Focus : Les X-Men de Gail Simone
Un article d’ ALEX NIKOLAVITCH

Bon, iconisation dès le début, check, on sait à qui on aura affaire.
Je crois que j’ai un problème avec les X-Men, en vrai. Ce sont des personnages que j’aime beaucoup, des séries que j’ai suivies en mon temps, pour lesquelles je me suis parfois enthousiasmé. Je me souviens encore avec tendresse du premier SPÉCIAL STRANGE dans lequel j’ai mis le nez, c’était celui avec le départ du Japon et l’interception par la Division Alpha, un pote avait ça, je sais plus si c’était en classe de neige ou une autre sortie du même genre.
En tout cas j’adhère au truc. Je comprends pas tout, pas mal d’enjeux me passent par-dessus la tête, mais le dessin est chouette (j’avais déjà vu passer Byrne, sur LES CHAMPIONS et IRON FIST) les personnages ont l’air complexes, il se passe plein de trucs… Il me semble bien avoir déjà vu la série, mais ça ne correspond pas à mes souvenirs. Était-ce un des premiers épisodes dans un STRANGE ? Il me semble que SPIDEY existe déjà à ce moment-là.

C’était le bon temps, ma bonne dame.
Impossible à dire, mais y a en tout cas un décalage entre les deux versions dont je me souviens qui m’av vaguement bugger. Ou alors je suis tombé sur un Spidey l’année suivante, je me suis dit « chouette, les X-Men, c’était bien cette série », et les épisodes de Lee et Kirby ne m’ont pas transporté. C’est loin tout ça, le souvenir se brouille.
Bref, je picore par la suite. Mon approvisionnement en comics n’est pas régulier à l’époque donc c’est une série particulièrement difficile à suivre, mais je vois passer des bouts de DARK PHOENIX, de DAYS OF FUTURE PAST et je parviens même à raccrocher quelques wagons, avant de me détourner un peu des comics. Quand je m’y remets, la période australienne bat son plein, je mets la main sur des Albums Lug avec des tranches d’épisodes suivis, puis je vois débarquer Jim Lee et je repars en arrière, aidé en cela par les rééditions de type CLASSIC X-MEN. Et ça devient une de mes séries Marvel préférées, avec DAREDEVIL.
Et puis arrivent les années 90, le départ des Image boys, les crossovers pas toujours très intéressants, le naufrage de Marvel. Je décroche sérieusement de l’éditeur. Entre-temps, je lis plus de Vertigo, de DC, d’indés. Je regarde ce qui se passe chez les Mutants à l’occasion, je tente des runs, Robinson et Casey sur CABLE, par exemple, mais ce que fait Lobdell ne m’intéresse pas beaucoup, par exemple. Je reviens un peu sur les nouvelles séries quand elles arrivent, mais tout ça, ce n’est que du picorage jusqu’à l’arrivée de Grant Morrison et Joe Casey (encore lui), deux scénaristes en qui j’ai plus confiance. C’est un moment où, un peu comme tout le monde, je reviens à Marvel avec les expériences de Quesada, d’abord sur le label MARVEL KNIGHTS puis sur l’ensemble des séries. Rebelotte, compléter un peu les trucs qui semblent intéressants dans ce que j’ai loupé, puis il y a Chuck Austen, Bendis, le retour des crossovers systématiques, vous voyez un peu le topo. C’est reparti à picorer vaguement, lorsque je vois passer des auteurs que j’aime bien, mais pas mal de personnages me sont devenus antipathiques ou me sont quasiment inconnus.

Même Wolvie finit par trouver ça déprimant.
Tout change quand arrive HOX/POX, chapeauté par Jonathan Hickman. Voilà un auteur que je préfère sur de l’indé. J’ai pendant longtemps cordialement détesté ce que j’avais lu de ses FF, avant de les réévaluer par la suite en prenant tout dans l’ordre, sur le conseil d’un pote. J’avais par contre pas pu avancer très loin dans ses AVENGERS. Je comprends la technique Hickman de saupoudrer des trucs qui ne prendront sens que très graduellement, mais lorsque ça finit par représenter un tel volume, ça devient impossible à suivre à moins de s’investir à fond.
Pourtant, HOX/POX pique alors ma curiosité. Peut-être fallait-il ce genre de traitement de choc pour réveiller un pan d’univers qui avait beaucoup de mal à l’intéresser depuis près de dix ans, peut-être même un peu plus. Pendant longtemps, je ne reviens chez Marvel de façon générale qu’à l’occasion de runs épars, comme les IMMORTAL HULK d’Al Ewing.
Bon, passé les mini-séries initiales, dès lors qu’il y a cette explosion de titres de qualité très diverse, je déchante. Je m’accroche sur une vingtaine d’épisodes de la série principale, mais l’éclatement des sous intrigues en épisodes semblant indépendants les uns des autres avec trop de personnages partant dans tous les sens et qu’on ne revoit pas avant longtemps… J’ai lâché l’affaire. Je voyais les aficionados s’enthousiasmer pour X OF SWORDS, HELLFIRE GALA et autres, mais j’étais passé à autre chose. Flemme d’attendre que Hickman commence à regrouper les fils de son intrigue, surtout qu’il se barre en cours de route, flemme de devoir suivre même de loin des séries annexes ne m’intéressant pas vraiment, quand bien même je trouvais pas mal l’idée de convergence des mutants, par-dessus les différents passés, offrant des chances de rédemption à certains des grands vilains sur Krakoa. Mais impossible d’adhérer à la mise en œuvre de l’ensemble.
Oui, on n’en est encore qu’à l’introduction de l’article, vous l’avez peut-être deviné.

