Délivrance (Le Punisher sans Garth Ennis)

 Focus : Le Punisher sans Garth Ennis

Un Blue Bayou signé BRUCE LIT

VO : Marvel

VF : Panini

1ère publication le 24/09/18 – MAJ le 19/10/19

Sans Ennis, Frank en a plein le dos. ©Marvel Comics

Sans Ennis, Frank en a plein le dos.
©Marvel Comics

En 2008, tombe une affreuse nouvelle : Le Punisher MAX de Garth Ennis, ce sommet de noirceur mâtiné de Thriller urbain n’ayant rien à envier aux grandes signatures de Vertigo, se termine.

Pour les admirateurs de Ennis c’est à la fois un soulagement et une source de grande frustration : un soulagement car au bout de 8 ans, Ennis estime avoir tout dit sur le personnage et nous évite un exil de Frank Castle en Australie, amnésique et en costume rose. Frustrés, car comme les admirateurs de de DD après Frank Miller, il laisse un grand vide derrière lui et des chaussures impossibles à remplir. Pourtant, chez Bruce Lit on n’a pas peur des défis et voici pour vous, chers lecteurs, un petit focus du Punisher Post-Ennis.

1/ Six Heures à vivre par Duane Swierczynski et Michel Lacombe

Paru originellement en 2009 dans les numéros 66 à 70 aux USA, le lecteur français pourra se procurer ce scénario de Duane Swierczynski et les dessins de Michel Lacombe dans le volume #16 des recueils gris de la collection Punisher Panini avec une bonne traduction de Nicole Duclos. Les couvertures sont signées Dave Johnson, qui mine de rien les magnifiera jusqu’à la fin du run de Jason Aaron.
L’album est dédié à la mémoire du jeune coloriste Stéphane Péru décédé à 26 ans en 2008.

Le pitch : Sur la piste d’un gros bonnet, le Punisher est capturé à Philadelphie et empoisonné. Il lui reste 6 heures à vivre qu’il va employer à nettoyer la racaille locale tout en cherchant ceux qui lui ont fait cette mauvaise piquouse.

C’est l’époque où Marvel embauche des romanciers pour faire style sur les crédits. En plus d’avoir signé les très dispensables aventures de CABLE VS BISHOP après MESSIAH COMPLEX, Duane Swierczynski a signé des romans noirs : THE BLONDE, THE WHEELMAN, ou SEVERANCE PACKAGE dont j’accepte l’appréciation de qui les aurait lus ici.

Pitié, pas de mise en scène à la Bendis ! ©Marvel Comics

Pitié, pas de mise en scène à la Bendis !
©Marvel Comics

Si le pitch du type empoisonné qui enquête sur son propre meurtre, déjà emprunté aux films MORT A L’ARRIVEE (1950) et son remake de 1988 ou le formidable CRANK, n’a rien de particulièrement original, il est suffisamment excitant pour le voir transposé dans l’univers sordide du Punisher.
Question ambiance, tout est là : un maire marron impliqué dans de l’esclavage d’enfants, un malabar traumatisé du Vietnam, un savant psychopathe et une experte en gâterie sub-ceinturale qui rêve depuis son enfance de goûter du Punisher à l’anis…

Mais… très vite, tous ces personnages tournent en rond ; non seulement Michel Lacombe ne parvient pas à les rendre visuellement intéressants et facilement identifiables, mais le scénariste peine à les incarner. Il multiplie à outrance un casting inintéressant où chaque personnage tente d’avoir son moment avant de se faire flinguer, mais surtout, il emberlificote tellement son intrigue de factions et de manigances politiques qu’il produit l’inverse escompté : son intrigue semble aussi droguée que son personnage et on finit par parcourir cet imbroglio de bitch’n’politics en pilote automatique en se demandant tout simplement comment Frank Castle s’en sortira cette fois et le score qu’il atteindra en 6 heures de maximum carnage. Au fil des heures, on notera tout de même que malgré son empoisonnement, le Punisher tient une forme éblouissante.

De ce côté, les affrontements sont suffisamment variés et nombreux pour ne pas s’ennuyer avec des moments amusants où Castle fait un teamup avec le FBI venu le coffrer contre un escadron de la mort ou sa réaction face à une groupie qui rêve d’une punition plus jouissive… Swierczynski signe un épilogue pas dégueu avec un twist amusant mais qui du début à la fin souffre des illustrations de Michel Lacombe.

On ne peut pas dire que Frank en impose.... ©Marvel Comics

On ne peut pas dire que Frank en impose….
©Marvel Comics

Le dessinateur est plutôt bon dans les scènes à connotation sexuelle et le rendu de femmes fatales. Pour le reste, on ne peut pas dire que son jeu d’acteur soit des plus fins, surtout dans le rendu des dialogues où les personnages à bouche ouverte semblent candidater à un porno.
C’est surtout son Punisher qui m’a posé souci : si l’on ne peut que saluer la démarche de Lacombe de trancher quelque peu avec l’apparence classique de Frank Castle, le justicier à tête de mort transformé en grand type avec une petite tête, flottant dans ses vêtements avec une calvitie naissante et un regard de chien battu n’en impose pas du tout. Et lorsque celui-ci prend des coups et qu’il semble affublé de pustules sur le nez à la place de bleus, le lecteur se surprend à penser que ce Punisher fait d’avantage pitié que peur.

