Sparks me baby ! (La story : The SPARKS)

Focus : Les Sparks

SPECIAL GUEST : H.NICO

Avant d’entrer dans le vif du sujet et puisque c’est ma première fois sur Bruce Lit, je vais essayer de me présenter au mieux malgré le trac, le stress et l’angoisse qui envahissent ma petite personne ! Je m’appelle H.Nico mais vous pouvez m ‘appeler « H » ou « Nico » (mais si vous ne m’appelez pas, je vous assure que je ne vous en voudrai pas).

Habituellement j’écris et dessine des BD de super-héros via ma petite structure éditoriale Elonan Comics. A côté de cette passion qui me bouffe tout mon temps libre, je reste un grand amateur de cinéma et de musique (ce qui va nous intéresser ici).
So, May We Start ?

 

Russel et Ron Mael : les Sparks croqués par votre humble serviteur !

Paris, 30 juin 2025. Qu’est-ce qu’il fait chaud nom d’une pipe… Ouf, la salle Pleyel est climatisée ! Sur scène, le chanteur Sam Sauvage nous annonce que c’est un honneur pour lui de chanter en première partie des Sparks, groupe qu’il admire depuis son adolescence.

Et il faut dire qu’ils en ont influencé des musiciens, les Sparks… De New Order à Depeche Mode, en passant par The Darkness, nombreux sont les artistes à reconnaître l’influence majeure qu’a eu cette formation pop-rock sur leur musique.

Aux alentours de 21h, le groupe débarque sur scène, les musiciens prennent place pour accompagner les frères Mael, bien décidés à défendre MAD !, leur nouvel opus sorti au printemps. Le toujours très stoïque et impassible Ron, bientôt 80 ans au compteur, est le parolier/compositeur des chansons du groupe depuis plus de cinq décennies. Tout de noir vêtu, il s’installe derrière son clavier Roland (estampillé « Ronald ») alors que son petit frère de 76 ans, le chanteur Russel, apparaît sur la piste dans un costume délicieusement kitsch, aux motifs japonisants semblant tout droit sortis d’une boutique Desigual. Même si Russel a commencé à se faire entendre au début des seventies, il ressent le besoin de se présenter. Il déclare dans un français impeccable « Ici en France, nous sommes LES Sparks ! »

Et c’est parti pour deux heures de concert sans fausse note avec une setlist hétéroclite, allant du rock à l’opéra, en passant par la New Wave, traversant les époques et résumant une œuvre n’ayant pourtant pas su toucher tant de générations que ça, à en juger par un public dont la moyenne d’âge oscille entre quarante et soixante ans. Il faut dire que faute de véritable tube planétaire à leur actif, les Sparks n’ont jamais foncièrement bousculé l’univers pop-rock ni vendu énormément d’albums.

Mais alors, comment ces deux frères, si peu médiatisés et de ce fait, si peu connus du grand public ont-ils réussi à rester aussi soudés et à survivre au temps malgré de nombreux échecs commerciaux ? C’est justement ce qui rend ce duo hors normes si fascinant car son œuvre est loin, très loin de mériter cette injuste ignorance !

Je vous propose de revenir sur les principales étapes de l’aventure musicale des Sparks.

« Je vous pwésente mon grand frère Ron ! »

Lorsqu’ils sortent leur premier album en 1971, les Sparks sont encore un groupe Californien. Les frères Mael, accompagnés par d’autres musiciens (qui n’auront de cesse de changer par la suite), sont bien décidés à ne pas marcher sur les traces des Beach Boys, préférant apporter leur pierre à l’édifice du glam-rock, très en vogue à cette époque.

Après deux albums sortis dans une certaine confidentialité (malgré des qualités sonores évidentes), Ron et Russel saisissent le taureau par les cornes : L’Amérique ne veut pas des Sparks ? Pas de problème, ils déménagent en Angleterre. Les musiciens ne peuvent pas suivre ? Pas de problème, ils les remplacent (par des anglais of course).

Surtout ils en profitent pour changer de label, ce qui deviendra une de leurs spécialités, rendant aujourd’hui difficile, voire impossible la sortie de quelque magnifique box-collector qui regrouperait l’ensemble de leur œuvre !

