à Tornado, t’as vu, je mets des liens en plus du Top, et il y en aura d’autres) se démarquait clairement des autres titres, devenant un classique instantané, mais l’album qui en sortit ne me transporta pas plus que ça. Le second non plus, malgré toutes ses qualités et ses bonnes chansons. Radiohead n’était encore qu’un groupe de rock anglais des années 90 de plus, talentueux et sérieux, jouant le jeu des clips vidéo et des interviews, risquant même de devenir un one hit wonder, la bande d’un seul tube. C’était chouette de voir ces cinq jeunes devenir les héritiers des Smiths, surtout que le nom du groupe venait d’une chanson des Talking Heads. Mais il ne dépareillait pas de mes autres chouchous du moment, il semblait même parfois fade.

Rien ne pouvait donc nous alerter de ce qui allait suivre. Les cinq jeunes vieillirent ensemble et devinrent un marqueur du rock, un mètre-étalon. Ils sont les premiers à avoir publié un album à télécharger au prix souhaité par l’acheteur, se passant de diffuseur. Le groupe n’a jamais changé de membres ou n’en a ajouté, à l’exception d’un batteur supplémentaire sur scène depuis 2011. L’entité reste la même, de la même composition : Thom Yorke au chant, guitare et claviers, Jonny Greenwood à la guitare, claviers, Ondes Martenots et autres, son frère Colin Greenwood à la basse, Ed O’Brien à la guitare et aux chœurs, et Philippe Selway à la batterie et aux percussions (grosso modo, car ils ont multiplié les expériences sonores, et donc les instruments, électroniques ou non).

Très gentiment, Fletcher m’a proposé son aide pour élaborer cet article : choisir dix titres sur une carrière de trente ans, c’est pas de la tarte aux pommes.

L’introduction de Fletcher

Quand j’ai appris que Cyrille souhaitait écrire un TOP 10 sur Radiohead, je n’ai pas hésité à proposer ma contribution. Ecrire un article musical est un de mes rêves de chroniqueur amateur. Avec Bruce Springsteen, Serge Gainsbourg, I AM ou encore Ben Harper, Radiohead fait partie de mon éducation musicale. Aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours écouté du Radiohead, dès PABLO HONEY. Ils m’ont accompagné lors de mes études supérieures avec un concert à Toulouse en point d’orgue en 1997. Chaque album, chaque nouveau single fut un évènement en soi. Avec Radiohead j’ai commencé l’acquisition de CD pirates ou importés (souvent du Japon), bien avant les fameux bootlegs de Bob Dylan. Je me rappelle avoir défendu bec et ongle le déstabilisant KID A où j’avais l’impression de vivre par procuration l’hystérie et le rejet du dernier épisode du Prisonnier. J’ai contribué à l’opération Pay as you want de IN RAINBOWS dont je possède une version physique avec les autocollants pour créer son propre CD (je n’y jamais touché).

Radiohead fait donc partie de ma vie et reste à ce jour l’un des rares groupes de musique à continuer à me surprendre et à me procurer des émotions à chaque écoute. Il a donc fallu choisir cinq titres et apprendre à écrire dessus. Preuve d’une œuvre protéiforme dont on ne finit jamais de faire le tour, nous avons réussi avec Cyrille à n’avoir aucun titre en commun dès nos premières propositions.

AIRBAG (OK Computer, 1997) par Cyrille

℗ 1997 XL Recordings Ltd

Comme la plupart des groupes et artistes, les disques de Radiohead commencent souvent avec un titre accrocheur et fort. Le premier de OK COMPUTER ne déroge pas et affiche immédiatement sa différence avec les précédents : un son plus brut, un rythme syncopé (j’ai oublié de quelle technique il s’agit, un moulin ?), une basse minimaliste qui ne joue que sur certains accents, des breaks bruitistes et un texte qui débute en parlant de la prochaine guerre mondiale. De quoi cela parle-t-il ? D’un accident de voiture, pardi.

OK COMPUTER devint rapidement un album culte, révéré par la critique tant que par le public, se hissant au niveau de celui des REVOLVER, SERGENT PEPPER’S LONELY HEARTS CLUB BAND (The Beatles) ou HARVEST (Neil Young) et les meilleurs Rolling Stones, Led Zeppelin, Bob Dylan, bref, un enregistrement inoxydable et inusable, un coup de maître. Je ne sais quels sont les sentiments qui ont pu assaillir les membres de Radiohead à ce moment-là, mais ils décidèrent, pour la suite de leur carrière et à l’instar de Talk Talk, de ne pas réitérer l’exploit et de prendre la main à tous les niveaux.

Toute la thématique tourne autour d’une dystopie, parle de l’aliénation générale de la population (Fitter Happier, Let Down – cette dernière résumant musicalement à elle seule PABLO HONEY et THE BENDS), sa musique oscille entre effets électroniques et rock classique, tombant même dans le style progressif (tel que déjà vu chez les Beatles ou Queen, pas Yes, soit une succession de saynètes musicales) avec PARANOID ANDROID. Celle-ci fait directement référence à la science-fiction de H2G2, le roman de Douglas Adams connu chez nous comme LE GUIDE DU VOYAGEUR GALACTIQUE : le paranoid android, c’est Marvin, le robot dépressif. Sur les albums ultérieurs, le groupe explorera concrètement sa relation à la technologie tout en tenant un discours presque militant : ils ne se donneront jamais le rôle de porte-parole ou porte-drapeau.

Moi, en 1997, très loin de savoir tout ça, après m’être rendu à leur concert à Belfort, je n’ai fait que l’écouter en boucle : devenu soldat de deuxième classe du contingent quatre-vingt-dix-sept zéro huit, il fallait bien se remonter le moral.

