X-Men : Krakoa, l’ère des immortels.

Focus : l’ère Krakoa des X-Men

SPECIAL GUEST : MAXIME FONTAINE

L’ère de Krakoa, casting olympien (par Leinil Francis Yu)

Les super-héros ne meurent jamais. C’est à la fois leur force immense et leur plus terrible faiblesse. Force immense bien sûr, car ces personnages facilement identifiables, qui survivent à leurs créateurs, sont une manne commerciale pour les éditeurs qui en détiennent les droits et poursuivent inlassablement leurs aventures.

Terrible faiblesse aussi, car un personnage qui ne meurt jamais, cela affadit méchamment le suspens. Comment trembler pour un Spider-Man, un Batman, une Wonder Woman quand on sait qu’il ou elle se sortira de chaque faux pas sans (presque) une égratignure ?

Les X-Men n’échappent pas à la règle, eux qui ont, chacun leur tour, disparu des pages de leur comic-book pour mieux ressurgir, pour renaître plus forts, plus iconiques tel le Phénix placé dès les années 70 par les géniaux Chris Claremont et Dave Cockrum au centre de leur mythologie.

C’est un rite de passage obligé chez les mutants, un peu comme si l’on n’était un membre important de l’équipe que si l’on est revenu d’entre les défunts. Le processus, exaltant au fil des années 80, devient ridicule à la longue. Bien vite, on ne croit plus aux supposées morts de Jean Grey, Wolverine, Tornade, Diablo. On sait juste que le processus est d’ordre commercial, qu’on l’utilise pour créer un événement en deux temps autour de la victime.
1) Mise à l’écart provisoire par mort subite, la plupart du temps au détour d’un crossover aux allures de blockbuster.
2) Résurrection en fanfare qui coïncide souvent avec la lancée d’une nouvelle série sur le marché.

C’est fort de cette réflexion que Jonathan Hickman débarque, en 2019, sur la franchise mutante. Le scénariste-star, qui a déjà remodelé par le passé les titres Fantastic Four et Avengers voit les choses en grand. Il veut réinventer les X-Men, confits depuis des années dans les mêmes arcs narratifs, où bien peu de titres savent encore briller par leur originalité.

En 2019, enfin du nouveau chez les X-Men ! (Pepe Larraz et RB Silva)

Marvel lui donne les moyens de ses ambitions : il faut dire qu’à l’époque, la maison des idées vient de réacquérir les droits cinématographiques des mutants. Il est avisé de les remettre en avant. On adjoint au prolifique Hickman une star montante : l’extraordinaire Pepe Larraz, dont chaque page savamment composée est un festin pour les yeux.

Rejoints par RB Silva, les trois compères vont concocter un événement où morts et résurrections sont au centre de l’intrigue. Tous les titres en cours sont annulés, au profit de deux mini-séries-événements à suivre sur six mois, et à lire en parallèle.
. House of X, qui se déroule à notre époque.
. Powers of X, histoire futuriste qui relate l’avenir des X-Men, de plus en plus loin dans le futur.

Tout part d’un personnage secondaire : Moïra MacTaggert, simple humaine mais chercheuse surdouée et alliée historique des X-Men depuis les années 70. Cette autre création de Claremont et Cockrum est telle leurs Mystique, Phénix ou Tornade : une femme forte, indépendante, qui rivalise en intelligence et en ténacité avec ses meilleurs confrères masculins – là où les femmes de Stan Lee et Jack Kirby ne servaient souvent qu’à mettre en valeur les super-mecs.

Hickman s’empare de Moïra, et réécrit son histoire. La scientifique détentrice du prix Nobel est pour la première fois dotée d’un super-pouvoir. Elle devient mutante, pourvue d’un don étonnant et inédit : celui de revivre sa vie.

Selon le processus de la réincarnation, une fois son existence achevée (souvent de manière brutale), son âme s’incarne dans un nouveau corps. Sauf que ce corps est toujours le même : l’âme de Moïra remonte le temps, inlassablement, pour être remise au monde à la même date. Avec, en bonus, le souvenir de ses expériences précédentes. Toujours plus expérimentée, toujours plus intelligente, Moïra réécrit sans cesse son histoire… mais aussi l’histoire de l’humanité dans son ensemble.

Au fil de ses vies, elle choisit des orientations très différentes : victime dans un premier temps de conflits qui la dépassent, elle devient activiste anti-mutante, puis amante du professeur Xavier, disciple de Magneto ou encore alliée d’Apocalypse.

Mais avec ce terrible constat : quels que soient ses choix, les mutants (dont elle fait désormais partie) paraissent voués à l’extermination.

House of X #2 : les multiples vies de Moïra MacTaggert (par Pepe Larraz)

Moïra a vécu neuf vies. Elle en est à la dixième. Son pouvoir n’étant pas infini, il s’agit peut-être de la dernière. Moïra MacTaggert est devenue « Moïra X ».

Dans un élan à la fois optimiste et désespéré, celle qui a toujours traversé ces épreuves avec un immense sentiment de solitude décide de tout révéler à celui qui a été parfois son rival, parfois son allié : Charles Xavier, futur fondateur des X-Men. Elle lui ouvre son esprit, lui dévoile son parcours chaotique, tout en reboots.

Toujours, les mutants finissent par tomber, victimes des Sentinelles inventée par les humains, et de leurs alliés du Phalanx. Les machines s’étendent, se réinventent, supplantent même les vivants, et gagnent à la fin. Comment faire pour tromper cette menace inexorable ? Xavier a la solution : aux ennemis de jadis, il décide de tendre la main.

L’idée n’est plus de chercher la coexistence à tout prix avec une humanité qui cherche à exterminer les siens. Désormais, il faut faire alliance avec un Magneto borderline… mais aussi les pires crapules mutantes. On passe l’éponge sur leurs méfaits, parce que l’heure est à l’entraide : l‘inéluctable futur maintes fois vécu par Moïra en est la preuve par X.

Autour des héros gravitent mauvais mutants, Maraudeurs, terroristes en tous genres … jusqu’au très darwiniste Apocalypse, adversaire redoutable et redouté qui contre toute attente accepte l’alliance. Dans son sillage, bien d’autres suivront. Mais comment oublier les victimes de ces criminels, comment passer l’éponge sur les meurtres qu’ils ont commis, et qui vont à l’encontre de l’idéal pacifique entretenu par Xavier ?

