C’est dans les vieux Poe…(Poe par Corben)

Edgar Allan Poe’s spirits of the dead par Richard Corben

1ère publication le 24/10/16- Mise à jour le 27/01/18

Maître Poe en son arbre perché

Maître Poe en son arbre perché © Dark Horse

AUTEUR : PRÉSENCE

VO :Dark Horse

VF: Délirium

Ce tome est constitué d’histoires courtes; il donc peut se lire indépendamment de toute autre lecture. Il comprend 14 adaptations de textes d’Edgar Allan Poe, parus entre 1829 et 1846.

Ces récits sont tous écrits, dessinés et encrés par Richard Corben, avec une mise en couleurs réalisées par lui-même, assisté par Beth Corben Reed. Ces histoires sont initialement parues dans des numéros spéciaux, et dans des numéros de l’anthologie « Dark Horse presents » (numéros 9, 16 à 18, 28 et 29), de 2012 à 2014. Il s’agit de nouvelles adaptations réalisées dans les années 2010.

Ce tome commence par une table des matières indiquant pour chaque adaptation, l’année à laquelle le texte d’Edgar Allan Poe est paru. Vient ensuite une introduction de 3 pages rédigée par Thomas Inge (professeur de lettres en université) identifiant la force de ces adaptations. En page 10, le lecteur trouve la reproduction du texte du poème « Spirits of the dead » d’Edgar Allan Poe.

Les 200 pages suivantes sont constituées de bandes dessinées réalisées par Richard Corben, commençant par « Alone », et se terminant avec « The cask of Amontillado » (la liste des textes se trouve en fin du présent article). En fin de volume se trouvent les 6 couvertures réalisées pour le numéro spécial « The conqueror worm », les 2 épisodes de « The fall of the house of Usher », et les numéros spéciaux « Morella, and The murders in the rue Morgue », « The raven », and The red death », et « The premature burial ».

Couverture du Masque de la mort rouge

Couverture du Masque de la mort rouge © Dark Horse

Ce n’est pas la première fois que Richard Corben réalise des adaptations de textes ou de poèmes d’Adgar Allan Poe. La première fois, c’était en 1974 dans le numéro 47 du magazine Creepy, réédité dans Creepy presents Richard Corben. Durant les années 1970, cet artiste a ainsi transposé plusieurs histoires de Poe, soit sous forme d’une courte bande dessinée, soit sous une forme un peu plus longue (par exemple La chute de la maison Usher).

Quand Corben revient aux comics en 2006, il commence par une courte série en 3 épisodes publiés par Marvel MAX : Haunt of Horror qui contient des adaptations de texte d’Edgar Allan Poe. Il s’agit de nouvelles versions, même si certaines reviennent sur des textes déjà adaptés dans les années 1970 : (1) The raven, (2) The sleeper (3) The conqueror worm, (4) The tell-tale heart, (5) Spirits of the dead, (6) Eulalie, (7) The lake (8) Izrafel (9) The happiest day, (10) Berenice.

Le ver conquérant

Le ver conquérant © Dark Horse

Le présent recueil comprend uniquement des bandes dessinées originales, pas de rééditions des versions précédentes pour Creepy ou pour Marvel MAX. Le lecteur y retrouve de nouvelles versions de textes déjà adaptés plusieurs fois comme The Raven, ou La chute de la Maison Usher, ou encore Le masque de la mort rouge. À la différence des précédentes versions, ce recueil compose un ouvrage thématique placé sous le signe de l’esprit des morts, c’est-à-dire la manière dont les vivants ressentent l’influence des morts. Il ne s’agit pas tant d’histoires de fantômes, que plutôt du poids des morts sur sur l’inconscient.

En choisissant le titre de l’ouvrage Richard Corben livre une clef de compréhension sur la direction qu’il a donnée à ses adaptations. L’esprit des morts pèse sur la vie psychique des vivants, qu’ils le veuillent ou non, qu’il s’agisse d’une épouse défunte sur l’esprit du veuf, ou de celui d’une victime tuée sur l’esprit de son assassin. Avec ce point de vue en tête, le lecteur constate que l’auteur fait preuve d’une grande cohérence dans son approche. Elle est renforcée par le choix de ne pas moderniser les récits, de les laisser à l’époque où Poe les a situés, c’est-à-dire majoritairement au dix-neuvième siècle.

