Run Toward Yours Fears (Stephen King à l’écran part 2)

_00 Au départ, il y a des livres. © Albin Michel / Berkley Books / J’Ai Lu / Le Livre de Poche.

Au départ, il y a des livres.
© Albin Michel / Berkley Books / J’Ai Lu / Le Livre de Poche.

Encyclopegeek – Stephen King : Adaptations ciné et TV (suite)

Un article de TORNADO

Cet article est un peu la suite de celui-ci. Dans le précédent, il était alors question de savoir pourquoi l’écrivain Stephen King avait tant été adapté sur les écrans, qu’ils soient grands ou petits.

A présent, nous allons nous contenter de puiser ici et là dans les adaptations cinématographiques et télévisuelles, de manière plus ou moins aléatoire, pour quelques films de plus et un large tour d’horizon s’étalant de 1985 à 2006.
Nous regarderons autant du côté des adaptations fidèles que des infidèles, voire même du côté de certains films vaguement dérivés de l’œuvre du roi de la peur…

Le blues des 80’s… © Studiocanal

Le blues des 80’s…
© Studiocanal

1) PEUR BLEUE (1985)

PEUR BLEUE (STEPHEN KING’S SILVER BULLET en VO) est un film réalisé par Daniel Attias. Le scénario est rédigé par Stephen King lui-même d’après son propre roman L’ANNEE DU LOUP-GAROU (CYCLE OF THE WEREWOLF), qu’il avait écrit en 1983.

Le pitch : Dans la petite ville de Tarker’s Mill (dans l’état du Maine), des meurtres abominables sont perpétrés à chaque cycle de la pleine lune. Marty, un jeune garçon handicapé, soupçonne que ces meurtres sont en réalité causés par un véritable loup-garou. Ses déductions vont peu à peu le mettre sur la piste de l’homme qui, la nuit venue, se transforme en loup…

De toutes les adaptations cinématographiques de Stephen King, voila sans doute celle qui souffre de la pire des réputations. Et c’est à cause de cette réputation catastrophique que je n’avais encore jamais regardé ce film jusqu’à hier soir…
Et bien franchement, voilà une petite série B horrifique bien sympathique ! Dans le plus pur esprit des productions de l’époque (le milieu des années 80), le film est un excellent divertissement sans prétentions qui se fond complètement dans le moule des adaptations du King.
Les nostalgiques retrouveront ainsi le charme et l’atmosphère envoûtante qui enrobaient alors tous les films d’épouvante qui, dans la même période, mettaient en scène de jeunes adolescents (STAND BY ME, ÇA, EXPLORERS, GENERATION PERDUE, LES GRIFFES DE LA NUIT, etc.).

Certes, le film est loin d’être un chef d’œuvre impérissable, mais encore une fois il ne mérite pas sa mauvaise réputation (dans le genre, je l’ai largement préféré à LA NUIT DECHIREE, qui bénéficie pourtant d’un meilleur succès d’estime). Bien évidemment, toute la dimension effrayante s’est estompée avec le temps et les apparitions du monstre ne font aujourd’hui plus peur à personne, car la « peur » au cinéma ne fait jamais de vieux os et la portée des expressions horrifiques ne résiste pas au temps qui passe. En revanche, les effets spéciaux sont solides, le casting est très réussi (Gary Busey, Everett McGill et Corey Haim sont formidables), la caractérisation des personnages est particulièrement soignée (et meilleure que dans la plupart des films actuels) et, si l’intrigue en elle-même est complètement basique, voire sans intérêt, l’écriture du scénario et le développement des personnages offrent à eux-seul toute la tenue du film, qui se laisse regarder avec délice, si tant-est qu’on le regarde avec la nostalgie qui va avec…

Cat from the crypt ! © Warner Home Video

Cat from the crypt !
© Warner Home Video

2) CAT’S EYE (1985)

CAT’S EYE est un film réalisé par Lewis Teague, sur un scénario de Stephen King. Il regroupe trois histoires distinctes, dont deux issues du recueil de nouvelles DANSE MACABRE, la troisième ayant été écrite par l’écrivain lui-même pour le film. Tel un film à sketches, les trois segments sont réunis par un fil conducteur : Un chat errant, qui assiste entant que témoin à des événements horrifiques ou surnaturels…