Et c’est reparti pour un tour (air connu).
Et puis, je vois passer l’info. L’ère Krakoa s’achève, l’équipe éditoriale est appelée à changer, du sang neuf vient revitaliser des X-Men censés retrouver leurs fondamentaux. Dans le tas, le titre X-MEN de Jed MacKay ne m’attire pas. Un groupe centré sur Cyclope, par un scénariste que je n’ai jamais lu, à part peut-être sur des épisodes en vrac de SPIDER-VERSE ? Flemme. Vraiment.
Par contre, UNCANNY est pris en main par Gail Simone. Voilà une autrice « character driven », c’est à dire qui s’intéresse plus au développement des personnages qu’aux grands plans alambiqués sur trouze-mille épisodes qu’il faut un tableau d’enquêteur psychopathe pour suivre, deux glossaires et quatre aspirines. Simone, c’est la scénariste dont les BIRDS OF PREY et les SECRET SIX font partie de trucs que j’aime à lire et relire, qui se pose souvent en héritière spirituelle de JOHN OSTRANDER et d’autres auteurs de cet acabit. C’est fun, souvent malin, elle s’entend à rendre attachants même des personnages de quatrième zone. Ses RED SONJA sont très bien, faut que j’aille tenter ses WONDER WOMAN, et qu’on aime ou qu’on aime pas ses BATGIRL, reconnaissons qu’elle a fait ce qu’elle pouvait avec une situation de départ foireuse. C’est l’anti-Hickman, d’une certaine façon, pas partante pour d’énormes fresques alambiquées à la narration façon puzzle, mais j’arrête là sur le sujet parce que sinon je vais repartir sur une tirade trop longue et inutile la vie de ma mère je me retiens.
Au moins, les X-Men par Simone, ce devrait être distrayant et les personnages respectés, c’est en tout cas mon raisonnement en prenant le premier TPB de la série, sorti tout dernièrement. Bon, une fois encore, je passe par la phase raccrochage de wagons. Je sais quel était le statu-quo posé par Hickman pendant l’ère Krakoa, mais je n’ai aucune idée de comment ça s’est fini. Le truc a duré cinq ans mais je ne sais pas ce qui s’est passé pendant les trois derniers et confusément, je sens bien que je m’en fous un peu. Bien sûr, on est au temps de l’internet, on ne manque pas de vidéos ou de sites décryptant ce genre de trucs. Y en a même des bonnes et des bien, des fois, si si, je vous jure.
Mais je me dis, si c’est bien fait, cette nouvelle série, ça doit être un « jumping point », un truc que je peux prendre et qui me donnera ce que j’ai à savoir pour me lancer. Il y a encore des auteurs qui savent faire ça, qui se souviennent de l’adage du vieux Stan Lee : « tout épisode est le premier épisode de quelqu’un » et, sans l’appliquer au pied de la lettre, s’arrange pour qu’on ne soit pas paumés au début d’un paperback.

Les jeunes de maintenant ne respectent plus les anciens (air encore plus connu).
Et donc, quelle est la situation au début de Red Wave ?
Krakoa c’est fini, l’utopie mutante s’est barrée en vrille. Comment, pourquoi ? Aucune idée, comme je disais, mais c’est déjà de l’histoire ancienne. En tout cas, y a eu une sacrée réaction en face et pas mal de X-Men sont dispersés, traqués, et l’école Xavier a été réquisitionnée par des chasseurs de mutants qui ont capturé et neutralisé Xavier et dont la cheffe, le docteur Corina Ellis, sans qu’on sache encore trop pourquoi à ce stade, cosplaye Emma Frost et retourne des mutants pour les avoirs dans sa petite troupe. Ça sent le retour aux fondamentaux.
L’équipe que suit Gail Simone n’en est pas une au départ. Ses personnages ont pris le maquis. Rogue et Gambit veulent se mettre au vert et filer le parfait amour, Wolverine ne sait pas trop quoi faire de ses griffes, Jubilee a voulu récupérer des trucs à l’école et s’est faite repérer, Nightcrawler semble tellement à l’aise qu’il débarque au premier coup de fil, histoire de pas se retrouver seul face à lui-même. Tous ces gens s’apprécient, bien sûr, mais tirer un trait sur tout ça les tente. Sauf que ça n’arrivera pas. De jeunes mutants aux pouvoirs chelous se font poursuivre par une entité effrayante, et… c’est un job pour les X-Men, qu’ils le veuillent ou non, et qu’ils ne tiennent pas à laisser à l’équipe réunie par Cyclope en Alaska. Ils préfèrent encore s’embarquer avec des mômes qu’ils ne connaissent pas et ne maîtrisent pas leurs pouvoirs que de croiser à nouveau la route de Summers.