Une narration par les images

Une narration par les images © Dark Horse

Toujours en termes de technique d’adaptation, Corben a choisi de reprendre l’intrigue de chaque texte, ainsi que l’état d’esprit ou l’émotion qui y sont développés. Il n’y a pas presque pas d’inclusion du texte original. Le lecteur découvre donc des histoires racontées en bandes dessinée, plutôt qu’un entre-deux inconfortable et balourd entre fidélité servile au texte et dessins cantonnés au rôle d’illustration. Ainsi le long poème « The raven » (18 strophes de 5 vers) devient une bande dessinée de 10 pages, dans laquelle l’auteur montre ce qui se passe plutôt que de faire un dessin accompagnant chaque strophe. Le corbeau et le buste de Pallas sont bien présents et il dit toujours « Nevermore ».

Ce choix de prendre de la distance vis-à-vis du texte originel, pour se concentrer sur l’état d’esprit et l’émotion aboutit à des bandes dessinées autonomes qui mettent en valeur la force du récit d’Edgar Allan Poe qui supporte des interprétations multiples, et l’intelligence narrative de Corben qui réussit à transposer l’esprit des textes. Le lecteur retrouve bien les caractéristiques de narration visuelle de Corben. Comme dans ses récits récents, il a mis la pédale douce sur la nudité (par rapport à ces œuvres des années 1970) ; il n’apparaît qu’une paire de fesses et de seins dans ces 200 pages, et pas en gros plan.

En haut à gauche, Mag la harpie présente

En haut à gauche, Mag la harpie présente © Dark Horse

Il a rapatrié un dispositif narratif des années 1970 qui est d’inclure dans certains récits (pas tous) la présence d’un personnage qui introduit l’histoire, qui en consolide la morale, et qui peut faire une remarque ou deux en cours de route. Corben utilise ce dispositif avec parcimonie. Il a choisi le personnage de Mag la Harpie (une vieille femme avec bandeau noir su l’œil gauche, vêtue d’un simple drap grossier qui lui couvre la tête et le corps que l’on devine fatigué par les années.

Le lecteur a l’excellente surprise de voir que les Corben (Richard & Beth) maîtrisent l’usage de l’infographie pour la mise en couleurs. Ils ne tentent pas de reproduire l’exubérance des couleurs à l’aérographe qui ont fait la réputation de Corben sur Den. Ils les utilisent afin d’accentuer le volume et le relief des surfaces, par l’usage de dégradés maîtrisés (par opposition à systématiques). Ils s’en servent dans certaines séquences pour installer une teinte qui donne le ton et renforce l’ambiance. Il y a un gros travail dans le choix des couleurs, en particulier pour ce qui est de la teinte de la chair, ce qui renforce la dimension sensuelle (et souvent morbide) associée à la chair.

La première bande de cases (Alone)

La première bande de cases (Alone) © Dark Horse

Dès la première bande de cases, le lecteur peut constater que l’artiste dispose toujours de cette capacité surnaturelle à rendre compte de la texture de ce qu’il dessine ici il s’agit dans la troisième case de la partie supérieure des feuilles d’un arbre, où le lecteur peut voir le léger reflet occasionné par le vernis qui les protège. Par la suite, il peut apprécier le granité de la pierre d’une statue, la friabilité d’une peau parcheminée en décomposition, la tension superficielle de l’eau, le velouté d’une peau, la rougeur d’une gencive, la viscosité du sang, les craquelures d’un revêtement mural attaqué par les moisissures, etc. Corben ne sature pas ses cases en texture : une feuille peut être représentée avec soin dans une case, puis de manière grossière dans celle en dessous. Il ajuste le niveau d’informations visuelles, en fonction des besoins narratifs.

Cette façon de varier le réalisme de la représentation peut être déconcertante pour un lecteur qui n’y est pas habitué, car elle s’applique aussi bien aux textures, qu’aux décors, et même aux personnages. Dans « The cask of Amontillado », les murs sont représentés avec toute la rugosité des briques, et la granularité du mortier, tant que le personnage principal est en train de le monter. Puis dans la page suivante, les arrière-plans sont uniformément noirs parce que Corben souhaite focaliser l’attention du lecteur sur les personnages.

J'ai un aveu à te faire...

