Les âmes mortes (The Crow)

THE CROW par James O’Barr

Un article de MATTIE-BOY

1ère publication le 15/10/19- MAJ le 29/12/19

VO : Caliber comics (puis Image comics, puis IDW)

VF : Delcourt

Aujourd’hui, nous allons parler du comics THE CROW de James O’barr. Après avoir abordé le film ici , il convient de revenir à la source. Et nous allons voir que le fond est tout de même bien différent.

Histoire d’un deuil ©Delcourt

Histoire d’un deuil
©Delcourt

Alors avant de parler du comics, il faut parler d’un évènement important dans la vie de son auteur. Oui, je sais, c’est bizarre de ma part. D’habitude je ne me préoccupe pas de la vie privée des auteurs. Seulement voilà…THE CROW est une autobiographie. Romancée, fantasmée, certes. Mais le récit d’une perte qu’a vécu son auteur.

James O’barr a été placé dans un orphelinat très jeune et « sorti » le week-end par des familles qui faisaient ça pour un peu d’argent. Il n’en est pas ressorti très sociable et est resté seul un bon moment. De son propre aveu il était venimeux, cynique, aigri. Et lorsqu’il a réussi à se trouver une petite place dans ce monde, il a rapidement vécu un drame dans sa jeunesse : son premier amour qu’il a rencontré à l’âge de 16 ans et avec lequel il a vécu 3 ans jusqu’à leurs fiançailles a été renversé par un chauffard bourré. Ce drame, il n’a rien de spécial et sans doute que plein de gens l’ont vécu. Je ne cherche pas à minimiser son importance, mais je ne veux pas non plus élever l’auteur à un rang de personnage de tragédie qui a vécu un truc hors normes. Seulement ce qui rend son histoire intéressante, c’est ce qu’il a fait de son chagrin : il a créé un comics. Un comics qui a pris des années et des années à être réellement terminé, en passant par plusieurs versions. Le récit d’une partie de sa vie. Récit fantasmé bien sûr, comme une métaphore de son chagrin.

Tristesse ©IDW Comics

Tristesse
©IDW Comics

L’histoire, vous la connaissez (mais on va la répéter, voilà !) : Eric Draven et sa fiancée Shelly Webster tombent en panne de voiture sur la route. Ils sont attaqués par un gang de voyous qui lui tirent dessus avant de violer sa chérie sous ses yeux. Eric décède plus tard à l’hôpital. Un an plus tard, il revient à la vie, accompagné d’un corbeau mystique semblable à un dieu vengeur. Et il va chercher à éliminer les responsables de la mort de sa chérie.

Oui, Eric est une sorte de zombie. Le problème c’est qu’il souffre terriblement de la perte qu’il a vécue. Il se souvient de tout évidemment et sa condition de revenant immortel ne l’immunise pas du tout contre le chagrin. Malgré ses pouvoirs, il est une véritable épave émotionnellement. Et sa recherche de ses meurtriers sera souvent entrecoupés de souvenirs de moments heureux à jamais perdus avec sa fiancée.

Automutilation ©Delcourt

Automutilation
©IDW Comics

Ce qu’il s’est vraiment passé avec ce gang, on ne l’apprend d’ailleurs pas tout de suite dans le comics. On comprend qu’il s’est passé quelque chose de grave mais on commence d’abord par nous montrer Éric exercer sa vengeance, et c’est ensuite en flash-back qu’on comprendra tout. Un flash-back parfaitement pertinent pour le coup car il ne fait pas que nous donner des informations mais illustre la souffrance qu’Éric s’inflige en ressassant le passé.

Contrairement au film, le personnage d’Éric Draven alias The crow n’est jamais en danger. L’histoire n’est pas celle d’un super héros qui aurait une faiblesse que de gros méchants sauraient exploiter pour faire pencher la balance. Les méchants de l’histoire ne sont pas une grosse mafia puissante : ce sont des junkies minables qui n’ont jamais l’avantage sur cet ange vengeur qui vient les massacrer les uns après les autres. Car le récit se fiche des affrontements. On ne verra même pas mourir le dernier des voyous. Seulement une image sur un marteau que tient notre « héros » avide de veangeance. Bien sûr ces junkies n’en restent pas moins répugnants par leur bêtise et leur immoralité, mais l’auteur ne s’intéresse pas à les rendre particulièrement dangereux face à une force surnaturelle. Dangereux, ils le sont, mais pour le commun des mortels.

