The Killer Inside de Hajime Inoryu et Shota Ito
Un article de BRUCE LITVO : Kodansha
VF : Ki-oon
THE KILLER INSIDE est un thriller de Hajime Inoryu (scénario) et Shota Ito (dessins). Il s’agit d’une histoire complète en 11 tomes parue chez Ki-oon entre 2020 et 2023. La série est donc terminée et à réserver à des lecteurs matures en raison de la violence psychologique s’y déroulant.
Quelques spoils mineurs se glisseront inside cet article.
Au Japon de nos jours, le lecteur suit le destin d’Eiji un jeune homme d’une vingtaine d’années dont le père est mort brûlé vif le jour de son anniversaire lorsqu’il avait 5ans. Au trama de ce deuil atroce s’en ajoute un autre : Eiji apprend que ce père doux et attentionné était en fait un tueur en série.
Placé en famille d’accueil, il découvre qu’il souffre de dissociation de l’identité : Eiji un garçon banal et d’un naturel optimiste héberge une autre personnalité froide et psychopathique.
C’est le moment où de nouveaux meurtres sont commis portant la signature de LL, le père d’Eiji.
Se pourrait-il que celui-ci soit toujours en vie ? Qu’il s’agisse d’un copycat ? Ou qu’Eiji porte en lui un tueur dont il ne serait pas pénalement responsable ?
Commence alors une enquête haletante pleine de chausse-trappes, de fausses pistes et de coups de théâtre terrifiants où notre héros et ses lecteurs sont bringuebalés à la merci d’un scénario particulièrement retors qui projette son histoire si fort que le point de non-retour est très vite atteint.
Ce qui commence comme un conflit de personnalités comme les Thrillers les affectionnent (le pitch est incroyablement semblable à celui de CES JOURS QUI DISPARAISSENT publié ici 3 ans auparavant) se transforme en piège mental où personne n’est à l’abri du soupçon et dont l’architecture aussi ciselée qu’une cathédrale laissera pantois son lecteur.
Ceux qui vénèrent MDP PSYCHO ou DEATH NOTE se sentiront chez eux, la pose en moins, la tonalité sombre et adulte en plus. Eiji comme dans le MEMENTO de Nolan s’improvise détective à la recherche du temps perdu, de ce qu’il est, de ce qu’il n’est pas et probablement d’une erreur judiciaire ayant incriminé son père à tort.
Il part ainsi avec un niveau de handicap angoissant : comment démêler le vrai du faux lorsque son identité est aussi friable que du sucre trempé dans l’eau ? Comment déjouer un crime parfait quand votre famille et vos amis en savent plus qu’ils n’en disent sur ce sable mouvant qu’est devenu votre vie ?
Fort d’un scénario où les personnages sont caractérisés avec une rare élégance, agrémenté par le dessin dont l’expressivité induit un niveau supplémentaire d’angoisse, THE KILLER INSIDE amène son lecteur dans les tréfonds du mal absolu en disséminant des indices évidents et pourtant invisibles à la première lecture.
Mais à l’inverse d’un DEATH NOTE qui était avant tout une ode des auteurs à leur propre talent créatif, celui de THE KILLER INSIDE refuse de frimer et de jouer au plus malin avec son lecteur. Au contraire, Inoryu se veut très pédagogue avec la continuité des évènements, leur chronologie et les interactions entre une bonne quinzaine de personnages dont chacun apporte sa brique dans un mur où tout se déconstruit.
Il ne s’agit plus ici d’une histoire où un adolescent se forme suite à des épreuves initiatiques; c’est plutôt un polar existentiel et cartésien où les auteurs se demandent comment survivre quand les murs porteurs d’une identité fragile, factice, construite pour survivre à d’horribles évènements, s’écroulent pour laisser son protagoniste seul dans les décombres.
Au fil et à mesure que la personnalité psychopathique d’Eiji prend le dessus, le lecteur ne sait plus s’il doit en admirer l’implacable intelligence ou la redouter. Les pages se tournent à un rythme effréné, les twists poussent le lecteur à pousser des hurlements mentaux de jouissance et de surprise. Shota Ito dessine comme personne les silences qui en disent longs, les dialogues à double sens et des sourires qui ne rassurent personne.