1° récit : Un homme (James Woods) décide d’arrêter de fumer. Il s’inscrit alors dans une clinique spécialisée. Hélas, les méthodes de la maison sont plutôt horribles avec, à la clé, tortures et mutilation sur les proches de la famille…
2° récit : Un jeune homme (Robert Hays, le héros du film Y A-T-IL UN PILOTE DANS L’AVION !) est capturé par le mari de sa maîtresse, qui n’est autre qu’un gangster local. Ce dernier l’oblige à faire le tour de son building du haut de la corniche, au dernier étage, tout en le tourmentant au fil de son parcours !
3° récit : Une petite fille (Drew Barrymore) recueille le chat errant. La nuit, elle est régulièrement terrorisée par une sorte de lutin démoniaque, qui habite dans le mur de sa chambre. Mais alors que le chat tente de la défendre, les parents, incrédules, pensent que l’animal est un danger pour leur enfant…

L’idée du film à sketches pour mettre en image certaines des nouvelles les plus courtes du King était excellente et, l’on s’en doute, a dû être encouragée par le succès de CREEPSHOW, sorti trois ans plus tôt…
Film d’horreur inspiré des comics TALES FROM THE CRYPT , CREEPSHOW, entièrement écrit par Stephen King et réalisé par George Romero, avait effectivement ramené au goût du jour ce type de format original permettant de diffuser au cinéma de courtes histoires d’épouvante.

La qualité du film de Lewis Teague demeure néanmoins fluctuante, malgré une fiche technique impressionnante réunissant un panel d’artistes haut de gamme. Et si le grand Jack Cardiff assure entant que chef opérateur, garant d’une photographie classieuse, on peine à deviner que la bande-son kitsch et datée a été réalisée par Alan Silvestri !
Au niveau des effets spéciaux, on s’amuse beaucoup avec un lutin aussi rigolo que malsain, créé par Carlo Rambaldi (E.T., KING KONG version 1976).
La mise en scène de Lewis Teague nivèle un peu l’ensemble par le bas, notamment lors du dénouement final (alors que le chat combat le lutin !), assez grotesque et interminable. Un bref aperçu de sa carrière permet de relever que ce réalisateur, habile technicien choisi pour avoir réalisé CUJO deux ans plus tôt, n’a pas fait grand chose de bon (même si, entant que fan de cinéma bis, j’aime beaucoup son INCROYABLE ALLIGATOR !).
La construction du film est également un peu aléatoire puisque les trois récits s’enchainent sans transition, avec un fil conducteur (le chat errant entant que témoin) particulièrement tiré par les cheveux !
Je déconseille, quoiqu’il arrive, de se procurer (allez savoir comment d’ailleurs…) la version française, qui est proprement épouvantable !

En définitive, CAT’S EYE demeure un bon divertissement à l’ancienne, un peu léger, très connoté 80’s, idéal pour les nostalgiques et les fans de la série LES CONTES DE LA CRYPTE , dont il offre un bon contrepoint cinématographique. Entant qu’œuvre signée Stephen King, on reste néanmoins dans les adaptations les moins importantes…

Ouais ! Super ! La suite de SALEM’S LOT ! © Warner Bros. Pictures

Ouais ! Super ! La suite de SALEM’S LOT !
© Warner Bros. Pictures

3) LES ENFANTS DE SALEM (1987)

Le pitch : L’anthropologiste Joe Weber, humaniste comme une truelle, retourne à Salem’s Lot, ville de son enfance. Il est accompagné d’un insupportable fils en pleine crise d’adolescence qu’il n’a jamais élevé. Tous deux découvrent que cette petite ville du Maine est désormais peuplée de vampires. Puisque Weber est un modèle d’intégrité (je plaisante), les vampires, rusés comme des chauves-souris, lui demandent d’écrire leur histoire. Dans un premier temps, le placide Weber, qui envoie des bourre-pif à tous ceux qui croisent son chemin, accepte la proposition. Mais il change d’avis lorsque son insupportable gamin lui avoue qu’il a décidé de se joindre à toute cette communauté de joyeuses goules, qui préfèrent par ailleurs vampiriser des vaches endormies que des humains innocents (!). C’est alors que Weber rencontre le chasseur de nazis Van Meer, qui arrive également à Salem et qui, ça tombe bien, n’a pas peur des vampires…