Alliés de Xavier : l’incroyable pacte avec Apocalypse. (Pepe Larraz)

Ici ce situe le pivot scénaristique, résultat des réflexions pertinentes (mais aussi hallucinées) de Jonathan Hickman sur le statut de super-héros -et de héros de fiction en général. Depuis que Moïra X lui a ouvert son esprit, Charles Xavier a eu le temps de mûrir son plan. Utilisant la technologie Shi’Ar (une race extra-terrestre), les découvertes de Moïra elle-même, et tout le savoir technologique à sa disposition, le Prof X a élaboré un processus révolutionnaire.

Son Cerebro 2.0, machine qui lui servait jadis à mieux détecter les mutants, est devenu un gigantesque outil de sauvegarde. Utilisant ses pouvoirs psychiques, Xavier a depuis des années « sauvegardé » chaque esprit mutant qui l’environnait. Il faut imaginer toute âme humaine comme un simple fichier informatique que le télépathe est désormais capable de « copier et coller » dans Cérébro, qui comme toujours amplifie ses capacités. Tous les jours, Xavier effectue une nouvelle sauvegarde. Au mépris de l’intimité de chacun (cela ne l’a jamais vraiment dérangé), et sans l’accord des personnes concernées, il embrasse les souvenirs, les espoirs, les pensées obscures et secrètes, bref la personnalité de ses élèves pour la conserver, intacte, en-dehors des corps.

Éthiquement, l’opération est hautement discutable. Mais elle s’avère d’une redoutable efficacité. Car désormais, chaque membre des X-Men peut mourir sans conséquences. Certes, son enveloppe charnelle n’existera plus. Mais son âme (ou plutôt, une copie de son âme) pourra être réinsufflée dans un clone sans conscience.

Ces clones-réceptacles, ils sont créés à partir de la base génétique possédée par Mister Sinistre, ce savant victorien jusqu’ici antagoniste machiavélique du Prof X, désormais allié intéressé de sa nouvelle entreprise. Cinq jeunes recrues (appelés « The Five ») se servent des données de Sinistre et secondent Charles Xavier dans sa tâche quotidienne : celle de mettre au monde de véritables copies vivantes des X-Men.

On saluera au passage le clin d’œil méta intelligemment adressé aux fans par Hickman, qui met fin à une certaine hypocrisie ambiante, et qui signe un changement radical dans le contrat de lecture. Voilà, c’est acté jusque dans la fiction : aucun membre des X-Men ne peut vraiment disparaître. La mort est vaincue. Elle n’est plus qu’un état transitoire. Ce qui importe, maintenant, ce sont les implications de cet étonnant système de résurrection.

Face à ce nouveau paradigme, les crimes commis deviennent relatifs. Et l’on comprend mieux l’alliance avec les mauvais mutants. Pourtant, Il convient de juger le comportement des êtres irrécupérables, ceux qui ont non seulement nui à leurs semblables, mais aussi aux humains sans pouvoirs, hors de portée du processus-Cérébro, déjà surchargé.

Un ignoble personnage comme Dents-de-Sabre, tueur impénitent et psychopathe notoire pose un vrai problème. À la moindre occasion, il sévira de nouveau. Son cas doit être examiné par ses pairs. Mais qui serait légitime pour cela ? Les X-Men ont toujours été une équipe, très souvent une famille. Ce n’est plus le cas. Bien trop de mutants gravitent désormais autour du Professeur X et de Magneto. Il faut s’organiser autrement : on quitte l’école de Westchester maintes fois détruites pour bâtir une nation.

L’idée n’est pas neuve : quelques années plus tôt, au large de San Francisco, avait été fondée Utopia, menée par Cyclope -avant que celui-ci ne vrille à cause de l’entité Phénix.

Cette fois, la base du renouveau, ce sera l’île vivante de Krakoa, autrefois adversaire commune des X-Men originels du duo Lee/Kirby et de la seconde classe mise en scène par Len Wein/Claremont/Cockrum. Le symbole est fort : on se situe dans une certaine continuité, et dans la dynamique d’une réinvention qui a fait ses preuves dès les années 70.

Comme toujours avec Hickman, le changement se fait en se basant sur les épisodes importants du passé. Tout en rabattant les cartes, le scénariste utilise des jalons connus des fans, et brasse allégrement toutes les époques et les figures importantes de la longue continuité mutante.

Cela ne se fera pas sans heurts, et sans quelques contresens sur certains personnages (Moïra MacTaggert en tête), mais l’idée est louable et correctement exécutée. Désormais à la tête d’une nation souveraine, certains X-Men, triés sur le volet par Xavier s’allient au club des damnés, à Mystique, à Sinistre, et toujours à Apocalypse pour former un gouvernement de coalition : le Quiet Council.

Le Quiet Council de Krakoa, en session.

C’est ce Quiet Council qui décidera des nouvelles lois mutantes, et accessoirement du sort de Dents-de-Sabre. Le tueur en série sera bien vite condamné à l’exil… ou plutôt à un séjour carcéral sous terre -un sort peu enviable et d’une étonnante cruauté.

Clin d’œil de Hickman à Brian Bendis, l’une des lois votées par le Quiet Council est énoncée par Diablo dans un sourire malicieux : « Make more mutants ». L’image, marquante, répond au « No more mutants » destructeur de la Sorcière Rouge, qui a jadis réduit la population mutante à peau de chagrin.

Les temps ont changé : au « House of M » décimateur de Bendis (décision éditoriale du début des années 2000 pour endiguer la prolifération des titres X-Men) répond l’optimisme expansionniste du « House of X » de Hickman. Le message est évident : après de longues années de vaches maigres, on replace les X-men dans la lumière – pour les préparer sans doute à devenir la nouvelle poule aux œufs d’or de l’empire cinématographique Disney/Marvel.

Les mots tranchants de la Sorcière Rouge deviennent lueur d’espoir, grâce à l’optimisme de Diablo. (Olivier Coipel / Pepe Larraz)

La nation de Krakoa entre sur la scène internationale. Lassés d’être des victimes, ceux qui étaient les X-Men veulent prendre les Sentinelles et leS Phalanx de vitesse, pour cette fois empêcher le futur catastrophique trop souvent vécu par Moïra X.

Il est toujours permis de rêver… mais le rêve de Xavier devient pragmatique et proactif. Un peu à l’image d’une idéologie prônée depuis des années par son vieil ami/ennemi, et désormais allié inconditionnel : Magneto lui-même, tout en majesté car fort de ce succès commun.

