PARKER PAR DAVID

Spider-Man par Peter David

Une chronique exhumée de la mémoire de JP NGUYEN

VO : Marvel Comics

VF : LUG / Panini

L’un veille sur sa tante, l’autre sur ses ongles
© Marvel Comics

Cet article vous propose une plongée dans des vieux épisodes du Tisseur, écrits par Peter David pour la série PETER PARKER, THE SPECTACULAR SPIDER-MAN. Partiellement publiés en VF dans la revue NOVA chez LUG, ils ont été republiés dans les intégrales des années 1986 et 1987 de la série du même nom chez Panini.

Pour les lecteurs ne possédant pas de sens d’araignée les alertant du danger : attention, il y a des spoilers dans les lignes ci-dessous !

Dans le numéro 110 du mensuel NOVA, sorti en mars 1987, j’ai lu mes premiers épisodes des Fantastic Four par John Byrne, j’en avais parlé avec Mister Présence dans cet article.

Mais après les FF, il y avait un épisode de Spider-Man, à l’époque rebaptisé l’Araignée pour les jeunes lecteurs hexagonaux… Le héros était différent de la version que j’avais découverte à la téloche : un costume noir et non pas rouge et bleu et une aventure loin des gratte-ciels de New York, avec une prise d’otages dans la banlieue pavillonnaire de Forest Hills, à la pension de famille tenue par la tante d’un certain Peter Parker.

L’un des résidents, Ernie Popchik, était dans le pétrin après s’être embrouillé dans le métro avec une bande de jeunes, par la suite revenus prendre leur revanche chez May Parker. Tête-de-toile neutralisait promptement la bande mais Nathan Lubensky, rudoyé par le chef des voyous, prenait froidement sa revanche en ouvrant un store pour ouvrir une ligne de vue à un sniper de la police et occasionner un tir fatal. Les méchants étaient battus, les gentils étaient sauvés mais le regard de May sur son fiancé Nathan en resterait changé.

C’était SPECTACULAR SPIDER-MAN #113 (parution VO en avril 1986), écrit par Peter David et dessiné par Bob McLeod : une histoire simple et efficace, mêlant humour et gravité, entrecoupées d’interludes posant des jalons pour d’autres sous-intrigues.

Et Spidey glisse une réf à un autre Monsieur Chekov
© Marvel Comics

Il y avait le cas du jeune Alex (aucun rapport avec le ‘Lavitch) qui se faisait irradier par une invention de son père et allait récupérer d’encombrants pouvoirs de désintégration. Felicia Hardy alias la Chatte Noire avait aussi droit à son fil rouge, qui la mènerait à l’Etranger, un mystérieux parrain redouté même par le Caïd. Mais la Nemesis de Spider-Man, à l’époque, c’était le Hobgoblin (rebaptisé « Super Bouffon » en VF, un nom pas facile à porter).

Les confrontations entre Spidey et son ennemi juré étaient plutôt réservées à la série « principale », THE AMAZING SPIDER-MAN, qui était alors publiée en VF dans le mensuel STRANGE. SPECTACULAR traitait donc d’intrigues secondaires et Peter David semblait profiter de cette relative liberté pour raconter des histoires un peu décalées. Son run n’était pas continu et certains épisodes étaient écrits par Jim Owsley, Danny Fingeroth ou Len Kaminski. Quelques temps auparavant, il avait signé le récit en quatre parties de la MORT DE JEAN DEWOLF.

La Chatte Noire, héroïne en manque de reconnaissance
© Marvel Comics

Le numéro 116 voyait le Monte-en-l’air affronter une future star des super-vilains : Sabretooth ! Ce duel sera par ailleurs relaté par Peter à Mary Jane dans le numéro 119, pendant qu’ils mettaient en place une réception d’apéro, occasionnant pas mal de vaisselle cassée pour une MJ peinant à contenir sa peur pendant le récit du combat.