LES ENFANTS DE SALEM (A RETURN TO SALEM’S LOT) est un film réalisé en 1987 par Larry Cohen. Il s’agit de la suite de la mini-série télévisée LES VAMPIRES DE SALEM, qui avait été réalisée par Tobe Hooper en 1979, d’après SALEM, le roman de Stephen King.
Bien que présenté dans les adaptations officielles des œuvres de Stephen King, il ne reprend en rien les lignes d’une quelconque création du King, et ne peut prétendre au titre d’adaptation de manière directe.
Il ne s’agit que de la suite du film de Hooper, et cette suite ne reprend les éléments du roman de Stephen King que comme point de départ.
Stephen King n’est donc nullement responsable de ce fiasco…


Même le générique, de 42 secondes seulement, est chiant…

Car LES ENFANTS DE SALEM est un navet de première bourre. Une fiente. Un reliquat du cinéma d’horreur 80’s ni fait ni à faire. Et allez savoir pourquoi le réalisateur Samuel Fuller est venu ici jouer les chasseurs de nazis qui chassent les vampires ! Et en plus c’est un film de cinéma, alors que le précédent n’était qu’un téléfilm !
Des nanars, j’en ai vu tant et plus, et j’adore ça. Surtout en ce qui concerne les films fantastiques en général et les films d’horreur en particulier qui, lorsqu’ils sont ratés, ont souvent le mérite d’être drôles. Mais celui-ci n’est même pas drôle. Il n’est d’ailleurs ni effrayant, ni glauque, ni dérangeant, ni beau plastiquement, ni quoique ce soit (les effets spéciaux et autres maquillages horrifiques sont pathétiques). Il est juste nul. Et les incohérences abondent d’une ligne à l’autre de manière ostentatoire. Exemple : Van Meer, miraud comme une taupe, perd ses lunettes et ne peut ainsi plus conduire sa bagnole. Il est alors invité par Weber et ils se font copains pour attaquer les vampires à deux. Immédiatement après, lorsqu’ils partent à l’attaque, Van Meer conduit sa bagnole sans lunettes et sans soucis…
Des personnages têtes à claque, un héros à gerber, des vampires enfants, papis et mamies ridicules, des seconds rôles honteux. Direct poubelle…
Alors ? Y a-t-il encore quelqu’un, dans l’assemblée, qui regrette que cet extrait de film n’ait toujours pas été édité en DVD sous nos latitudes ?

“IT” came from outer space! © Warner Bros. Pictures

“IT” came from outer space!
© Warner Bros. Pictures

4) LES TOMMYKNOCKERS (1993)

Stephen King écrit son roman LES TOMMYKNOCKERS en 1987. En 1993, un téléfilm en deux parties est mis en chantier par le réalisateur John Power, d’une durée totale de près de trois heures.

Le pitch : Jim Gardner vit dans le Maine, près d’une vieille forêt, avec sa compagne Bobby et leur chien Peter. Bobby est écrivain. Jim est un poète qui n’a plus rien écrit depuis longtemps, et un ancien alcoolique. Il a eu un accident il y a bien des années, qui lui a valu une plaque de métal greffée sur le haut du crâne.
Un beau jour, Bobby se promène dans les bois et trébuche sur un morceau de métal qui dépasse du sol. En essayant de le déterrer, elle s’aperçoit qu’il s’agit du sommet d’une vaste structure inconnue et enfouie depuis des lustres. Rapidement, il s’avère qu’au contact de ce métal mystérieux, Bobby commence à acquérir des facultés incroyables, de même que tous les habitants du village voisin dès que ces derniers pénètrent aussi dans la forêt.
D’abord merveilleux, ces dons deviennent peu à peu une sorte de malédiction, sauf pour Jim, que sa plaque métallique protège de la mystérieuse source de pouvoir…

Outre qu’il plaira certainement aux fans de Stephen King, ce téléfilm comblera également les admirateurs d’une autre adaptation de l’écrivain : ÇA (version 1990). Car pour ceux qui ont grandi et frissonné avec le téléfilm fleuve (et son clown maléfique) réalisé trois ans plus tôt, LES TOMMYKNOCKERS joue les prolongations en reprenant un certain nombre d’éléments formels identiques : Long métrage de trois heures diffusé à l’origine sous la forme d’un téléfilm en deux parties, même genre d’ambiance inquiétante qui évoque parfois celle de TWIN PEAKS, une direction d’acteurs similaire, une musique et des effets spéciaux surannés parfaitement inféodés au style de l’époque, etc. A l’arrivée, le spectateur se retrouve plongé dans une atmosphère très proche de celle de ÇA…