Pour qu’on reconnaisse Krakoa et qu’on laisse les mutants en paix, le Prof X et ses alliés monnayent leurs découvertes scientifiques aux autres nations. Le cynisme, le diplomatisme musclé et le commerce international sont de rigueur. Gare à ceux qui veulent nuire aux mutants, ils seront privés de certains avantages qu’en un autre temps, Xavier leur aurait offert avec générosité.

Les lecteurs ont assisté en direct à la métamorphose : les X-Men tels qu’il les ont toujours connus on muté. Et si l’on peut regretter leur utopisme rêveur devenu pragmatisme implacable, la franchise redevient intéressante, car forte d’une toute nouvelle dynamique riche en rebondissements géopolitiques et en nouvelles menaces extérieures.

On fait entrer en scène de nouveaux antagonistes, tel la redoutable organisation Orchis. Cela n’empêchera pas, en interne, quelques couacs retentissants. Car bien entendu, si chaque malfaiteur a droit à sa nouvelle chance, certains d’entre eux, tels Sebastian Shaw, roi noir du Club des Damnés se révèleront d’irrécupérables truands, prêt à trahir l’honneur de leur peuple pour le pouvoir et l’argent.

Côte plaisir de lecture, le virage est passionnant car vertigineux. La double série House of X / Powers of X fait son entrée dans le cercle très fermé des meilleurs arcs mutants, toutes époques confondues.

À chaque numéro, RB Silva et surtout Pepe Larraz font mouche, enchaînent les scènes iconiques, et se montrent à la hauteur d’un scénario terriblement ambitieux. Les critiques applaudissent et côte ventes, c’est le jackpot. Cela faisait bien longtemps que les mutants ne s’étaient pas aussi bien portés.

Réussite totale, donc ? Si l’on prend uniquement les deux mini-séries de départ, la réponse paraît sauter aux yeux. Dialogues ciselés, habillage high-tech, scénario délicieusement retors et frais, le cocktail est fabuleux. À ce léger détail près : en se regroupant sur Krakoa, en devenant isolationnistes, les protégés de Xavier ont tout de même lâché leur idéal.

Afin de protéger efficacement les siens, Xavier a abandonné son rêve de coexistence humains/mutants. Et quand on voit Tornade haranguer une foule en effervescence, lors de la première résurrection de masse d’une équipe défunte, le malaise se dessine. Les X-Men ont-ils vendu leur âme ?

Suite à cette mini-série événement, d’ailleurs, l’équipe historique des X-Men n’existe plus. Place aux pirates Maraudeurs de Kitty Pryde, aux Nouveaux Mutants de Magik, à une nouvelle mouture (malheureusement bien fade) d’Excalibur, et même aux Hellions dirigés par le toujours malaisant Mister Sinistre.

Et Moïra MacTaggert dans tout ça ? Devenue Moïra X, elle ne peut participer à la fête, et reste cachée. Seuls Xavier et Magneto sont au courant de sa récente résurrection et de son incroyable pouvoir de mutante. Car si une augure comme la défunte Destinée (célèbre amante de la terroriste Mystique) en venait à découvrir son importance, l’utopie que représente Krakoa et qui a demandé tant d’efforts au Professeur X pourrait être aussitôt effacée, au profit d’un tout nouveau reboot. Surtout que ladite Destinée a déjà démasqué Moïra, lors d’une vie précédente…

Ainsi, malgré les suppliques répétées de Mystique, Destinée ne fera jamais partie des personnes fraîchement ressuscitées par « the Five ». On opposera toujours à son retour des prétextes fallacieux. Moïra X est un secret d’état.

Mais penser que l’affaire en restera là, c’est mal connaître Mystique, et sa légendaire ténacité. La mère (enfin presque…) de Diablo remuera littéralement ciel et terre pour être enfin réunie avec le grand amour de sa vie. Avec toutes les conséquences que l’on peut imaginer – pour le moment, l’affaire est à suivre.

La versatile mais opiniâtre Mystique, bientôt à la recherche de sa Destinée.

À peine l’ère Krakoa lancée, le ver est dans le fruit. Ce ver, cependant, est-ce Mystique, Destinée, Apocalypse… ou Xavier lui-même ? On est en droit de se poser la question, tant le rêveur à fauteuil roulant que l’on a connu semble s’être évaporé, au profit d’un messie imperturbable dont le regard demeure sans cesse voilé de son nouveau casque le liant à Cérébro.

D’autant que héros comme anciens vilains suivent les directives du Prof X sans se questionner, tel un vaste troupeau de moutons. On a connu les X-Men bien plus rebelles… Et si le prof X avait vrillé, en réécrivant la psyché des autres, en annihilant toute résistance, en déployant son pouvoir mépris de la moralité, prétendument au service de son peuple, mais surtout pour concrétiser sa vision discutable ?

La question est pertinente, et paraissait promettre de futurs conflits idéologiques, quand toute la vérité du maître-manipulateur apparaîtrait au grand jour…La suite de cette appétissante mise en bouche a-t-elle tenu ses promesses ? Sur ce point, la réponse est nuancée…

Malheureusement, par la suite, nous n’obtenons que sporadiquement le degré d’excellence entrevu dans House of X / Powers of X. C’est un peu normal : la nouvelle pléthore de titres mutants tirée de ce succès éditorial dilue l’intérêt et la concentration d’écriture. Et les disciples rassemblés autour de Jonathan Hickman ne possèdent pas son habileté scénaristique.

Le maître d’œuvres lui-même devient plus irrégulier, et surtout trop cérébral, loin du pathos et de la sensibilité auxquels les titres mutants nous ont habitués. Difficile de ressentir quoique ce soit pour ces mutants-là…

On gardera néanmoins en mémoire quelques épisodes croustillants, tels le trio Xavier/Magneto/Apocalypse en businessmen joueurs et implacables, ou encore le trouple Cyclops/Jean Grey/Logan, présent certes en filigranes, mais qui a beaucoup fait parler de lui.

Ce qui manque surtout à tout ceci, c’est un cœur, une âme qui a toujours animé les disciples du Prof X. Ils devenus des Dieux immortels sur leur Olympe, figures intouchables, si loin de l’humanité qu’ils paraissent ne plus respecter.

Le virage en agace certains, qui les taxent de fascistes sur leur île. (coucou Bruce !) Et de nouveau, on se demande souvent s’ils ne se trouvent pas en pilote automatique, téléguidés par leur mentor devenu gourou de secte.