Le 117 faisait partie d’un événement éditorial particulier, où Spider-Man, porté disparu après une explosion, était absent de toutes ses séries du mois ! L’occasion pour Peter David de mettre en scène un dîner chez les Robertson, qui recevaient leur fils Randy et leur belle-fille Mandy. Robbie Robertson, le rédac-chef du Daily Bugle, se faisait sermonner par sa femme pour son préjugé raciste envers Mandy, une femme blanche dont les origines juives seront révélées à la fin du repas, lorsqu’elle effectuera la manœuvre d’Heimlich sur Robbie, qui manquait de s’étouffer avec un  morceau de pomme pendant le black-out qui frappait Big Apple. Un black-out provoqué accidentellement par le jeune Alex, devenu fugueur après avoir atomisé son père violent et fui le domicile familial… Son errance trouvera une issue tragique dans le numéro 118, où il meurt dans les bras d’un Spider-Man impuissant…

Peter fait les présentations mais un invité indésirable est en chemin…
© Marvel Comics

Le numéro 121 proposait une variation de RASHOMON, où Jonah Jameson, MJ et Peter, attablés dans un restaurant, donnaient chacun leur version d’un braquage de banque dont ils avaient été les témoins directs, plus tôt dans la journée. L’hommage est assez appuyé, étant donné que l’établissement bancaire ciblé était la « Roshomon Bank and Trust » ! Alors que Jonah et MJ dépeignent le braqueur comme un criminel violent et sanguinaire, Peter dresse le portrait d’un homme à la dérive et c’est la version que Robbie Robertson pour l’article du Bugle. Une fois de plus, l’honnêteté de Peter Parker lui joue des tours, puisqu’il se fâche avec Jonah et MJ, se retrouvant seul à table lorsque arrive l’addition… Ce récit à plusieurs facettes convoquait les crayons de plusieurs artistes, dont John Romita, John Buscema et Bob McLeod !

Le 122 mettait à l’affiche le Mauler, un vilain en armure apparu dans la série IRON MAN, pour une histoire de paternité contrariée à la résolution un peu expéditive… Le 123 ramène un super-vilain anecdotique, THE BLAZE, introduit par Peter David dans le numéro 103. Et enfin, après moult fill-ins, Peter David revient pour la conclusion de la méta intrigue entre la Chatte Noire, l’Etranger et Spidey, dans les numéros 128 et 129. Felicia Hardy prendra ensuite du champ par rapport à New York et au tisseur, laissant l’occasion à Peter et MJ d’opérer un rapprochement significatif qui les mènera ensuite à l’autel, pour un mariage heureux, qui indisposa hélas Joe Quesada et Mephisto, mais ceci est une autre histoire.

Quand Jonah embellit quelque peu un témoignage…
© Marvel Comics

A la relecture, ce run est loin d’être parfait. En premier lieu, comme les dessinateurs se succèdent, il manque d’identité graphique. Si Bob McLeod et Rich Buckler sont de solides artisans, la conclusion du run, dessinée par Alan Kupperberg, est un peu faiblarde. Pour les lecteurs d’humeur grivoise, on mentionnera deux épisodes  (#112 et 115) illustrés par Mark Beachum, un artiste prenant un malin plaisir à croquer les personnages féminins dans des poses lascives et suggestives…

Quand à l’intrigue, comme dit plus haut, avec la place d’honneur préemptée par  le Hobgoblin et la série-mère AMAZING, Peter David doit broder avec des récits annexes. Mais quelque part, c’est ce qui fait tout le charme de ces épisodes, puisqu’à la place d’affrontements homériques aux enjeux planétaires, on a droit à un ensemble de saynètes éclairant la vie de Peter Parker, héros loser mais héros quand même, se débattant davantage contre la fin du mois que contre la fin du monde, entouré d’un supporting-cast de « simples civils » qui aura tendance à se réduire au fil du temps.

En contradiction avec le titre de la série, le Peter Parker de Peter David n’était pas « spectacular » mais il compensait cette lacune par un côté humain qui le rendait aussi attachant qu’un tir de lance-toiles.

Pour le lecteur adolescent, il pouvait y avoir une autre sorte de spectacle, grâce à Mark Beachum…
© Marvel Comics

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La BO du jour :

Prenons la suggestion de Felicia Hardy sur le dernier scan :

11 comments

  • Jyrille  

    Quel plaisir de te relire JP ! Si réellement tu as écrit tout ça de mémoire, respect infini. Comme hier, je ne pense jamais lire ça et aucun scan ne m’attire. Comme souvent la mise en couleurs fait son âge (à tel point que parfois je me demande si je ne vais pas me racheter les trois premiers Thorgal qui ont été recolorisés l’an passé, par exemple).

    C’est marrant que des histoires sous la bannière Spectacular soient finalement des histoires du quotidien, jolie ironie.

    La BO : classique, ça marche toujours. J’ai pas du tout aimé le film qui ne vaut que pour son actrice principale et ses clips.