Une enquête vertigineuse qui n’épargne personne mais qui se raccroche in extremis à des valeurs et des principes. Les personnages assument pleinement leurs actes et, à l’inverse des comics, ne sont jamais exemptés de la déconstruction qu’ils subissent. Tous paient dans un final éblouissant, et relativement optimiste au vu des tartines de merde ingérées, le prix à payer de leurs actes.
Un thriller psychanalytique inespéré, abouti et généreux. Un seinen adulte pour adulte qui fera date et qui se pose comme mètre étalon du genre pour les années à venir. L’enquête est passionnante et aborde avec profondeur notre héritage familial, les péchés du père, l’enfance maltraitée et adoptée ainsi que notre rapport à la douleur.
Magistral.
Miraculeux.
La BO du jour
Je reconnais bien cette plume qui sait être dithyrambique sur quelques titres.
J’ai donc suivi ton conseil.
J’en suis au tome 3 et je ne suis pas aussi emballé que toi.
C’est une excellente lecture très captivante mais qui me laisse un petit gout de « too much » quand même.
J’en suis au stade de l’histoire où j’attends que la personnalité plus psychopathe du héros se réveille tant le héros me semble être une poupée ballotée au gré des gens qui le manipulent.
Mais je te remercie pour cette série qui est ma lecture du matin en ce moment.
En retour je vais te conseiller LEVIATHAN en trois tome, thriller spatial avec intrigue à tiroir, moitié BATTLE ROYALE, moitié DEATH NOTE et avec une pincée d’enquête found footage.
une pure maitrise, puisque ramassée sur 3 tomes, pas de fioritures, pas de longueurs et pourtant un univers concret développé, un contexte posé, des personnages fouillés et une conclusion pleine de twists.
ça a l’air bien ça dis donc ! Je suis intéressé par les récits courts en quelques tomes comme ça.
J’en suis au stade de l’histoire où j’attends que la personnalité plus psychopathe du héros
C’est justement comment les auteurs déjouent cette attente et l’alternative proposée qui rend cette lecture fascinante.
J’ai tenté Leviathan mais j’ai trouvé ça plutôt médiocre.
Graphiquement j’aimais déjà bien la petite influence occidentale bien digérée et ensuite comme thriller spatial/huis clos, ça fonctionne vraiment
Je suis de toute manière assez client de la politique menée par Ki-OON en général.
Mais de toute façon, ce n’est pas je crois ton style de récit.
11 tomes pour une histoire de psychopathe, c’est un peu trop pour moi sur un sujet qui ne m’intéresse pas plus que ça.
J’imagine bien sûr qu’on va entrer dans le pourquoi du comment avec comme tu l’évoques la psychologie de gens qui ont souffert, etc. Bon…c’est presque un cliché à force. Et pas sûr de vouloir m’infliger ces histoires sordides de maltraitance et tout pendant 11 tomes.
Je ne doute pas que c’est surement bien fait, mais c’est aussi un peu comme si on savait à quoi s’attendre dès le début.
Une nana mystérieuse cinglée, surement qui a souffert et pété les plombs, qui manipule les gens tout ça…plein de sourires sadiques de méchant, de la violence. Bon…j’sais pas.
J’ai trouvé au contraire que l’histoire allait au delà des clichés et était très intelligemment écrit.
En fait, même si je suis client de mangas et des thèmes abordés souvent originaux, j’ai un souci avec la manière dont les japonais montrent la folie. Les persos cinglés sont iconisés et toujours à ricaner avec de grands sourires de tarés. ça peut marcher si tu veux faire peur dans une courte histoire à la Junji Ito, mais sur le long terme j’ai un doute.
Même dans des animes ou mangas d’enquête, quand le tueur super sérieux qui cache hyper bien son jeu est démasqué il devient hystérique avec un sourire d’une oreille à l’autre en pétant complètement les plombs.
C’est ta façon d’insister sur les sourires qui me fait penser à ce cliché tout de même agaçant surtout si tu veux traiter la chose de manoière très sérieuse.
Tu n’as pas tort sur ce coup là, la déformation du visage caricaturale, même si présente pour bien faire comprendre le glissement mental des personnages n’est pas trop outrée reste dans un registre sérieux et ne casse pas la lecture.
J’ai commencé en médiathèque le webtoon LE BATARD et là pour ce type de raison d’ailleurs, je n’irais pas jusqu’au bout.
les webtoon c’est cher pour avoir un truc qui avance trop vite mais sur trop de pages. Dessiné de manière trop amateur que cachent les artifices informatiques
Ah ah ! J’avais trouvé ça super, BATARD !