On assiste à la dérive de plusieurs personnages, dont Henry « Le Fauve » McCoy, devenu au détour de la série « X-Force » un être détestable et manipulateur, aux antipodes de la figure altruiste et optimiste qu’il avait toujours incarnée.

Tornade, à l’inverse, bombardée souveraine d’Arakko, colonie martienne terraformée en grande pompe sous le regard d’une humanité époustouflée, retrouve pour la première fois depuis des décennies sa majesté perdue depuis le premier départ de Chris Claremont. Et cela fait un bien fou ! Le choix scénaristique douteux côtoie donc l’idée enthousiasmante. C’est cela, l’ère Krakoa. Mais il manque encore le supplément d’âme qui fera vibrer dans les chaumières…

La sauvegarde de nos super-héros et l’étincelle salutaire surgit enfin dans la série « Way of X », menée par le britannique Si Spurrier, où Diablo, qui a toujours été le compas moral du groupe s’interroge sur les débordements de Krakoa, sur la légitimité de Xavier à vouloir tout régenter, et sur ce que devient véritablement l’esprit après une résurrection numérique. Quelques tensions naissent entre eux, salutaires, et qui marquent le début des questionnements… il était temps !

Diablo en âme des X-Men et Tornade en majesté : certains super-héros sortent de la léthargie et redeviennent eux-mêmes. (par Terry Dodson et Russel Dauterman)

La suite s’écrit dans la mini-série « Inferno » (nouveau clin d’œil à un arc narratif mutant du passé). Dans celui-ci, l’obstinée Mystique orchestre le retour tant attendu de sa bien-aimée : Destinée, l’augure. Le couple réuni, épaulé par une Emma Frost tout en majesté, opère une percée dans le Quiet Council de Krakoa et change la donne : désormais, le statut omnipotent de Xavier est écorné, le secret de Moïra X est révélé, celle-ci même quitte Krakoa en rejoignant l’alliance ennemie humains/robots ( ! ) … et plus rien ne sera comme avant.

À ce stade de l’intrigue, coup de théâtre en coulisses : Jonathan Hickman quitte la franchise. Il laisse derrière lui un vivier d’idées captivantes… mais où le vif du sujet reste encore à traiter. L’architecte en chef s’étant carapaté -on apprendra plus tard que c’est Marvel qui l’a débarqué pour qu’il parte relancer une autre licence- l’ère Krakoa ouvre un second chapitre, principalement scénarisé par Kieron Gillen et Gerry Duggan.

Si le second se complaît dans des intrigues efficaces mais assez creuses, le premier, au contraire, devient le successeur attitré d’Hickman, s’emparant de l’ère Krakoa le long de quelques scénarios de haute volée. Il faut citer la série de Gillen, « Immortal X-Men », véritable bijou scénaristique qui explore les pensées, les espoirs, les doutes ou les machinations de chaque membre du Quiet Council.

Chaque épisode est construit à la première personne, le focus allant de Kitty Pryde à Colossus en passant par Destinée ou Xavier lui-meme. Au final s’assemble un catalogue de visions complémentaires, souvent passionnantes, qui constituent une vaste tapisserie géopolitique où défilent des personnalités tranchées.

L’ennemi ultime, ce n’est plus Orchis, les Sentinelles, le Phalanx ou même une Moïra X robotisée ( !! ), mais plutôt Mister Sinistre. On devinait le scientifique issu de l’ère victorienne dangereux depuis le départ. Voilà qu’il se métamorphose au gré de ses audacieuses machinations, en une sorte de démiurge qui a su créer des clones de lui-même, plus redoutables les uns que les autres. Pour le vaincre, les principaux X-Men, disséminés au fil de séries plus ou moins intéressantes interagissent de nouveau. Mais il faudra l’intervention de l’entité cosmique Phénix au terme d’une saga riche en rebondissements pour mettre fin aux plans machiavéliques du généticien, et son rêve de divinité absolue.

Immortal X-Men, l’un des formidables joyaux de la couronne à Krakoa. (par Mark Brooks)

Entre deux « Hellfire Gala » (clin d’œil mutant au Met Gala) et une ultime mini-série intitulée « Rise of the Powers of X / Fall of the House of X », on s’approche doucement du crépuscule de l’ère Krakoa. Les protocoles de résurrection ont des ratés, les ennemis de jadis redeviennent des adversaires, et l’île paradisiaque elle-même est attaquée. Bientôt, le Professeur Xavier trahit ses élèves en empruntant une pente moralement plus noire que grise, n’hésitant pas à éliminer certains d’entre eux ( !!! ). Charles est devenu tout aussi infréquentable que Moïra X, laquelle agit désormais telle une méchante de série B contre les mutants -dommage d’en arriver là : le personnage avait pourtant acquis une ampleur passionnante.

Une fois Mister Sinistre défait, Moïra mise sous la touche et Xavier incarcéré pour ses excès, Krakoa est dévasté, et Arakko, la planète où régnait Tornade est elle aussi abandonnée. Ne reste plus aux X-Men réunis qu’à se réinventer ailleurs, de nouveau, sans leur professeur qui a su leur offrir un rêve concret… mais qui par son ambition démesurée et ses errements éthiques a précipité la chute de son œuvre.

Cinq années après l’incroyable « House of X », Charles Xavier devient persona non grata parmi les mutants. Et l’on quitte cette ère étonnante pour un tout nouveau relaunch, placé cette fois dans le sillage de la série animée « X-Men ‘97 » : un retour aux sources bien moins ambitieux mais plus rassurant, peut-être.

Telle est la nature cyclique des comics. Au temps de l’inventivité débridée succède l’inévitable « back to basics » logiquement régressif. Les super-héros retournent toujours à leurs origines. Ce n’est qu’une question de temps.

De cette parenthèse pleine de bruits et de fureur, que retenir ?… Une saga identique à nulle autre, irrégulière certes mais globalement marquante, avec un début en fanfare, un milieu un peu mou et une fin agréable -bien qu’un peu trop « hard SF » pour le lectorat habituel des comics.

On aurait bien, tout de même, conservé la dynamique de Krakoa quelques années supplémentaires -surtout que Jonathan Hickman révèlera, au détour d’une interview, qu’il n’a pu mener son plan à terme, et qu’il s’agissait là d’un premier acte dont il n’a pu écrire les temps 2 et 3. Ceux-ci auraient-ils mieux expliqué le virage idéologique choquant opéré par Xavier et Moïra ? Nous ne le saurons jamais. Quoiqu’il en soit, les X-Men tels que nous les avons connus sont de retour. Leurs nouvelles aventures sont certes redevenues prévisibles et moins exaltantes, mais les mutants, privés de leur père spirituel et chassés de leur Olympe, ont su redevenir des mortels. Dépourvus du processus fascinant de résurrections successives, ils ont renoué avec les idéaux.

