Art Rock (Ecoutons nos pochettes)

Interview Gilles de Kerdrel : ECOUTONS NOS POCHETTES

Un article de BRUCE LIT

VF : Editions Densité

Ouvrez les oreilles, dîtes : 33 !
©Editions Densité

Quel est notre rapport aux pochettes du rock ?
Sur ce concept original, Gilles de Kerdrel a tenu un blog et un podcast puis la supervision de 33 textes introspectifs dans un livre paru aux Éditions Densité. Rencontre pour un livre marquant de cette saison 10 du Webzine.

Cher Gilles, peux-tu te présenter à nos lecteurs ?

-Bonjour Bruce et merci de me recevoir sur ton blog ! Alors pour me présenter, en deux mots : je suis concepteur-rédacteur indépendant, je vis entre Paris et la Bretagne et j’ai créé Ecoutons nos Pochettes il y a quelques années. A part ça, comme tu peux t’en douter j’écoute plein de disques, lis plein de bouquins, et regarde plein de films…

Ecoutons nos pochettes est d’abord un blog puis un livre. Tu nous en racontes l’histoire ? Le concept est assez génial en soi.

-Ecoutons nos Pochettes est né par hasard, un soir où j’écoutais Rattus Norvegicus, le 1er album des Stranglers. En regardant la pochette pour la 100.000ème fois, je me suis souvenu de comment j’avais découvert ce disque, et pris conscience de tout ce qu’il m’avait apporté, de l’importance qu’il a eu dans ma construction, ma culture. Ce n’est bien sûr pas le seul, mais il est une milestone dans mon parcours.

Bref j’ai écrit un texte que j’ai posté sur FB, et pas mal de gens ont répondu qu’ils avaient eux aussi des trucs à raconter sur telle ou telle pochette. J’ai réfléchi un peu, trouvé le nom Ecoutons nos Pochettes qui me semblait bien exprimer le concept. Et pour être plus précis, j’ai rajouté « Quand vos pochettes de disques racontent vos histoires ». D’où la page FB dédiée, puis Insta et finalement un site sur lequel on retrouve une centaine de textes, les podcasts, les dates de lectures publiques, etc.

Au menu
©Editions Densité

Que faut-il faire pour participer à Ecoutons nos Pochettes ?

-Déjà, avoir quelque chose à raconter, avoir envie de se livrer un peu, aussi car il s’agit d’écrire un récit autobiographique. Après, c’est libre, ça peut être drôle ou pas, peu importe le choix de la pochette tant que l’histoire est vraie et intéressante. Seule obligation : décrire la pochette à un moment du texte. Il y a une rubrique Guidelines sur le site qui explique tout ça en détails.

Le livre est très joli et marque toute la différence qu’il peut y avoir entre un blog et une publication papier…

-Ah ben carrément ! J’en profite pour remercier Hugues Massello des Éditions Densité, pour m’avoir proposé de faire cette anthologie. Même si « Écoutons » n’aurait pas pu exister sans les réseaux sociaux, le livre matérialise et concrétise ce projet qui du coup, devient crédible. Enfin j’espère…

Couverture classe, préface de François Gorin mais toutes les photos sont en noir et blanc…

-Merci à Pascal Blua qui a conçu la couverture et le design graphique du livre. Le choix des photos en noir et blanc, réalisées par Carole Charbonnier, est un choix esthétique. Après une couverture plutôt pop, je voulais un intérieur sobre, arty. Le noir et blanc va bien au rock, et il donne une unité aux textes réunis ici. C’est plus un livre à lire qu’à regarder. Et comme le disait Jacques Tati : « Trop de couleur nuit au spectateur ». Les Inrocks avaient repris cette citation, d’ailleurs…

Pour en revenir aux photos, c’est vrai que les premières versions étaient en couleur. Mais assez vite, on a fait des essais en noir & blanc. Et c’est devenu une évidence, d’autant plus que Carole est plus à l’aise avec, pour ce type de travail en tout cas. Au passage, elle signe également le texte sur Cerrone, page 46.

On a travaillé à deux. Comme je connais plutôt bien les textes, je lui faisais des propositions de mise en scène des pochettes, propositions qu’elle a systématiquement affinées, je dois bien l’avouer… 36 pochettes à shooter ça peut paraître énorme, mais on a fait ça très rapidement, sans trop de préparation. Les idées venaient, et le résultat était souvent tout de suite au rendez-vous. Au bout du compte, je crois que l’on a refait 3 ou 4 photos, pas plus. Pour ceux que ça intéresse, les photos sont en vente en format 40X60 sur le site de Carole.