J’ai un aveu à te faire… © Dark Horse

Si certaines pages suggèrent plus les décors qu’elles ne les montrent, ils bénéficient tous d’un réel travail de conception. L’artiste s’y entend pour recréer les intérieurs de l’époque, de l’architecture de la bâtisse, à son ameublement, en passant par l’aménagement intérieur. Il n’y a que la reconstitution des rues de Paris (Double assassinat dans la rue Morgue) qui prête à sourire par quelques détails fantaisistes (mettons ça sur le compte de la licence artistique).

Cette approche variable dans le degré de détails peut parfois déconcerter en ce qui concerne les personnages. Corben peut aussi bien les représenter avec une exactitude quasi photographique, que les détourer à gros traits. Dans le deuxième cas, a mise en couleurs vient apporter une consistance aux différentes formes, à commencer par du relief, et du volume. Ces dessins un peu caricaturaux portent bien les éléments nécessaires à la narration, tout en induisant une forme de distanciation moqueuse. À bien y regarder, le lecteur peut détecter une moquerie discrète et insidieuse, dans des expressions veules et peu flatteuses pour les personnages, ou dans des gestes trop précipités. Cette ironie sous-jacente ne neutralise pas les effets dramatiques. Elle apporte une dimension adulte, un léger cynisme quant aux actions et réactions de certains personnages, pas toujours très bien dans leur tête, ou très conscients d’agir de façon immorale (pour un lecteur et un scénariste pas dupes).

Des gueules

Des gueules © Dark Horse

Régulièrement, Richard Corben revient aux textes d’Edgar Allan Poe pour les adapter à nouveau. Ce recueil présente une rare cohérence narrative, à la fois visuelle, et à la fois dans sa manière d’adapter les textes. La préface souligne à quel point Poe était un conteur né, sachant structurer une nouvelle ou un poème de manière à instiller une tension dramatique, tout en construisant des personnages. Richard Corben a trouvé la bonne approche pour à la fois se reposer sur cet art de la narration, et pour transposer les émotions et les états d’esprit sans les dénaturer, sous forme de nouvelles relevant entièrement de la bande dessinée, et pas d’une réalisation n’arrivant pas amalgamer le texte original avec les conventions de la BD.

– Liste des textes adaptés –

(1) Alone
(2) The city in the sea
(3) The sleeper
(4) The assignation
(5) Berenice
(6) Morella
(7) Shadow
(8) The fall of the house of Usher
(9) The murders in the rue Morgue
(10) The masque of the red death
(11) The conqueror worm
(12) The premature burial
(13) The raven
(14) The cask of amontillado

Et le corbeau dit : "Jamais plus"

Et le corbeau dit : « Jamais plus » © Dark Horse

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« Mais c’est horrible ! » 1/7
Présence vous invite à la Maison Usher en compagnie de Richard Corben, illustrateur légendaire des contes d’Edgard Poe. Corbeaux, fantômes et malédictions, la semaine commence chez Bruce Lit !

LA BO du jour
Aussi joviale que le père Allan, Mylène Farmer ouvrait son album le plus célèbre avec cette adaptation du boute en train légendaire Charles Baudelaire (hé !ça rime !), traducteur idéal de Poe à ses heures perdues:

38 comments

  • Matt  

    Tiens c’est mon copain Corben dont je supporte mal le style.

    Je suis surpris. Les scans ne montrent pas de trop gros délires caricaturaux, de nains à grosse tête ou autres déformations des proportions comme c’est souvent le cas. Les scans sont-ils trompeurs sur la totalité de la marchandise ou est-ce que Corben est plus sage pour cette série ? Je pourrais presque dire que pour une fois le style ne me gêne pas.
    Et pour ce qui est des décors par contre, je suis d’accord avec toi. C’est bien la seule chose qui ne m’a jamais dérangé chez Corben : il fait des décors très réussis avec des détails permettant d’aller jusqu’à deviner la rugosité des pierres, la poussière sur les meubles, etc.

    Par contre je ne sais pas quoi penser des adaptations. tu dis qu’elles sont réussies mais la couverture du masque de la mort rouge avec une espèce de zombie me fait m’interroger. j’ai lu la nouvelle et il n’est aucunement question de monstre d’outre-tombe. Je sais qu’il s’agit là encore d’adaptation et de réinterprétation, mais si c’est pour adapter une nouvelle d’atmosphère en film de zombie…on a le droit de trouver ça naze aussi comme idée^^ Mais peut-être que cette cover n’est pas représentative ?