Non, mais ça se voit, meuf, que tu kiffes la Reine Blanche.
Et voilà. C’est rythmé, ça distille ce qu’il faut de mystère et de fun, ça évoque la situation des autres titres juste assez pour qu’on s’y retrouve, sans se reposer dessus, c’est à peu près ce que j’attends d’un bon titre X-Men. Les enjeux sont bien posés, les personnages individualisés et bien campés, dans le respect de ce qu’ils sont censés être, même s’il y a des trucs bizarroïdes, du genre Gambit qui hérite de l’œil d’Agamoto. Sans doute qu’il y a une idée derrière, on verra bien, c’est le miracle des univers partagés.
Pour la partie graphique, David Marquez fait le boulot. On est dans cette génération de dessinateurs efficaces mais qui se ressemblent un peu tous, qui opèrent une sorte de synthèse de ce qu’est, à un instant T, le « style comics » et le « style X-men » tel que décanté dans la période précédente. C’est dynamique, pas vilain, les personnages sont différenciés, la narration fluide.
Voilà, est-ce que c’est le meilleur titre X-Men depuis longtemps ? Probablement pas. Ça ne réinvente pas la poudre, mais déjà, ça donne un truc qui a le goût et le parfum d’un X-Men, de l’aventure rythmée, des personnages qu’on a plaisir à lire et à suivre, de l’émotion, des idées. Rien de révolutionnaire, mais un truc compétent qui n’essaie pas d’être ce qu’il n’est pas.
Peut-être même que je vais tenter les EXCEPTIONAL X-MEN d’Eve Ewing, parce que centré sur la dynamique Kitty Pride/Emma Frost, ou le titre sur NYX. On verra. Je vais donc poursuivre là-dessus, au moins jusqu’à ce qu’un crossover à la noix ne vienne mettre le bazar et me fâcher à nouveau avec les mutants de chez Marvel. Et là, ce sera reparti pour un tour.