Impuissance  ©IDW Comics

Impuissance
©IDW Comics

Il peut même se dégager une impression que la vengeance n’est même plus si légitime car elle semble trop facile. The crow peut paraître cruel. Certains pourraient même y voir une apologie de la peine de mort. Mais en réalité…on s’en fout ! Le comics ne parle pas de politique, juste de colère et de fantasme qu’on a tous eu face à une injustice révoltante. Il explore ce côté d’un homme désespéré qui est hors du temps et hors du monde des humains, consumé par son chagrin, élevé au-dessus de tout ça…ou enterré tout en dessous, au choix.

C’est le paradoxe qui rend cette histoire de vengeance intéressante malgré son côté classique. Est-ce que The crow se libère ou est-ce qu’il s’enfonce en faisant tout ça ? Est-ce qu’il ne devrait pas plutôt lâcher prise et se pardonner, essayer de refaire sa vie. Mais bien sûr dans ce récit en question…Eric n’a plus de vie. Il est mort et prisonnier d’une existence « spectrale » vouée à la vengeance. Une existence qui semble bien vide et triste à la fin du récit. Une fin que O’barr a réécrite en rajoutant des chapitres une fois qu’il a pu lui-même prendre du recul dans sa vie qu’il a lui, réussi à poursuivre après son deuil (et sans doute grâce à cet exutoire qu’a été son comics.)

Complaisance dans la douleur  ©IDW Comics

Complaisance dans la douleur
©IDW Comics

Le comics baigne dans une ambiance de quartier chaud pouilleux rempli de putes et de drogués, et le dessin en noir et blanc contribue à donner cette ambiance de film noir glauque. Que dire du dessin d’ailleurs ? Certains le critiquent en disant qu’il y a régulièrement des défauts, des problèmes de proportions, etc. Et c’est vrai. Le dessin fait assez amateur souvent. Seulement voilà : c’est normal ! On parle d’un comics dessiné par un autodidacte qui avait à peine la vingtaine, et pas par un cador de l’industrie des comics qui en est à sa 50ème œuvre. Et malgré ces quelques défauts réels, on peut lui reconnaitre une belle maitrise du clair-obscur avec des jeux d’ombre efficaces, et aussi des anatomies de personnages davantage inspirées de la réalité que des super héros bodybuildés. En plus de ça, je dirais qu’on est dans un cas où les défauts de l’œuvre font partie de son charme. Justement parce que c’était une œuvre de jeunesse davantage balancée sur papier avec colère que soigneusement réfléchie. C’est un comics qui a mis du temps à être complet, à se peaufiner pour aller au bout de son propos. Et on peut d’ailleurs voir au fil des pages le dessin s’améliorer.

THE CROW est-il un comics parfait ? Non. A-t-il des défauts au niveau du dessin ? Oui. Mais est-ce une œuvre puissante qui vous fait ressentir la douleur et le parcours de deuil d’un homme ? OUI ! Et comme je le disais, les imperfections de ce comics sont importantes. C’est une œuvre qui a évolué, O’barr est revenu dessus plusieurs fois, a rajouté des chapitres au fur et à mesure des années où son regard sur la tragédie qu’il a vécu changeait. THE CROW est le récit d’un exorcisme, un exutoire salvateur qui s’est transformé en même temps que la vie de son auteur, un comics qui passe par toutes les étapes : la colère, la douleur, l’envie de vengeance, le sentiment d’injustice et d’impuissance, la culpabilité, le complexe du survivant, le pardon à soi-même. Et tout ceci n’a pas été réalisé des années après la tragédie mais au fur et à mesure des évènements de la vie de l’auteur.

Colère  ©IDW Comics

Colère
©IDW Comics

Sans doute que la première version axée uniquement sur la vengeance était moins intéressante, mais puisqu’elle a été faite dans la douleur, elle transpire l’authenticité et aborde toutes les étapes, même celles où on s’apitoie et qu’on hurle contre le seigneur et le monde entier sans que ça serve à quoi que ce soit, ou celle où on se complaît presque dans la douleur en se remémorant les bons moments perdus. Et au fil des années, lorsque O’barr a pu prendre plus de recul, il y a incorporé les chapitres sur le vide que laisse un deuil impossible à accepter, sur le sentiment de culpabilité qui ronge (avec la métaphore d’un cheval pris dans des barbelés qui se débat et s’inflige plus de souffrance encore), et sur le pardon et la bienveillance qu’il faut s’accorder à nous-mêmes, nous qui avons survécu et n’avons rien pu empêcher. Sur la nécessité de tourner la page, et laisser mourir le corbeau en nous.