    En tant que fan de Poe, je dois avouer être curieux du résultat de ces adaptations malgré ma relation complexe avec le style de Corben. D’un côté j’admets que pour des récits d’horreur/fantastique, son trait peut avoir un intérêt. Mais je n’aime pas du tout quand ses personnages semblent faire 1m10 avec une tête énorme.

    Un article intéressant en tous cas, mon cher Présence. Merci à toi.

    • Présence  

      Si je me souviens bien la couverture du Masque de la mort rouge n’est pas représentatif du traitement à l’intérieur. Mais je me souviens avoir préféré une adaptation antérieure réalisée par Corben, plus étouffante dans mon souvenir.

  • Tornado  

    Je crois que je l’ai feuilleté et reposé sur son étal… ou alors c’était un autre recueil (peut être Ragemoor dans la même collection). Il faudrait que je réessaye, parce que sur le principe, je suis quand même très preneur. Comme Matt, je trouve que les scans montrent un Corben « sage », sans les visages caricaturaux grotesques.
    Le fait est que cette collection de l’éditeur Delirium (en VF) est une pure merveille. Enfin un éditeur qui ne tombe pas dans la mode du papier mat, car je trouve que ces récits gothiques basés sur le clair-obscur sont magnifiés par le papier glacé, qui donne une profondeur aux noirs impossible à obtenir avec du papier mat. Ce qui est l’inverse d’un vieux comics de super héros par exemple, où le papier glacé ne convient pas du tout aux couleurs flashys des imprimeries d’antan.

    J’ai beaucoup aimé la manière dont Présence explique en quoi Corben réalise une véritable adaptation sous la forme d’une bande dessinée, et non une balourde transposition en image, comme c’est souvent le cas.
    En tout cas, c’est gagné : j’ai envie de redonner sa chance à cet album.

    • Matt  

      C’est vrai que ce choix du type de papier dicté par une mode ou un type de collection est débile. Il ne s’agit pas de préférer tel ou tel papier, il s’agit d’être logique en fonction de ce qu’on imprime dessus. Les comics old school de super héros sont en effet bien plus jolis sur le papier mat des collections « incontournables » ou même les anthologies récentes chez Panini. Du papier mat comme dans les vieux Strange en fait.
      Par contre imprimer les run récents des X-men de Whedon sur le papier mat des « Marvel Icons », c’est un peu nul comme idée. Dans le run de JMS de Spidey, le style de Romita Jr passe encore pas mal sur papier mat mais lorsque Mike Deodato Jr débarque, c’est tout de suite moins pertinent comme choix de papier.

    • Présence  

      @Tornado – Travail d’adaptation : tu m’as tout appris. C’est à partir de tes commentaires et explications que j’ai conçu mon commentaire, en reprenant les critères que tu as explicités.

      L’édition VO est également imprimée sur du papier glacé.

  • Tornado  

    Panini est le champion des débiles dans ce cas précis. Et ils refusent d’expliciter leyrs choix en plus (je leur ai demandé à maintes reprises pourquoi ce choix de réédition sur papier mat de runs récents dans la collection Icons). Peine perdue.
    Il doit certainement y avoir une raison économique derrière. Mais il est évident que l’on vogue en ce moment dans une mode du papier mat assez pénible et qu il serait bon, comme tu le dis, que les éditeurs fassent tout simplement preuve de bon sens en choisissant le bon type de papier sur les bons bouquins.
    Je me suis acheté plusieurs livres illustrés sur le cinéma qui surfent sur cette mode du papier mat et le résultat est assez lamentable, avec des affiches reproduites dans une colorimétrie terne et délavée vraiment dégueulasse. Un mauvais rapport qualité/prix en somme. Je me suis également souvent heurté à la mauvaise foi de certains internautes sur ce sujet, qui ne jurent que par le papier mat, refusant d’accepter qu’ils se comportent comme des fashion victimes et prêts à mentir en prétendant que les noirs mats sont plus profonds que les noirs glacés ou que le papier mat est plus luxueux que le papier glacé, et n’importe quoi, et n’importe quoi…

    • Matt  

      Oui c’est dommage tout ça.
      Ton histoire de livres sur le cinéma me fait penser qu’au delà du papier, il y a aussi des choix foireux.
      J’ai en ma possession un art book de Vampirella « the Warren years »
      Bon…je l’aime bien parce que les covers sont chouettes. Mais c’est malgré tout une déception par rapport à ce que ç’aurait du être. Les mecs sont en effet passé du RVB à la quadrichromie pour imprimer, surement pour des raisons économiques…et du coup des teintes passent à la trappe et le rendu est trop sombre. Pour un art book, ça la fout mal quand même. C’est un peu l’intérêt premier du truc la qualité des images.

