Du gain à Mouldre (Dix titres de Bob Mould en solo ou pas)

Enyclopegeek : Bob Mould

Une playlist popcore de CYRILLE M

Cet article est dédicacé à Maël M. Il ne pourrait exister sans les sites Wikipedia, Allmusic, Deezer et Genius.

Beauté et ruine, enfin, c’est lui qui le dit Source Merge Records

Beauté et ruine, enfin, c’est lui qui le dit
Source Merge Records

Bob Mould est un de mes héros. Cette assertion peut paraître exagérée puisque je ne connais pas bien tous ses albums en solos et que je n’ai pas toujours suivi la carrière du monsieur. Son dernier album sorti en 2019, SUNSHINE ROCK, ne m’a pas accroché plus que ça. Mais en tant qu’auteur, compositeur et interprète, ce type a modifié toute la face du rock dans les années 80. La création des Pixies fait suite à une annonce passée par Black Francis, le futur chanteur, guitariste, auteur et compositeur du groupe, qui disait à peu près « Cherche bassiste et batteur qui aiment Peter, Paul and Mary (un groupe de folk américain des années 60, Nda) et Hüsker Dü ».

Car Bob Mould est un des fondateurs du groupe Hüsker Dü, qui signifie « Te souviens-tu ? » en danois et/ou norvégien. Sans Bob Mould, pas de Pixies, et donc pas de Nirvana, de Foo Fighters, de Therapy?, de Smashing Pumpkins, de My Bloody Valentine, de college rock en somme. Soit un mélange de hargne et de mélodies pop.

Le groupe est formé, dès 1979, de Bob Mould à la guitare et au chant, de Grant Hart à la batterie et au chant et de Greg Norton à la basse et au chant. Bob et Grant se partagent quasiment toutes les compositions, qui consistent, à leurs débuts, à aller le plus vite possible : leur premier album, LAND SPEED RECORD (1982), propose dix-sept morceaux (enregistrés en concert) en moins de vingt-sept minutes. Du pur punk rock hardcore, des anti-Melvins (qui, notez bien, n’existaient pas encore à cette époque).

Ils continuent dans cette veine sur leur premier album studio, EVERYTHING FALLS APART, mais tout change à partir d’un EP qui suivra, METAL CIRCUS. Sur ce dernier figure DIANE, une chanson écrite par Hart, qui parle du viol et du meurtre de Diane Edwards en 1980. Pour ajouter à l’angoisse des paroles, le groupe ralentit le tempo et chante une mélodie éloignée des canons du punk. La perversion de ce mauvais tour, où « Diane » sonne comme « dying » (mourant) marque un tournant. Le popcore, un mélange de musique pop et de hardcore et digne descendant de la power pop de BIG STAR, était né.

Hüsker Dü sort ensuite un double album unanimement salué par la critique, ZEN ARCADE. S’en suivront NEW DAY RISING (mon préféré), FLIP YOUR WIG, CANDY APPLE GREY et un second double album, WAREHOUSE: SONGS AND STORIES. Un album live sera publié bien après la séparation du groupe, qui eut lieu pendant la tournée de ce sixième et dernier album. Pour la petite histoire, Hüsker Dü est parfois présenté comme le seul groupe 100% gay au public 100% hétéro.
Après s’être refait une santé, Bob Mould compose deux albums solos qui passent relativement inaperçus (pour ne pas dire qu’ils ne rencontrent aucun succès), puis crée le groupe Sugar en 1992. C’est là que je fais sa connaissance. Et je commence à user leurs albums. Sugar n’accouchera que de trois disques (dont un EP) de son vivant, mais ils ont toujours une bonne place dans ma discothèque. De toute façon, je réécoute régulièrement tous mes Bob Mould. Ce qui en fait de facto un de mes héros.
Après la fin de Sugar, Mould continuera à sortir des albums sous son seul patronyme (treize au total jusqu’à présent), tentant diverses expériences sonores, en intégrant des sons électroniques, des morceaux presque dance tant il sera influencé par le groupe français Phoenix. Il effectue un retour fracassant en 2012 avec SILVER AGE, qui condense ce qu’il a fait de meilleur depuis ses débuts : des titres immédiatement accrocheurs toutes guitares dehors et des hymnes désabusés, autant rageurs que profondément tristes.
Parce que Bob Mould a deux faces, l’une arborant le visage solaire de Paul McCartney, l’autre celui de Kurt Cobain, dépressif, rongé par les drogues. Ces états cohabitent depuis toujours mais apparaissent clairement dans le premier album de Sugar et dans leur EP BEASTER. Ce disque d’une demi-heure et six titres constitue un bloc anxiogène qui pourrait être le pendant de THE DOWNWARD SPIRAL de Nine Inch Nails : au lieu d’une descente, il s’agit d’un homme qui finit par se relever de ses addictions.
Plutôt qu’une présentation chronologique, je vous invite à une playlist personnelle de morceaux qui couvre partiellement le spectre de cet artiste. Les extraits de paroles ne sont pas traduites car l’exercice, en plus d’être compliqué, ne rend ni la sonorité des mots anglais ni les double sens possibles, ni les références que je ne possède pas. Ainsi, vous pourrez vous faire votre propre opinion.