Pour le reste, le récit retransmet parfaitement tous les thèmes que Stephen King recycle constamment dans son œuvre, comme l’enfance et la séparation entre le monde des adultes et celui des enfants, les relations entre la littérature et le réel (l’écrivain donnant corps à ses fictions par le pouvoir de l’écriture), le problème des addictions (Stephen King sortait alors d’une longue et pénible période d’alcoolisme et autres dépendances), le charme vénéneux de la région du Maine, les dissonances au sein de la cellule familiale, la critique sociale par le biais de la vie dans les petites villes, etc.

LES TOMMYKNOCKERS est également une œuvre-somme de son écrivain puisqu’elle entretient de nombreuses liaisons avec d’autres romans (et adaptations), en particulier ÇA et LE BAZAAR DE L’EPOUVANTE (le mal qui s’immisce dans le quotidien d’une bourgade), SIMETIERRE (la forêt comme métaphore de la peur de l’inconnu), DREAMCATCHER, (la science-fiction et les extraterrestres), LES LANGOLIERS (le mal incarné dans un comptine pour enfants), etc.
Mais ce qui reste le plus savoureux dans ce téléfilm, c’est encore cette parabole sous-jacente qui dénonce la fragilité de l’équilibre social américain, où les aspects négatifs de la nature humaine en général sont exacerbés face à la moindre perturbation surnaturelle…
Bref, un excellent divertissement, intelligent et envoûtant, et ce malgré ses aspects kitsch et surannés, qui risquent fortement de rebuter les plus jeunes, étrangers à cette époque télévisuelle, soap et cheap à la fois !

La part de l’autre… © Warner Bros. Pictures

La part de l’autre…
© Warner Bros. Pictures

5) LA TEMPETE DU SIECLE (1999)

LA TEMPETE DU SIECLE est une mini-série réalisée par Craig R. Baxley. Initialement diffusée à la télévision en trois épisodes d’environ quatre-vingt minutes (la durée totale est donc de quatre heures et des brouettes), cette histoire est au départ une création de Stephen King. Il ne s’agit pas de l’adaptation de l’un de ses romans, mais bel et bien d’un scénario original, comme ce sera le cas trois ans plus tard, par exemple, avec la mini-série ROSE RED.

Le pitch : L’île de Little Tall est un port insulaire de la région du Maine peuplé de nombreux habitants, qui vivent sous la houlette du maire Robbie Beals, dont le tempérament est tout sauf affable…
Cette communauté paisible s’apprête à subir ce que les informations régionales annoncent comme « la tempête du siècle », qui isolera fatalement l’île du reste du monde durant un certain temps.
C’est lorsque la tempête commence qu’entre en scène le mystérieux André Linoge, un dangereux psychopathe qui assassine une pauvre vieille femme dans sa maison. Linoge ne tarde pas à se faire arrêter par le shérif Mike Anderson. Mais c’est alors qu’il va se révéler plus dangereux encore, car le meurtrier possède un don étrange : Celui de connaître tous les secrets inavouables des habitants de l’île, qu’il n’hésite pas à dénoncer au compte-goutte. Pire encore, il est capable de pousser certains habitants au suicide, voire au meurtre pur et simple. C’est dans le tumulte de la tempête que Linoge va obliger les habitants de Little Tall à faire un choix cornélien, seule et unique condition afin qu’il laisse la communauté en paix…

Parmi tous les thèmes de prédilection du King, c’est bien évidemment celui de la critique sociale par le biais de la vie dans les petites villes qui est au cœur de LA TEMPETE DU SIECLE. L’auteur développe ainsi une parabole sous-jacente qui dénonce la fragilité de l’équilibre social américain, où la moindre perturbation surnaturelle va venir exacerber les aspects négatifs de la nature humaine.