JIGSAW FALLING INTO PLACE (In Rainbows, 2007) par Fletcher

℗ 2007 XL Recordings Ltd

Comme un opéra en trois actes, JIGSAW FALLING INTO PLACE (jouée dès 2006 en concert sous le titre « Open Pick ») renoue avec le côté rock de THE BENDS en chassant sur les terres de Led Zeppelin. Pour les frustré(e)s ou déçu(e)s de l’évolution prise avec KID A et AMNESIAC, JIGSAW FALLING INTO PLACE reste sûrement le titre le plus facile d’accès, en toute relativité, pour ceux qui n’ont pas encore fait une croix sur Radiohead.

Inspiré par ses week-ends oxfordiens, Thom Yorke, qui a repris une écriture à la première personne pour la plupart des titres de IN RAINBOWS, nous convie à un joyeux bordel d’une folle soirée so rock’n roll (« Just as they play your favorite song ») placée sous le signe de la défonce (« Just as the drinks arrive / Before you’re comatose ») dans un décor d’Alice aux pays des merveilles sous substance démesurée (« The walls are bending shape / They’ve got a Cheshire cat grin »), mais surtout du coup d’un soir.

Concluant le triolet magique d’un album aux couleurs retrouvées, JIGSAW FALLING INTO PLACE succède au très romantique HOUSE OF CARDS en ouvrant sur le thème de l’amour (« Just as you take my hand / Just as you write my number down »). Thom Yorke reconnaît que IN RAINBOWS peut être écouté comme l’album de la séduction (« You eye each other as you pass »), le plus sexy d’une discographie jusqu’à alors assez sombre tendance parfois nihiliste. Il s’agit ici d’une connexion entre deux êtres, qui peut se produire, imprévisible, inimaginable dans un tel contexte où on cherche d’abord à se mettre la tête pour oublier (« As your bad day disappears »). Les planètes s’alignent, les pièces du puzzle se mettent en place (« Jigsaw falling into place »). Radiohead décompose le coup d’un soir en trois parties imbibées : le flirt, la relation (espérée ? consommée ?) et la rupture. Soirée éclair, amour kleenex à l’image d’un énième shot qui ne peut que se conclure sur une fin prévisible tachée de regrets.

D’une durée de quatre minutes et dix secondes, JIGSAW FALLING INTO PLACE adopte la cadence plutôt élevée de la batterie de Philip Selway comme symbole de la soirée décrite. Les changements d’accords sont mêmes saccadés tout comme les images dans la tête du narrateur. Cet avant-dernier titre de IN RAINBOWS comporte un pont (vers 2’50) symbolisant éventuellement la fin de l’acte sexuel (« Come on and let it out »), les gémissements s’éteignant à la fin du deuxième tiers ou bien la fin des illusions, les premiers regards passés.

IDIOTEQUE (Kid A, 2000) par Cyrille

℗ 2016 XL Recordings Ltd

Après être devenu le plus grand groupe de rock au monde quand ça voulait encore dire quelque chose, nos cinq amis étaient forcément très attendus au tournant. Et à la surprise générale, ils engendrèrent KID A, qui donne la part belle aux samplers, aux ordinateurs, à la musique électronique, tout en utilisant quand même les instruments traditionnels du rock.

Au niveau de l’image, ce fut également un revirement dans la continuité : les arabesques diverses, les collages de manuels industriels et technologiques furent remplacés par des images clairement faites à l’ordinateur, la pochette très sombre tranchant avec la blancheur du précédent et mettant en avant une montagne, sans doute celle à franchir pour comprendre ce sommet (quelle impertinence !).

Me le procurant en CD dès sa sortie, je me retrouve avec une version collector comportant une erreur d’édition. Les trente premières secondes sont la fin d’un concert enregistré de je ne sais quel artiste (Pearl Jam! NdBruce), on entend les cris et sifflets de la foule, puis l’album commence. Mais ce décalage persiste : les trente dernières secondes du premier morceau se trouvent sur la piste numéro deux, et ainsi de suite. Pas très pratique donc pour n’écouter qu’un titre en particulier ou pour ripper en numérique.

A l’époque je me rends compte que cela ne me dérange pas pour deux raisons : la première est que, seul au bureau, j’écoute KID A en boucle sans m’en apercevoir, et malgré son approche diamétralement opposée, je le trouve excellent. La seconde, c’est que je crois benoîtement que ces réactions du public sont volontairement mises là, explicitant les choix du groupe, fatigué des tournées et du succès disproportionné.

Dix ans plus tard, il est considéré comme le meilleur album de la décennie, tous styles confondus, par plusieurs magazines influents, le plus étonnant résidant peut-être dans le gigantesque succès commercial d’une musique aussi opaque.

Commençant par un hypnotique Everything In Its Right Place où nous sommes invités par un Fender Rhodes (un clavier dont la sonorité si caractéristique est purement mécanique contrairement à ce que je crus pendant longtemps), les chansons, qui ne se ressemblent pas vraiment, font partie d’un tout. Comme tous les grands albums (je ne citerai que comme exemple le DISINTEGRATION de The Cure), il s’agit d’un bloc fonctionnant dans sa totalité et pas vraiment par la spécificité de chaque titre. Aucun single n’en a d’ailleurs été issu. Le choix me fut donc compliqué tant je les aime toutes. J’aurais pu par exemple choisir The National Anthem, tendu autour d’une basse saturée et répétitive qui peut rappeler Joy Division et finissant par des improvisations de cuivres très jazz. Mais finalement, c’est bien IDIOTEQUE la pièce centrale et la plus représentative de ce que le groupe propose dans KID A : un trip electro sur des boîtes à rythmes inquiétantes.