A Good Idea (Sugar, Copper Blue, 1992)
© [Merlin] mergerecords (on behalf of Merge Records); BMG Rights Management, CMRRA, ARESA

L’introduction de ce titre ainsi que sa ligne de basse ressemblent fortement au DEBASER des Pixies. Bob Mould en dira que c’est un hommage inconscient au groupe de Black Francis. Mais tout comme le disait Présence au sujet du new-prog (ou neo-prog ?), il pourrait s’agir de postmodernisme, tant la chanson ne sonne pas du tout comme un plagiat mais comme une entité avec sa propre personnalité. Si vous l’écoutez, vous comprendrez pourquoi elle me fait souvent penser au SHE SAID SHE SAID des Beatles. L’histoire ? Comme dans le futur tube de Nick Cave avec Kylie Minogue, WHERE THE WILD ROSES GROW, c’est un type qui noie son amoureuse dans une rivière. Les premiers vers posent l’ambiance.
Punchline
They went down to the river
On a warm summer night
The air was thick with the
Smell of temptation

Something I Learned Today (Hüsker Dü, Zen Arcade, 1984)
© 1984 SST Records
Afin d’illustrer à quoi pouvaient ressembler les première productions de Mould, voici le premier titre de Zen Arcade, apparemment très souvent utilisé comme titre d’ouverture des concerts du groupe à cette époque. Je n’ai aucune idée de quoi cela peut bien parler.
Punchline
Something I learned today
Black and white is always gray
Looking through the windowpane
I’m not inside, oh, your brain

Celebrated Summer (Hüsker Dü, New Day Rising, 1985)
© The Orchard Music (on behalf of SST Records); ARESA, LatinAutor, Abramus Digital, BMG Rights Management, CMRRA

Preuve du changement musical du groupe, CELEBRATED SUMMER introduit un pont à la guitare acoustique. Avant le 1979 des Smashing Pumpkins, Mould parle à la fois de l’été parfait que la plupart d’entre nous ont connu, qui conclut les années lycée dans une saison loin de toutes contraintes, et sa suite : devenir adulte. L’insouciance totale.
Punchline
Do you remember when
The first snowfall fell?
When summer barely had
A snowball’s chance in hell?


See A Little Light (Bob Mould, Workbook, 1989)
©UMG (on behalf of EMI); LatinAutor, CMRRA, ARESA, BMG Rights Management, EMI Music Publishing, Abramus Digital
SEE A LITTLE LIGHT est l’unique single issu du premier album solo de Mould. C’est un tube immédiat, plutôt acoustique, un hymne loin des sons saturés et des rythmes infernaux de Hüsker Dü. Ce titre a été remis sur le devant de la scène grâce à la première saison de la série 13 REASONS WHY : parmi ses éléments remarquables, elle délivre une bande-son soignée et recherchée, très axée sur les années 80 et le rock d’ambiance. Ce morceau concluait ainsi le tout dernier épisode sur une touche d’espoir. La seconde saison de 13 REASONS WHY réutilisera un titre de Bob Mould, chez Hüsker Dü cette fois : la longue ballade mélancolique HARDLY GETTING OVER IT.
Punchline
But look how much we’ve grown
Well, I guess I should have known
As the years go by, they take their toll on you

If I Can’t Change Your Mind (Sugar, Copper Blue, 1992)
© [Merlin] mergerecords (on behalf of Merge Records); ARESA, Abramus Digital, BMG Rights Management, CMRRA, LatinAutor, LatinAutor – PeerMusic

La parfaite définition de la pop music. Ce titre ne dépareillerait pas dans l’album de The La’s ou à la place de YELLOW SUBMARINE sur le Revolver des Beatles.
Punchline
How can I explain away
Something that I haven’t done
And if you can’t trust me now
You’ll never trust in anyone