Le film a déjà énormément vieilli dans sa mise en forme et les effets spéciaux accusent le poids de l’âge. Mais le scénario est plutôt brillant et le dénouement, sans concessions, est un véritable coup dans le cœur, qui ne laissera aucun spectateur indemne.
Du grand Stephen King, riche, intense, profond, qui mériterait une adaptation définitive sur grand écran. Cependant, on ne saurait oublier cette première version et l’interprétation habitée de Colm Feore, qui incarne un démon assez fascinant…

La part de l’autre… © Warner Bros. Pictures

La part de l’autre…
© Warner Bros. Pictures

6) DREAMCATCHER, L’ATTRAPE-REVES (2003)

DREAMCATCHER, L’ATTRAPE-REVES est tout autant un film d’horreur que de science fiction. Film à grand spectacle aux effets spéciaux impeccables, interprété par des acteurs de premier plan (à commencer par Morgan Freeman) et réalisé par un grand nom d’Hollywood (Kasdan est aussi bien le scénariste de certains STAR WARS  que des AVENTURIERS DE L’ARCHE PERDUE, de LA FIEVRE AU CORPS, SILVERADO ou encore WYATT EARP), le film fait néanmoins partie des adaptations de l’œuvre de Stephen King parmi les plus mal aimées, même s’il possède tout de même quelques défenseurs.

Le pitch : Quatre amis d’enfance trentenaires partent chaque année pour une partie de chasse dans les forêts du Maine, via une vieille cabane isolée comme point de ralliement, à l’intérieur de laquelle trône un énorme attrape-rêve indien. Ils sont reliés par un mystérieux lien télépathique apparu depuis qu’ils sont venus en aide, il y a bien des années, au jeune Duddits, un handicapé aux étranges pouvoirs devenu ensuite leur ami.
Dans le blizzard de l’épaisse forêt, nos compagnons rencontrent bientôt deux personnes atteintes d’un étrange mal. Un mal bien plus horrible qu’ils ne s’y attendaient, puisqu’elles hébergent chacune dans leur estomac une belliqueuse créature extraterrestre…
Une course contre la survie commence alors, tandis que l’armée tente d’étouffer l’affaire tout en contenant l’invasion alien, sous le commandement du redoutable Colonel Abraham Curtis

Quel ovni, c’est le cas de le dire !
Ce film est assez insaisissable. Tour à tour brillant et médiocre, superbement écrit et bourré de fautes de script, il s’inscrit dans le palmarès des œuvres bancales aussi attachantes que ratées !
C’est cette étrange cohabitation des deux extrêmes qui va traverser les 136 minutes de DREAMCATCHER, L’ATTRAPE-REVES du début à la fin. Que ce soit dans l’écriture du scénario, dans la mise en scène, dans les dialogues ou dans la direction d’acteurs, Lawrence Kasdan zigzague systématiquement entre la maîtrise de son sujet et la bérézina artistique !
Hésitant sans cesse entre le tragique et la parodie, le brillant scénariste de la saga STAR WARS s’empêtre dans une narration bicéphale où le ton burlesque est constamment à côté de la plaque, venant contredire le sujet tout en désamorçant la moindre scène d’angoisse.

L’autre gros point noir de l’entreprise réside dans le fait que le final est particulièrement raté et, allez savoir pourquoi, s’oppose tout simplement à celui du roman originel.
Certes, en adaptant l’œuvre de Stephen King, Kasdan avait le bénéfice de la relecture et pouvait honorablement en réinterpréter la fin. Sauf qu’il nous propose une conclusion particulièrement contradictoire, n’apportant aucune résolution au cheminement thématique des personnages et annihilant au contraire la portée du récit de l’écrivain. Le lien télépathique qui lie les personnages n’a dès lors plus aucun sens, le personnage central (le mystérieux Duddits) se retrouve totalement dénaturé et, au final, le thème de l’attrape-rêves est complètement passé aux oubliettes !

Conçu comme un récit plus ou moins connecté avec l’histoire développée dans ÇA (l’histoire se déroule au départ dans la même ville fictive de Derry et il est fait référence au Club des Sept Paumés), DREAMCATCHER développait en filigrane certains des thèmes récurrents du King.
Certes ponctué de notes d’humour, le roman était un condensé de récits science-fictionnels fondateurs (LA GUERRE DES MONDES, ALIEN ,THE THING et X-FILES) qui, comme un effet de boucle (la plupart des écrits de Stephen King ayant été adaptés sur un écran), venaient essentiellement des médiums télévisuels et cinématographiques !
Mais surtout, DREAMCATCHER était un prolongement naturel de ÇA : En faisant de son quatuor de personnages (ou quintet si l’on ajoute Duddits) un groupe d’adultes tourmentés, n’ayant jamais réellement réussi à s’adapter à la vie sociale à cause de leur pouvoir télépathique, Stephen King nous parlait de la difficulté de grandir. Tous réunis rituellement autour d’un énorme attrape-rêves, ses héros marquaient ainsi cette parabole du difficile passage à l’âge adulte, thème central de l’œuvre de l’écrivain. Et en combattant des extraterrestres, ils s’inscrivaient à la fois dans la tragédie de la vie et dans le monde de l’enfance. Un monde symbolisé par Duddits, attrape-rêve vivant (est-il devenu malade à force d’absorber leur mal-être ?) vers lequel ils devront se tourner pour survivre, ou pas…