C’est une œuvre forte dont la trame est peut-être classique et déjà vue, mais qu’on ressent faite dans la douleur et qui est sincère. Les dessins eux-mêmes semblent tracés dans la colère parfois, et leurs imperfections font partie intégrante du parcours d’un auteur qui couchait sur papier une plaie, une douleur. L’illustration parfaite de la catharsis, dans sa forme primitive et authentique grâce à son utilisation thérapeutique au fil même de la vie de son auteur. En général, je ne suis pas forcément fan des œuvres sur lesquelles les auteurs ne cessent de revenir pour ajouter ceci ou cela (genre les premiers STAR WARS) car souvent ça n’apporte rien, ou ce sont des caprices, mais ici c’est l’exception. L’auteur parle de lui et retrace un parcours qui se vit littéralement, et prend du temps, parfois trop, jusqu’à mûrir, le temps que les plaies guérissent.
Evidemment, je considère qu’il faut lire la version définitive éditée par Delcourt.

Et maintenant quoi ? ©IDW Comics

Et maintenant quoi ?
©IDW Comics

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The Crow : une histoire de douleur et de rédemption à la une de Bruce Lit.

La BO du jour

37 comments

  • Présence  

    The Crow est un comics de référence que je n’ai pas réussi à finir, et sur lequel je ne suis jamais revenu. En lisant ton article, j’ai enfin compris pourquoi je ne l’avais jamais terminé.

    Dès le début tu expliques qu’il s’agit d’une BD d’exception : (1) tu parles de la vie de l’auteur, (2) ayant commencé avec la première version il aurait fallu que j’en lise plusieurs versions successives pour le savourer, (3) tu exonères l’artiste des défauts, des problèmes de proportions. Vraiment une œuvre d’exception à tes yeux.

    Par curiosité, je suis allé consulter la page wikipedia du comics et j’ai mieux compris pourquoi je ne m’y suis jamais retrouvé dans toutes les éditions successives. La première édition (celle sur laquelle je devais avoir mis la main) a été publié par Caliber Press. Ensuite la série et les recueils ont été repris successivement par Tundra Publishing, Kitchen Sink Press, London Night Studios (jamais entendu parler), Image Comics, Pocket Books (inconnu au bataillon), Gallery Books (je découvre son existence), et enfin IDW Publishing qui a également publié des suites en 2012, 2013, 2014 et 2018.

    Du coup, ton article est indispensable pour que je m’y retrouve. Je suis totalement convaincu par l’argument de l’œuvre sincère et par la catharsis qui en résulte. Ce principe d »œuvre en cours de développement (work in progress) me rappelle ce que j’avais ressenti en découvrant la série Kabuki de David Mack, dans laquelle on voyait l’auteur progresser.

    • Matt  

      « tu exonères l’artiste des défauts, des problèmes de proportions. Vraiment une œuvre d’exception à tes yeux. »

      Comme je le dis, c’est un comics réalisé par un amateur à la base. Sans formation artistique, sans réputation, sans rien. Il se serait même fait recaler dans une école d’art (plus ou moins parce que ça ne l’intéressait pas de se plier au programme et dessiner des trucs imposés, mais bon…)

      En un sens, c’est un peu comme si je me pointais avec une BD ici. Est-ce que vous jugeriez mon travail en le comparant aux stands d’un Frank Miller ou Steve Epting ou je ne sais quoi ? Ce serait un peu dur quand même^^
      Je sais que depuis le temps l’oeuvre a gagné en réputation, a été vendue, etc. Mais ça ne change rien au fait que les premières planches dont d’origine et ont donc été dessinées par un gars de 20 ans dans son atelier.
      Et en passant outre ces problèmes, on est pris dans le récit.

      • Présence  

        Il n’y a pas d’ironie dans ma phrase, parce que je sais d’expérience que je ne sais pas écrire de sorte à me faire comprendre dans ce registre. Au contraire, je comprends bien cette façon d’envisager la qualité de dessins amateur, ayant fait de même avec le premier tome de Kabuki où il y a des grosses imperfections.

        En te lisant, je me disais même qu’il faut que j’écrive mon article sur Dilbert, un comic-strip réalisé par Scott Adams dont les capacités de dessins sont très limitées, bien plus que celles de James O’Barr.