Le terme technique est : « ouch ».
La BO du jour
Merci pour cette lecture !
Ah, Gail Simone, je suis toujours preneur. Je me demande si je n’en suis pas venu à préférer ses Secret Six aux Birds of Prey.
Des héros qui sauvent un monde qui les hait et les craint, ça semble un retour aux bases, même si j’ai un peu l’impression d’un Tolerance Zero 2.0 où Bastion aurait ouvert le placard de la Reine Blanche (et encore Jubilée qui se fait prendre !). Mais je fais confiance à l’autrice pour développer ses personnages (écrire une Red Sonja moins bourrine et plus méditative, faut le faire !)
Série très accessible et enthousiasmante, mais malheureusement, encombrée dans les Cross-over inutiles, réguliers … (déjà 2 en à peine plus d’un an).
Malgré l’atout Gail Simone, j’ai relaché l’affaire après 5 numéros.
ah mince
Il y a aussi la série Storm (Gail Simone se montre élogieuse à son sujet), qui est (paraît-il) pas loin d’être la meilleure du lot (une sorte de prolongement de ce que Al Ewing avait enclenché durant la période Krakoa, à savoir redonner de sa superbe d’antan au personnage d’Ororo Munroe).
Je me suis prodigieusement ennuyé. Les enjeux sont particulièrement faibles, on se fout totalement des nouveaux mutants et pour moi, les Xmen c’est fini.
Ce truc est à peu près aussi utile et crédibles à mes yeux que si Nicolas Hulot tentait avec ses casseroles de relancer Ushuaia et découvrait une nouvelle équipe pour l’aider.
Ton article raconte au moins une chose : ton rapport aux Xmen et à ces personnages si forts.
Hello.
Article sympathique à lire.
Marvel (et DC) c’est terminé pour moi. Je ne suis pas un enfant des années 2020 🙂
Je te rejoins sur le style passe partout de qualité des dessinateurs actuels. Les personnages ont trop vécus de choses dans leur courte vie pour que cela m’intéresse. Je suis comme Bruce et d’autres. Les X-Men (et bien d’autres personnages) sont décédés à mes yeux depuis des années.
Je suis content de voir que ces personnages ne sont plus des fachos-sectaires. Et je souhaite de tout coeur que Gail Simone et ses collègues puissent donner autant d’émotions aux générations actuelles qu’elles m’en ont procurées. Je relis mes anciens numéros avec plaisir.
Il faut savoir passer à autre chose ….
Pas mal ce roundabout comme musique d’ambiance.
J’ai suivi le début de ce run et celui de MacKay.
Dans les deux, les nouveaux personnages me désintéressent et les anciens font du sur-place ou régressent.
Après tous les nouveaux mutants apparus au fil des années, la génération des années Claremont semble indéboulonnable. Et il faut un sacré effort pour les voir tisser une relation avec une énième nouvelle promo.
Bizarrement, l’accumulation des Robins chez Batman me dérange moins (mais un peu quand même).
Je n’ai pas fait une croix sur le mainstream mais je trouve davantage mon bonheur dans des mini-séries ou des one-shots.
En fait, tout est relatif. A côté du run de Saladin Ahmed sur DAREDEVIL, le run X-Men de Gail Simone, c’est Byzance.
Simone connaît son métier et aime et comprend les personnages. ça aide, mine de rien.
Merci pour cet article, ça aide à y voir plus clair.
J’ai beaucoup aimé Gail Simone et si on fait de la spéléologie sur le net, on pourra lire des vieux commentaires à mézigue pour dire que je rêverais de la voir reprendre les mutants…
Mais bon…
il y a un truc de pété.
Je ne sais pas si j’ai fait une croix sur Marvel et DC, mais je ne suis plus rien maintenant. Je me suis débarrassé de tout depuis SECRET WARS (celui de Hickmann)
DC…je dois avoir trois ou quatre trucs depuis le rebirth, (Nightwing, Les Titans de Abnett et Booth)
En vérité je continue d’acheter des vieux trucs, donc je continue d’aimer ça mais…
comme le dit Fletch’, je ne suis pas un gamin des années 2020… (nouvelle technologies et opinions primant sur l’histoire…je ne m’y retrouve pas)
Donc je tenterais en 100% ou deluxe le premier volume peut-être mais sans me le promettre et sans attente
Ce que fait Lobdell ne m’intéresse pas beaucoup : Quoi !?! Bruce a laissé passer un tel jugement de valeur !!! Mais que fait l’éditeur-en-chef ! 😀
Je voyais les aficionados s’enthousiasmer pour X OF SWORDS : tu en rajoutes peut-être un peu, X of Swords n’a pas fait l’unanimité, à commencer par la scénariste.
Oui, on n’en est encore qu’à l’introduction de l’article, vous l’avez peut-être deviné. – Ha ben jen n’en étais pas sûr arrivé à cet endroit. Tu as négocié un tarif à la ligne avec Bruce ? 😀
Wonder Woman de Gail Simone : en dents de scie en fonction des histoires, avec de très bons passages.
Ça donne un truc qui a le goût et le parfum d’un X-Men : Houlà ! Une remarque qui laisse à penser que ça ne place pas la barre très haut… Je dis ça mais je reste très preneur de bonnes histoires simplement divertissantes.
Merci d’avoir placé un titre de Yes dans ce site, il en a bien besoin, ça le tire vers le haut. 🙂
Pour moi, cette série a tout du « doudou ». On bâtit un titre autour de 5 gros fan-favorites en espérant que ça suffira à ramener les anciens lecteurs, perdus durant l’ère Krakoa… et c’est à peu près tout (d’ailleurs l’article proposé ne s’attarde presque pas sur l’intrigue de la série de Gail Simone à proprement parler tellement il y a peu à en dire). Alors oui, ça brosse un peu le fan dans le sens du poil en mettant en avant les interactions entre les vétérans. Et en ça, cette série fait un bien fou après l’austérité notable de l’ère Hickman/Gillen/Duggan. Mais passé ça, le soufflet retombe dès que Simone essaye d’intéresser le lecteur à ses jeunes recrues dont personne n’a absolument rien à secouer. Et les ficelles utilisées sont tellement grossières (un énième cadavre dans le placard de Xavier) que ça ne rime plus à rien. Ennui mortel à la lecture de cette série. Restent les dessins sublimes de David Marquez, dans un style proche de celui de Marco Checchetto, qui flattent la rétine comme rarement on a connu ces dernières années sur les séries mutantes, en dehors de la pépite espagnole Pepe Larraz. J’ai stoppé ma lecture après le 11ème épisode et (déjà) deux crossovers plus infâmes l’un que l’autre.