A l’arrivée, Lawrence Kasdan se sera cassé les dents sur le terrain de l’adaptation en essayant d’être parfois trop fidèle (une tonalité humoristique qui ne fonctionne manifestement que dans les lignes et dans le style de l’écrivain), tout en proposant une fin différente complètement en décalage avec le récit initial et sa portée parabolique…

Les chroniques de Rose Red… © Warner Bros. Pictures

Les chroniques de Rose Red…
© Warner Bros. Pictures

7) LE JOURNAL D’ELLEN RIMBAUER (2003)

Stephen King ? Et bien non, l’écrivain n’est pas à la plume ici, ni au niveau du scénario, ni au niveau du roman initial (LE JOURNAL D’ELLEN RIMBAUER : MA VIE A ROSE RED), ni même au niveau du script. LE JOURNAL D’ELLEN RIMBAUER n’est donc pas « un Stephen King » et ce n’est pas l’adaptation de l’un de ses romans.
Ce téléfilm a été réalisé par Craig R. Baxley et a été écrit par Ridley Pearson, d’après son propre roman. Alors pourquoi diantre en parle-t-on dans un article dédié aux adaptations de Stephen King ?

En 2002, le King rédige le scénario d’une mini-série télévisée : ROSE RED.
S’inspirant du film LA MAISON DU DIABLE, Il reprend alors le décor d’une soi-disant véritable maison hantée (la mystérieuse Maison Winchester).
Comme à son habitude, l’écrivain parvient à injecter une toile de fond pleine de sens en imaginant cette maison construite avec des pierres du vieux continent transportées dans le Nouveau Monde, dont la mise en chantier est initiée par un homme mauvais, qui épouse une femme qu’il va peu à peu souiller de ses déviances (souvent sexuelles). Eprise de sa maison davantage que de son mari, la jeune femme va tisser des liens malsains avec la demeure, qui développera de manière vengeresse et ostentatoire toutes ses malveillances inconscientes (soit un thème déjà abordé de manière plus ou moins proche dans SHINNING)…

Ensuite, King va jouer sur les poncifs du genre en préparant une campagne publicitaire basée sur le fameux postulat « inspiré d’une histoire vraie », qui est devenu l’apanage des films de maison hantée (on se souvient d’AMYTIVILLE LA MAISON DU DIABLE dont certains pensent encore qu’il s’agissait quasiment d’un documentaire !). Il laisse alors finement entendre qu’il existe quelque part « le journal intime d’Ellen Rimbauer », la jeune femme qui habita le manoir Rose Red, dans lequel de nombreuses personnes disparurent de manière mystérieuse, et qui est devenue sa principale source d’inspiration…
Par delà les réseaux sociaux, la rumeur se répand et Rose Red devient ainsi la nouvelle maison hantée sur laquelle il faut compter ! La production demande alors à l’écrivain Ridley Pearson d’entamer la rédaction du roman LE JOURNAL D’ELLEN RIMBAUER : MA VIE A ROSE RED, qui narre la genèse de ROSE RED et dont l’adaptation télévisuelle sera tournée en 2003. Voilà pour l’histoire !