    • Matt  

      Je dis « au delà du papier » parce que cet artbook est bien sur papier glacé…mais avec un rendu en dessous de ce qu’il est possible de faire. D’ailleurs il y a la reproduction pleine page et une miniature à côté. Et comme par hasard, la miniature qui coute moins cher est plus fidèle au vrai rendu de la peinture.

  • JP Nguyen  

    Heu, Matt, je ne comprends pas ton passage sur « passés du RVB à la quadrichromie pour imprimer » : il me semble que c’est obligatoire, non ?
    La définition Rouge-Vert-Bleu d’une couleur ne marche que sur écran informatique, où l’écran de base est noir.
    Pour imprimer sur feuille blanche, il faut passer CMJN Cyan-Magenta-Jaune-Noir pour définir les couleurs… Et effectivement, au passage, il y a des couleurs qu’on ne peut reproduire sur papier. Mais c’est connu… Du coup, où est le pb ?

    Sur l’article : je ne connais pas grand chose de Poe (le Corbeau et le masque de la mort rouge, et encore, ce dernier c’est grâce à une citation dans le Thor de Simonson…). Corben ne me botte pas. Pour une fois, cet article ne fonctionnera donc pas comme appeau pour mes précieux deniers…

    • Matt  

      J’avoue ne pas savoir quelle méthode les imprimeurs utilisent d’ordinaire, mais il existe le système Pantone qui s’appuie non pas sur quatre mais sur quatorze couleurs primaires.
      Après j’ignore si c’est fréquemment utilisé et au cas où j’aurais dit une bêtise, je me contenterais de dire que la miniature sur l’art book retranscrit bien toutes les teintes (en tous cas davantage, c’est évident si on les compare à des versions numériques sur le net) alors que la reproduction pleine page est plus sombre et laisse voir moins de détails. S’ils y arrivent pour une miniature, c’est bien qu’ils ont fait les sagouins d’une façon ou d’une autre pour les versions plus grandes.

      • Nikolavitch  

        le procédé d’impression de base, c’est la quadri. et pour un album en couleurs classique, c’est ce qui sera utilisé.

        après, on peut utiliser des couleurs pantone en plus, en général pour des effets particuliers (un de mes albums était imprimé comme ça : une passe en noir et une avec une teinte dont on avait trouvé l’équivalent pantone, et que l’imprimeur avait produit en mélangeant les encres dans la juste proportions, et en faisant une passe, sur le film normalement « bleu », avec l’encre obtenue)

        après, il peut arriver que l’imprimeur se plante et pour une raison x ou y « bouche » un peu le truc, en le sortant plus sombre qu’il ne devrait parce qu’un contraste a été mal réglé quelque part.

        • Matt  

          Ok, merci. Bah je ne sais pas ce qu’ils ont fichus pour cet artbook mais ça me semble volontaire. Car comme je le dis les miniatures sont plus réussies que les pleines pages. Donc ils savaient comment faire. Et ils se seraient plantés sur toutes les repro grand format ? Moi je dis que ça sent la technique d’impression qui coute moins cher.

    • Matt  

      Pantone a apparemment contribué à l’hexachromie aussi.
      Surement pas utilisée pour des comics…mais pour des peintures, qui sait ?