The Descent (Bob Mould, Silver Age, 2012)
© [Merlin] mergerecords (on behalf of Merge Records); BMG Rights Management

Premier single de son retour gagnant de 2012, THE DESCENT est un condensé de Bob Mould, entraînant, féroce, aux paroles lassées.
Punchline
I didn’t want to play the song
That gave people so much hope
I turned my back and turned away
Here’s the rope that made me choke

JC Auto (Sugar, Beaster, 1993)
© [Merlin] mergerecords (on behalf of Merge Records); CMRRA, LatinAutor, BMG Rights Management, ARESA

BEASTER porte bien son nom. C’est un monstre sonore, agressif, étouffant, rempli de saturations et de grincements, où la voix de Mould s’écorche derrière une brume opaque.

Punchline
Somewhere in this song
A little clue to something (clue to something)
Parts of it seem over now
You expect a real solution (real solution)

Low Season (Bob Mould, Beauty & Ruin, 2014)
© ℗ 2014 Merge Records

Le titre qui ouvre l’album BEAUTY & RUIN est une ballade plombée sur l’automne, métaphore évidente de la mort approchant : son père vient de décéder.

Punchline
I couldn’t tell what life was for
Getting high doesn’t do it anymore
Welcome to the end of the show that never ends

The End of Things (Bob Mould, Patch the Sky, 2016)
 ℗ 2016 Merge Records

Après les morts successives de ses parents, Bob décida en 2016 que l’apocalypse était sauvage. Mais musicalement positive et moteur.

Punchline
It’s your birthday but we never celebrate
Graduations or a gradual decay
We got married in the hall where our favorite bands would play
Opportunity denied, now we watch it fade away

Keep Believing (Bob Mould, Silver Age, 2012)
© [Merlin] mergerecords (on behalf of Merge Records); BMG Rights Management, ARESA, CMRRA

Une superbe chanson joyeuse quant à choisir la meilleure des drogues : la musique. Les paroles sont pleines de références.

Punchline
We’re all sniffing glue, pleasures so unknown
A circle drawn in blue, the murmur baritone
Picnic on a Pedro lawn, heaven took that monkey song
Never mind the battle won, could you be the loveless one?

Pour terminer, plein d’autres titres en vrac si ceux-ci vous ont plu : MAKES NO SENSE AT ALL, CHANGES, I APOLOGIZE, TILTED, UP IN THE AIR, SILVER AGE, STAR MACHINE, VOICES IN MY HEAD, I DON’T KNOW WHAT YOU’RE TALKING ABOUT, I’LL NEVER FORGET YOU, PERFECT EXAMPLE, THE ACT WE ACT, SLICK, FEELING BETTER, GEE ANGEL, JUDAS CRADLE, DIVIDE AND CONQUER, MONDAY WILL NEVER BE THE SAME, SWEET SERENE, NEXT TIME THAT YOU LEAVE, FIRST TIME JOY, THE WAR… et quelques titres de Grant Hart : IT’S NOT FUNNY ANYMORE, GREEN EYES, NO PROMISE HAVE I MADE, KEEP HANGING ON, GIRL WHO LIVES ON HEAVEN HILL, BOOKS ABOUT UFOs, NEVER TALKING TO YOU AGAIN, WHAT’S GOING ON…

50 comments

  • Tornado  

    Bon, avec tout ça, je n’ai toujours pas terminé l’écoute de cette checklist !

    – Je passe directement au 8° titre (le 7° passe pas) :
    C’est vachement bien ! Vous m’en voyez surpris Msieur !
    Mais dites donc, ça n’a plus rien à voir avec le début !
    Sérieux, j’aime vraiment. A la limite du hard rock, c’est nettement plus lyrique que tout ce qui a précédé. Je pense le mettre dans mon I-phone. Merci, le voyage jusque là aura été récompensé 🙂

    – Le 9° titre :
    Presque californien celui-là. C’est pas mal. Pas mal du tout !
    C’est du rock que je peux franchement écouter. Rien à voir avec la 1° partie de la liste.

    – The last :
    Idem.

    • Jyrille  

      Ha ha ! Effectivement, on pourrait qualifier le titre de Patch The Sky de californien… Je suis content que tu sois allé au bout et que tu aies vu les différences, c’est super ! J’ai vraiment bien fait de mettre le titre Low Season et non pas First Time Joy comme dans une première mouture de cette playlist.

      Merci Tornado ! Je suis content ! 😀

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