Marshal Bass par Darko Macan et Igor Kordey
VF : Delcourt
Un article de BRUCE LIT

En selle !
@Delcourt
Cet article passera en revue les cinq premiers épisodes de la série MARSHAL BASS tous scénarisés par Darko Macan et illustrés par l’époustouflant Igor Kordey. Saluons également le travail sensationnel des coloristes Desko pour le tome 1 et Vitkovic pour les tomes 2 à 5.
Cette première intégrale comprend :
-BLACK & WHITE
-MEURTRES EN FAMILLE
-SON NOM EST PERSONNE
-YUMA
-L’ANGE DE LOMBARD STREET
Des spoilers viendront siffler aussi vite qu’une balle.

Une entrée en scène peu glorieuse mais marquante
@Delcourt
MARSHAL BASS ‘s’inspire d’un personnage réel : le premier shérif noir du far-west : Bass Reeves, que l’on retrouve dans la série TV LAWMAN de Taylor Sheridan mais aussi dans TIMELESS, THE HARDER THEY FALL ou WYNONNA EARP.
Il s’agit d’histoires de 60 pages chacune avec un fil ténu entre chaque épisodes faisant qu’il est préférable de lire la série dans son ordre chronologique pour en apprécier la dramaturgie.
Dès l’ouverture de la série, le lecteur sait qu’il va progresser dans une histoire non conventionnelle : il trouve un homme noir pendu à un arbre, suant, bavant, les traits déformés par la peur que son cheval ne se dérobe sous ses fesses pour aller brouter une herbe qui pourrait lui être fatale.
Son nom est River Bass et il est sauvé in extremis par le colonel Helena qui l’avait pendu en début de journée, le confondant avec un outlaw qu’il pourchassait. Le colonel lui présente ses plus plates excuses pour cette méprise et propose à Bass, ancien soldat, de devenir shérif.

Le Sherif est en prison
@Delcourt
Habité par un fort sentiment de justice mais aussi alléché par un salaire qui lui permettrait de faire vivre sa femme et leurs six enfants, River accepte et part ainsi pourchasser les pires raclures de l’Arizona : il infiltre ainsi un gang de noirs dirigé par Defoe, un criminel blanc aussi vil que le cruel Frank de Sergio Leone, poursuit deux tueurs d’une famille cannibale et consanguine, tente de survivre à son fils bâtard qui tente de l’assassiner après lui avoir volé sa fille ou se fait emprisonner dans un bagne sous haute tension pour assassiner un politicien véreux.
Autant le dire : Marshal Bass est un personnage qui se traine une poisse aussi…carabinée qu’un chat…noir!
Il a probablement la scène d’ouverture la moins glorieuse de toute l’histoire de la BD qui, tout en l’humanisant immédiatement, prend le contrepied du héros de Western invulnérable et sûr de lui.
C’est même l’inverse : tout au long de ces 5 histoires tragi-comiques il passe son temps à fuir la fureur de sa femme, ses responsabilités de père et part dans une fuite en avant après avoir été forcé d’abattre son fils caché en légitime défense.

River Bass et sa famille qu’il protège et fuit en même temps.
@Delcourt
Le lecteur comprend très vite que son héros va morfler d’épisodes en épisode, un peu comme le shérif Calder incarné par Marlon Brando dans LA POURSUITE IMPITOYABLE d’Arthur Penn. Une souffrance propre aux westerns, et sale comme les remords de Reeves qui accepte de souffrir en expiation de ses pêchés, comme si la justice devait se nourrir des mille morts qu’il affronte pour elle.
Et pour Reeves, rien ne sera jamais facile du fait de sa couleur de peau en plein dix-neuvième siècle : comment faire respecter la justice lorsque, traité de « Nègre » en permanence, on est soi-même discriminé? Comment assurer sa survie sous couverture quand, en infiltration, personne ne croit qu’un noir porte l’insigne? Comment garder son sang froid lorsque les blancs vous traitent de singe et les noirs, de traître?