        • Matt  

          Non j’avais compris^^
          Mais je sais que ça peut paraître bizarre de ma part puisque je taille souvent Mike Allred pour ses erreurs de proportions.
          Cela vient de 2 choses : tout le monde encense Allred comme si c’était un génie, et du coup je pige pas.
          Et ensuite Allred est un dessinateur aguerri qui pourrait très bien éviter ces erreurs. Et il a également un style dépourvu d’ombres (ce qui n’est pas forcément un problème en soi, mais chez O’barr on peut au moins lui accorder de bien se débrouiller avec les jeux d’ombres)

    • JB  

      Durant les années 90, London Night Studios s’est spécialisé dans les bad girls avec Razor, Stryke, Morbid Angel, Demonique ou encore Poizon dans des comics à la limite du soft-porn

      • Présence  

        Merci pour la précision car je n’avais gardé aucun souvenir de ces parutions.

  • Patrick 6  

    Ah ce comics a bercé une bonne partie de mon adolescence (comme il l’a fait pour la plupart des fans de Cure et de Joy division). A ma connaissance c’était le premier comics a afficher littéralement des références musicales qui me sont familières depuis ces…hum… 34 dernières années ! (la vache)
    Quoi qu’il en soit comme tu le dis The Crow est tout sauf parfait : les proportions, le scénario minimaliste, etc etc… Mais pour moi l’intérêt réside surtout dans les scènes de deuil entre chaque exécution (du reste on voit bien que le dessinateur a apporté bien plus de soin à ces planches qu’aux autres). Sans ces pages, ce en serait qu’une banale histoire de vengeance d’un mec habillé en cuir.

    • Matt  

      Les scènes de deuil, d’autodestruction, de souvenirs du drame, prennent même plus de place que les exécutions. Du coup…ouais t’as pas tort mais il n’y a aucune raison d’imaginer ce comics sans ces planches^^ Une bonne partie sont d’origine aussi d’ailleurs, dès la première version du comics.
      Eric a aussi un comportement auto-destructeur durant les scènes d’exécutions. Ok il est immortel mais il semble vouloir s’en prendre plein la gueule quand il invite tout le monde à lui tirer dessus.

    • Matt  

      Bon et moi les références musicales hein…vous m’en voudrez pas de ne pas les avoir relevées^^

  • Eddy Vanleffe  

    The crow est un comics que j’ai lu en fascicules français dans les magasins, quand j’ai eu enfin le pognon pour l’acheter, il n’était plus là…
    les erreurs de dessin ne m’ont jamais parues dérangeantes parce que c’était l’époque des Scienkiewicz, Kent Williams et autres Kelley JOnes qui jouaient avec le réalisme d’une manière sans doute plus maîtrisée mais bon, on était dans le registre indé, et donc torturé…
    mais bon au début je faisait du jeu de rôle, tout le monde était à fond sur le cyberpunk et je ne me reconnaissait pas trop dans les trucs « online » « virtuels « reseau » neuromancer » etc… et je me dirigerais instinctivement vers un autre genre plus voisin le « gothic-punk » un truc pas réaliste un peu comme si dracula ou Jack l’éventreur se passaient dans les bas-fonds actuels…. c’était les jeux Vampire ou surtout Werewolf…le truc c’est que ce genre à l’époque n’avait pas de support « culutrel » connu jusqu’à cette pub radio qui parlait de ce film testament de Brandon Lee: THE CROW.
    je me suis jeté sur le film, je l’ai adoré et je me suis jeté sur la bd….
    un monument pour moi, un truc libre de tout format, très bizarre qui fait appel à des angoisses viscérales bien plus fortes que le simple justicier surarmé.
    très grande oeuvre à mon sens.
    merci de combler cette lacune Matt….

  • Matt  

    Voila tu resumes tout bien.

    Tu parles du jeu Vampire avec les clans Bruja, malkavien, nosferatu, tremere, ventrue, tout ça ?
    Ils en avaient fait des jeux vidéo dont Vampires bloodlines que j’adorais. On pouvait jouer 7 clans différents, ceux de la Camarilla je crois, avec des facultés différentes pour chacun, fallait éviter de passer en frénésie bestiale si on faisait des conneries, etc.