Mais qui est ce vieil homme sur la plage ?
©Editions Densité
©Carole Charbonier

Ce qui est marquant à la sortie de ce livre, c’est que tous ces textes autobiographiques sont assez mélancoliques…

-Tu trouves ? Ok avec le terme mélancolique, mais ce n’est jamais gnan-gnan ou pleurnichard. Et puis il y a des textes drôles (P.I.L, Carole King, Mano Negra), d’autres sont de furieux règlements de comptes (le Cerrone). Il y a un spectre assez large de tonalité, c’est ce qui donne toute sa richesse à « Écoutons », je trouve. 

Je me disais que l’exercice ressemble en fait peu ou prou à un atelier d’écriture autour du rock !

-Tout à fait ! d’ailleurs j’en ai déjà animé un et je recommencerais bien !

Tu as de forts belles plumes. Je pense notamment à celles d’Anthony Boile (JJ Burnel), Julie Konieczny (Jack The Ripper) ou Pierre Lemarchand (The Cure)

-Tout à fait d’accord avec toi, mais ce ne sont pas les seules ! Lisa Balavoine, Valérie Tong Cuong, Éric Pessan, Christophe Paviot m’ont aussi fait l’amitié de figurer dans le livre… mais là encore ce ne sont pas les seuls…

Et puis tu as la contribution de Dominique A !

-Sans oublier JD Beauvallet et son texte sur Unkown Pleasures… C’est vrai que c’est agréable d’avoir des noms, mais je tiens vraiment à garder cet équilibre entre plumes connues et « simples » passionnés de musique. Ce que nous sommes tous finalement.

Glory Box
©Editions Densité
©Carole Charbonier

Ton texte sur la pochette de PIL tourne autour de la vengeance aussi froide que le métal de la pochette !

-Oui. Je suis plutôt rancunier mais ça va mieux, je te rassure. Comme tout le monde j’ai « perdu » des disques mais celui-là, quand j’ai pu le récupérer, je n’ai pas hésité. Et au cours des lectures publiques, les gens se marrent franchement, alors je ne boude pas mon plaisir.

Le texte de Sarah Kendous, une fan des Red Hot CHili Peppers en Egypte dans les années 90 m’a pris aux tripes. C’est presque une nouvelle !

-…Ou un (très) court métrage. J’y pense, d’ailleurs, à adapter certains textes avec des images. Ou en roman graphique… Celui-là s’y prêterait à merveille. Alors si ça tente des réalisateurs, des scénaristes voire des producteurs, qu’ils n’hésitent pas à me contacter… Pour l’instant, le « Red Hot » de Sarah existe en podcast. Tu l’as écouté ?

Ecoutons nos pochettes est d’abord un blog
©Sarah Kendous

Comment as-tu sélectionné les textes ?

– Ça a été plutôt Cornélien, comme choix. Beaucoup d’autres textes auraient mérité d’être là. D’ailleurs, deux ou trois sont également lus pendant les rencontres autour de l’anthologie. Pour en revenir à la sélection, je suis parti sur les « historiques ». Une façon de remercier les auteur.e.s qui ont joué le jeu dès le début.

Bon et maintenant tu nous fais un top 5 de tes pochettes préférées ?

-En général, tu veux dire ? Pff… il y en a tellement que je cite sans réfléchir Horses de Patti Smith, Love Suprême de John Coltrane, London Calling du Clash, The Perfect Prescription de Spacemen 3, et The Raven des Stranglers…

 Inversement, des pochettes complétement loupées selon toi ?

-PFF… il y en a tellement (haha) mais bizarrement j’ai plus de mal à en citer, peut-être parce qu’elles ne m’intéressent tout simplement pas… Ah si ! les pochettes des Happy Mondays (que j’adore) c’était pas terrible. Les pochettes de Disco ou de Hard Rock en général, c’est pas fameux non plus. 

Un volume 2 est-il envisageable ?

-Ce serait bien ! Mais sous quelle forme ? La même ou sous la forme d’un roman graphique ? j’y réfléchi déjà, car tu n’es pas le seul à me le demander…

Un dernier mot pour nos lecteurs ?  