Cette préquelle est par ailleurs très réussie. La reconstitution dans les décors du début du XXe siècle à Seatle est de toute beauté et la mise en scène est à la fois sobre et raffinée. Le quotidien de l’aristocratie des années 1900 est également très bien rendu et le spectateur découvre de l’intérieur le passé de ROSE RED qui avait été évoqué dans la mini-série de 2002.
Afin de développer une véritable continuité visuelle, certains acteurs du téléfilm originel ont été réemployés (notamment Tsidii Le Loka, qui interprète Sukeena, la domestique africaine et confidente de la jeune Ellen) et plusieurs événements à peine effleurés dans ROSE RED sont entièrement dévoilés, avec parfois quelques surprises.
Le classicisme de la mise en forme ne destine pas le film à sortir des sentiers battus, mais ce dernier offre en tout cas un très bon complément à la mini-série écrite par Stephen King…

Un tour de manège avec la mort ? © Swift Productions

Un tour de manège avec la mort ?
© Swift Productions

8) RIDING THE BULLET (2004)

RIDING THE BULLET est un film réalisé par Mick Garris. Il s’agit de l’adaptation de la nouvelle UN TOUR SUR LE BOLID’, écrite par Stephen King en 2000.
Mick Garris s’est fait le spécialiste des adaptations de l’écrivain, puisque il a également réalisé LA NUIT DECHIREE (1992), LE FLEAU (1994), SHINNING (1997), DESOLATION (2006) et BAG OF BONES (2011).

Le pitch : 1969. Le jeune Alan Parker, en proie à des hallucinations fréquentes, apprend que sa mère, victime d’une attaque cardiaque, vient d’être hospitalisée. Il traverse alors le Maine en autostop, afin de rejoindre Lewiston, sa ville natale. Son parcours, le temps d’une nuit particulièrement effrayante, ne sera pas de tout repos. Surtout lorsqu’il monte dans la voiture d’un certain George Staub (David Arquette), un homme mort depuis deux ans qui lui parle du « Bolid' », le manège d’un parc d’attraction ayant traumatisé Alan lorsqu’il était petit…

J’ai hésité longtemps avant de regarder ce film car, comme tant d’autres adaptations des écrits de Stephen King, il souffre de critiques très défavorables. Une fois encore, je n’aurais pas dû me fier à la tendance car le film en lui-même est plutôt envoûtant et se laisse regarder avec grand plaisir.
Envoûtant grâce à cette atmosphère magique de l’état du Maine, dans lequel se déroulent la plupart des récits imaginés par le King. Grâce à toutes ces scènes nocturnes oniriques, plus impressionnistes que narratives, qui semblent nous inviter à une sorte de cauchemar éthéré et fascinant.
Addictif car, comme toujours, une histoire de Stephen King, c’est la promesse de découvrir des personnages solidement campés, au caractère fouillé, échappant au manichéisme primaire en devenant attachants grâce à un sens du détail inné et savoureux.
Passionnant puisque, à chaque fois, l’on retrouve une toile de fond développant les thèmes récurrents du maitre de la peur. RIDING THE BULLET explore ainsi le glissement entre le monde des morts et celui des vivants, tout en évoquant la difficulté de passer du monde de l’enfance à celui des adultes, soit deux des principaux thèmes du King, ici réunis comme si l’un nourrissait l’autre. Stephen King a d’ailleurs imaginé cette histoire au moment où sa mère était tombée malade et il tentait ainsi d’exorciser sa peur de la perte d’un être cher par une réflexion profonde sur la mort, teintée de nostalgie et de réminiscences biographiques.

Pour le reste, Mick Garris a ponctué le film d’apparitions fantomatiques en tout genre qui ne font pas toujours sens et qui viennent alourdir le récit en lui procurant une dimension Grand-Guignol dont il aurait effectivement pu se passer. RIDING THE BULLET n’est donc pas un chef d’œuvre, mais il ne mérite pas sa mauvaise réputation de par sa très belle toile de fond et son atmosphère soignée et envoûtante.

Le désespoir du bien et du mal… © Warner Bros. Pictures

Le désespoir du bien et du mal…
© Warner Bros. Pictures

9) DESOLATION (2006)

DESOLATION (DESPERATION en VO) est un téléfilm réalisé par Mick Garris. Il s’agit de l’adaptation du roman homonyme de Stephen King, ce dernier ayant par ailleurs écrit et produit le long métrage.

Le pitch : Sur une route déserte du Nevada (pléonasme), un jeune couple est arrêté par un shérif à l’attitude très inquiétante, qui le conduit à Désolation, une petite ville désaffectée et sordide. Là, le shérif enferme toutes les personnes qui passent dans le coin, en leur faisant subir diverses maltraitances, le plus souvent de façon meurtrière…

Comme d’habitude, cette adaptation est loin de faire l’unanimité du fait de sa fidélité relative au roman originel. Pour le coup, sachant que le téléfilm a été écrit par Stephen King en personne, la critique est parfaitement stérile, l’écrivain ayant décidé lui-même de toutes les modifications, profitant du changement de medium afin de livrer une forme de relecture. C’est-à-dire la même histoire, mais racontée de manière différente, avec diverses transformations.

