Tuez-les tous ! (NeuN)

NeuN par Tsutomu Takahashi

SPECIAL GUEST : NICOLAS BAUDOUIN

Légendes de  BRUCE LIT

VO : Young

VF : Pika Edition

1ère publication le 14/09/20 – MAJ le 30/12/20

NeuN est un manga édité par Pika Edition et dont Tsutomu Takahashi est auteur et dessinateur. La série a débuté sa publication en 2017 dans le magazine Young. Les 6 tomes sont sortis en France.

L’imagination diabolique des nazis n’avait pas de limites dans l’expérimentation et l’horreur, Tsutomu Takahashi en donne sa version dans le manga NEUN. Bien avant et durant la guerre, les nazis ont tout mis en œuvre pour créer une race pure et supérieure, la tristement fameuse race aryenne.

Pour atteindre cet objectif tous les moyens ignobles sont mis en place. Par exemple, le lebensborn, cet ensemble de foyers et de maternités pour une sélection raciale, où pas loin de 30 000 enfants seraient nés sous l’idée odieuse d’Heinrich Himmler. Les femmes des pays occupés, dites de race aryenne étaient amenées à procréer avec en particulier des SS ceux-là même qui se revendiquaient de la plus grande pureté.
De même de nombreux enfants blondinets aux yeux bleus ont aussi été enlevés à leurs familles dans les pays occupés, y compris en France.
Et bien malheureusement, nous connaissons tous la terrible extermination menée dans les camps de concentration afin d’éliminer les juifs, les homosexuels ou tout autres humains jugés non conformes à cet idéal nazi. Cette horreur des camps de la mort est en plus doublée d’une impressionnante multitude d’expériences en tous genres, sous un soit-disant couvert d’études médicales et de recherches.

Le nazisme dans toute son horreur
©Pika Editions

Que ce soit à Auschwitz, Buchendwald, Dachau ou d’autres camps, des hommes, des femmes et des enfants ont servi de cobayes pour des études sur des gaz, virus, maladies (gaz moutarde, typhus, malaria, tuberculose…), des tests ignobles de résistance aux basses pressions, au froid, à l’absorption d’eau de mer, des expérimentations sur la régénération des os, des nerfs ou des muscles. Sans oublier le sadisme du Docteur Mengele, le maître de la morphologie aryenne, qui maltraite les jumeaux et capable de faire des injections dans les yeux d’une jeune fille pour les faire devenir d’un bleu réglementaire. Beaucoup d’atrocités manquent surement à cette liste inimaginable pour des êtres humains normaux, non aveuglés par la haine et le désir de puissance.

Après ce petit flashback , vous êtes mis en parfaite condition cérébrale pour rentrer dans l’histoire de NeuN. Bienvenue dans un thriller historique qui porte une petite touche d’ésotérisme.
Adolf Hitler n’a pas eu de descendance directe, du moins officiellement de ce que nous en savons même si certains se sont prétendus comme tels mais un test de leur ADN a prouvé le contraire. Le scénario de NeuN, lui nous entraîne dans une vision opposée. 13 enfants portent le lourd héritage de l’ADN du Führer. Grâce à des recherche génétiques, ces enfants ont été créés par les médecins fous du Reich afin d’accomplir l’objectif suprême : placer à la tête du pouvoir des êtres purs et supérieurs un fois le Führer éteint.

L’ouverture sur la première page plante le décor : “1940 l’Allemagne nazie est à son apogée”. Tout commence dans le château de Wewelsburg, la propriété d’Heinrich Himmler qui est le grand temple de la SS où il pratiqua de nombreuses cérémonies occultes allant jusqu’aux sacrifices humains. Le Reichsführer-SS, nomme chacun des 12 enfants du führer qu’il faut supprimer pour n’en garder qu’un et envoie ses lieutenants procéder à ces exécutions.

Après ces pages sombres, nous nous retrouvons face au charmant visage enfantin de NeuN (neuf) qui profite paisiblement de sa vie dans un petit village de la campagne allemande. Il est depuis tout jeune dans une famille d’accueil et est sous la protection de Théo son ange gardien qui a pour ordre de le garder envie coûte que coûte et ne dois répondre qu’au Führer lui-même.
Les SS, étant bien connus pour leur manque d’intérêt pour les scènes bucoliques, débarquent au pas cadencé qui plait si bien à leurs bottes et vont faire montre de leur artillerie pour se saisir de l’enfant et l’éliminer car il n’est pas l’élu. Parmi les 13 treize enfants du Führer, on découvrira que Sechs (Six, « … I’m not a number ! I’m a free man ! », aurait dit le prisonnier de la série TV) est celui qui semble être l’élu parfait qu’Hitler veut conserver pour en faire son successeur.