 En 1974 c’est donc sur les scènes Londoniennes que se fête la sortie du légendaire KIMONO MY HOUSE, troisième album qui restera le plus emblématique du plus british des groupes américains ! C’est ainsi que dans l’émission Top of The Pops, le grand public entend pour la première fois THIS TOWN AIN’T BIG ENOUGH FOR BOTH OF US, une véritable pépite glam-rock qui bouscule alors les ondes pour devenir un véritable tube, jugez plutôt…

Ambiance Western : une intro au piano monte dans nos oreilles… Soudain la voix haut perchée de Russel règle ses comptes (avec l’Amérique ?) avant d’être interrompue par un surprenant coup de feu suivi de la phrase « cette ville est trop petite pour nous deux ». Et voilà que la gentillette mélodie passe le relais à de violents riffs de guitare, c’est du Queen avant l’heure ! D’ailleurs, l’histoire ne dit pas si le groupe de Freddie Mercury s’en est inspiré lorsqu’il se produisait en première partie des Sparks à la même époque. Il faudrait peut être poser la question à Brian May, qui passa des auditions lorsque les frères Mael étaient en quête d’un guitariste…

Médusées devant leur écran de télévision, les midinettes peuvent enfin admirer le bondissant Russel, cheveux longs et bouclés, chantant en falsetto la composition de son frère Ron, raide comme un piquet derrière ses claviers, contrastant violemment avec son frangin, lançant des regards malaisants à la caméra et esquissant (parfois) un léger sourire moqueur derrière sa petite moustache en brosse à dents… Le ton est donné, si Russel représente la face lumineuse des Sparks, Ron sera son côté obscur… Une formule qui restera la marque de fabrique des frangins !

Ron, travailleur de l’ombre assumé, la face cachée de l’iceberg !

John Lennon lui-même n’en revient pas alors qu’il est devant sa télé. ni une ni deux, il se saisit de son téléphone pour appeler son complice Ringo Starr : « Tu ne devineras jamais ce que je viens de voir : Marc Bolan en train de chanter accompagné au piano par Adolf Hitler ! » Eh oui, le look bizarroïde de Ron, qu’il prétend inspiré de Chaplin, ne laisse personne indifférent et sera parfois source de polémiques (ça alors). Lorsque le groupe se produira pour la télé française quelques années plus tard, l’animateur Jacques Martin dira des Sparks que leur musique « fera fureur !» Finesse quand tu nous tiens…

Concert après concert, le public devient de plus en plus en plus nombreux et conquis. Les deux frères décident de battre le fer pendant qu’il est encore chaud et enchaînent six mois plus tard avec PROPAGANDA, un quatrième album dans la continuité du précédent opus.

Alors qu’il semble avoir le monde à ses pieds, le groupe ne se doute pas qu’il s’apprête à affronter une longue traversée du désert…Après le fantastique PROPAGANDA, tout semble compliqué, les Sparks ne parvenant pas à renouveler l’exploit de leur KIMONO. L’excellent INDISCREET, produit par le célèbre Tony Visconti (producteur entre autres de David Bowie) est desservi par une certaine complexité musicale souffrant d’un trop grand mélange des genres.

Le disque suivant, BIG BEAT, qui se veut plus électrique et plus pêchu que ses prédécesseurs  semble déjà démodé à sa sortie, face à la vague punk qui envahit les platines. Et ce n’est INTRODUCING SPARKS (titre destiné certainement à toucher un nouveau public) qui redressera la barre.

Sur ma platine : KIMONO MY HOUSE, avec à gauche sur la pochette, la chanteuse Michi Hirota (que l’on peut entendre au tout début de l’album SCARY MONSTERS de David Bowie)

Les disques sont bons, ce n’est pas le problème, mais l’audience ne suit plus, semblant être passée à autre chose. En 1979 les Sparks changent de stratégie. Ron et Russel abandonnent le concept de groupe et deviennent un duo à part entière. Ils font appel à Georgio Moroder pour trouver de nouvelles sonorités, expérimenter de nouvelles technologies musicales et en même temps… inventer la New Wave !

