Family Business (Batgirl-Robin : Year 1)

The Gauntlet + Robin Year One + Batgirl Year One, par Collectif

Par : TORNADO

VO : DC Comics

VF : Urban Comics

Des histoires d’enfants pour les petits qui sont devenus grands

Des histoires d’enfants pour les petits qui sont devenus grands© DC Comics

Cet article portera sur un one-shot et deux mini-séries issus de l’univers de Gotham City. Soit L’Epreuve de Force (The Gauntlet), Robin Year One et Batgirl Year One.

Il s’agit dans l’ensemble de trois récits revenant sur les débuts de ces deux personnages attenants à la bat-family que sont le premier Robin (Dick Grayson) et la première Batgirl (Barbara Gordon).
L’ensemble a été publié en VF chez Urban Comics sous la forme de deux recueils de la collection DC Deluxe (The Gauntlet et Robin Year One étant regroupés dans le même album).

Un jeune héros bondissant !

Un jeune héros bondissant !© DC Comics

 

1) Robin Year One :

On commence avec ce gros pavé de plus de 250 pages qui réunit deux récits distincts mais qui reviennent tous les deux dans le passé du personnage de Robin et mettent en lumière ses premiers pas dans l’ombre de Batman, son mentor et père adoptif.
Ils ont été publiés à peu-près à la même époque et constituent une suite parfaite au superbe Batman Amère Victoire , récit lui-même conçu, avec Batman Un Long Halloween , comme la suite directe du mythique Batman Year One de Frank Miller et David Mazzucchelli…

Elevé à la dure

Élevé à la dure© DC Comics

a) L’Epreuve de Force (The Gauntlet) : Scénario Bruce Canwell et dessin de Lee Weeks. Publié initialement en 1999 (43 pages).

Après plusieurs mois d’un entrainement drastique, Robin est prêt pour partir au combat auprès de son mentor. Batman décide alors de le mettre à l’épreuve : Robin devra le semer au cœur de Gotham City. Le « jeune prodige » réussira-t-il à relever le défi ? D’autant qu’il va rapidement tomber sur le règlement de comptes d’un groupe de maffieux dirigés par Joe Minette, le nouveau caïd du coin…
Ce premier récit est excellent ! Les auteurs décident de rendre hommage à Batman Year One en reprenant au détail près le style narratif développé alors par Miller & Mazzucchelli. C’est ainsi que le très bon Lee Weeks réalise un travail très proche graphiquement, parvenant à reprendre le même type d’approche quant au découpage, à l’atmosphère et la tonalité picturale (sobre, ciselée et baignée de clairs-obscurs). Et c’est ainsi que Bruce Canwell épouse également l’écriture de Miller, réintroduisant le principe des soliloques (les monologues intérieurs des personnages principaux), encadrés dans des couleurs respectives.
Cette première aventure de Robin se lit d’une traite, dans un exercice de style classieux et raffiné.
Le dessin de Lee Weeks, un vétéran habitué au personnage de Spiderman, est un régal de simplicité et de précision.

 Les premiers traumatismes du jeune prodige sur le terrain…

Les premiers traumatismes du jeune prodige sur le terrain…© DC Comics

b) Robin Year One : Scénario de Scott Beatty & Chuck Dixon, dessin de Javier Pulido. Publié initialement entre 2000 et 2001 (quatre épisodes d’une quarantaine de pages chacun).

A la fois étudiant et coéquipier de l’Homme chauve-souris, Robin fait ses premières armes au combat dès la nuit venue. Si au départ tout fonctionne à merveille, il va soudain être confronté à la terrible réalité du terrain. Il va en effet rencontrer Double-face, le premier véritable psychopathe qu’il va devoir affronter. Le traumatisme sera terrible, au point de remettre en question la légitimité de sa présence auprès de Batman…
Ce second récit est développé de manière à constituer une suite directe de L’épreuve de Force. Cette fois, les auteurs vont davantage lorgner du côté du diptyque Un Long Halloween et Amère Victoire afin de développer l’atmosphère générale ainsi que leur style narratif.

Un élément souvent absent des séries principales : Des adultes qui s’inquiètent pour un enfant !