Le problème (mais aussi le bon côté) reste le même : les super-héros ne meurent jamais. Et ils sont condamnés, tels Moïra MacTaggert, à revivre des combats qu’ils ont déjà mené. L’avenir nous dira si l’ère suivante sera mémorable (cela s’annonce plus que mitigé), ou s’il faudra attendre plusieurs décennies pour revivre un scénario certes perfectible… mais avant tout audacieux.

Les X-Men repartent vers de nouvelles aventures. Adieu, Krakoa ! (Pepe Larraz)

35 comments

  • JB  

    Merci pour cette chronique de la grandeur et de la décadence de l’ère Krakoa !
    J’ai l’impression que la confiance des lecteurs s’est érodée avec leur patience. Hickman a pris beaucoup trop de temps à apporter des réponses au nouveau comportement des mutants, et les séries remettant en question le nouveau dogme (particulièrement celles de Spurrier) m’ont semblé bien rare.
    Je relisais un ancien article du docte JP Nguyen sur les utilisations du poème Ozymandias de Percy Shelley. J’ai un peu l’impression qu’il s’applique à l’Histoire des comics de manière générale : Peter Parker peut devenir un chef d’entreprise, Hulk rejoindre le SHIELD ou diriger un empire sur une planète distante, les mutants peuvent fonder leur havre de paix et discuter d’égal à égal avec l’humanité, toutes ces réalisations finiront par s’effondrer pour que les personnages reviennent au status quo défini par la culture populaire.
    « À côté, rien ne demeure. Autour des ruines
    De cette colossale épave, infinis et nus,
    Les sables monotones et solitaires s’étendent au loin. « 

    • Nikolavitch  

      au départ, j’étais prêt à accorder le bénéfice du doute à Hickman : j’étais assez enthousiaste sur Hox-Pox, qui osait des trucs.
      Mais derrière, me retrouver avec 72 séries à suivre (j’ai tenté, j’ai tenu…. 3-4 mois?) ça m’a refroidi, et si j’ai persisté sur la série principale, son émiettement des intrigues et ses passages du coq à l’âne d’un épisode à l’autre, ça m’a gonflé. J’ai pas tenu jusqu’au premier grand crossover.

      • Maxime Fontaine  

        Tout dépend si tu as suivi tout cela en VO ou en VF. En VO, tu écrèmes, et tu gardes le meilleur. En VF, tu avait tout d’un seul coup et c’était indigeste.

        • Nikolavitch  

          j’avais attaqué en VF, puis je me suis pris les TPB de Hickman, les trois premiers avant de lâcher.

          • Maxime Fontaine  

            Sa série « X-Men » est décousue. Pas inintéressante, mais qui manquait cruellement de sentiments.

    • Maxime Fontaine  

      C’est tout à fait ça. « The more the things change, the more they stay the same. » Le temps dans les comics est cyclique.

    • NICOLAS  

      Strange Spécial Origines 214. Les Avengers de Roy Thomas et Big John Buscema. Behold the Vision!
      Quand les super-héros avait la classe.

  • Sephcloud  

    Soit on meurt en héros, soit on reste vivant et on devient le vilain.
    Quand je lis cette chronique ça ne fait que confirmer le manque complet de cohérence qu’incarne ces personnages. On avait déjà ça avec civil war qui transformait les personnages en des enfoirés profond. Mais là c’est littéralement tout un groupe de héros qui ne pense plus par lui même tout ça pour qu’on les fasse rentrer dans les cadres du scénariste dieu le père Hickman. On manque tellement d’idée ou on a tellement l’impression d’avoir déjà tout écrit avec ces personnages qu’on les fait passer dans le mauvais camp. Comme si finalement ils traversaient tellement tous qu’ils en devenaient eux même antagonistes… Bref. C’est vraiment triste.

    • Doop  

      et pourtant. si on s’acharne un peu (ce que je suis en train de faire), on se rend compte que cette époque krakoa a fourni de très bonnes histoires. et souvent originales. forcément sur les 10000 titres y’a du mauvais (et bizarrement ce sont les séries du début genre Excalibur ou new mutants) mais a force, et en intégrant de très bons scénaristes (Duggan, spurrier, gillen), ça commence à prendre une tournure vraiment bonne. le problème c’est que 80% des électeurs étaient déjà partis.
      Et si on compare au relaunch actuel, c’est 200 fois au dessus, ne serait ce graphiquement. je dois en être à mon 200 épisode toutes séries confondues de krakoa, AUCUNE n’a ne serait ce qu’un épisode ou le.dessin est moyen (j’exagère peut être un peu mais je pense qu’au max on est à 5 ou 6 épisodes mal dessines).
      Et ça devient beaucoup plus nuancé aussi.

      En passant, un superbe article. je n’ai’pas lu la fin car je ne veux pas me gâcher ma lecture mais jusqu’à inferno, je partage totalement ton point de vue.

      • Maxime Fontaine  

        Merci Doop. Comme écrit plus haut, il fallait sélectionner pour garder le plaisir de lecture. Il y a du bon, du très bon, du très moyen et du mauvais. Mais l’arc narratig global est très intéressant.

      • Bruce Lit  

        Ah ah!
        j’aime beaucoup le lapsus de Doop entre lecteurs et électeurs.
        Car oui, c’est un titre Marvel très politique d’une politique Marvel avec laquelle je suis foncièrement en désaccord : l’apologie du communautarisme, la renonciation aux idéaux héroïques et toute déontologie.
        Mais j’y reviendrai largement plus tard.

        • zen arcade  

          A l’époque de la parution de HoxPox, je trouvais que Hickman posait ces enjeux de manière vraiment passionnante et très stimulante. Et ça vaut, il me semble, que l’on soit en accord ou pas avec les options qu’il mettait en place.
          J’avais été étonné par le rejet très fort de certains alors qu’il me semble que l’on peut très bien trouver HoxPox passionnant sans adhérer à ce qu’il met en place.
          Ca me paraissait quand même plus intéressant que tous ces trucs qui racontent la même chose pour la 34.576ème fois.

  • Radja.S  

    Merci pour cette analyse passionnée et passionnante!