Au final un récit sympathique et anecdotique loin d’être désagréable (ce n’est pas tous les jours que l’on apprend à dire suce moi la bite en vietnamien dans un comics américain) si vous avez quelques euros et heures de lecture à tuer. Le duo fera nettement mieux dans un One Shot où le Punisher traque un trio de criminels en haute mer.

Le bodycount de Frank
19 tués
5 bléssés

2/Bienvenue dans le Bayou par Victor Gishler et Goran Parlov

Ya pas à dire, Johnson sait illustrer ©Marvel Comics

Y’a pas à dire, Johnson sait illustrer
©Marvel Comics

Ces épisodes sont parus en 2009 dans les numéros 71 à 74 de la série US et dans le recueil #17 de la collection Panini. Des minis épisodes totalement dispensables signés Swierczynski ou Peter Milligan complètent le programme.

Lorsque j’avais lu cette histoire la première fois, je me surpris en flagrant délit de mauvaise foi : je les achetais une à une mais m’obligeais à ne pas les aimer par fidélité à Garth Ennis. C’est un tort car nous allons voir que cette histoire vaut le détour (mortel).

Le pitch : En mission en Louisiane, Frank Castle décide d’enquêter sur d’étranges disparitions autour d’une station service. Mal lui en prend car il va avoir à faire à une bande de dégénérés cannibales tuant de l’Alligator à mains nues aussi facilement que le parisien de souche file des des coups de tatane à son caniche nain.

Comme SIX HOURS TO KILL,  l’idée d’éloigner Castle de la Grande Pomme amène un dépaysement bienvenue. Encore une fois, ce n’est des plus original puisque Ennis avait déjà envoyé le justicier à la campagne, en Russie et en Irlande et que l’on lorgne fortement sur MASSACRE A LA TRONÇONNEUSE ou DÉLIVRANCE, mais ces clins d’oeil sont assumés et souvent jouissifs.

Ademas, l’idée de plonger un ancien du Vietnam dans la jungle reste délectable avec un Frank pisse-froid utilisant serpents-pièges-marécages pour neutraliser une quarantaine d’abrutis consanguins.

Des instants Ennis, même sans Garth Ennis ©Marvel Comics

Des instants Ennis, même sans Garth Ennis
©Marvel Comics

Globalement Gishler parvient à faire du bon Ennis avec des instants de pur sadisme et de moments énormes : le redneck un peu bourré qui massacre à mains nues un Alligator de trois mètres rappelle Jodie qui latte à coups de poings un gorille dans un spécial de PREACHER et qui rendait lui aussi hommage à DÉLIVRANCE.

Dans cette histoire où la proie devient le chasseur, Gishler écrit un scénario bourrin mais sans temps mort très divertissant où la simplicité des intentions fait mouche à l’inverse de l’inutile sophistication de Swierczynski. La ruse du Punisher et son sang froid lui permettent de surmonter le désavantage du nombre et de la méconnaissance du terrain.  La voix -off du personnage est bien utilisée  ainsi que le dosage: machine à tuer-fenêtre d’humanité du personnage.

Belle, mais complètement tarée ! ©Marvel Comics

Belle, mais complètement tarée !
©Marvel Comics

Gishler dispose d’un atout de taille : Goran Parlov. Le dessinateur Croate qui a illustré certains des meilleurs épisodes de la série est au mieux de sa forme. Là encore, c’est de la haute couture : son Punisher est massif, ses adversaires encore plus  et pourtant ils sont crédibles et crèvent l’écran dans une mise en scène panoramique permettant la fluidité de la lecture. L’ambiance de son Bayou  est juste phénoménale : ses freaks, ses pièges, sa moiteur.  Parlov réussit même la gageure de dessiner Frank Castle en caleçon sans le ridiculiser en lui conservant sa dangerosité.

Le duo met en place des personnages haut en couleur : une petite frappe qui fait un teamup irrésistible avec le Punisher dont on sent l’attachement des auteurs, le taré innocent mais dangereux qui se ballade avec un lapin rose en pleine jungle et l’allumeuse de service sexy et vulgaire. Parlov joue la référence Tarrantino à fond en mettant son lecteur le nez face à ses plantes de pieds comme celles de Bridget Fonda dans JACKIE BROWN. En outre, ceux qui vénèrent THE DEAD HEART de Douglas Kennedy se sentiront chez eux.

Il n’y a aucune honte à écrire une bonne série B et celle-ci est formidablement bien troussée. . Et les puristes savent que parfois,  à l’époque du vinyle, elles étaient meilleures que les faces-A.

Le bodycount de Frank
14 tués
2 blessés

Au menu : le fameux boyau du Bayou !  ©Marvel Comics

Au menu : le fameux boyau du Bayou !
©Marvel Comics

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Dans le Bayou ou empoisonné à San Francisco, Focus sur deux épisodes du Punisher post Ennis. Bien ou pas bien ? Réponse chez Bruce Lit.

La BO du jour : allez, après toute cette violence, un peu de douceur dans le Bayou.

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