L’album N.1 IN HEAVEN, court et efficace (seulement six titres) est une véritable révolution musicale, quoique trop en avance sur son temps, les sonorités synthétiques ne trouvant l’approbation du public que dans la décennie suivante.

 Toujours produit par Georgio Moroder, TERMINAL JIVE accouche du single WHEN I’M WITH YOU qui devient un des tubes de l’été 80 en France et en Allemagne, où les frères Mael se font une bonne poignée de fans. S’enchaînent ensuite des albums produits à Munich par Mack, célèbre producteur du Queen des eighties.

Même si on trouve de très bonnes chansons dans WHOMP THAT SUCKER ou ANGST IN MY PANTS, force est de constater que la quantité a pris le dessus sur la qualité. En 1986 les producteurs perdent patience et demandent aux frangins de leur fournir une « musique sur laquelle on peut danser ». Ce sera chose faite avec l’ironique MUSIC THAT YOU CAN DANCE TO. La blague ne sera pas appréciée de tous et vaudra aux Sparks de se faire virer de leur maison de disques. Dommage car Ron avait fait l’effort d’abandonner sa petite moustache pour un look à la « Errol Flynn » le rendant (un peu) plus sympathique.

Après cette déconvenue, les Sparks se rattrapent en 1988 avec le single SINGING IN THE SHOWER, en duo avec les Rita Mitsouko. Le succès est au rendez-vous dans nos contrées et une solide amitié naîtra entre les frères Mael et la chanteuse Catherine Ringer qui s’invitera parfois sur scène avec les Sparks par la suite. En attendant, les frangins décident (ou pas) de marquer une pause médiatique qui durera plusieurs années…

 Il faudra attendre 1994 pour retrouver nos Étincelles, qui renouent avec le succès en Europe grâce à leur single WHEN DO I GET TO SING MY WAY. Ce titre, dans lequel le chanteur se demande quand il aura l’opportunité de marcher sur les traces de Frank Sinatra, est extrait d’un album au titre si long et compliqué qu’une mention « The New Sparks Album » a été apposée en gros sur la pochette.

L’opus qui s’intitule GRATUITOUS SAX AND SENSELESS VIOLINS (je vous avais prévenus) est un album de bonne facture quoiqu’ayant assez mal vieilli. Il faut être un petit peu nostalgique de l’époque « Dance Machine » pour l’apprécier à sa juste valeur…

On y trouve une curiosité : un morceau intitulé TSUI HARK, dans lequel on peut entendre le « Steven Spielberg Chinois » énumérer des titres de films qu’il a mis en scène. En guise de remerciement, le cinéaste proposera aux Sparks de participer à la bande originale de sa réalisation : « Piège à Hong Kong » (1998). Un film d’action avec Jean-Claude Van Damme, bien loin de l’univers habituel des frangins dont le morceau IT’S A KNOCK-OFF accompagne le générique de fin.

Les Sparks aiment le cinéma et rêvent de septième art. Hélas ils jouent de malchance, ayant bien essayé de collaborer avec Jacques Tati dans le passé avant que la grande faucheuse n’en décide autrement. Et quand Tim Burton souhaite porter à l’écran le manga « Mai, The Psychic Girl » sur fond de musique Sparkienne, le projet est tout simplement annulé par les studios. En attendant de concrétiser leurs rêves cinématographiques, Ron et Russel Mael se consacrent à leurs prochains albums.

Les frangins répondent aux questions de Thomas VDB. Ça se passait le 19 mai dernier à la Fnac Les Termes (Paris).

Dans les années 90, même si leur succès reste modeste, les Sparks deviennent une référence musicale qu’il est bon de placer en interview lorsqu’on s’appelle Björk ou Morrissey. Même chez nous, le leader d’Indochine, Nicola Sirkis, a repris NEVER TURN YOU BACK ON MOTHER EARTH (de PROPAGANDA) pour son album solo « DANS LA LUNE » sorti en 1992.