    • Maxime Fontaine  

      Merci beaucoup Radja. 🙂

    • Bruce Lit  

      Hello grand !
      Quel plaisir de te voir ici!

  • zen arcade  

    Merci pour ce très bel article.
    J’avais beaucoup aimé à l’époque la proposition de HoX-PoX (il y avait là quelque chose de vraiment stimulant) avant de rapidement capituler face à la dilution du truc dans une kyrielle de séries qui n’avaient pas beaucoup d’intérêt.
    Je note que, si je décide un jour de me repencher sut tout ça, il me faudra privilégier le travail de Spurrier et Gillen, ce qui n’est pas vraiment une surprise étant donné que ces deux scénaristes sont globalement le plus souvent largement au-dessus du lot.

    • Maxime Fontaine  

      Oui, la série Way of X de Spurrier est intéressante -même si inégale elle aussi. Et surtout, il y a Immortal X-Men, qui est incroyable.

      • PierreN  

        Les britanniques (Gillen/Ewing/Spurrier) ont effectivement su tirer leur épingle du jeu, à tel point qu’une partie du lectorat a fini par préférer leur production à celle de la série X-Men principale (par Hickman puis Duggan).

  • Eddy Vanleffe  

    J’avais lu HOX/POX et j’avais feuilleté le début, mais j’ai été totalement rebuté par le propos et le hors sujet des personnages.
    c’est ce qui me fait dire que désormais les personnages sont des porte-manteaux. ils sont des marionnettes animés devant nos yeux sans que rien ne soit plus cohérent depuis un certain temps.
    J’ai abandonné.
    Je loue les idées, le concept qui aurait sans doute fait une série « indépendante » très intéressante.
    Mais à présent j’ai fait mon deuil des X-MEN qui se sont sacrifiés pour l’humanité qui les détestait à Dallas. Excalibur les a remplacés, Wolverine immortel a survécu à Madripoor…
    Tout le reste est du what-if…

    Merci pour cet article qui analyse bien le phénomène.

    • Maxime Fontaine  

      Dallas ?… ça remonte, tout ça. C’est à peu près le moment où j’ai commencé. Les X-Men d’Australie étaient tout de même très sympas -surtout les épisodes centrés sur Genosha.
      Tu l’as vu, j’ai aimé Hox/Pox. Mais il faut savoir butiner ensuite, et combler les vides…

  • Matmout Gougeon  

    Félicitations Maxime pour cette rétrospective approfondie et mesurée.. et donc forcément pertinente !
    On a déjà eu l’occasion d’en discuter ensemble auparavant, tu connais mon point de vue sur le sujet. J’ai adoré HoX/PoX et la mise en place de l’ère Krakoa : quelle joie de sentir toute cette énergie, ce renouveau autour de la franchise mutante après la grosse période de vaches maigres que fut l’après-Bendis (oui oui, je fais partie des lecteurs qui gardent une complaisance folle à l’égard du travail de Bendis, mais c’est encore autre chose ^^). La suite m’a beaucoup moins plu, la faute à une hard-SF absolument imbitable pour l’esprit simpliste qui est le mien, et à une écriture trop peu incarnée à mon goût – en dehors de quelques fulgurances comme « Hellions » notamment. Un comble quand on parle d’une franchise qui a fait son succès sur l’amour que portent les fans pour ses personnages et pour leurs atermoiements.

    Probable que je retente une lecture globale de l’ensemble d’ici quelques années, à froid, avec l’esprit plus clair. Qui sait, peut-être y trouverai-je davantage mon compte 🙂

    • Maxime Fontaine  

      Merci pour ta lecture attentive, très cher Matmout. 🙂 Relecture de l’ensemble, tu aurais bien du courage, ne t’inflige pas ça !! Par contre, passer de Hox/Pox à quelques séries choisies dont Hellions, pour ensuite passer par Inferno, Immortal X-Men et les mini-séries de conclusion, ça en vaut la peine. Ne serait-ce que pour voir TOUS les X-Men transmutés par la force Phénix, contre un Mr Sinistre tout puissant. C’était assez grandiose. Et cette ampleur manque cruellement, ces derniers temps. En tous cas, c’est la dynamique Hox/Pox qui a permis de lancer ton fabuleux groupe Facebook « À moi, mes X-Men », que je recommande chaleureusement à tous les fans tolérants et bienveillants -comme les X-Men de la grande époque.

      • Matmout Gougeon  

        Merci pour le p’tit coup de projo, l’invitation est lancée (enfin, uniquement les gens sympas et ouverts d’esprit hein, pas de boulet ni d’ayatollah merci merci ^^) 😉
        PS : excellente mémoire, nous avons ouvert exactement au même moment qu’était lancée l’ère Krakoa en VF, sacrée coïncidence !

  • Présence  

    Bonjour Maxime,

    Mille mercis pour cette rétrospective passionnante.

    Ça fait plaisir de bénéficier ainsi d’un bilan de l’ère initiée par Jonathan Hickman. M’étant arrêté juste avant Inferno, j’ai ainsi pu découvrir la suite et satisfaire ma grande curiosité.

    Bien vite, on ne croit plus aux supposées morts : oui, et en même temps ça ne m’a jamais gêné en tant que lecteur, je l’ai intégré comme une règle implicite.

    On saluera au passage le clin d’œil méta intelligemment adressé aux fans par Hickman : j’avais également trouvé ça très malin de sa part, de mettre en lumière cet artifice et l’intégrer dans l’intrigue.

    La scientifique détentrice du prix Nobel est pour la première fois dotée d’un super-pouvoir. Elle devient mutante, pourvue d’un don étonnant et inédit : celui de revivre sa vie. – Une belle inventivité dans la création d’un nouveau superpouvoir.

    L’heure est à l’entraide : les mutants continuent leurs bonnes actions… au bénéfice d’une autre partie de la population 🙂

    Comment oublier les victimes de ces criminels, comment passer l’éponge sur les meurtres qu’ils ont commis ? – Au moment de la parution de ces épisodes, cela entrait en résonance avec des questionnements d’actualité entre factions opposées dans des pays retrouvant la paix.

    Le symbole est fort : on se situe dans une certaine continuité, et dans la dynamique d’une réinvention qui a fait ses preuves dès les années 70. – Evidemment d’autres scénaristes ont su le faire avant Hickman, mais sans l’ampleur de son intrigue.

    Article passionnant de bout en bout, tant pour les facteurs de déliquescence intrinsèque à une maison d’édition comme Marvel (publier toujours plus de série), que pour les qualités créatives de cette phase de la vie des X-Men. Merci beaucoup.