  • Fred Le Mallrat  

    J’ai la version Kitchen Sink de 1994 (TPB), je sais pas trop s’il me manque des ajouts ou pas.
    Comme dit Patrick, à l’époque pour un fan de Cure ou Joy Div’ (la frange gothique, Batcave… n etaient plus trop à la mode et même plutôt raillée.. alors qu’aux USA avec la popularité de NIN, les autres groupes d’indus.. les Smashing.. cela devenait populaire) le film avait un peu compté.
    J avais préféré le comics.. pas vraiment parcequ’il est parfait.. le dessin est clairement faible. Mais dans les passages sur le deuil, il y a de vrais moments de poésie, je trouve.. Et oui dans le genre viscéral..

    • Fred Le Mallrat  

      Flesh & Blood avec Maleev était sympa aussi et arrivait a renouveler un peu ..(contrairement à dead Time)

    • Matt  

      Le dessin est faible sur les 50 ou 60 premieres pages. Apres faut pas deconner y’a de belles planches aussi.

  • Matt  

    Pour ceux que ça intéresse, une longue (et ancienne) interview dans laquelle O’barr explique un peu tout, jusqu’à ces inspirations musicales aussi^^

    https://www.youtube.com/watch?v=reZ2NFNL4Hw

  • Matt  

    Je me reconnais un peu là dedans. Pas dans ce qu’il a vécu, mais dans son processus créatif purement cathartique et « pour lui », qu’il n’avait pas prévu de vendre ni rien, et qui lui a occupé l’esprit pendant des années comme un exutoire.

  • Bruce lit  

    On te sent très touché par cette oeuvre, c’est inhabituel je trouve (et c’est tant mieux). Pour moi les dessins sont très acceptables, à aucun moment je n’ai envie de fracasser le bouquin contre un mur ce qui m’arrive souvent lorsque je tombe sur Ramos par exemple.
    Tu as bien détaillé le contexte de l’oeuvre, sa sublimation et son imperfection qui rende l’entreprise touchante : une souffrance individuelle qui réussit à devenir universelle, c’est beau.
    Pour le reste j’ai lu ça attentivement chez Tornado il y a deux ans. Mais ne me suis jamais senti concerné. Tu évoques la facilité de la vengeance, oui, The Crow est déjà mort. Mais je n’ai pas eu d’empathie pour Eric ni vivant, ni mort, ni son couple.

    • Matt  

      Ce n’est pas tant une empathie envers le personnage que tu es sensé ressentir je pense, c’est juste ce que ce deuil difficile et les angoisses qui vont avec évoquent chez toi. Ce n’est pas juste un mec pas content qui va se venger. C’est une épave qui traverse une épreuve, et on sent que l’auteur sait de quoi il parle.
      Enfin après ce genre de BD, ça prend ou ça ne prend pas selon le lecteur.

      • Patrick 6  

        « je n’ai pas eu d’empathie » c’était donc vrai ! ahah (private joke)

        • Bruce lit  

          Rien n’est vrai,
          Rien n’est beau
          Tout n’est rien
          Mais rien du tout
          Rien n’est tien,
          Regarde bien
          De bas en haut :
          Les salauds…

      • Bruce lit  

        Je n’ai pas eu le temps de terminer, pardon, because soirée beuverie avec Nikolavitch.
        Je disais que les personnages du vilain au héros en passant par l’auteur semblent vidés de toute vie (pour les raisons que tu expliques, ce n’est pas un jugement). Malgré cette énergie du désespoir et si tu lis le truc sans te soucier du contexte (c’était mon cas), ben cette histoire de vengeance c’est moins bien que du ROBOCOP par exemple.
        Après et je fais la même démarche avec le rock, le contexte explique l’oeuvre. Sauf que l’oeuvre en question ne me parle pas assez pour avoir envie de m’y plonger. Étrange car tout ceci avec la mort de Brandon Lee prend un tournant très romantique qui ne me déplairait habituellement.

  • Tornado  

    Voilà un article avec lequel je suis tout simplement 100% d’accord du début à la fin, à tel point que je me suis surpris à opiner du chef à chaque ligne…
    Il faut dire aussi que j’ai découvert cette oeuvre dans sa version définitive, qui permet de bien prendre la mesure du processus créatif.
    Au final je vais dans le sens de Matt et Eddy : Voilà une très grande oeuvre du 9° art.

    (J’en avais écrit le commentaire à ma zone autrefois et j’avais envisagé l’article. Je dis ça juste pour préciser que pour moi aussi ce comics, ce n’est pas rien).