RECKONER (In Rainbows, 2007) par Fletcher

℗ 2007 XL Recordings Ltd

RECKONER (parfois connue sous le nom de Feeling Pulled Apart by Horses) est sûrement une des plus belles chansons du groupe. Septième titre de IN RAINBOWS, elle inaugure le climax de l’album qui se poursuit avec les deux titres qui suivent immédiatement (HOUSE OF CARDS et JIGSAW FALLING INTO PLACE). RECKONER est un petit bijou de pop lyrique, une suite à NO SURPRISES qui supplante son aînée en termes de sensations. Le titre fait partie de ces rares chocs émotionnels que l’on peut ressentir lors d’une première écoute (personnellement JUNGLELAND de Bruce Springsteen m’avait également fait le même effet).

Les cymbales de Philip Selway vous enveloppent avec leur rythme lent, tout en douceur et retenue. Les riffs de guitare se font plus discrets, se fondant dans une atmosphère musicale (arrangement de Jonny Greenwood) calme, relaxante et reposante. On se laisse bercer, subjugué et ensorcelé par la voix en falsetto de Thom Yorke qui n’intervient qu’au bout de quarante-cinq secondes. Le fameux « Because we separate, like ripples on a blank shore », au-delà de la mysticité des paroles, transcende le single, arrivant dans une parfaite harmonie au bout de 2’31. Radiohead ne renie pas le terme de love song avec néanmoins un côté doux amer (« Bittersweet distractors »), évitant la mièvrerie et la facilité souvent dévolues à ce type de titre.

C’est une des compositions du groupe qui donne le plus sujet à discussion sur le sens des paroles. Venant juste après FAUST ACT, on peut voir dans RECKONER une illustration du pacte entre Faust et Mephistophélès. D’ailleurs le « In rainbow » (qui donne son nom à l’album) à peine susurré semble provenir de l’œuvre de Goethe « Life is not light, but the refracted color ». Je vous livre une des interprétations les plus intéressantes que j’aie pu lire : le Reckoner (Méphistophélès) est celui qui vient vous réveiller alors que vous souhaitez rester dans un état de béatitude entre rêve et réalité. Chez Goethe, Faust (le chanteur) éprouve ce moment de pur bonheur à travers le rêve, tandis que Méphistophélès tente de réclamer son âme. C’est un état de transition entre deux mondes, voie transitoire de la vraie nature avec laquelle nous devons tous compter et surtout accepter.

Le riff de RECKONER a été imaginé en hommage à John Frusciante, le guitariste des RED HOT CHILI PEPPERS.

A WOLF AT THE DOOR (Hail to the Thief, 2003) par Cyrille

℗ 2003 XL Recordings Ltd

Réaction directe à l’élection de Bush Jr., HAIL TO THE THIEF est l’album le plus ouvertement politique des Oxfordiens. Tentant de réunir les deux tendances musicales du groupe, guitares d’un côté et samples de l’autre, il peine à fournir une cohérence sur la longueur. Pourtant, c’est celui qu’ils auront sans doute le plus préparé en amont, et au détour d’une entrevue, j’y apprendrais qu’une des influences majeures de Jonny Greenwood est bel et bien Neil Young.

S’il démarre encore une fois superbement avec un 2 + 2 = 5 rageur qui ne dit pas autre chose que ce que mon jeu de rôle Paranoïa disait, qu’en gros que le gouvernement ment (un groupe de geeks pour les geeks, ça me va, même si ici la référence est le roman 1984 de George Orwell), c’est bien le dernier titre que je préfère. Avec un couplet presque rap, anxiogène par son rythme inéluctable, et un refrain lumineux malgré des paroles angoissantes, Radiohead renouvelle sa façon d’écrire et atteint son objectif : dès la fin de la chanson, je remettais le disque.

NO SURPRISES (OK Computer, 1997) par Fletcher

℗ 1997 XL Recordings Ltd

Avec OK COMPUTER, RADIOHEAD rentre définitivement dans le cercle fermé des grands. Leur troisième album met tout le monde KO debout notamment ceux qui n’avaient pas su déceler le potentiel du groupe d’Oxford. Prendre un single de OK COMPUTER était une évidence, la difficulté restait dans le choix. Parfois, il faut savoir être honnête et jouer sur la simplicité. Partir sur NO SUPRISES peut passer pour une non surprise comme choix. Mais aussi longtemps que je m’en souvienne, c’est clairement le titre que j’ai retenu lors de ma première écoute de ce magnifique album déjà conceptuel, précurseur et annonciateur du nouveau millénaire. J’y suis à chaque fois revenu, notamment en traquant des versions jazzy ou chorale comme sur Twilight Piano Moods.

NO SUPRISES est le premier des trois titres avec LUCKY et THE TOURIST qui conclut l’album. Après avoir exploré un monde qui se cherche, qui a déjà entamé sa fuite en avant, Radiohead souhaite finalement ralentir la course du temps et poser une conclusion. Revoir nos ambitions où plutôt prendre le temps de s’interroger sur le sens de ce machin qu’est la vie (« You look so tired, unhappy »). Ralentir pour aspirer à une existence plus simple et paisible sans surprise (« I’ll take a quiet life, a handshake of carbon monoxide, and no alarms and no surprises ») pour sortir des cadences et des bullshit work (« A job that slowly kills you ») qui pourrait se résumer à simplement une maison (« Such a pretty house, and such a pretty garden »). Une seconde lecture, brouillée par le clip, peut amener à interpréter la chanson comme le cri d’alarme d’une humanité au bout du rouleau.