      Mais bon je dérive du sujet…^^

  • Bruce lit  

    Un article totalement axé sur le volet dessins. Et comme d’habitude, c’est finement observé.
    Seulement voilà, j’adorerais avoir tout Corben à la maison tant ça me plait, ça me parle, ça m’enchante. Et comme Delirium est une maison que j’apprécie; je m’étais procuré ce volume et les autres bien avant ce commentaire de Présence.
    ….Et je m’en suis débarrassé dans la semaine…..
    Oh, le Rdv graphique était là. mais il me manquait quelque chose de plus que ces nouvelles qui montent en tension sans jamais d’explosion dramatique ou de conclusion dignes de ce nom…Comme si une fois le décor planté, il ne restait qu’à conclure une histoire dans laquelle on n’avait à peine eu le temps de s’investir. Quand c’était possible.
    Même un grand classique comme la Chute de la Maison Usher ne m’a pas transporté….
    Du coup, j’ai filé ça au jeune Alex Nikolavitch qui passait sur la brocante que je tenais il y a peu et qui s’est jeté dessus, non sans lâcher un provocateur et mystérieux:
    (« voix de stentor Nikolavitchienne) » : moui…Corben c’est quelque chose….C’est même le seul intérêt du bouquin, parce que pour le reste, Poe, peu de gens veulent admettre, il écrit pas si bien que ça » !
    Moi (médusé maudissant mon manque de Poe pour contredire ce fanfaron): ah…euh…oui Alex, mais quand même Baudelaire qui l’a traduit, c’est pas n’importe qui, quoi ! (l’éloquence de Bruce Lit ne se mesure que par écrit).
    Nikolavitch : « ouais, c’est surtout parce qu’en France, on méconnaît tant les autres auteurs fantastiques que l’on ne retient que celui-là »

    Là dessus, vint une trombe de pluie qui interrompit notre conversation que jamais nous ne reprîmes. nevermore….

    • Matt  

      Le style d’écriture de Poe a peut être pris un coup de vieux. Je préfère le style de Lovecraft. Par contre j’aime ses histoires, certes courtes, mais avec une réelle ambiance, une vraie atmosphère parfois glauque parfois grotesque.
      D’ailleurs j’ai jeté un oeil à d’autres scans trouvés sur le net et…nan, ça ne marchera pas pour moi. Corben n’est pas si sage que ça. Il y a des tronches sorties de l’Enfer avec des pifs pas possibles ou des sacs qui pendouilles jusqu’au nombril en guise de poitrine pour les femmes. C’est clairement caricatural. Et autant ça passerait pour les nouvelles les plus grotesques de Poe, autant quand Poe te décrit une femme magnifique et que tu as une vieille peau au nez plus gros que sa tête sur le dessin…ça fait peur. Ou rire. Ou rire de peur, je ne sais pas. Corben n’est vraiment pas pour moi…

      • Nikolavitch  

        Hahaha ! Me voilà, tel le Donald Trump moyen, pris au piège du propos de vestiaire. que tu grossis et caricatures à plaisir, il me semble que j’avais été plus nuancé (d’autant que j’aime bien Corben, sans en être à proprement parler fan) (j’aime pas ses Den, par exemple, qui me sont toujours tombés des mains)

        J’aime beaucoup Poe, soyons clairs, mais il est évident aussi qu’en France, son aura vient de la traduction de Baudelaire (le cas n’est pas isolé : les meilleurs Van Vogt sont ceux traduits par Vian ou Demuth). et qu’aux US, c’est un peu un auteur culte, au sens de vénéré par une minorité, et généralement un peu oublié pour le reste.

        Après, Poe a clairement inventé quelque chose, il a le gros avantage d’être le premier dans son domaine et d’avoir un gros sens de l’ambiance malsaine, et ce n’est pas sans raison que Lovecraft ou Clark Ashton Smith le vénéraient (et que même notre Jules Verne national a voulu donner une suite à une de ses histoires). donc qu’on me fasse pas dire que Poe c’est pas bien (vilain, Bruce, vilain !), juste que son aura tient un peu à des facteurs extérieurs comme Baudelaire ou ses continuateurs.

        Tout comme Matt, je lui préfère clairement ces derniers. Sans nier l’importance de Poe (et en le relisant à l’occasion), Lovecraft exerce sur moi un pouvoir de fascination bien plus grand.

        (après, les textes de Poe adaptés en 8 ou 10 pages par Corben, ça perd souvent un peu) (mais j’ai bien aimé l’album, hein)

  • Matt  

    Eh, j’y pense. Monstres, Halloween…on va bientôt avoir l’article sur ces fameux Eerie et Creepy de Delirium alors. Et les EC comics de Tornado aussi.
    J’ai hâte.

    • Nikolavitch  

      J’ai le Wrightson de chez Delirium, chez moi, et c’est une grosse tuerie (je suis bien plus fan de Wrightson que de Corben, soyons clairs)

      • Bruce lit  

        Caricaturer ? Moi ?
        Oui, je suis le Bush du net ! Une simple conversation anodine peut devenir une arme de destruction massive ! Un blogueur ne devrait pas dire ça !
        Bush Vs Trump : which side are you on ?