-Merci et bravo d’avoir lu cette interview jusqu’au bout ! Plus sérieusement, le livre est dispo dans toutes les librairies indépendantes ou sur le site des Éditions Densité  … J’espère qu’il vous plaira ! Je rappelle aussi que l’écriture d’un texte pour Ecoutons nos Pochettes est ouverte à tous… Bon, je ne garantis pas qu’il sera retenu mais ça fait partie du jeu. En revanche, s’il est mis en ligne, vous « risquez » d’être invité.e à venir le lire en public… ça fait aussi partie du jeu…

Ecoutons Gilles
©Carole Charbonier

La BO du jour

15 comments

  • Présence  

    Une interview très sympathique et très parlante, comme d’habitude. Pleine de questions que j’aurais aimé poser… mais sans jamais avoir la perspicacité ou la présence d’esprit d’y penser.

    Parmi mes questions préférées :

    – Le livre est très joli et marque toute la différence qu’il peut y avoir entre un blog et une publication papier…
    – Ce qui est marquant à la sortie de ce livre, c’est que tous ces textes autobiographiques sont assez mélancoliques…
    – Bon et maintenant tu nous fais un top 5 de tes pochettes préférées ?

    L’ensemble permet de se faire une excellent idée de l’entreprise : son originalité dans la façon d’exprimer son rapport personnel et intime à une pochette rock, la palette des sentiments exprimés (la vengeance par exemple), ainsi que l’intrication avec la vie personnelle (par exemple le texte de Sarah Kendous en Egypte dans les années 90). Allez, je ne relèverais même pas la petite pique sur Les pochettes de hard rock en général. 🙂

    • Bruce lit  

      Oui Gilles y va fort sur les pochettes métal.

      • Eddy Vanleffe  

        comme pour la SF, on taxe souvent le métal de mauvais gout… ç’est pas fondamentalement faux.
        perso, je reste attaché à un tas de pochettes de ce style parce que c’est une univers de poche lui aussi et j’y trouve mon content.
        les pochettes d’Iron Maiden, font école bien au delà…
        J’aime aussi Don’t break the Oath de Mercyful Fate
        Russian Roulette ou Metal Heart d’Accept font aussi parti de mes préférées….
        je réfléchis et je vais faire un top 10 de mes pochettes préférées mais pas maintenant….
        Je retourne à mon mémoire

        • Jyrille  

          J’aime bien les pochettes de Maiden aussi, mais on a plus souvent de mauvais goût que de bon dans le hard (alors que dans le metal en général, c’est plutôt pas mal, souvent, pas toujours, genre le black ou le death heuuuu).

          • Eddy Vanleffe  

            alors in ze metal
            1-IRON MAIDEN LIVE AFTER DEATH-pour les moult références
            2-ACCEPT -METAL HEART -pour le jeu de mot et la sobriété de la pochette
            3- KISS-DESTROYER-pour l’iconisation ultime du groupe
            4-URIAH HEEP-LOOK AT YOURSELF-pour le concept
            5-BLACK SABBATH-BLACK SABBATH-pour l’inquiétante étrangeté
            6-HELLOWEEN-KEEPER OF THE SEVEN KEYS- pour ce côté mystérieux
            7-JUDAS PRIEST-BRITISH STEEL-pour le jeu de mot
            8-MERCYFUL FATE- DON’T BREAK THE OATH-pour l’impact immédiat et la simplicité
            9-METALLICA-MASTER OF PUPPETS-pour la composition proche de maiden sans l’être
            10-PRETY MAIDS-FUTURE WORLD-pour le coté SF-Pulp

  • Jyrille  

    Encore une super interview enrichissante. L’idée est tellement évidente que c’est presque ce que l’on avait fait avec notre semaine des pochettes de disque qui rappelait les comics (et qu’au final on a raconté nos vies en lien avec ladite pochette). Comme je le dis dans mon article Talk Talk, la pochette est hyper importante, elle colle aux souvenirs et à l’image du disque, ce qu’il nous fait ressentir, puisqu’il est également une image de ce qu’a voulu faire le groupe ou l’artiste… Bref, ça donne envie d’écouter le podcast, de lire le blog et de trouver le bouquin ! D’ailleurs j’ai écouté le podcast sur la pochette des Red Hot et en fait c’est très fort comme histoire, ça fait du bien, ça rappelle à quel point le rock, la musique en général, c’est important, c’est politique, c’est vital. Bon il faut que j’aille un peu explorer les autres liens de l’article.

    Pas de BO ?

    • Bruce lit  

      La BO du jour vient d’être postée.
      Je ne suis pas fan du tout des RHCP mais cet album était extra. Le podcast avec la voix de Sarah et les bruitages derrière, c’est génial même si je préfère le silence de la lecture. L’histoire de Sarah est tellement bien construite, avec quasiment plusieurs chapitres.
      Les pochettes rock sont une invitation au voyage. On en est jamais revenus hein ?