Je crois que sur l’appli, ça doit bien être prenant…
moi j’ai eu du mal avec ce truc à feuilleter plus qu’à lire et puis oui là j’ai eu l’effet d’usure sur le traitement asiatique des psychos en manga/manwha…
Je pense en lire moins que toi et être sans doute plus sélectif.
sans doute,
J’ai tenté tous les titres que tu as conseillé sur FB.
Je constate qu’on en flashe pas sur les même détails qui vont axer nos lectures
Pour moi Pumkin Knight est vraiment craspec…
Pourtant il m’arrive de lire de l’ero/guro… (pas souvent quand même…)
Je rajoute
MON MARI DORT DANS LE CONGELATEUR, bien malaisant sur 2 tomes ^^
une bonne chute qui laisse un frisson quand même.
Quel editeur ?
Akata!
un label qui fait dans des titres plus impliqués socialement…
Je me souviens avoir feuilleté le premier volume de cette série lors de sa sortie et l’avoir reposé en me disant que ce n’était pas pour moi.
J’ai lu l’article avec attention et, en effet, il confirme que l’on se situe bien là dans un genre de manga que je n’aime pas du tout. Je déteste ce type de manga, en fait.
la BO : jamais aimé Alice in chains. J’aurais pour ma part choisi le morceau Killer inside of me de Green on red (même si le groupe a fait mieux sur d’autres albums).
Bon, on va dire que c’est pas mon jour. 🙂
Je reconnais bien Bruce dans ses excès d’enthousiasme, mais tu sais aussi être intrigant sur le déroulé de l’histoire elle-même. Le sujet ne m’intéresse pas plus que ça car j’ai l’impression de l’avoir vu traité des dizaines de fois auparavant et je crois avoir fait le tour… Ou alors que c’est un peu trop facile. Je ne sais pas, je ne suis pas convaincu, mais sait-on jamais, dans une médiathèque…
J’ai lu une preview de Leviathan dans un magazine gratuit, ça peut être sympa, pas sûr d’avoir un avis après une quinzaine de planches uniquement.
La BO : j’essaie même pas, j’ai déjà trop essayé, jamais aimé ce groupe ni ses disques.
oui THE KILLER INSIDE, si je ne peux être aussi enthousiaste que Bruce, c’est aussi parce que j’ia l’impression pour l’instant que cela ne diffère pas énormément d’autres manges/thrillers à base de psychopathes.
En 13 tomes je peux aussi dire un mot sur GANNIBAL qui suit les aventures d’un flic de Tokyo qui après une mission traumatisante, se met un peu au vert dans la campagne et tombe sur un village qui abrite une étrange communauté aux coutumes ancestrales un peu particulières. c’est bien troussé et aborde un peu la question des communautés rurales japonaises dans ce qu’elles ont de bien flippant.
il y avait aussi INITIATION en 5 tomes mais c’était plus érotique que réellement thriller. (pas du tout un ecchi ou un Hentai, plus un « documentaire » )
POUR LE PIRE se termine bientôt.
12 tomes je crois
Tant mieux!
il ne faut pas trop que ça dure les thrillers dans ce genre.
Et déjà 12 tomes c’est pas mal. J’avoue que je préfère choper des trucs en moins de 10 tomes (Soul keeper en 8 tomes c’est très bien comme format^^)
En 3 tomes on pourra argumenter qu’on ne s’attache pas aux persos. Mais bon je ne cherche pas trop ça en manga. Et les formats de Tetsuya Tsutsui sont en 3 tomes et ça marche bien. HEADS aussi, 4 tomes, SEIZON LIFE 3 tomes
SOUL KEEPER c’est terminé ?
« SOUL KEEPER c’est terminé ? »
Oui.
Et Jumbo Max, la nouvelle série en cours de Tsutomu Takahashi est très recommendable.
Merci Zen.
En ce moment je suis très fan de EVOL et MOTHER PARASITE.
Béh…c’était terminé quand j’en parlais déjà il y a un bail SOUL KEEPER.
ça a juste été réédité je crois, mais les 8 tomes sont sortis depuis 10 ans^^
Ok, je voulais juste checker comme l’auteur semble avoir abandonné NeuN
J’ai lu les 3 premiers de SK, j’aime beaucoup
Mother parasite est sur ma liste d’attente perso…^^ après
My Home Hero et Pour le pire.