      • Matt  

        J’ai bien envie de me l’acheter ce Wrightson, mais en le feuilletant, j’ai vu qu’il était cooouuurt.
        Plein de bonus à la fin mais pas tant d’histoires que ça. Déception. Mais bon ça déchire visuellement. Le commentaire de Tornado sur la zone (j’étais persuadé de l’avoir lu ici mais non, il n’est pas ce sur blog) m’a déjà bien donné envie mais je n’ai pas encore craqué.

  • Présence  

    Coming out – Oui, je suis un gros fan enamouré de l’exubérance de Richard et de ses exagérations jusqu’à la caricature, et ce depuis que j’ai lu Den, il y a de cela plusieurs décennies. Du coup, quand je découvre une nouvelle BD de Corben, je viens y chercher ses tics narratifs et graphiques. C’est la raison pour laquelle je n’arrive plus à les mettre en évidence, faute de recul.

    Les histoires ne sont pas terribles. – Il m’a bien semblé que Corben respecte les intrigues de E.A. Poe. En outre, les auteurs ne sont pas obligés de s’en ternir à une seule construction narrative qui monterait en tension jusqu’à une explosion finale. En lisant un ouvrage d’adaptations d’E.A. Poe, je n’allais pas chercher des intrigues originales puisque j’en connaissais déjà la plupart. J’en avais déjà lu plusieurs adaptations en BD pour certaines, dont quelques unes réalisées par Corben. Certaines autres ont connu des déclinaisons ou hommages jusqu’à plus soif. C’est la raison pour laquelle je n’ai pas accordé beaucoup de place aux histoires dans mon commentaire, puisque j’ai estimé qu’elles étaient déjà connues de la majeure partie des lecteurs potentiels.

    • Matt  

      Ce que je regrette avec Corben c’est que j’arrive à voir dans son trait un potentiel pour adapter des histoires d’horreur. Son trait est inquiétant, curieux et pour donner une sensation de malaise, il est doué. Ses décors ont de la gueule, ses monstres aussi.
      Avec les visages cinglés qu’il dessine, il y a de quoi donner des frissons. Sauf que c’est too much pour moi. Il ne se limite pas à mettre en place une ambiance, il fait des caricatures de personnages qui pourraient sortir d’un cartoon avec des nez démesurés, des visages allongés, et parfois plein de défauts de proportions, peut être voulus mais qui font basculer le tout dans la bizarrerie dérangeante. mais une bizarrerie qui vient davantage de son dessin que de l’histoire. Disons que c’est toujours la même sensation de bizarrerie qu’il adapte du Poe ou dessine du Marvel. C’est » l’ambiance Corben », qui je trouve n’est pas forcément au service de l’histoire. Et cette ambiance je ne l’aime pas.

      Mais j’ai vu sur des scans de ce livre ici chroniqué qu’il se lâchait plus ou moins selon les histoires. Donc des fois ça me déplait moins.

      Enfin…c’est pas trop ma came, quoi.

      • Présence  

        Je te rejoins pour dire que la personnalité graphique de Corben écrase tous les récits qu’il met en images. J’ai fini la lecture de Cage avec un scénario de Brian Azzarello, j’ai trouvé qu’il était plus au service du récit que d’habitude.

  • Jyrille  

    Merci Présence de me faire découvrir cette bd. J’aime bien les histoires de Poe en général (je n’en ai pas lu beaucoup), et j’adore Baudelaire (pareil, je ne connais pas tout), je pense que Corben est parfait pour ce genre d’adaptations. Je ne connaissais pas non plus ses précédentes histoires de Creepy, je note donc vite ceci dans ma liste de trucs à acheter.

    « capacité surnaturelle à rendre compte de la texture » : c’est évident que Corben a aussi cette réputation grâce à cette capacité. C’est avec ça qu’il nous bluffe et nous épate. Je me souviens avoir lu une interview de Riad Sattouf qui répondait à la question du dessin réaliste, car avant de trouver son trait avec Jérémie jusqu’au récent L’Arabe du futur, il avait commencé par faire du dessin réaliste. Il disait qu’il avait rapidement arrêté, car pour faire ça, il faut être le meilleur, il faut être Corben.