N’ayant pas lu le livre, j’ai donc découvert le film pour ce qu’il est : Un assez bon téléfilm horrifique, assez terrifiant, au suspense impressionnant.
Il est vrai que l’ensemble bénéficie de l’écriture du maître, qui n’a pas son pareil lorsqu’il s’agit de développer le caractère de ses personnages, toujours bien campés, soulignés par un vibrant sens du détail. Ainsi que du casting haut de gamme, avec la présence incomparable de Ron Perlman dans le rôle de l’affreux shérif, de Tom Skeritt dans celui de l’écrivain arrogant, de Steven Weber (qui interprétait Jack Torrance dans le remake de SHINNING) et d’Annabeth Gish (la Monica Reyes de la série X-FILES).

Comme de coutume, nous retrouvons certaines des principales thématiques du King, dont celle de la ville consumée par les liens malsains tissés entre les habitants et les lieux (ici une ancienne ville minière dont les contribuables se sont enrichis en ayant réduit les travailleurs chinois en esclavage), thème déjà présent dans LES VAMPIRES DE SALEM, LE BAZAAR DE L’EPOUVANTE ou encore LES TOMMYKNOCKERS ; le thème de l’enfance et du difficile passage à l’âge adulte (ÇA ou STAND BY ME) ; le problème des addictions (notamment l’alcool) ; et enfin celui de l’écrivain en quête de rédemption et qui cesse d’écrire, sortant du confort de l’imaginaire afin de lutter contre le mal de manière concrète.

Concernant la qualité du film en lui-même, notons un fléchissement dans la seconde moitié de ses 125 minutes, lorsque les personnages ne cessent d’avancer leur foi en Dieu afin de combattre le mal. Une foi bigote qui va peu à peu contaminer tous les protagonistes, y compris les plus réfractaires. Soit un manichéisme plutôt primaire auquel le King ne nous avait pas habitué. C’est ce dernier élément qui vient alourdir et un peu gâcher l’ensemble.
La dernière partie du film est ainsi un peu décevante. Car si l’ensemble commençait comme une histoire d’horreur moderne originale, terrifiante et malsaine, le film se termine comme une fable béate et classique de la lutte entre le bien et le mal…

Ainsi se termine notre tour d’horizon non exhaustif, dans lequel il manque évidemment une palanquée d’adaptations, certaines probablement plus emblématiques que celles qui viennent d’être chroniquées (comme la mini-série LE FLEAU par exemple, ou la récente série anthologique CASTLE ROCK). Mais si vous êtes sages, on reviendra peut-être vous en causer…

Avec Ron Perlman, ça en impose tout de suite davantage… © Warner Bros. Pictures

Avec Ron Perlman, ça en impose tout de suite davantage…
© Warner Bros. Pictures

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Pourquoi aime-t-on tant avoir peur ?
Le meilleur maître quand il s’agit de nous enseigner cette étrange inclinaison humaine, c’est bien le roi de la peur en personne, c’est-à-dire Stephen King !

28 comments

  • Jyrille  

    Hello,

    Je viens de voir l’adaptation cinéma de THE MIST et c’est pas mal. C’est très noir et la fin est marquante. Je vous qu’il y a aussi une série Netflix je vais sans doute me laisser tenter.

    • Tornado  

      THE MIST c’est assez réussi, oui (exception faite des FX foireux). Frank Darabont est le réalisateur idéal pour adapter le King (LES ÉVADÉS et LA LIGNE VERTE c’était lui aussi).
      Par contre, la série TV a été annulée à la 1° saison. Je doute que ça vaille le coup…

      • JB  

        Oh, est-ce que le maintien ou l’annulation d’une série dépend vraiment de sa qualité ? J’ai tendance à en douter 😉

        • Tornado  

          Bien sûr. Mais regarder une série mort-née, c’est souvent frustrant. Et celle-ci n’ayant jamais fait parler d’elle, je suis pas sûr qu’elle mérite de s’infliger cette frustration.

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