  • Jyrille  

    Ah et je dois toujours voir RASHOMON, grosse lacune. Je vois qu’il est sur Canal jusqu’au 24 juillet.
    Sinon – rien à voir – je vais pouvoir regarder DRIVE MY CAR qui est dispo jusqu’au 30 mai sur Arte.

    • Fletcher Arrowsmith  

      DRIVE MY CAR : je t’envie de le découvrir. Un des rares chef d’œuvres de ces dernières années.

      Si tu apprécie, profite de la dernière œuvre de Ryūsuke Hamaguchi ,actuellement sur les écrans, LE MAL N’EXISTE PAS. Mon coup de cœur de cette année (le seul ?)

  • JB  

    Merci pour ce passage en revue du run de Peter David ! Grand auteur, très bon pour développer ses personnages, principaux comme secondaire. Apparemment, il doit son passage sur Spider-Man à Christopher Priest, ce qui aurait coûté cher à ce dernier en terme d’image auprès des autres auteurs.
    Pour l’aspect fan service, je crois me rappeler d’une page montrant un appel téléphonique à MJ…

  • Doop O'Malley  

    Un run vraiment plaisant et différent, que j’avais eu plaisir à lire à l’époque. Ca a peut-être un peu vieilli, mais David reste un très bon scénariste. Pas aidé effectivement pas la valse des dessinateurs. Merci pour cette madleeine

  • Tornado  

    Comme j’ai toujours les Nova de mon enfance, je me suis relu les SPECTACULAR il y a deux ans je crois. Je me suis emmerdé comme un rat mort, autant que sur la série principale (relue également, avec la saga du Super-bouffon). Ma collection de Nova s’arrêtant au N°102, je n’ai donc lu que les premiers numéros écrits par Peter David (#103-106), les précédents étant écrits par Al Milgrom puis Cary Burkett (une purge). J’ai trouvé ça relou, avec un arc sur la Chatte noire et la mafia. C’est vraiment de la BD old-school pour les gamins, infantile au possible. Je suis devenu incapable de prendre du plaisir à lire ça aujourd’hui. Cela-dit, l’article met en lumière des numéros que je n’ai jamais lu et cet épisode RASHOMON éveille évidemment ma curiosité. Il y a peu de chance que j’aie l’occasion de lire ça un jour (je ne vais pas m’acheter l’intégrale, hein), mais là, sur le moment, ça fait envie.
    Bien cool de relire du JP en tout cas !

    La BO : Madeleine de Proust ! Des années lumières que je n’avais pas écouté ça ! (j’étais allé voir le film au cinoche) 😀

  • Ollieno  

    Bon article plus sur le ressenti que sur le contexte 😉

    A l’époque , James Owsley (maintenant connu sous le nom de Christopher Priest) est un jeune Editor, de 21 ans, qui doit gérer Spider-Man.
    La série a 3 titres mensuels, et il faut donner une identité unique à chacun des titres, mais aussi donner une continuité et cohérence (merci les consignes de canard étêté de Shooter).

    Owsley s’est mis énormément de monde à dos à cette époque (Tom DeFaclo est revenu sur ces évènements dans une interview il y a qq années).
    Al Milgrom estparti (remercié) de Spectacular, mais ce n’est pas aussi facile de remercier le Couple DeFalco/Frenz malgré les tentatives (ni DeFalco ni Frenz ne lui en tiennent rigueur avec le recule).

    Donc Owsley essai de mettre en place des équipes disponibles rotatives… (la même chose que ce qui sera One more day 30 ans plus tard) avec un pool de scénaristes qui vont écrire leurs histoires qui seront publiées dans un titre, puis un autre…
    On retrouve donc: David Michelinie, Danny Fingeroth, et le jeune Peter David (du service compta), et bcp de fill-in par les occasionnel Cary Burket, Larry Lieber , Bill Mantlo et le chef lui même (Jim Owsley) Sauf que DeFalco et Frenz tiennent bien à leurs sièges sur Amazing… (Et coté dessin, Owsley c’est aussi mis du monde à dos, donc il travail avec un pool assez limité d’artistes… Layton, McLeod, S.Buscema, Buckler..tous sous contrats marvel, Tom Morgan et Steve Geiger débutants du studio maison, et Alan Kupperberg, habitué du magazine Crazy).