Sur un tempo assez lent en tonalité de FA majeur, OK COMPUTER se distingue par son introduction jouée par Jonny Greenwood avec un glockenspiel (instrument de percussion, sorte de carillon à main) inspiré par les sons enfantins du PET SOUNDS des Beach Boys. Le groupe cite également Marvin Gaye et Louis Armstrong (WHAT A WONDERFUL WORLD) pour l’ambiance mélodique et lente.

STREET SPIRIT (FADE OUT) (The Bends, 1995) par Fletcher

Le clip

L’enregistrement

℗ 1995 XL Recordings Ltd

Ecouter à nouveau THE BENDS, c’est comprendre que RADIOHEAD a eu une vie avant le big bang OK COMPUTER. Si PABLO HONEY est encore brouillon, THE BENDS reste bien un album rock dans sa conception, plus abouti qu’il n’y parait et déjà mature. Avec STREET SPIRIT (FADE OUT), l’album se ferme sur une pépite qui tranche avec l’approche électrique et saturée des autres titres. Dans la lignée des deux premiers albums, porté par une mélodie plutôt douce associée au ton calme d’une voix langoureuse, STREET SPIRIT (FADE OUT) reste une chanson triste et ne portant pas particulièrement un avenir joyeux (« And fade out again and fade out »). On parle de mort (« Cracked eggs, dead birds »; « I can feel death, can see its beady eyes »), de vie misérable (« Scream as they fight for life »).

Pourtant, confirmant prophétiquement la transition vers un troisième album moins sombre, le groupe se permet d’esquisser une ronde d’espoir en dernière note après nous avoir chanté le fond du gouffre sans avenir (« Immerse your soul in love ») même si Thom Yorke s’en défend dans des interviews qu’il a pu donner.

Musicalement le groupe puise son influence chez R.E.M. dont ils faisaient les premières parties à l’époque. On peut même trouver dans STREET SPIRIT (FADE OUT) les prémices de OK COMPUTER, que ce soit avec la mise en avant de la voix mélodieuse de Thom Yorke ou bien dans un background électronique qui se dessine.

L’introduction de double croche en LA mineur à la guitare électrique sur quatre mesures accompagne l’intégralité des quatre minutes et treize secondes du morceau. Les autres instruments, la basse, les deux autres guitares et la batterie de Philip Selway viennent se superposer au fur et à mesure, chacun à leur tour. Ed O’Brien accompagne Thom Yorke au chant lors des complaintes.

THE DAILY MAIL (The King of Limbs: Live from the Basement, 2011) par Cyrille

C’est grâce à la série télévisée LEGION que je découvris ce titre, soit six ans après sa sortie. Il s’agit d’un single n’apparaissant nulle part ailleurs que sur un concert enregistré pour le web, sans public. Il faut dire que THE KING OF LIMBS marque le début d’un certain désamour général pour le groupe : trop électronique et expérimental malgré son nombre restreint de morceaux (huit), trop bruyant, trop conceptuel derrière une pochette hideuse, il manque clairement d’assise, d’une production claire, de direction. Joué live, il devient plus audible, semble se dévoiler. Mais c’est surtout ce titre inédit qui me renverse à chaque fois. Après un premier couplet au piano où Thom Yorke se lamente encore, traînant sa voix perchée sur un tempo très lent, le morceau décolle soudainement sous l’impulsion de la batterie, juste après un pont inattendu introduit par des cuivres, transformant le morceau en char de foire de la Nouvelle-Orléans tout en martelant un riff de guitare entêtant. Et se termine comme une chanson de crooner.

PRESENT TENSE (A Moon Shaped Pool, 2016) par Fletcher

℗ XL Recordings

Depuis le révolutionnaire IN RAINBOWS, Radiohead se cherche et part dans quelques dérapages plus ou moins contrôlés. THE KING OF LIMBS, leur huitième album, fait partie de ces sorties de routes ayant peu convaincu. En parallèle, les carrières solos ou nouveaux projets animent les membres du groupe dont les engagements sociétaux (politiques et environnementaux), associés aux charges plus ou moins convaincantes contre les majors et l’establishement, ressortent parfois brouillés. Finalement la stratégie de Radiohead reste dans le savoir être désiré. Depuis HAIL TO THE THIEF, le groupe sait se faire rare, disparaissant même du net, des plateformes ou des circuits de distribution pour mieux renaître de leurs cendres comme le phœnix. Alors dans ce contexte quand tombe en mai 2016 des images et messages énigmatiques, Radiohead fait à nouveau le buzz.

La suite c’est A MOON SHAPED POOL, un album patchwork à la tracklist déstructurée, à l’image du groupe. Un nouveau jeu de piste dont on a du mal à distinguer la direction comme autant de nouvelles pistes à explorer. Radiohead continue de diviser tout en suivant son sillon révolutionnaire. Le groupe explore un univers musical qui semble infini, certes à l’ambiance électronique mais en poussant toujours plus loin le jeu de basse de Colin Greenwood ou les percussions de Philip Selway. Les arrangements mystiques de Jonny Greenwood font une nouvelle fois merveille. Le groupe convie même des violons du London Contemporary Ochestra et des chœurs pour un album envoûtant et indéchiffrable. Oui Radiohead se renouvelle. C’est toujours aussi exigeant, déstabilisant, simple et complexe à la fois. Du rock en somme.

Le contexte de l’enregistrement de l’album est marqué par deux faits majeurs : la mort du père de leur manager historique, Nigel Godrich (l’équivalent de leur George Martin) et la fin de vingt-trois ans de mariage pour Thom Yorke.