L’organisateur de La Solution Finale
©Pika Editions

Le scénario va se transformer au long de la fuite inexorable de NeuN pour échapper aux SS et à la mort. Et c’est dans cette cavalcade, que vont se placer de nombreuses scènes fortes et violentes, toutes les techniques abominables des Nazis nous sont rappelées : des enfants gazés, des villages rasés, des docteurs fous et leurs expériences sur les humains ou enfants capable d’achever un adulte en souffrance. Tout est déjà là dès les premiers tomes ! Âmes sensibles s’abstenir.

Mais il s’oriente aussi sur un axe plus psychologique, voire éthique. En effet les enfants jamais été élevés dans une doctrine nazie se questionnent sur l’ignominie ou non de leur existence et de se demander si leur mort ne serait pas une délivrance pour eux et pour l’humanité. En refusant de mourir en s’enfuyant avec le sang du führer dans les veines, ils sont tous devenus des traîtres au Reich et des bombes en puissance.

Un petit côté ésotérique sera introduit dès le tome 2, dans une simple phrase qui aura des répercussions par la suite : “Nous avons combiné le sang majestueux du führer avec celui d’une femme très spéciale … une déesse”. Pas nécessaire d’en dire plus sur ces pouvoirs, à vous de les découvrir, d’autant plus qu’à ce stade de la publication, ils ne sont sûrement pas complètement dévoilés.

Un défenseur du Reich contre le Reich
©Pika Editions

J’espère que cette série ne s’éternisera pas trop comme certains mangas pour perdre de son intensité, les quatre premiers tomes sont très consistants et nous font vivre à un rythme haletant cette course poursuite infernale en introduisant de nouveaux éléments au fur et à mesure.

Coté graphisme, il y une bonne variété de modalités d’expression, du sombre charbonneux et traits nerveux des scènes où les SS se déchaînent, face à la sobriété des lignes fines des scènes montrant NeuN avec sa bouille innocente et craquante d’enfant qui jamais demander de subir cette malédiction en son sang. Les pages sont bien remplies et font preuve d’une recherche de véracité des décors et d’une envie de donner une bonne dynamique à l’action.

Bref une lecture que je vous recommande vivement, moi qui suis un passionné de cette guerre et des lectures de bandes dessinées qui relatent cette époque. Ce sont de mon point de vue, des œuvres indispensables qui nous ramènent à notre devoir de mémoire même si cette époque s’éloigne peu à peu derrière nous. Et NeuN, même avec ses côtés fiction et ésotérique, porte très bien ce sujet et nous donne dans certaines scènes un aperçu de cette période sombre de notre histoire.

Dans un autre genre, en BD classique, je vous conseille aussi de Nicolas Juncker SEULES A BERLIN.

Autant en emporte le Reich
©Pika Editions

La BO du jour : le sadisme du Doktor Mengele n’a rien à envier à ceux de chez NeuN.

21 comments

  • Eddy Vanleffe  

    Merci pour cet article Nicolas. Les couvertures m’ont interpellées par leur maquette très distinctives et racoleuses faisant la polémique à elles seules (un vendeur a refusé de les placer en devanture craignant les réactions, il a mis un écriteau pour dire que c’est disponible et a averti que c’était pour un public avertit).
    Grâce à ton résumé, je vois que ce n’est pas un récit qui m’attire avec cette fascination sur l »ésotérisme nazi auquel j’ai toujours eu du mal à croire (le mythe de Thulé, La terre creuse )…
    Bienvenu à toi en tout cas, on sent la documentation.

    • Nicolas B  

      Effectivement les couvertures ont fait polémique et certains réseaux sociaux les ont même censurées à la sortie des premiers tomes.

  • Présence  

    Sois le bienvenu Nicolas.

    Un manga qui avait attiré mon œil avec ses couvertures au design très accrocheur, et dont j’avais lu Blue Heaven il y a de cela quelques années. Étonnante synchronicité : j’ai appris le programme du Lebensborn lors d’une de mes lectures de cet été : le tome 2 de Moi, René Tardi prisonnier du Stalag II-B, de Jacques Tardi. Donc 2 raisons de m’intéresser a priori à cet article.