    • Matt  

      Eh bien l’avantage d’être 100% d’accord, c’est que t’auras pas besoin d’écrire ta version de l’article^^
      C’est un comics où j’ai curieusement ressenti la douleur, pas forcément du personnage, mais de l’auteur derrière. ça n’arrive pas souvent, je sais pas trop d’où ça vient. Peut être bien aussi des imperfections du comics, de sa dimension un peu amateure. On sent que c’est tout sauf un produit calibré pour la vente, et que c’est authentique.

  • Tornado  

    Oui et puis il y a quelque chose de séminal. C’Est le genre de lecture où tu te dis qu’il y a des milliers de trucs qui en découlent depuis. Au hasard SPAWN.

    • Tornado  

      THÉ CROW est aux comics du genre SPAWN, GHOST, WITCHBLADE, DARKNESS, etc, ce que SUPERMAN a été à la fin des années 30 pour les comics de super héros. En cela ses maladresses et son aspect séminal sont très touchants. C’est l’aube d’un nouvel âge d’or.

  • JP Nguyen  

    Pendant plusieurs années, une VF me faisait de l’oeil dans une librairie que je fréquentais, quand j’étais étudiant. Bien des fois, j’ai feuilleté le bouquin sans jamais franchir le pas. Plus tard, j’ai du le retrouver en médiathèque, mais là non plus, je ne l’ai jamais vraiment lu, enfin pas de manière attentive pour que cela soit une lecture marquante.
    Pourtant, j’ai lu plusieurs reviews en VO et elles concordaient pas mal avec l’article de Matt.

    Peut-être qu’un jour je rattraperai ces rendez-vous manqués. Toutefois, les dessins inégaux et l’ambiance poissarde ne me stimulent pas trop…

    En étant un peu taquin, je note quand même que, sur cette oeuvre, Matt, tu fais une entorse à ton credo « j’en ai rien à battre de la vie de l’auteur, je m’intéresse à l’oeuvre elle-même’ 😉 !

    • Matt  

      « Matt, tu fais une entorse à ton credo « j’en ai rien à battre de la vie de l’auteur, je m’intéresse à l’oeuvre elle-même »

      Bah oui mais j’en parle dans l’article, et j’explique pourquoi ça a du sens ici pour moi.
      T’as survolé aussi l’article ?^^ (pour être taquin aussi)

      • JP Nguyen  

        Certes, j’ai formulé ça de manière caricaturale alors que tu écris cela en disant de manière soft « Oui, je sais, c’est bizarre de ma part. D’habitude je ne me préoccupe pas de la vie privée des auteurs.  »

        Or, j’ai souvenir de formulations plus punchy de ta part dans certains commentaires d’articles, du genre « mais pourquoi devrait-on savoir ceci/cela pour apprécier… » En raisonnant par l’absurde, pourquoi choisir d’ignorer le contexte et l’auteur dans d’autres cas ? Les oeuvres ne naissent jamais à partir de rien. Et la connaissance du contexte, en ce qui me concerne, même si je ne la recherche pas systématiquement, modifie souvent mon appréciation d’une oeuvre.

        Par exemple, le Fear Agent de Remender, je l’apprécie bien mais sans plus (je lui mettrais 3,5 ou 4 étoiles max). Mais le fait d’avoir lu dans une préface le contexte de prod de l’oeuvre, où Remender qu’il s’était arraché, avec ses potes, pour sortir et finir la série (sans gagner beaucoup d’argent, si je me souviens bien), et bien, je dois être un pigeon, mais cela génère de la bienveillance de ma part et cela réévalue leur boulot plutôt à la hausse. Et une fois cette information connue, il m’est difficile de l’ignorer pour aborder la série de manière « objective » ou avec une « subjectivité vierge » (désolé si je suis pas clair, j’ai des journées à la con).

        Du coup, mon interrogation (réelle, et c’est pas du tout pour chercher des poux), c’est pourquoi (et comment) choisir de « savoir » sur certaines BD et de « ne pas savoir » pour d’autres ? Avec la double difficulté que si on cherche à savoir, on ne pourra plus oublier et si on ne cherche pas à savoir, on ne saura pas ce qu’on ne sait pas (oui, vraiment à la con, ces journées…)

        Un autre exemple, qui me vient en tête, c’est le Rayon U récemment chroniqué par Tornado. Si on ignore le contexte (ce qui était mon cas avant de lire son article), on pourrait passer à côté de l’aspect volontairement dérivatif du Flash Gordon voire accuser Jacobs de plagiat ou contrefaçon alors que c’était assumé.