Un élément souvent absent des séries principales : Des adultes qui s’inquiètent pour un enfant !© DC Comics

Beatty et Dixon font des merveilles avec leur script et embrassent cette relecture des jeunes années du héros avec une justesse et une maturité admirable. A maintes reprises, les deux scénaristes s’évertuent à gommer ou à justifier toutes les naïvetés véhiculées jadis par les aventures de Batman au cours du Golden et du Silver Âge. C’est un exercice qui rappelle les travaux d’Alan Moore dans son entreprise de déconstruction et de reconstruction des héros surannés, même s’il est pratiqué ici avec davantage de classicisme. Il n’empêche qu’avec finesse, les auteurs réussissent à justifier toutes les incohérences qui pouvaient jusqu’ici naître de cette alliance improbable entre un adulte déguisé en chauve-souris et un petit garçon combattant des fous criminels à ses côtés. Grâce à une remarquable analyse psychologique, à une caractérisation optimale du quatuor de personnages principaux (Bruce Wayne, Dick Grayson, Alfred et le Capitaine Gordon), tous les événements deviennent naturels, cohérents, justifiables. C’est ainsi que chaque protagoniste est sans cesse confronté aux doutes et aux remords, évacuant le postulat ridicule qui voulait jusqu’ici qu’un jeune garçon de douze ans fut balancé la nuit dans la rue face à divers épouvantables criminels, le tout avec un sourire !
Qui plus-est, le récit est en lui-même rondement mené et l’on évite les clichés habituels, chaque retournement de situation et chaque dénouement évitant les grosses ficelles trop pratiques.
Une vraie réussite !

Le dessin de Javier Pulido m’a régulièrement laissé sur un sentiment partagé, sans que je n’arrive jamais à le dénigrer. Sans cesse à cheval entre le simplisme et l’épure, entre la maladresse et l’élégance, entre le bâclage et la justesse, il aura réussi à faire preuve d’un équilibre assez surprenant !
Dans l’ensemble, ces auteurs sont pour moi en dessous de leurs modèles (Jeff Loeb & Tim Sale), mais ils réalisent néanmoins un travail formidable, adulte et raffiné. Décidément, j’adore Monsieur Dixon (qui multiplie ici les clins d’œil à la série Robin, dont il a écrit les cent premiers numéros !), car il ne m’a jamais déçu !

Un jeune héros en slip et en pantoufles… C’était pourtant pas gagné !

Un jeune héros en slip et en pantoufles… C’était pourtant pas gagné !© DC Comics

Ce recueil est une aubaine pour les lecteurs qui préfèrent lire ce genre de relecture des origines des personnages, plutôt que de relire les anciens comics à la narration trop naïve et enfantine (il en faut pour tout le monde !). Dans le genre (j’ai pensé à maintes reprise à Captain America & Bucky, un arc de la série Captain America par Ed Brubaker & Chris Samnee), on tient là le haut de gamme !
Nul doute que j’allais me précipiter, après ça, sur la sortie de Batgirl Year One, réalisé par les mêmes auteurs et publié dans la foulée !

2) Batgirl Year One :

Batgirl Year One est une mini-série réalisée en 2004 et l’on retrouve le duo de scénaristes Scott Beatty & Chuck Dixon, assistés cette fois du dessinateur Marcos Martin.

Il s’agit ici aussi de revisiter les débuts de la carrière de l’héroïne de manière moderne, pour un récit autonome, inscrit dans la continuité (avec un clin d’œil appuyé au Batman : Killing Joke  d’Alan Moore !), mais pouvant se lire comme un tout.
Nous retrouvons donc la jeune Barbara Gordon à l’aube de ses aventures super-héroïques, alors qu’elle habite encore avec son père (futur commissaire Gordon), qu’elle se fait remarquer par Batman & Robin et qu’elle cherche à rencontrer son idole, Black Canary…
Chose incompréhensible, Urban Comics a publié cette mini-série sur du papier glacé, alors que Robin Year One avait été publié, dans la même collection, sur papier mat ! Il serait peut-être bon que l’éditeur français, qui réalise par ailleurs un travail de très grande qualité, prenne soin d’harmoniser ses collections avec davantage de cohérence (et une très nette préférence pour le papier glacé en ce qui me concerne) !

La fille à son papa.

La fille à son papa.© DC Comics

Le personnage de Batgirl est apparu pour la première fois en 1966 dans les pages de la série Detective Comics. En réalité, la jeune femme est née dans le sillon de la série télévisée des années 60, qui avait généré une première « batmania » bien des années avant le film de Tim Burton), puisqu’elle a été créée à la demande du producteur de la chaine télévisée afin d’apporter une touche féminine à l’univers de Batman, et ainsi attirer un public plus large !
Batgirl voit ainsi le jour entant que fille du commissaire Gordon, avec un ennemi attitré : Killer Moth, l’homme-mite ! (en réalité un super-vilain de troisième choix issu d’un vieil épisode de Batman datant de 1951).

C’est qui ton pire ennemi ? Ben… Heu… moi, c’est l’Homme-mite...

C’est qui ton pire ennemi ? Ben… Heu… moi, c’est l’Homme-mite…© DC Comics

Comme l’avaient fait Bruce Canwell & Lee Weeks dans L’épreuve de Force, Beatty & Dixon optent pour une narration qui rappelle celle de Frank Miller dans Batman Année Un (soliloques au premier plan). Mais comme ils l’avaient également fait avec Robin Year One, les auteurs s’inspirent des créations de Jeff Loeb & Tim Sale, développant une ambiance tantôt rétro et cartoon, tantôt universelle, qui apporte une note de poésie enfantine, idéale pour soutenir ce genre de lecture.
Qui plus-est, le duo de scénaristes souligne cette prise de recul avec une délicieuse note d’humour qui unit les personnages dans un univers de conte familial, plutôt irrésistible.