Avant-dernier titre, PRESENT TENSE raconte la fin d’un couple (« All this love has been in vain »), celui de Thom Yorke. Comme Bob Dylan chantait sa rupture avec Sara notamment sur DESIRE et BLOOD ON TRACKS, le leadeur de Radiohead se confie sur la période difficile qu’il est en train de vivre alors qu’il appelle pourtant à de la retenue (« It’s no one’s business but mine »). Perdu (« I’m lost »), dans une opération de catharsis, il chante alors cette danse du dernier espoir (« Like a weapon ») avant la rupture de son monde (« As my world comes crashing down »).

Radiohead groupe au son uniquement électronique et déstructuré ? PRESENT TENSE semble une parfaite réponse à ces détracteurs. Le morceau, long de cinq minutes et sept secondes, chasse sur des terres folk inespérées sous un rythme étonnant de bossa nova réglé à 91 BPM (battements par minutes). Les chœurs conviés pour porter l’émotion de la voix de Thom Yorke répondent à la base d’arpège des guitares (encore plus sensible sur le clip de Paul Thomas Anderson) tandis que la batterie de Philip Selway offre des percussions tout en retenue.

TRUE LOVE WAITS (I Might Be Wrong: Live Recordings, 2001) par Cyrille

℗ 2001 XL Recordings Ltd

Lors de l’édition 2003 des Eurockéennes de Belfort, je les vis en concert pour la seconde fois. Comme d’habitude, il avait beaucoup plu (ne prévoyez jamais de barbecue le premier week-end de juillet, c’est celui des Eurocks, il pleut systématiquement), nous pataugions dans la boue, et c’était une période où les intermittents du spectacle manifestaient à raison. Avant le concert, une petite équipe de ces gens indispensables était montée sur scène pour faire un discours. L’oratrice nous avait demandé, en guise de protestation, de tous nous asseoir par terre. Le sol était tellement sale et trempé que personne ne voulut et la masse des environ vingt mille spectateurs fit immédiatement part de son mécontentement. A la place, elle nous demanda donc d’observer une minute de silence. Elle n’arriva jamais : il y a toujours des trublions ou des gens en désaccord. En revanche, lors de la prestation du groupe, lorsque Thom Yorke entama EXIT MUSIC (FOR A FILM), toute la foule se tut soudainement quelques secondes, le laissant s’exprimer seul avec sa voix et sa guitare. Cet instant saisissant est présent sur le lien en début de paragraphe (cela commence vers 1h16).

Je repense toujours un peu à ce moment lorsque j’entends cette interprétation live de TRUE LOVE WAITS, où Yorke est seul à la guitare acoustique (j’en ai l’impression en tout cas). Je l’ai découverte sur ce disque, mais elle existe depuis 1995, le groupe l’a travaillée pendant vingt ans. Sa version studio définitive, plus électronique, se trouve sur le dernier original en date du groupe, A MOON SHAPED POOL.

La conclusion de Fletcher

Depuis bientôt 30 ans, Radiohead n’a cessé de se renouveler et d’agiter la planète musique. Son œuvre en perpétuelle évolution ne peut laisser indifférent. Chaque production ou révolution passe avec aisance les épreuves du temps, chacune faisant évoluer son évaluation. On aurait pu citer tant d’autres titres de ce groupe engagé aux antipodes de ceux qui font les choux gras de la presse people. Pourquoi ne pas avoir mis en avant ROMEO AND JULIET, PARANOID ANDROID, 2 + 2 = 5, KARMA POLICE, PYRAMID SONG, HOUSE OF CARDS, BURN THE WITCH ou le très engagé HARRY PATCH (IN MEMORY OF) ? (Moi aussi je maîtrise les liens. Tu as vu Bruce, on est bien resté sur un TOP 10 !!!)

Pour continuer à découvrir l’œuvre de Radiohead il vous faudra également accepter d’explorer les nombreux projets solos de ses membres, ceux de Thom Yorke (THE ERASER, TOMORROW’S MODERN BOXED, ANIMA), Jonny Greenwood et Philip Selway (étonnant FAMILIAL) notamment. Le son de Radiohead ne cesse de se diffuser mondialement. Le cinéma n’échappe pas à la règle. Outre le nombre de titres utilisés dans les bandes originales de film (CYCLO), Radiohead via Thom Yorke et Jonny Greenwood ont également composé ou participé directement à des OST comme sur le dantesque THERE WILL BE BLOOD de Paul Thomas Anderson (également réalisateur du clip de DAYDREAMING), NORVEGIAN WOODS de Tran Anh Hung ou bien récemment le remake de SUSPIRIA. Leur soif de re-modélisation musicale semble ne pas avoir de frontières. Et quand Radiohead n’est pas disponible, Thom Yorke réinvente Radiohead à travers des groupes éphémères comme ATOMS FOR PEACE ou encore l’énivrant THE SMILE.

@Ed Illustratrice

73 comments

  • Tornado  

    IDIOTHEQUE : Je me suis rué sur KID A lorsque l’album est sorti. C’était l’époque où j’habitais Lille et que j’avais accès à tous les concerts et festivals possibles.
    Je fréquentais des punks qui détestaient l’album et je l’écoutais donc dans mon coin. Je l’adorais mais j’avais paradoxalement du mal à l’écouter en entier notamment les derniers titres.
    Je n’accroche pas plus que ça à IDIOTHEQUE. Mes titres préférés restent EVERYTHING IN ITS RIGHT PLACE, NATIONAL ANTHEM et surtout OPTIMISTIC, un de mes titres préférés de toute la discographie du groupe (que je mets dans mon TOP 10, donc), avec sa batterie martiale et son final monstrueux.