    • Maxime Fontaine  

      Merci pour tous ces commentaires, Présence. And happy to please. J’ai toujours suivi les X-Men dand leurs bons et leurs mauvais moments. Et si rien dans mon coeur de fan n’équivaut à la première période Claremont (1975-1991), je trouve de temps en temps des arcs narratifs dont certains aspects me réjouissent. Celui-ci en fait partie.

  • Bruno. ;)  

    … Tout pareil que Présence ! OUARFF ! Ça s’appelle la flemmingite aigüe !
    Non ; plus honnêtement, je n’ai lu que quelques morceaux, au hasard, de cette période et me trouve par conséquent un peu inapte à commenter précisément cet article, si précis et informatif.
    Si je reconnais avoir été séduit par ce concept plutôt malin du « recyclage », j’avoue n’avoir rien compris aux personnages, ni à leurs réactions, vraiment pas assez typiques ni mesurées, dans leur ensemble : ils n’éveillent à aucun moment mon intérêt ni mon empathie -tant pis !

    Sinon : merci pour la superbe couverture de Mystique, qui se recueille sur la tombe de Destinée. Si je suis, encore une fois (quel râleur !), peu charmé par la coloration infographique (les couleurs en elles-mêmes sont très bien choisies.), je trouve absolument magnifique l’idée d’illustrer la douleur de Raven via la manifestation de son pouvoir de mutante, l’évocation du souvenir de son âme soeur la bouleversant si profondément que les traits de Irène se substituent aux siens, de façon probablement inconsciente… Exemple parfait -et spectaculaire et émouvant…- de l’intérêt précis de la spécificité de ces Super-Héros-là -et systématiquement ignoré au fil des séries (je radote) : il reste des milliers de façons nouvelles de mettre en scène ces personnages.

    • Maxime Fontaine  

      Oui, c’est ce que j’ai voulu souligner : le côté cérébral a beaucoup trop occulté la nécessaire empathie… Sinon, le duo Mystique/Destinée, très bien mis en valeur à partir d’Inferno est peut-être mon couple mutant préféré. 🙂

  • JP Nguyen  

    Super article pour avoir un topo global sur l’ère Krakoa. Je suis allé jeter un coup d’oeil sur le premier numéro de Immortal X-Men, c’est vrai que les dessins sont bons. Meilleurs que plein de trucs Avengers que j’ai pu voir passer vite fait.
    Cependant, dans ce numéro, on a droit à Sinister qui commente en voix off la démission de Magnéto puis le casting pour son remplacement. Et dans les candidats, on a quand même Vulcan et Gorgon, des types qui ont, me semble-t-il une longue liste de victimes à leur actif.
    C’est ce qui me gêne beaucoup dans l’ère Krakoa, les mutants se mettent au-dessus des lois (humaines mais aussi physiques, voire temporelles).
    J’ai lu un résumé où Beast tuait Wolverine et le ressuscitait pour le réduire en esclavage. Et pour dédouaner Hank, la version qui apparait actuellement dans la série X-Men est un clone généré avec des souvenirs s’arrêtant à la période des Avengers…
    Si les vilains changent aussi allègrement de camp, si les héros peuvent s’avilir puis se racheter par une pirouette scénaristique, alors à quoi bon s’intéresser à leurs histoires ?
    Je crois que Marvel aurait du faire comme DC et introduire des reboots périodiques assumant de dire « à partir de telle date, ce personnage change de version et on repart de zéro ». Dans la continuité Marvel, tout le monde finit par avoir été mort, ressuscité, possédé et surtout s’être comporté comme un gros connard.

    • Maxime Fontaine  

      Oui, tout ceci reste discutable mais amenait des problématiques neuves et intéressantes. Il eut fallu traiter ces errements avec minutie, l’équipe éditoriale a loupé quelque chose…

  • Jyrille  

    Welcome back Maxime ! Un bel article qui condense tout le run de Hickman, chapeau. Mais c’est bienvenu tant le recul nécessaire pour englober la totalité de cette histoire prend sans doute du temps. C’est ce que tu fais en commençant par faire le parallèle avec les vieilles histoires et les vieux lecteurs. C’est assez passionnant, surtout que la double idée de base promet de beaux développements.

    Je ne lirai jamais ça mais je suis donc bien content d’avoir tes explications et rappels (que je ne connaissais pas). Je remarque cependant qu’à chaque article sur les X-Men, la description des événements semble obligatoire : cette équipe multiforme semble surtout exister au travers de ses personnages, pourtant toujours changeants, d’après ce que je comprends (que ce soit dans cet article ou plein d’autres précédents, les retournements de caractères semblent légion).

    Par contre niveau scans, je trouve que tout est beau (sauf le dessin trop chargé de Mark Brooks). Ca donne envie de les feuilleter. La couverture Tornade par Russel Dauterman est splendide. Bonne idée d’avoir mis les noms des dessinateurs dans les légendes d’ailleurs. Merci pour le tour du proprio et bravo pour ce focus !

    • Maxime Fontaine  

      Uncanny X-Men reste l’oeuvre maîtresse de Claremont… Cependant c’est bien la seule équipe de comics mainstream dont je suis l’évolution depuis les années 80, sans (presque) discontinuer. La période Hickman est l’une des plus plaisantes depuis bien longtemps, malgré ses défauts. Difficile de passer après un récit aussi dense, sans paraître trop léger.

  • Kaori  

    Très chouette article qui me résume ce que je n’ai pas eu le courage de poursuivre, tellement je n’y comprenais rien (toute l’histoire de Moira et de ses pouvoirs)…
    Là tout est clair, merci !
    Tu montres les qualités et les faiblesses avec objectivité.
    J’aime beaucoup le style de Pepe Larraz, j’aurais aimé accrocher (et m’accrocher) à cette période, mais ton article suffira.

    De cette ère, j’ai suivi le titre HELLIONS de Zeb Wells que j’ai vraiment beaucoup aimé. Le reste, je ne m’y suis pas retrouvée. Trop cérébral, pas assez de sentiments ou d’émotions, comme tu l’expliques très bien.
    Les idées étaient bonnes, mais comme dit JB, le rythme a été trop lent, et à cause de ça, on n’aura jamais la véritable fin envisagée par Hickman. J’aurais aimé savoir ce qu’il avait en réserve…

    Concernant les nouveaux titres, il parait que celui de Gail Simone s’en sort bien. Mais je me suis lassée des X-Men. Si un jour je trouve la motivation et l’énergie, je le lirai.