EVOL, jamais entendu parler
EVOL : c’est parce que tu ne lis pas GEEK MAGAZINE…
Ah oui NeuN…
J’ignore la raison du stand by de la série.
C’est très cool Soul Keeper ouais
EVOL, c’est le nouveau manga d’Atsushi Kaneko et c’est en effet très très bien. Sur ce titre, je partage complètement l’avis de Bruce.
Mother parasite, je ne vois pas ce que c’est. Je vais jeter un oeil.
Tu n ‘es pas sur FB, Zen ?
J’avais écrit un post dessus.
« Tu n ‘es pas sur FB, Zen ? »
Je me tiens le plus éloigné possible de tous les réseaux sociaux.
Dommage.
J’aime bien suivre mes contacts.
Gannibal, j’ai lu les deux premiers volumes. Un peu vulgos mais ça se tient. Je me souviens que je voulais continuer mais au milieu de tant de lectures j’ai pas poursuivi.
Faudrait que j’achète la suite.
Pour le pire, j’ai aussi lu les deux ou trois premiers volumes. Pour moi, c’est vraiment le fond du fond de ce que le manga peut proposer. Je hais ce genre de trucs.
Ah non, il n y a rien de facile dans le traitement. Je crois me souvenir que tu avais aimé CES JOURS QUI DISPARAISSENT. On est quand même dans du polar atypique.
Oui, j’avais aimé cette bd (merci pour le lien d’ailleurs), mais je ne sais pas trop quoi penser de ce que tu vends ici. De toute façon j’ai encore trop de bds dans ma BAL. Et puis les mangas, c’est tout de suite beaucoup de tomes, ça prend du temps et de l’argent, rien que 11 ici. Je me suis tourné vers les valeurs sûres donc j’ai de quoi faire.
Bon, clairement pas pour moi, même si j’avais beaucoup aimé MEMENTO.
Ca me rappelle un manga sur lequel tu avais déjà fait un article mais que je n’ai jamais osé lire et dont j’ai oublié le titre… Celui où un jeune homme change de personnalité après une opération du cerveau je crois…
Il s’agit de HEADS
Kaori j’ai dans me besace quelques trucs feel good qui te plairont Kaori
Stay Tuned!
Bonjour Bruce
Intéressant même si c’est exactement ce type de lecture ou distraction que je fuis en ce moment. Pourtant j’aime beaucoup tes références :
– MEMENTO, le hasard veut que je sois dans un cycle Christopher Nolan, confirmant au passage que INTERSTELLAR est son plus mauvais film),
– CES JOURS QUI DISPARAISSENT magnifique deuxième album de Timothé Le Boucher (le seul que je ne possède pas d’ailleurs, lu en médiathèque)
– DEATH NOTE, même si là j’ai revendu mes 10 tomes, n’étant pas allé au bout d’une histoire qui in fine a fini par m’ennuyer
Je jetterai un coup d’œil à l’occasion.
La BO, sans surprise, n’est pas pour moi.
A réserver à des lecteurs matures en raison de la violence psychologique s’y déroulant : Hé bin, ça doit être quelque chose pour mériter un tel avertissement !
Comment survivre quand les murs porteurs d’une identité fragile, factice, construite pour survivre à d’horribles évènements, s’écroulent pour laisser son protagoniste seul dans les décombres : une approche intéressante, peu mise en œuvre, ça doit être très original.
Oui, une terreur psychologique et une angoisse réelle bien plus prégnante que du gore et de l’hémoglobine.
Je place cette histoire d’effondrement de l’identité dans la même lignée que du HUMAN TARGET.
Fini le Tome 4.
L’enquête commence à être prenante par elle même et c’est bien.
POur en revenir à cette spécificité des manga de façonner les émotions et dans le cadre des thrillers les états mentaux passant par des regards vides, des sourires exagérés , des langues de Gene Simons. C’est vrai que cela peut parfois être une faiblesse puisque cela annonce souvent la scène d’après.
Ici les auteurs tentent quand même de jouer avec notamment sur un des protagonistes qui laissent planer très souvent un doute quant à son implication réelle dans les événements et par boule de neige d’autres personnages voisins peuvent également basculer.
Bon sinon le récit est quand même codifié et les retournements sont bien faits mais la plupart du temps, c’est assez prévisible sauf UNE FOIS par tome…
Très malin ça.