    • Jyrille  

      Yes ! Moi aussi je suis fan de OPTIMISTIC et Everything et National Anthem… En fait, à cause de cet article, je refais ma playlist Radiohead sur Spotify. Je l’avais créée pour élaborer cet article avec Fletcher, maintenant je la transforme en playlist perso. Et j’y ai déjà ajouté Optimistic et son titre suivant, IN LIMBO, pour moi ces deux-là sont indissociables. J’ai également ajouté les deux autres titres que tu cites…

      Une fois que j’aurai réécouté quelques albums et finalisé cette playlist, je vous la listerai ici.

  • Fletcher Arrowsmith  

    Salut,

    merci Tornado (et les autres) pour tes commentaires et retours. Intéressant à lire et on voit bien que RADIOHEAD est un groupe qui a marqué notre époque et qui continue à le faire. En cela ils ont bien leur place au panthéon du rock.

    Je m’associe à Cyrille pour la qualité de l’illustration de Ed. Merci à elle.

    Enfin, j’ai pris beaucoup de plaisir à écrire cet article, mon premier sur la musique, avec Cyrille (je crois que c’est mon premier team up publié ici), qui m’a accepté de partager cet espace (l’idée du TOP 10 vient de lui).

    • Jyrille  

      Moi aussi j’ai pris énormément de plaisir à élaborer cet article avec toi, nos échanges furent enrichissants, enthousiasmants et motivants. J’aime bien faire des team-up, je suis fier d’avoir fait ton premier 😀

      J’ai oublié de dire deux choses : la réédition de OK COMPUTER, OKNOK, vaut le détour, avec des inédits et des faces B de l’époque. Et il faut écouter les deux LIVE FROM THE BASEMENT du groupe (je n’en ai pas écouté d’autres), qui ne sont pas sur les plateformes de streaming, et dont THE DAILY MAIL est tiré. Ils en ont fait un sur IN RAINBOWS, fortement conseillé à tout le monde, celles et ceux qui aiment le disque mais même les newbies en Radiohead, et un autre sur KING OF LIMBS qui est moins attirant mais réhabilite l’album. Les voici :

      youtube.com/watch?v=DWuAn6C8Mfc

      youtube.com/watch?v=hI5YMDioDBY

  • Fletcher Arrowsmith  

    OKNOK : comme une évidence.

    Le KID A MNESIA aussi, même si je préfère OKNOK en matière de face b, inédites et tracklist.

    Il se murmure que leur retour cette année pourrait passer par une nouvelle édition de IN RAINBOWS … à suivre donc

  • Présence  

    Comme d’habitude, une superbe illustration d’Ed qui permet de se sentir plus proche de ces musiciens.

    Je suis complètement passé à côté de ce groupe, certainement une question de génération.

    Choisir dix titres sur une carrière de trente ans, c’est pas de la tarte aux pommes : un exercice auquel je suis bien incapable de me contraindre.

    Airbag – Malgré la présentation analytique, mes oreilles n’accrochent pas sur quoi que ce soit dans ce titre, je n’arrive pas à en percevoir les nuances que tu mets en lumière.

    Jigsaw falling into place – Je n’arrive pas à éprouver l’émotion contenue dans le chant de Thom York, je ne m’y reconnais pas, ni n’y reconnaît les inflexions d’une intention qui génèrerait de l’empathie chez moi.

    Idioteque – Marrant, comme le registre de la palette musicale n’est pas du rock traditionnel (basse + batterie + guitare), je me rends compte que je parviens à être plus ouvert d’esprit, moins dans des a priori qui façonnent mon horizon d’attente. Je ne suis pas sûr de classer cette chanson dans le rock, mais ce titre me parle plus, même si l’intonation du chanteur reste un peu geignarde à mes oreilles.

    Rechoner – Pareil, comme c’est éloigné de mes inclinations habituelles, il m’est plus facile d’être ouvert d’esprit, d’accepter d’entendre quelque chose de différent, de prêter attention à cette personnalité propre. Ce titre m’évoque un peu ce qu’à pu faire Moby sur certains morceaux. Très sympa même.

    Wolf at the door – À nouveau un morceau qui m’est beaucoup plus accessible, plus agréable à l’oreille, qui me parle plus dans sa forme musicale. Sympathique également, ça me donne envie d’en écouter plus.

    No surprises – J’ai également entendu ces sons enfantins que tu évoques, une ballade tranquille, agréable à l’oreille. Ralentir pour aspirer à une existence plus simple et paisible sans surprise : un thème qui me parle.

    Street spirit – Le groupe puise son influence chez R.E.M. : ah ouais, mais s’ils font exprès de puiser dans des groupes qui me laissent indifférents… je ne peux pas lutter. Deux morceaux que je serais incapables de distinguer au milieu d’une dizaine d’autres aux sonorités similaires, mon oreille doit être abimée par des années de hard rock trop fort.

    The daily mail – Peut-être une structure plus classique, des sonorités plus habituelles, du coup il m’est plus facile de l’écouter.

    The present tense – Un morceau qui s’écoute tout seul, mais mon attention vagabonde au bout d’une minute ou deux.

    True love waits – Je peux comprendre le plaisir de bénéficier d’un morceau acoustique qui permet à la personnalité du musicien d’exhaler toutes ses saveurs. Par exemple, j’aime beaucoup ça quand Freddie Mercury peut placer des vocalises en solo sur un album live. N’ayant pas d’attache particulière pour Thom Yorke, j’apprécie moins cet exercice à sa juste valeur.