Par dessus tout, ce que j’ai aimé entant que lecteur d’âge mur, c’est bien ce parti-pris artistique qui consiste à préserver la pureté, l’innocence et les atours enfantins du récit sans pour autant tomber dans l’infantilisme et sans jamais verser dans la vulgarité. On retrouve ainsi les sensations de notre enfance que l’on est venu rechercher dans ce type d’histoire de super-héros classiques, sans avoir l’impression de régresser à un état arriéré puisque l’ensemble trouve un équilibre parfait entre ses aspects naïfs et cartoon, et un style narratif mature, bien écrit, bien dialogué et plein d’esprit. On peut alors parler de récit universel, qui réussit à franchir le temps et les générations pour s’adresser au plus grand nombre, sans non plus tomber dans les travers consensuels d’une production commerciale.
On notera enfin une bien belle écriture au sens purement formel, non linéaire, avec un récit s’articulant à travers divers aller-retour dans le temps, déroulant ainsi une intrigue qui livre ses éléments par petites touches successives.

Hé l’autre hé ! Elle se croit d’la famille !

Hé l’autre hé ! Elle se croit d’la famille !© DC Comics

Toutes ces connotations enfantines laissent bien évidemment leurs marques. Avec Robin Year One, les auteurs tentaient encore d’apporter à leur univers un soupçon de réalisme. Ici, ils ont laissé tomber : Batgirl réalise des prouesses physiques complètement improbables et intègre sa famille de super-héros de manière tout aussi cocasse.
Les lecteurs les plus exigeants et les plus pointus quant aux ressorts de l’intrigue peuvent rebrousser chemin. Scott Beatty & Chuck Dixon privilégient ici, de manière rétro et légère, davantage la poésie que le réalisme.
Parallèlement, certaines scènes sont étrangement violentes (avec des personnages qui meurent brûlés vifs) et peuvent surprendre certains lecteurs qui trouveront peut-être que ces passages dénotent au beau milieu d’un ensemble plutôt candide…

Le dessinateur Marcos Martin a trouvé le sujet qui lui correspondait à la perfection. Et il s’est appliqué avec un style épuré qui vise la perfection avec maniaquerie. Constamment à la recherche d’une certaine pureté à la fois rétro et intemporelle (le récit se déroulant dans une époque parfaitement indéterminée), le dessinateur a réalisé une série de planches dont la simplicité côtoie l’élégance, avec des notes poétiques et humoristiques au diapason du travail de Scott Beatty & Chuck Dixon. Quelque part entre Tim Sale, Darwyn Cooke ou encore Chris Samnee, voilà un bien bel ouvrage, magnifié par l’encrage subtil d’Alvaro Lopez et la somptueuse palette de couleurs appliquée par Javier Rodriguez.

Silence ! On cisèle de la narration séquentielle !

Silence ! On cisèle de la narration séquentielle !© DC Comics

Soyons clair : Au départ, les personnages de Robin et de Batgirl, je m’en fiche autant que de ma dernière paire de chaussettes trouées. Je n’apprécie pas du tout ces personnages secondaires qui parasitent l’univers de Gotham City. Ils servent très souvent de prétexte à des crossovers chroniques et je préfère largement Batman lorsqu’il vit ses aventures tout seul comme un grand. Mais avec de tels auteurs, je pensais que le traitement pourrait dépasser mes réticences et que je pourrais adorer les aventures de ce gamin et de cette adolescente en costume de chauve-souris qui agissent dans l’ombre des plus grands. Et bien vous savez quoi ? J’avais raison !

Alors, ces comics là ne méritent peut-être pas d’être considérés comme des chefs d’œuvre du genre. Mais dans leur propre genre, c’est-à-dire celui des relectures modernes d’anciens comics au style narratif ayant extrêmement vieilli ; dans le genre qui trouve le bon point d’équilibre entre les histoires pour les petits et les histoires pour les grands, ils sont parfaits…

The Killing Joke…

The Killing Joke…© DC Comics

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C’est pas parce qu’on est des Sideckicks qu’on pas le droit d’avoir sa mini série ! Voici les Year 1 de Robin et Batgirl, 2 récits atypiques à découvrir chez Bruce Lit.

BO :  En amour comme en famille, on aime bien se rappeler des débuts. Quand tout était neuf et excitant.
Avant de devenir les grands frères et sœurs de cette famille dysfonctionnelle et agitée au service de la justice qu’est la Bat-family, certains de ses membres avaient débuté à l’adolescence…

https://www.youtube.com/watch?v=vthI-xwwvQ0

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