Cette reconnaissance grandissante du milieu artistique débouchera sur PLAGIARISM, une sorte d’album-anniversaire pour lequel les Sparks retrouvent Tony Visconti. L’idée est de reprendre les titres qui ont fait la « gloire » des frères Mael ou qui ont acquis des lettres de noblesse avec le temps. Les frangins sont secondés pour l’occasion par des artistes de renom tels que Jimmy Somerville ou Faith No More.

Un prélude à une autre collaboration de taille en 2015 : celle avec le groupe Franz Ferdinand : un disque pour eux tout seuls sobrement intitulé FFS. Même si un des titres tente de nous faire croire que les COLLABORATIONS DON’T WORK, il n’en est rien. A en juger par des morceaux comme JOHNNY DELUSIONAL, sorti en single, ou le très énervé PISS OFF, l’alchimie entre les Mael et la bande d’Alex Kapranos fonctionne du tonnerre, ces deux formations étaient faites pour se rencontrer ! Elles prendront même la route pour une tournée commune qui contribuera notamment à faire les beaux jours du festival parisien Rock en Seine ! Entretemps, les Sparks ont eu l’occasion de changer (encore) de style en nous témoignant un amour certain pour la musique classique.

En 2002, pendant que la France fête le retour de ses anciennes gloires (Renaud avec BOUCAN D’ENFER et Indochine avec PARADIZE), le reste du monde célèbre le retour des Sparks avec l’album LIL’ BEETHOVEN véritable chef d’œuvre des frères Mael, près de trente ans après KIMONO MY HOUSE ! La prise de risque, l’expérimentation, la proposition de nouvelles expériences à leur public… voilà les secrets d’une telle longévité ! Et ce ne sont pas leurs vingt et une prestations à Londres en 2008 qui contrediront mes dires. Un an après Prince et ses 21 NIGHTS IN LONDON, les Sparks décident de jouer chaque soir un album sur scène, par ordre chronologique !

Ils fêtent leurs retrouvailles avec la France en 2006 pour la tournée HELLO YOUNG LOVERS, une masterclass dans laquelle on trouve le sensationnel DICK AROUND, un véritable hymne qui n’a rien à envier au HEROES de Bowie. Le nouvel opus est joué intégralement en live en guise de première partie avant de laisser sa place à un concert « Best of » plus conventionnel. Les Sparks continuent d’innover et le public répond de plus en plus présent, comme à la belle époque des seventies !

Malgré ses 76 printemps, Russel témoigne toujours d’une forme olympique !

Depuis, les frères Mael ont survécu au Covid avec l’excellent À STEADY DRIP, DRIP, DRIP dans lequel le morceau ALL THAT témoigne de leur affection envers leurs fans. Un concert au Casino de Paris mettra la foule parisienne à genoux, suivi en 2023 par la tournée THE GIRL IS CRYING IN HER LATTE qui posera ses valises au Grand Rex. Et si la salle est composée uniquement de places assises, le public s’en fout : on se lève tous pour les Sparks qui ont enfin réalisé leur rêve !

En effet, avec le réalisateur Leos Carax, ils ont monté leur propre comédie musicale intitulée ANNETTE, qui nous donne l’occasion d’admirer Adam Driver pousser la chansonnette aux côtés de Marion Cotillard ! Pour l’occasion, Antoine de Caunes ne tarit pas d’éloges envers les « étincelles »lorsqu’il leur remet le César de la meilleure musique de film ! Une célébration accompagnée par la sortie au cinéma d’un film-documentaire réalisé par Edgar Wright : THE SPARKS BROTHERS ! Une reconnaissance amplement méritée pour ces bourreaux de travail, tardive certes, mais mieux vaut tard que jamais !

MAD ! Le petit dernier.


Et si vous voulez en savoir plus sur cette étincelante fratrie, en plus de l’excellent film-documentaire d’Edgar Wright, je ne saurais que trop vous conseiller la lecture du livre « Sparks », par mon ami Thierry Dauge, sorti aux éditions du Layeur, ainsi que le podcast de Octave sur sa chaîne YouTube https://youtu.be/zuZkVsEXRMI?si=mfUQDBaob59MR8jj

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