BATMAN 66 de Jeff Parker
Par : TORNADOVO : DC COMICS
VF : URBAN COMICS

© DC Comics
Batman 66 est une série continue écrite par le scénariste Jeff Parker. Cet article porte sur les quatre premiers numéros ainsi que leurs « back-up » (sept courtes histoires en tout), respectivement dessinés par Jonathan Case, Ty Templeton, Joe Quinones et Sandy Jarrel. L’ensemble a été publié initialement en 2013. En VF, ces quatre épisodes sont parus sous la forme d’une revue chez Urban Comics dans le magazine BATMAN SAGA HS #8 en octobre 2015. Il y aura un second magazine dédié à la série (BATMAN UNIVERSE HS #1, avec les épisodes #5 à 8) mais ce sera tout pour la VF.
En VO, la série comptabilisera 30 numéro et, après son arrêt, connaitra plusieurs mini-séries spéciales, dont des crossovers avec d’autres franchises (la WONDER WOMAN jouée par Linda Carter, la série TV – DES AGENTS TRÈS SPÉCIAUX ou encore CHAPEAU MELON ET BOTTES DE CUIR !). Il y aura même une mini par Kevin Smith avec LE FRELON VERT !
Depuis 2023, BATMAN 66 a été intégré dans le multivers DC au sein de la… Terre 66, bien sûr !

Le concept de ces comics, comme leur nom l’indique, consiste à proposer une adaptation de la série télévisée culte des années 60, avec l’acteur Adam West dans le rôle principal, qui dura 125 épisodes de 1966 à 1968. Chaque dessinateur s’emploie ainsi à reproduire, par le biais de son style graphique, l’ambiance et le look très particulier de la série en question, de même que les histoires et les dialogues de Jeff Parker singent leurs principales caractéristiques. Par ailleurs, la plupart des acteurs interprétant à l’époque le rôle des vilains étaient extrêmement connus et concouraient à un véritable festival de « gueules » (Cesar Romero pour le Joker, Burgess Meredith pour le Pingouin, George Sanders ou Eli Wallach pour Mr Freeze, Vincent Price pour Crâne d’Œuf, Joan Collins pour Siren, Zsa Zsa Gábor pour Minerva, Michael Rennie pour Sandman, le pianiste Liberace pour Chandel, etc.). Du coup, chaque dessinateur s’applique ici à dresser le portrait des vilains, de sorte que l’on reconnaisse, avec plus ou moins de réussite, les acteurs de l’époque. Et tous ressemblent en tout cas à des acteurs déguisés, sans muscles hypertrophiés et sans costumes moulants comme dans les comics mainstream de super-héros…
De son côté, Jeff Parker joue à fond la carte de la nostalgie et reprend les codes des épisodes télévisés qui ont fait leur renommée : Les personnages sont tous joyeux et décontractés, les histoires tiennent sur un timbre-poste, ou plutôt ne tiennent pas debout, les scènes d’action relèvent du pur et simple délire, avec une chorégraphie immédiatement ringarde et des onomatopées criardes (tous les fans se souviennent qu’elles étaient littéralement dessinées par-dessus les feuilletons de l’époque !). Les dialogues sont ampoulés et théâtraux, et le look des personnages est kitschissime.
Le scénariste a néanmoins opté pour une narration séquentielle relativement moderne et épurée, dans le sens où il ne s’embarrasse pas des codes des comics old-school, nous épargnant de surcroit les bulles de pensée et les cartouches de texte envahissants. Le découpage est simple et extrêmement fluide, et les dialogues sont peut-être ringards, mais particulièrement soignés. On sent qu’il y a eu un travail assez fin, avec un souci constant de toucher à l’épure, afin que les récits soient les plus légers possibles.

© DC Comics
À l’arrivée, il est finalement très difficile d’aimer ou de détester complètement cette série. La nostalgie est bien présente, la narration est de bonne qualité et les dessins sont superbes (avec une mise en couleur acidulée, au diapason de l’époque consacrée). Chaque épisode met en lumière un ou deux vilains particuliers à chaque fois et leur offre un éclairage différent des comics liés à la continuité (certains d’entre eux sont d’ailleurs nés dans la série TV, avant de rejoindre les comics dans un effet de boucle bouclée !). Et surtout, Jeff Parker mise tout sur une forme d’humour « camp », une forme de satire mêlant diverses références culturelles avec une mise en scène théâtrale, très « second degré », dans laquelle les personnages ne se prennent pas au sérieux.
Mais le concept tel qu’il est formulé ici atteint rapidement et tristement ses limites : Chaque histoire n’est rien d’autre que ce qu’elle est. Rien n’est original. Rien n’est captivant puisque rien n’est pris au sérieux. Aucun personnage n’est autre chose qu’une caricature de surface. Le tout manque d’esprit et de sous-texte. Et au final, cette lecture n’offre rien d’autre qu’un bain de nostalgie vintage aux images chamarrées, dans un ensemble de petits récits finalement aussi ineptes que leurs modèles…
Il n’y a pas non plus d’acte postmoderne, comme ce fut le cas avec les œuvres de Jeff Loeb & Tim Sale, sans aucune transformation de fond et de forme. Sans autre chose qu’un dépoussiérage contextuel. C’est-à-dire la même chose remise au goût du jour, sans être repensée. Sans être diluée dans le présent, et sans le parti-pris plastique de la relecture intemporelle…

© DC Comics
BO : The Who : BATMAN THEME