    C’est pour ca que les épisodes de PaD sont essaimés sur SSM103, ASM266-267, SSM 105-107, WSM 7, …
    Tout ca va mener au super méga ultra cross-over de la mort qui va tout changer (qui va surtout amener les départ de DeFalco, Frenz, et Owsley) Gang War (avec le special Spider-Man / Wolverine).

    Après le départ de Owsley on va avoir le gros « Kravens Last Hunt », puis les 3 épisode de Ann Nocenti et Cinthya MArtin ..puis Dave Micheline récupère Amazing, Gerry Conway va reprendre Spectacular et Web.

    Entre temps PaD avec 2 ans de remplacement /scenarios pour Owsley sur WebHead, va se retrouver avec Hulk dont personne ne veux 😉 (il écrira quelques Spider-man, dont le retour de Sin-Eater dans Spectacular, et le Cult of Love dans Web).

    Et non , Alex Woolcroft ne meurs pas dans Spectacular 118, il réapparait dans Incredicle Hulk 339 …

  • Fletcher Arrowsmith  

    Bonjour JP.

    j’ai un souvenir parcellaire de ces épisodes. Je ne lisais pas NOVA. Je m’y suis mis pour les FF de Simonson puis DeFalco et surtout les Spectacular Spider-Man de JM DeMatteis.

    J’ai du me procurer quelques épisodes ici et là. Néanmoins je suis un gros fan du travail de Peter David. Des planches que je vois ici et de ton analyse on reconnait quand même son écriture, avec un ton légèrement décalé, juste ce qu’il faut mais surtout des références culturelles subtiles.

    Pour moi son meilleur travail sur Spider-Man c’est surtout SPIDERMAN 2099 (avec Rick Leonardi) et FRIENDLY NEIGHBORHOOD SPIDER-MAN (avec Mike Wieringo).

    Sympa comme article. Je ne serais pas aussi dur que certains collègue sur les dessins ou le côté enfantin. Il faut toujours remettre cela dans le contexte. Pas certains que certaines œuvres actuelles (bd, comics, manga, film, série ….) ne soient pas jugé aussi durement dans quelques décennies. Après on peut tout simplement dire que l’on n’y prend plus de plaisir (ou pas) ou que l’âge aidant cela ne nous correspond plus.

    En effet la BO fonctionne toujours aussi bien et je trouve la planche de Mark Beachum très belle.

  • Présence  

    Je ne pense pas avoir lu ces épisodes… mais avec le temps ma mémoire devient imprécise.

    Super Bouffon en VF, un nom pas facile à porter : l’euphémisme du jour. 😀

    […] dont John Romita, John Buscema et Bob McLeod : Ah oui, quand même.

    Se débattant davantage contre la fin du mois que contre la fin du monde : très jolie formule.

    Merci à Ollieno pour les coulisses de gestion éditoriale : pas facile de gérer des créateurs établis quand on n’a que vingt-et-un ans.

  • Eddy Vanleffe  

    Un chouia en retard…
    J’ai adoré l’épisode raconté selon trois points de vue…c’est la première fois que j’identifiais Peter David comme un scénariste ayant beaucoup d’humour.
    Le reste se situe au moment où je lâchait NOVA donc j’ai pas mal de trous, je me souviens de Black Cat qui fait de l’aérobic…
    J’aimerais rebondir (sic) sur le fan-service. Je lis de ci de là pas mal de commentaires sur le supposé « érotisme » dans les comics et les manga même sur des titres que je n’aurais jamais cru pouvoir être inquiété.
    J’ai pour ma part jamais tiqué ni gamin ni ado etc..sur ces planches…Je trouvais cool et normal que les filles soient jolies. Et dans un contexte où l’émission hebdomadaire d’aérobic finissait dans les douches (avant ou après la messe?^^) je ne pense pas avoir eu d' »émois » en lisant du Marvel (tellement d’autres sources pour ça à commencer par la télé…)
    Du coup je réfléchis à la question puisque ça revient assez régulièrement dans la perception que le public a rétrospectivement sur pas mal d’œuvres parfois très anodines ou très sages.

    @Nolino
    Quand on a une connaissance aussi encyclopédique des coulisses de l’édition , à quand la publication d’un livre sur le sujet?

    @Fletch
    oui SPIDER-MAN 2099; c’est vraiment de la bonne came

  • JP Nguyen  

    @Cyrille : non, je n’ai pas tout écrit de mémoire !

    @Ollieno : merci pour les éléments de contexte éditorial.

    @tous : thank you for reading

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