    Je n’ai pas été déçu : une présentation claire, concrète et synthétique qui me permet de comprendre de quoi relève cette série. Merci.

    • Jyrille  

      J’ai connu l’existence du lebensborn en regardant la série télé THE MAN IN THE HIGH CASTLE (d’après le roman du même nom de Philip K. Dick).

    • Nicolas B  

      Alors je suis très content que tu évoques TARDI car c’est un de mes auteurs fétiches.
      Je m’aventure doucement dans le domaine des manga et celui-ci m’a attiré car il il se base sur la WW2 qui est un sujet que j’aime beaucoup.

      Merci de ton retour !

  • Matt  

    @Eddy : depuis quand il faut avoir besoin de croire que ça a existé pour apprécier une fiction ésotérique ?^^

    Sinon bienvenue Nicolas !
    Bon…moi j’aime les séries finies. Alors j’ai la même crainte que toi sur le fait que ça s’éternise. C’est pourquoi je pense que j’attendrais la fin pour tester. Mais ça semble pas mal.

    • Eddy Vanleffe  

      @Matt

      Ah non c’est pas ça… c’est que c’est un trip qui ne me branche pas… ^^
      Indiana Jones tout ça… pas ma came!
      oui sinon il y avait un cercle ésotérique chez les nazis qui mélangeant du Crowley avec les Edda et le mythe de Thulé… bricolant une sorte de franc-maçonnerie perso, mais ça n’a jamais été un truc qui m’attirait…

      • Matt  

        Ah, je kiffe bien moi tout ça^^
        C’est du bon matériel pour de la série B d’aventure tout ce folklore.

    • Nicolas B  

      Merci …
      Je vais suivre cette série qui ne devrait à priori pas s’éterniser ce qui est aussi un de mes critères pour me lancer dans l’univers des mangas.

  • Bruce lit  

    Je n’avais oas fait le rapprochement avec BLUE HEAVEN que j’avais lu et chroniqué ici (sans doute effacé, oeuvre de jeunesse de blogueur) Merci de me le rappeler.
    Je ne sais pas quand se terminera NeuN mais pour l’instant les personnages et le matériel permettent au moins de raconter une histoire pour une douzaine de tomes minimum.
    Pour ce que j’en ai lu, NeuN est une histoire sans compromis et viscérale et tu expliques très bien là Nicolas. Les graphismes font certainement partie de ce que j’ai lu de plus sinistre en manga, je pense notamment à l’expression de souffrance des corps attachés et déformés pour faire une croix gammée humaine.
    Effectivement, je trouve que certains couverture sont racoleuses et m’évoquent malgré le sérieux de l’entreprise la débandade de celles de INNOCENT (notamment celle où Marie-Antoinette tire la langue à son lecteur).

    • Nicolas B  

      Effectivement l’ambiance graphique est importante dans l’attrait de cette série. Nous sommes très loin de tous ces mangas qui font la part belle à de simples visages et bulles pour remplir leurs pages.
      Il y a à lire et le dessin avec ses zones d’ombres renforce le côté oppressant. Personnellement je trouve cela très intéressant graphiquement.

  • Jyrille  

    Merci beaucoup pour la présentation Nicolas ! Je n’avais jamais entendu parler de ce manga. Mais je pense faire l’impasse car ce qui t’y attire a tendance à me repousser. Je viens de voir SMALL SOLDIERS de Joe Dante (enfin !) et je ne vais pas paraphraser un des personnages qui ose dire que la seconde guerre mondiale est sa préférée, mais disons que même si le sujet est hautement nécessaire, je n’ai toujours pas ressenti le besoin de relire MAUS tellement cette lecture était difficile. De la même façon, j’ai adoré lire les trois tomes de IRENA, mais ce ne fut pas sans larmes.

    Je trouve que le sujet de la seconde guerre, des nazis et Hitler sont surexploités dans tous les domaines artistiques (surtout les bds et les films d’ailleurs). Ca a tendance à me faire fuir. Mais il y a du bon partout et je suis devenu fan de la mini-série BAND OF BROTHERS (oui je rabâche mais il faut la voir !).

    Je note cependant que le dessin me plaît.

    La BO : j’adore. Le seul album de Slayer que je connaisse, je dois en écouter d’autres.