        Voilà, sorry pour la digression…

        • Matt  

          Houlàlà pfff question compliquée à 23h30…

          Pour faire simple, je ne choisis pas de savoir. Voilà.
          Pour the Crow je m’en suis douté parce que ça se ressent au travers de la BD.
          Aucun moyen de se douter que Remender avait des difficultés pour faire son comics.
          Que ça te permette d’être bienveillant une fois que tu le sais…ma foi, tant mieux…ou tant pis, j’en sais rien. Après on peut expliquer qu’on n’aime pas trop sans être un connard^^ « ils ont eu du mal à finir, tout ça, je veux pas être méchant, mais c’est pas ma came. »
          La vie privée des gens ne va pas changer mon avis sur une histoire. Me rendre moins méchant peut être, mais je ne pense pas être méchant de base, j’ai écrit très peu d’articles qui défoncent des œuvres.
          D’ailleurs j’ai parlé de la vie privée de James O’barr mais je ne pense pas qu’au final ça ait grandement changé mon avis sur le comics. Mais comme son comics est une sorte d’autobiographie qu’il a conçue comme un exutoire, oui le contexte me semblait plus important à mentionner. Peut être pas tant pour sa vie personnelle, mais pour le contexte de conception du comics (un autodidacte qui n’a pas créé ça dans le but d’y vendre) Et ça j’ai jamais dit que ce n’était pas important de le connaitre : il serait par exemple stupide de reprocher aux vieux comics de ne pas montrer de sang alors qu’ils étaient soumis au comic code.

          @Bruce : Robocop n’est pas du tout une histoire de vengeance, what the fuck are you talking about ? Quoi juste parce qu’il va buter ceux qui l’ont buté ? Mais il sait à peine qui c’est, il n’est quasi plus humain. Y’a zéro émotion, on s’en tape, c’est pas du tout le propos du film qui parle d’ultra-violence, de dérives médiatiques et commerciales dans une grosse satyre de la société. Sauf si tu parles encore de l’insipide remake mais même là…mega bof, je me souviens même plus de qui l’a tué et de qui il voudrait bien se venger. C’était affreusement générique.

          Ce que tu dis n’a pas de sens là pour moi. Dans the crow on te montre un gars qui s’auto-détruit avec toutes les étapes de ses souffrances, et tu préfères un robot sans émotion qui défouraille tout ? Là tu t’es trompé de comics alors si tu voulais un truc badass cool. C’est pas du tout l’objectif de ce comics de rendre ça cool et divertissant.

          • Bruce lit  

            Oui.
            Pour ma part j’associe la vengeance de Robocop avec sa lutte contre OCP, c’est indissociable. J’y trouve de l’émotion dans les deux versions. The Crow et sa culture rock devrait d’avantage me toucher mais ça ne prend pas. C’est pas faute d’avoir essayé. Et ce n’est pas la faute des dessins.
            Mais je trouve encore une fois la démarche très saine. Si écrire soigne la blessure de O’Barr, si lire nous rend plus humains et réveille en nous toutes sortes d’émotions, c’est formidable. Il y a d’autres BD sur la mort et le deuil qui me touchent beaucoup. Celle-là, non, voilà tout. Avec cet article tu fais d’une pierre de coup : tu laisses parler tes émotions de lecteur que ta pudeur esquive habituellement et comble un manque dans les publications du blog. Merci.
            Bendis : ce qu’il met de lui dans toutes ses BD : la peur de l’imposture et le dégoût de soi.

          • Matt  

            Mais c’est une vengeance complètement désincarnée dans Robocop, c’est plus un message politique qu’un truc émotionnel. Toi qui aime plutôt les personnages qui ressentent des choses et le travail sur le deuil d’habitude, c’est le monde à l’envers là !
            Macron va peut être se mettre à faire une politique de gauche ?

        • Matt  

          suite pour JP : Et aussi, connaître ce contexte permet de comprendre la conception du comics : pourquoi il a mis 10 ans à le finir, pourquoi il est revenu dessus après, pourquoi le début est moins bien dessiné, etc.
          J’en parle pour expliquer que s’énerver sur ces « défauts » n’aurait pas de sens. Le mec a vécu tout ça, ça a pris du temps, il a pris du temps à tout mettre sur papier. Il n’avait pas de formation, donc c’est pas parfait niveau dessin et il ne faut pas le comparer à un mec qui aurait 30 ans d’expérience et de multiples Eisner awards.