    J’aime bien cet album de la vilaine fermière, notamment ce titre puisqu’il reprend intégralement un poème de Baudelaire que j’appréciais déjà au collège. Je devrai retenter mais je ne pense pas que je pourrais tenir tout l’album.

    • Présence  

      Je n’aurais jamais imaginé un seul instant que Riad Sattouf ait pu connaître Richard Corben.

      • Jyrille  

        Oui, étonnant hein ? Et pourtant, je pense que les dessinateurs sont bien moins dupes que nous sur pas mal de choses, qu’ils s’intéressent forcément à leurs collègues.

  • JP Nguyen  

    Et, au fait, je salue l’esprit du titre de l’article !

    • Présence  

      Merci. Comme cela fait quelque temps que je avais envoyé cet article à Bruce, j’ai dû aller vérifier que c’était bien moi qui avait proposé ce titre, tellement il ne me ressemble pas… 🙂

  • Lone Sloane  

    Delirium fait du beau boulot et je trouve que la couv de l’édition VF est encore plus attractive pour l’amateur de Richard Corben ou de récits fantastiques à la Poe ou Lovecraft. Je suis plus tenté par le Rat God paru cette année chez le même éditeur, et pour lequel tu as fait une belle tribune sur zonmama. La cerise sur le gàteau, comme l’a noté JP, c’est le choix surprenant de ton titre mais qui colle bien au toujours vert septuagénaire Corben.

  • yuandazhukun  

    Un superbe article sur le grand maître Corben que j’adore !!! Je n’ai jamais trouvé (encore) un artiste du même style…J’ai une préfèrence pour la période Eerie/Creepy qui à l’époque montraient l’horreur comme pas beaucoup d’artistes ont réussi (ah Wrightson !). Ce que tout le monde décrie chez lui comme des »caricatures » sont à mes yeux des traits exacerbés qui amplifient les émotions comme des artistes de la Renaissance ont pu peindre (mon retour de Rome n’y est pas anodin !). Dans les formes que Corben donne aux choses, il y a un talent « monstre » derrière et j’ose comparer son taf à celui que j’ai vu dans la chapelle sixtine avec une mise en perspective démentielle et des émotions représentées…(ouais ouais je sais Corben n’a pas encore à ma connaissance peint sur les voutes d’un plafond…) mais si Corben avait vécu à ce moment-là allez savoir….

    • Présence  

      Chic ! Un fan de Corben !

  • Lefeuvre  

    Superbe article !
    C’est si compliqué de parler de DESSIN ! De textures, d’émotions, etc.

    Vous ne vous défilez pas devant le défi, et c’est très chouette.

    Bravo, et vive King Corben !

    • Présence  

      Merci, ça me touche beaucoup venant d’un auteur comme vous.

      J’ai découvert Corben il y a de cela 35 ans dans Ère Comprimée et dans l’Echo des Savanes Spécial USA, et je ne m’en suis jamais remis. Il m’a fallu des années pour prendre conscience de la différence d’expérience de lecture entre des BD dessinées par des artistes différents, et plus encore pour essayer de l’exprimer par des mots.

      N’étant pas moi-même un artiste, je me rends bien compte qu’il me manque du vocabulaire et des connaissances pour pouvoir évoquer la composition d’une page, ou la structuration de la narration visuelle à l’échelle d’un épisode de comics, ou d’une BD.

  • Jyrille  

    Maintenant que le monsieur est Grand Prix d’Angoulême, j’espère qu’il va être plus facile de trouver ses oeuvres. Je vais m’y mettre à tous ces Corben ! D’ailleurs tu me tentes trop sur Mattotti également, Présence.

    • Présence  

      J’ai formulé le même vœu que toi : que les œuvres de Richard Corben redeviennent accessibles (y compris en VO) grâce à ce coup de pouce médiatique.

  • Jyrille  

    Je me suis pris l’édition récente de Delirium de l’intégrale de MONDE MUTANT. Je sais que ça vaut le coup rien que pour le dessin mais je ne sais pas du tout à quoi m’attendre.

    • Présence  

      Je l’ai acheté aussi en VF car je n’avais que la première histoire (déjà en VF). Le commentaire sur la première partie se trouve sur amazon.

      • Jyrille  

        Lue, je sais désormais à quoi m’attendre ! Merci Présence.

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