    En tout cas c’est un plaisir de te lire ici !

    • Maxime Fontaine  

      Merci Kaori. Je comprends ton ressenti. Il fallait la trouver l’émotion, en effet, entre toutes ces histoires au fort contexte géopolitique… De l’émotion, il y en a eu sur Way of W puis surtout Uncanny Spider-Man… Et sinon, oui, la série Hellions était bien sympa.
      J’aime beaucoup Gail Simone en général, mais pour le moment, je ne suis pas du tout convaincu. Comme je suis fan, je m’accroche, en espérant que ce sera plus original ensuite… To be continued !

  • Bruce Lit  

    J’ai un problème avec ce dossier : il est brillant. Et s’il est brillant, cela voudrait dire que ce run d’Hickman l’est aussi. Alors qu’il ets pour moi le clou du cercuil d’une série qui depuis le début des années 2000 (à partir de HOUSE OF M) a transformé les Xmen en gourous religieux, adeptes du meurtre, de la torture et des exécutions de masse.
    Quoique l’on pense des run de Bendis, Fraction et cie (et je ne pense que du mal), il était quand même possible de reconnaître nos personnages.
    Avec Hickman, il appose un concept à des personnages vides. Je veux bien qu’il faille faire fi de la continuité infernale de la franchise, que personne ne croit aux morts et filer la métaphore sociale, mais encore faudrait-il ne pas vider la série de sa substance : l’attachement aux personnages.
    Or Hickman, c’est la garantie d’une écriture aussi chaleureuse qu’un Power Point.
    Il a inventé un nouveau concept : écrire une histoire hard science où il inviterait des X-Men qui n’ont que le nom.
    Je rejette vigoureusement ce run. Alors que Trump et Musk saluent nazi, nous avions besoin de pacifistes, de soldats de la paix, de héros habités de valeurs, de grandeur pas de ces misérables connards qui menacent d’enlever l’enfant de leur ami, traient les sapiens de singe ou s’assoient à la même table qu’Apocalypse, le Hitler de Marvel.
    Continuons les métaphore : il est impossoble de savoir comment se positionne Hickman puisqu’au final ce branleur ne finit pas ce qu’il a commencé. Ca fait long, un what if de 5 ans pour aboutir au fait que désormais, nous saurons que ce rêve que nous caressions avec Charles, il ne faut pas qu’il le réalise. Que les Xmen sont un danger public, capables de se comporter comme des olgarques.
    Et l’actualité nous montre qu’un pays peut avoir été victime d’un génocide et déportations avant de l’infliger à d’autres. C’est le destin de Magneto depuis longtemps, merci…On le savait depuis 30 ans. Quant au dossier Charles Xavier, qui peut me dire encore ce que ce type peut encore inspirer? Je veux dire, si Depardieu ou Gérard MIller ouvrait une nouvelle école de comédie ou de psychanalyse, ils se feraient cracher dessus, à juste titre. Et leur CV est moins chargé que ce bon vieux CHarles.
    Donc, non…en plus 5 ans dans une jungle technologique, c’est insupportable.

    Les Xmen reviennent avec la queue entre les jambes avec GAil Simone, mais ça on en parle demain.
    Sinon, oui les dessins sont superbes avec la cover du numéro 700 qui m’évoque fortement Adam Kubert.

    MAis bon, tant mieux si tu y trouves ton compte hein Max…Pour moi, la licence a raconté tout ce qu’elle avait à raconter, c’est terminé. Je ne connais plus ces personnages et je ne leur pardonnerai jamais d’avoir montré cette leçon de défaitisme : renoncer à ses rêves pour se radicaliser et se trahir.
    Non, ça me fait même mal d’écrire ces lignes tellement ces personnages ont construit mon ADN d’être humain..

    • Maxime Fontaine  

      Voici une réponse viscérale qui t’honores, cher Bruce -merci pour ton gentil commentaire sur mon boulot au passage.
      Je comprends ton point de vue. Mais le changement de concept était tout de même passionnant. Parce qu’on naviguait en zones grises.
      Que Xavier tende la main aux plus abominables mutants, cela ressemblait bien à l’utopiste qu’on avait toujours connu : il avait déjà accepté Magneto, Mystique et même Dents-de-Sabre dans ses rangs. Pourquoi pas Apocalypse ? Rêveur jusqu’au bout, et ambitieux de nature, pourquoi ne pas vouloir le faire évoluer, lui aussi ?…
      Il y a, dans l’utopie de Krakoa, la suite de toute une tradition littéraire des îles merveilleuses, dotées de gouvernements idylliques.
      Jusqu’à ce quelque chose coince et mette tout en péril.
      Pour moi, comme j’ai tenté de le mettre en lumière dans cet article, il y avait forcément un ver dans le fruit. Et ce ver, c’était Xavier lui-même.
      Voici ce que j’avais imaginé : quelqu’un avait réécrit la psyché du prof X. Et je croyais que ce quelqu’un, c’était Mr Sinistre. Cela me semblait impossible que les X-Men ne réagissent pas, ou si peu à leur soudaine radicalisation. Je pensais qu’Hickman distillait ses notes dissonantes, afin de mettre les lecteurs et lectrices mal à l’aise, insidieusement, graduellement. Et quand Diablo a pris conscience des problèmes liés à Krakoa, je me suis dit qu’on tenait un truc épique, avec un tournant X-Men contre X-Men : ceux qui s’éveillaient contre ceux qui s’étaient endormis, soumis à Cerebro 2.0, dans une société à la « Invasion Los Angeles » de John Carpenter : OBEY !
      Et boum, l’utopie se craquelait. Rien ne fonctionnait. Car rien de ceci n’avait jamais été réel.
      Mais non, ce n’était pas si bien construit que cela. Et comme il est parti en cours de route, on ne saura jamais ce qu’Hickman avait vraiment prévu. Ce qui fait de lui un imposteur, peut-être… En tous cas, pas un Alan Moore qui prépare sa conclusion dès le début, et garde son cap.
      Reste que Xavier s’est effectivement mué en bastardo peu à peu… sans ingérence extérieure. Pour moi, on est vraiment passé à côté de quelque chose de grandiose. J’y insuffle peut-être un peu ce que je voudrais y voir, plutôt que ce qui s’y trouve vraiment… mais franchement, ce run m’a tenu éveillé. Et on ne peut pas en dire autant de bien des épisodes des X-Men, sur les 20 dernières années.

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