    Je ne saurais trop vous remercier car cet article m’a permis d’aborder l’œuvre de ce groupe par cette dizaine de portes d’entrée, alors que j’y étais resté totalement hermétique jusqu’alors, incapable de trouver quelque repère que ce soit, quelque accroche qui capte mon intention. Un article musical supplémentaire qui remplit admirablement sa fonction : une mission de passeur permettant au néophyte ou au réfractaire de voir l’œuvre musicale sous un autre angle et de pouvoir en découvrir les saveurs grâce à des amis compréhensifs. Merci beaucoup.

    • Jyrille  

      Merci pour le retour détaillé Présence ! Ravi d’avoir pu aider, oui, c’est un peu le but de tous ces Top 10 : faire découvrir, même si ils ne proposent pas de singles (ce qui n’est pas le cas ici, The Daily Mail et No Surprises en sont pour sûr). Et je suis ravi que IDIOTEQUE t’ait intéressé 🙂

  • Présence  

    Dans la foulée, je viens d’écouter Kid A : gros coup de cœur pour The national anthem.

    • Jyrille  

      CHAMPAGNE !

    • Fletcher Arrowsmith  

      KID A est encore un cran au dessus de OK COMPUTER. Pourtant il a divisé à sa sortie mais pour l’avoir également à nouveau écouté ce week-end c’est quand même un putain d’album.

  • Tornado  

    RECKONER : Je suis étonné. Je n’ai pas le souvenir de cette chanson quand j’ai écouté l’album. Pourtant, elle représente tout ce que j’aime (et oui, je n’aime pas le bruit et ma préférence va largement aux morceaux doux). Il faut vraiment que je prenne le temps de réécouter tranquillement cet album.

    • Fletcher Arrowsmith  

      cool comme retour. IN RAINBOWS mérite que l’on s’y attarde en effet.

  • Tornado  

    A WOLF AT THE DOOR : À la limite du rap ? Ce doit être pour ça que je n’aime pas alors. Voilà, pour moi c’est trop proche d’un bruit, même s’il y a par moment de superbes arrangements (et de très belles harmonies vocales), c’est bien ce couplet presque rap et anxiogène qui me sort de la chanson.

    • Jyrille  

      Je peux comprendre. J’aime beaucoup RECKONER aussi et si tu peux relire mes commentaires, je pense que toute la galaxie IN RAINBOWS pourrait te plaire (Disk 1 + Disk 2 + Live from the basement).

  • Tornado  

    NO SURPRISES : Sans surprise effectivement 🙂 . C’est une de mes chansons préférées. Un classique.

    STREET SPIRIT (FADE OUT) : Étonnant de voir Cyrille opter pour une ballade assez douce. Jadore ce morceau. Je suis d’accord pour dire qu’on peut y trouver les prémices de OK COMPUTER. Les arpèges sont étonnants pour un groupe de rock de ce genre.

    • Jyrille  

      Pas tant étonnant que ça puisque c’est Fletcher qui la propose, tout comme NO SURPRISES (que j’adore) 😀

      • Tornado  

        Ah oui, bordelacrotte ! J’avais pas remarqué les deux titres d’affilée signés Fletcher ! 🤪

        • Jyrille  

          C’est de ma faute : comme l’a fait remarquer Bruce, ce n’est pas dans l’ordre chronologique ni même dans une alternance entre les titres de Fletcher et les miens. Je le disais auparavant, j’ai créé une playlist pour trouver l’enchaînement qui me semblait être le plus naturel entre ces dix titres… j’en ai donc fait plusieurs versions.

  • Jyrille  

    Ma playlist donc telle que presque finie je pense (mais rien ne dit que je vais pas la modifier) :

    Airbag (OK Computer)
    Just (The Bends)
    Reckoner (In Rainbows)
    Everything in Its Right Place (Kid A)
    Karma Police (OK Computer)
    My Iron Lung (The Bends)
    I Might Be Wrong (Amnesiac)
    Lift (OK Computer OKNOK)
    Scatterbrain (Hail To The Thief)
    Bangers + Mash (In Rainbows Disk 2)
    Idioteque (Kid A)
    Paranoid Android (OK Computer)
    A Wolf At the Door (In Rainbows)
    Packt Like Sardines In A Crushd Tin Box (Amnesiac)
    Let Down (OK Computer)
    Optimistic (Kid A)
    In Limbo (Kid A)
    The Bends (The Bends)
    Creep (Pablo Honey)
    Dollars and Cents (Amnesiac)
    No Surprises (OK Computer)
    15 Step (In Rainbows)
    The Daily Mail (The King Of Limbs Live From the Basement)
    The National Anthem (Kid A)
    2 + 2 = 5 (In Rainbows)
    Planet Telex (The Bends)
    Morning Bell (Kid A)
    Life In a Glasshouse (Amnesiac)
    Anyone Can Play Guitar (Pablo Honey)
    Lull (OK Computer OKNOK)
    True Love Waits (I Might Be Wrong – Live Recordings)

  • Patrick 6  

    Pour le coup j’ai pris tout mon temps pour lire votre article !
    Tout d’abord bravo pour votre article, écrit à un nombre de mains impressionnant ^^
    Quoi qu’il en soit, voilà qui sonne comme une magnifique madeleine de Proust, car figurez-vous que j’ai vu Radiohead en concert au moment du 1er album ! En première partie de… James ! (qui se rappellent d’eux maintenant ?) J’aime autant dire que le groupe ne m’a pas laissé un souvenir impérissable (sauf quand le chanteur, encore blond, a fait passer sa guitare au premier rang pour illustrer –littéralement- le morceau « Anyone Can Play Guitar » !). Qui aurait pu imaginer qu’un groupe de « Tatapoum à la Lenoir » allait enflammer le monde ? Pas moi en tous cas.
    Les choses s’arrangent un peu avec l’album suivant, mais il est bien trop grandiloquent à mon goût. Ce n’est qu’avec le 3eme que j’ai commencé à aimer leur musique. Je pense que j’étais carrément fan de Kid Amnesiac (les albums pour guitares sans guitare) !
    Je n’étais pas au courant de l’édition « dysfonctionnelle » de Kid A ! J’avais l’édition Librairy (les initiés comprendront)… Par contre j’ai ensuite tout revendu pour racheter les jolis coffrets plus « uniformes » et plus facile à ranger.
    Par contre dès Hail to the Thief je trouve que le groupe a commencé à tourner en rond, répétant plus ou moins la même formule. Les albums suivants m’ont carrément ennuyé tant ils sombrent dans le chiantissime convenu. Pour un groupe novateur c’est une franche déception de recommencer perpétuellement le même album… à chaque fois un peu moins bien. Non ?