          Pour ton exemple avec Remender…j’imagine que si c’était super mal dessiné pour que le comics soit terminé rapidement à cause de X problèmes…alors oui ce serait utile de savoir ce qui s’est passé derrière pour ne pas s’énerver dessus. Mais bon…si au final rien ne saute aux yeux et que les auteurs ont pu finir sans que ça se ressente sur le produit fini…bah j’ai pas de raison de m’intéresser au fait que l’un d’eux à peut être pris 2 semaines de retard à cause d’un drame dans sa famille (par exemple)
          Ok c’est pas cool pour lui mais…ce n’est ni le sujet de la BD, et si au final ils ont pu faire ce qu’il fallait…ça n’a pas à jouer un rôle dans ma notation.

        • Matt  

          Pour faire encore plus simple : disons que c’est une question de respect^^

          Si tu aimes une BD, t’as pas à te soucier de la vie privée des gens (enfin tu peux si t’as envie, mais on parle de mon raisonnement là^^)
          Si t’aimes pas un truc, tu peux songer à te renseigner avant d’écrire des articles assassins. ça ne changera pas forcément mon opinion sur le truc, mais je sais par exemple que Igor Kordey a du bosser avec des délais de malade sur les X-men de Morrison. Je trouve toujours ça aussi moche, mais je lui accorde le bénéfice du doute quant à son talent de dessinateur^^ Je ne le jugerai pas là dessus.

          Après se renseigner peut faire apprécier davantage une œuvre, mais là c’est un choix que tu fais toi-même, et il faut être conscient qu’après tu seras moins objectif et ne pas balancer aux lecteurs qu’ils sont cons de ne pas se rendre compte à quel point c’est bien parce qu’ils ne sont pas allés lire la biographie du mec^^ C’est pas censé être nécessaire !

          Alors oui tous les auteurs mettent un peu d’eux-mêmes dans une œuvre. Mais il y a « un peu » (je me demande ce que Bendis a mis de lui dans ses New Avengers tiens…) et il y a l’autobiographie fantasmée évidente qui pour le coup justifie davantage qu’on se questionne sur l’auteur.

          • JP Nguyen  

            OK, Matt. Merci d’avoir pris le temps d’expliciter ta démarche de lecture.

  • Jyrille  

    Très bel article, Mattie boy ! Je comprends mieux ce que peut représenter cette bd, et je trouve que les dessins choisis ici sont plutôt attirants. Malgré une édition définitive, je ne suis pas certain de vouloir lire ceci, pas dans l’immédiat en tout cas. Mais si cela arrive, j’aurais en tête tes mises en garde et tes explications. Merci !

    Il faudrait que je revoie le film. La BO avait de bons titres (mais pas tous), c’est un film qui a statut de culte pour beaucoup (mais pas moi).

    La BO : je suis toujours pas rentré chez les Stranglers, ça ne ma parle vraiment pas. Je vais finir par y arriver un jour je pense…

    • Matt  

      Le film n’est pas culte pour moi non plus. Même si O’barr n’était pas déçu par le film, il diffère pas mal de sa BD. Le comics est bien plus sombre, sans espoir…que ce soit pour Eric ou pour la gamine qu’il aide à un moment (qui a un rôle bien moins conséquent que dans le film, c’est juste une pauvre gamine paumée, et qui ne se sort pas spécialement de sa situation) Y’a pas de gentil flic, pas de mafia ultra puissante qui trouve un rituel mystique pour piéger the Crow, rien de tous ces trucs un peu trop « super héro-esque »
      C’est vraiment juste un comics sur la douleur, le deuil, la vengeance.

  • Kaori  

    Je fais comme Jyrille, je rattrape mon retard de commentaires…

    Merci Matt pour cette analyse très profonde de cette oeuvre unique et atypique.
    J’avais vu les films et me rappelle de ce côté culte qui auréolait ce personnage.
    J’en apprends beaucoup plus sur ses origines et sa personnalité grâce à toi, et je le trouve bien plus intéressant dans le comics !! Et tu sais bien mettre en valeur les intentions et les épreuves qu’a vécues l’auteur pour accoucher de son oeuvre et traverser son deuil…

    Je me laisserai bien tenter, du coup…

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