      • Jyrille  

        Oh yeah !! Masterpiece.

        Complètement d’accord, on en est jamais revenu, de ces pochettes. Quand elles sont loupées, ça fend le coeur. Moi j’ai arrêté les Red Hot après les avoir vu en concert en 97 (nul à chier, en fait c’est peut-être mon plus mauvais concert, car les attentes étaient grandes et, pas de bol pour eux, ils passaient après NTM qui est un de mes cinq meilleurs concerts vécus). Donc en gros je retiens trois disques du groupe : Mother’s Milk, Blood Sugar (le meilleur) et One Hot Minute. Tout ce qui vient après, pour moi, c’est de la daube.

  • Eddy Vanleffe  

    Un blog je lisais souvent. très fun, émouvant et convivial.

  • Tornado  

    Ben ça alors…
    Il y a quelques temps, j’ai écrit (pour le blog, ici) une ébauche d’article, un focus sur l’album de Buckley. Et puis je ne l’ai jamais envoyé parce que c’était hyper intime, comme une rêverie mélancolique qui racontait mes souvenirs ultra-privés avec l’album…
    Bref, ça me donnerait presque envie de l’envoyer à ÉCOUTONS NOS POCHETTES (je dis « presque », parce qu’il est absolument hors de question que je lise mon texte en public…).

    Les éditions Densité, je les ai un peu en travers de la gorge quand même… J’ai acheté quatre opus de la collection Discogonie (HISTOIRE DE MELODY NELSON, OK COMPUTER, HARVEST et FIVE LEAVES LEFT). Des petits bouquins dédiés à un album phare. La maquette c’est un raté total : Déjà que le livre est tout petit (17,5 x 10 cm), dedans le texte est écrit en minuscule (à mon âge, il me faut une loupe pour le lire, je déconne pas), avec d’énormes colonnes vides tout autour (largeur de la colonne de texte : 6,7 cm, hauteur totale : 12 cm, largeur de la goutière à gauche, à droite et en bas : 2cm, largeur de celle du haut, sans chapeau sans rien du tout (vide) : 4,5 cm ! et les lettres font 1 mm de haut !!!). Je ne connais pas le maquettiste (son nom est inscrit à la fin), et je ne sais pas si on lui a imposé le format pour causes d’économies d’encre mais franchement c’est nul de chez nul.

    La BO : Bon alors je ne connais pas assez les albums des Kinks en détail mais cette chanson, je ne lui trouve strictement aucun intérêt. Du sous-Beatles de la 1° période (celle que je n’écoute jamais).

    Sinon, super ITW, comme d’habitude ! 🙂

    • Bruce lit  

      Je pense que Gilles sera ravi de recevoir ton texte et sera compréhensif sur ton appréhension de lire ça en public. Je viens de lui envoyer avec genre un an de retard l’histoire de ma relation avec la pochette de THE WALL.

  • Fletcher Arrowsmith  

    Hello.

    Bonne interview, qui va à l’essentiel.

    Je connais ce livre mais je ne sais pas d’où. Peut être ai je un jour atterri sur le site, au hasard de recherches.

    Cela me semble pointu. Pas sur qu’il soit fait pour moi. Je suis loin d’avoir la connaissance de certains éminents membres du blog en matière de musique (vous me scotchez tous les gars sur le sujet).

    Par contre étant plus littéraire, je dois dire que j’aimerais bien en effet lire les textes, avec des proses variées et personnelles. Et puis si même Dominique A y a mis du sien, alors c’est vendu (je recommande d’ailleurs ses livres).

    Les RHCP ne m’ont jamais convaincu. Je suis toujours passé à côté et chaque écoute confirme mon choix.

    • Bruce lit  

      Alors je trouve qu’il n’y a aucun besoin de culture rock bien au contraire : c’est le témoignage de 33 individus sur une pochette reproduite pour chaque article et ce qu’elle représente pour chacun.

  • JP Nguyen  

    Je suis allé sur le site de Ecoutons nos pochettes. J’ai rencontré quelques aléas de navigation, tous les billets ne s’affichaient pas facilement. Les quelques textes que j’ai lus étaient variés dans le style avec souvent, il est vrai, de la mélancolie, qu’elle soit au premier rang ou en embuscade.
    Etant donné ma propension à me vautrer dans l’évocation du passé révolu, c’est un peu un site-piège pour moi mais merci tout de même pour la découverte.

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