    • Jyrille  

      Merci Patrick pour le retour réfléchi ! Bien sûr que je me souviens de James… sit down… L’édition Library ne me dit rien je vais aller vérifier ça. J’adorerais voir les photos de tes coffrets !

      A la réflexion, il était nécessaire de faire cet article à plusieurs car on a tous notre Radiohead et celui de Fletcher n’est pas forcément le mien, comme il le dit si bien : tout seul, j’aurais passé sous silence plein d’ambiances.

      Maintenant qu’est-ce que tu penses des morceaux choisis ? Les as-tu réécoutés ? Que mettrais-tu comme Top 10 toi ?

    • zen arcade  

      @Patrick 6
      Suite à la parution de l’article, je me suis repassé plusieurs albums de Radiohead et je partage pratiquement tous tes constats.
      Pablo Honey anecdotique, The Bends grandiloquent : check.
      Fan de Ok computer, Kid A et Amnesiac : check. C’est vraiment la trilogie magique
      Tournage en rond à partir de Hail to the thief et constat de déception de plus en plus avancé à chaque nouvel album : check

      Je voudrais quand même ajouter quelque chose à propos de Hail to the thief parce que, à mon avis, c’est là que tout se joue.
      A la réécoute, je me dis que c’est un rendez-vous raté. Radiohead, à l’époque, ils étaient les rois du pétrole, ils auraient pu tout faire. Ils auraient pu complètement larguer les amarres et vraiment lâcher la bride à l’expérimentation. Pour cela, ils auraient dû s’affranchir du format chanson. En écoutant l’album, on entend des bribes de ce qu’il aurait pu être, lors de trop courts passages instrumentaux. Mais chaque fois, on se fait rattraper par le chant envahissant de Thom Yorke, qui aurait dû être réduit pour laisser respirer les morceaux, pour leur laisser l’espace de se développer.
      Au-lieu de cela, on se retrouve face à un album bancal, qui ne choisit jamais, qui apparait paradoxalement frileux alors qu’on aurait dû le trouver aventureux comme les précédents.
      Quelques années plus tard, In rainbows viendra entériner le refus de changement de formule qu’on entrevoyait déjà dans Hail to the thief. Radiohead est rentré dans le rang. Toujours largement au-dessus de la moyenne, mais dans le rang. J’attendais plus de leur part.

      Sinon, évidemment que je me souviens de James. 🙂

      • Jyrille  

        Pour avoir réécouté Hail To The Thief, je ne peux qu’être d’accord. J’en sauve quatre ou cinq morceaux mais l’album est trop bancal.

        Par contre je trouve que In Rainbows propose un bel équilibre, surtout que je ne le conçois qu’avec son Disk 2 à la suite. Alors que A Moon Shaped Pool, je n’y arrive toujours pas, ils retrouvent les travers de Hail to the Thief et même si certains titres pris à part sont cools, l’album est pénible.

        Je ne pense pas qu’ils auraient dû se radicaliser ou autre, ils ont suivi un chemin en tentant des choses, mais ce ne fut pas toujours heureux, le meilleur exemple étant King Of Limbs que je trouve inécoutable.

        • zen arcade  

          Si je fais le parallèle avec une autre grande figure, qui a débuté sa carrière solo en même temps que Radiohead, qui a connu un énorme succès critique et public, qui n’a jamais renoncé à ses envies artistiques sous prétexte que le succès serait moindre, qui depuis 30 ans ne cesse de se remettre créativement en question, je dirais que, sur la longueur, Radiohead n’a pas du tout tenu la distance face à Björk.

          • Jyrille  

            C’est clair !

            @Tornado : je ne suis pas du tout étonné mais je suis bien content qu’au moins tu aies essayé 😀 Maintenant je trouve que The Daily Mail groove hein…

  • Tornado  

    THE DAILY MAIL (The King of Limbs) :
    Je ne suis jamais allé jusque là. J’ai un peu écouté HAIL TO THE THIEF et IN RAINBOWS mais aucun des albums suivants et je ne sais même pas combien il y en a.
    À la première écoute, j’aime beaucoup l’intro au piano mais ensuite c’est tout se suite trop bruyant. Je ne serai jamais le bon client pour du rock qui malmène les oreilles. Même quand je suis fan d’un titre de hard-rock, c’est toujours par une alchimie complexe parce qu’il faut que ça me fasse du bien (parce que ça groove ou parce que ça m’électrise de façon magique). Ce n’est pas le cas ici.

    • Tornado  

      PRESENT TENSE (A Moon Shaped Pool) :
      Ah ça je découvre ! Forcément, j’adore. C’est immersif et émotionnel à souhait. Étonnant. Le groupe ne nous a quand même pas habitué à ce genre de titre intimiste (et à 5 musiciens, on peut le comprendre). Il faudra que je tente l’album.

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