Des personnages délurés tragi-comiques.
@Delcourt
Au delà du racisme sous-jacent d’une nation qui, encore aujourd’hui avec l’agent orange à sa tête, continue de disputer au progressisme de ses idéaux, l’arrierisme le plus primitif, ce qui est au centre de Marshal Bass reste la quête d’identité d’un personnage qui, dès la première page est confondu avec un autre et qui, tout au long de la série, cache son vrai nom, sa mission, adopte des alias et des comportements déviants pour agir sous couverture.
En gros, avec sa violence, ses personnages qui se comportent comme des enfants avec des flingues et ses vilains patibulaires, MARSHAL BASS donne parfois dans la farce et le grotesque où le plaisir du lecteur de passer d’une situation à l’autre est constamment rattrapé comme un fugitif.
Les dialogues de Darko Macan sont teintés d’ironie, de sous-entendus et d’aphorismes remarquables. Il sait distribuer les informations majeures sur les enjeux de son histoire sans alourdir ses gaufriers de cartouches (eh!) de textes assommants.
Il laisse au contraire le terrain à son dessinateur Igor Kordey pour des affrontements d’une sauvagerie sans égal. Chaque histoire contient au moins une double page qui tient quasiment de la fresque pour son intensité, le jeu d’acteur remarquable des personnages où tous, ont un regard, une attitude, un geste face aux massacres dont ils sont auteurs, témoins ou victimes.

Grand Silence
@Delcourt
Tous crèvent l’écran, le lecteur est abasourdi face à sa virtuosité à dépeindre l’ouest le plus sauvage, ses costumes, ses pénitenciers, ses décors. Dans YUMA, il met en scène la moiteur d’une prison en pleine air, ses bagnards accablés de chaleur et ces terribles séquences mettant en scène LA DOUCHE, cette torture consistant à attacher en plein soleil un prisonnier qui est sans cesse inondé d’eau sans pouvoir la boire. Il est révolté par le désespoir muet de ces femmes violées au regard éteint dans BLACK & WHITE. Il est pris de haut-le-coeur quand la fille de Reeves nue sous la neige est invitée à se soumettre à trois de ses tortionnaires qui possèdent chacun une couverture, de la nourriture ou de l’eau.
Avec ses prises de vue d’une puissance viscérale qui doivent beaucoup au grotesque de Richard Corben, ses angles de vues remarquables, ses bastons intenses et ses silences contemplatifs, Igor Kordey s’impose comme un dessinateur majeur d’une œuvre profonde et indispensable sur cette justice que tout le monde recherche et qui s’échappe comme l’eau dans la paume de nos mains. Chaque tome laisse son lecteur KO avec l’envie de remonter immédiatement sur le ring.
Implacable, inoubliable et…impitoyable .

Un personnage attachant, tourmenté et rongé par la culpabilité.
@Delcourt

Hello! Bon, je ne lis rien s’il y a des spoilers parce que cela fait trop longtemps que tu en fais la pub sur FB et que le dessin, en effet très proche de celui de Corben, m’attire beaucoup. J’ai eu de la chance de ne pas trouver cette intégrale hier soir car je n’ai plus un rond (je vais depuis peu revendre des trucs dans un magasin de seconde main) mais ça va revenir… Donc je vais aussi éviter de lire l’article de Présence de ce jour. Une question cependant : est-ce que l’intégrale est en couleurs ? Parce que celle de Saint Elme que j’ai (pas encore lue) ou celles de Capricorne lues par Présence sont en noir et blanc alors que les versions originales sont en couleurs.
AAAH CAPRICORNE, si ça ça aurait pas tout pété chez vertigo ou Dark Horse, il y a une vraie vibe comics dans cette série mais avec une exigence formelle et narrative qui explose tout.
J’adore Andreas et surtout son méconnu ARQ