    • Eddy Vanleffe  

      OUi je suis assez d’accord avec Jyrille sur cet « fascination » /traumatisme de cette période. je comprend le côté impératif de certaines choses mais j’ai l’impression qu’on est incapable de surmonter tout ça…

      • Bruce lit  

        Comme le disait Lemmy, Hitler a été le 1er rocker. Au delà de cette provocation, cette guerre est à mes yeux la plus facile à comprendre, la plus inspirante en terme d’imagerie populaire : celle d’une bande de fanatiques qui aura failli exterminer l’humanité. Le nazisme, l’eugénisme, les camps de la mort, le logo nazi et ses uniformes et deux bombes atomiques : que d’ingrédients pour exploiter une dramaturgie facilitée par des films et des enregistrements sonores.

        • Eddy Vanleffe  

          Tu as raison d’ailleurs quand j’étais petit comme pas mal de petits garçons de mon age je collectionnais les maquettes et les petits soldats et particulièrement les Afrikakorps, les Panzergrenadieren et en avions les Stuka et Focke wulf 190 etc… ils avaient une certaine élégance et une « esthétique du mal  » qui a inspiré jusqu’à George Lucas. ils sont méchant par excellence… on les kiffait gamins (et je comprends ce que veux dire Lemmy et c’est pour ça que je parle de « fascination », les hells angels, le groupe Slayer, les punks avaient tous une attirance pour le décorum nazi)
          Passé l’adolescence, je me suis dit que l’humanité devait « dépasser » le nazisme pour être plus vigilant par rapport à un prochain danger qui n’aurait pas le même visage forcément.
          et puis la naïveté des comics m’a lassé avec la guerre juste, ça m’ a progressivement navré. Claremont a sur transformer ça en message moderne et humaniste mais les autres ils en font toujours des « croquemitaines » qui ont banalisé…
          Ici on rentre dans l’horreur… et un aspect de celle-ci qui est encore méconnue (les expériences), c’est déjà plus ambitieux que d’en faire les « méchants du films »

  • Tornado  

    Je ne pense pas lire cette série car je ne lis quasiment jamais de manga pour cause d’allergie à la lecture à l’envers. J’ai fait dernièrement une exception avec les adaptations de Lovecraft par Gou Tanabe (et je ne le regrette pas car il s’agit des meilleures que j’ai pu lire à ce jour) mais le format et le sens de lecture ont tout de même un peu gâché ma fête. Alors toute une série à rallonge, ça ne va pas être possible.
    En revanche j’ai lu l’article volontiers car, contrairement à certains copains c’est un sujet que je trouve toujours passionnant. Voir des ordures de nazis crever dans des histoires romanesques restera toujours un sport dont je suis friand, qui me fait du bien par catharsis. Je serais très preneur si ce manga était adaptée en série animée, comme ç’avait été le cas avec MONSTER. Ah oui là je serais carrément preneur !

    • Jyrille  

      Ah tiens, ça me fait penser que j’ai pris le DANS L’ABIME DU TEMPS de Gou Tanabe. Si j’aime, je craquerai sans doute pour les autres, mais qui sont en deux tomes (LES MONTAGNES HALLUCINEES me tente beaucoup).

      • Tornado  

        DANS L’ABIME DU TEMPS est top. Très fidèle, avec des petits rajouts chronologiques (notamment la 2nde guerre mondiale (tiens) que Lovecraft n’a évidemment pas pu écrire) particulièrement pertinents.

        • Jyrille  

          Je me suis aussi pris LA COULEUR TOMBEE DU CIEL et L’APPEL DE CTHULHU.

          • Matt  

            C’est ceux que j’ai pas lus moi.
            J’ai Dans l’abîme du temps et les montagnes hallucinées.
            Mais Tornado ne m’a toujours pas dit si La couleur tombée du ciel est bien^^

  • Kaori  

    Bienvenue Nicolas !

    Ça fait un petit moment que le Bruce en parle, de ce manga. Je sais enfin de quoi il en retourne.

    Je rejoins un peu les propos de certains de mes camarades, dans le sens où je suis un peu « saoulée » de tous ces médias qui nous reparlent de cette guerre. Ici on la présente sous un angle très différent, et je trouve ça plutôt attrayant. Malgré tout, je ne suis pas sûre que la violence de certaines scènes me soient agréables…

    Bref, je vais attendre la fin de la série, pour voir si ça vaut le coup ou pas…

    Merci en tout cas !

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