Wonder Woman Earth One Tome 2, de Grant Morrison & Yanick Paquette
Un article de PRESENCEVO : DC Comics
VF : Urban Comics
Ce tome est le deuxième d’une trilogie qui propose une version du personnage, indépendante de toute autre, ne nécessitant aucune connaissance préalable. L’histoire est parue d’un seul tenant sans prépublication, initialement en 2018, faisant suite à WONDER WOOMAN TERRE UN – TOME 1 (2016) qu’il faut avoir lu avant. Le récit a été écrit par Grant Morrison, dessiné et encré par Yanick Paquette, et mis en couleurs par Nathan Faibairn. La collection Earth One propose également une nouvelle version de Superman (par JM Straczynski & Shane Davis), Teen Titans (par Jeff Lemire & Terry Dodson), Batman (par Geoff Johns & Gary Frank), Green Lantern (par Gabriel Hardman & Corinna Bechko). Le tome se termine par 10 pages d’études graphiques de Paquette.
Pendant la seconde guerre mondiale, une femme venue du monde des hommes met le pied sur Themyscira : Paula von Gunther. Elle est accueillie sur le rivage par Hippolyta qui lui demande ce qu’il l’amène sur l’île, prête au combat. Von Gunther commence par répondre en allemand, puis passe au grec ancien. Elle vient ici prendre possession de l’île au nom d’Adolph Hitler. Elle et quelle armée ? demande la reine des amazones. La réponse est immédiate : la glorieuse armée du troisième Reich, bien sûr, alors que des soldats allemands débarquent d’un bateau à fond plat et que Von Gunther plante un drapeau avec la Swastika sur le sol de l’île. Hippolyta formule un unique avertissement : tout homme vivant qui pose le pied sur Themiscyra est soumis aux lois d’Aphrodite. Soit ils font demi-tour immédiatement, soit ils ne reverront jamais leur foyer. Von Gunther est certaine d’avoir la supériorité avec des soldats équipés d’armes à feu : elle déchante vite. Elle en appelle à l’intervention du sous-marin. Celui-ci est neutralisé par un aéronef invisible.
Dans la ville de Themyscira, Diana demande à Althea ce qui est en train de se passer, pourquoi elle entend des bruits d’armes à feu, comme lors de l’épreuve des balles et des bracelets. Elle comprend par elle-même que l’île subit une attaque et enfreint les ordres de sa mère : elle se dirige vers le champ de bataille, pour une fois qu’il se passe quelque chose. Elle se rend aux écuries où elle place le harnais sur le dos de Jumpa, son kanga. Pendant ce temps, les amazones ont vaincu avec facilité. La reine prononce sa sentence : les hommes seront transportés sur le monde d’Aphrodite où la reine Desira et ses filles de Vénus aux ailes de papillon les purgeront de leur pulsion à se battre. Ils apprendront à se soumettre à l’autorité aimante. Quant à Paula, elle n’est pas entièrement décidée. Celle-ci en profite pour se ruer sur elle, et lui arracher la gaine magique d’Aphrodite. Elle se saisit alors d’un rocher qu’elle s’apprête à abattre sur la tête d’Hippolyta à terre : ce sera la pierre tombale de cette reine de rien.
Deux amazones arrivent sur leur aérocyle pour sauver leur reine : Paula leur envoie le rocher. Une demi-douzaine d’amazones l’attaque et elle les envoie valser à terre. Elle fanfaronne qu’elle est la fille ultime de l’empire millénaire d’Adolf Hitler. Elle a le souffle coupé quand Hippolyta lui enserre le cou par derrière et lui fait littéralement mordre la poussière. Elle reprend sa gaine dont elle ceint la taille de Paula ce qui a pour effet de charger chaque cellule de son corps avec des courants vitaux qui harmonisent le cerveau, encourageant l’obéissance. La prise de conscience est rude pour Paula von Gunther : elle était au service d’hommes faibles et cruels et elle-même était faible.
Si le premier tome pouvait laisser planer un doute, celui-ci confirme qu’il s’agit d’une histoire complète en trois parties, car de nombreuses résolutions manquent à l’appel. Avec le premier tome, le lecteur état resté sur une impression d’histoire gentille qui ne se prenait pas trop au sérieux, au cours de laquelle le scénariste n’hésitait pas à insérer des piques provocatrices. Le lecteur s’attend donc à en retrouver quelques-unes. Il y a bien sûr le concept de soumission à une autorité aimante, en provenance directe de la vision de William Moulton Marston (1893-1947, créateur de Wonder Woman), Leon Zeiko qui déclare qu’il n’a jamais rencontré une femme qu’il n’ait pas pu briser, la question de l’acceptation des transgenres dans la communauté des amazones, le bondage avec le lasso, ou encore Diana déclarant qu’elle redonnera leur place aux femmes même si elle doit pour cela soumettre les hommes. En fait Grant Morrison n’en fait pas des tonnes : il se montre même plutôt mesuré. Alors que Diana et Leon Zeiko discutent pendant huit pages sous une tente militaire, cela ne vire pas à un exposé sur le féminisme. Les deux interlocuteurs évoquent plutôt la manière dont une femme d’une grande beauté et d’une grande force peut être perçue en venant prôner un amour universel au nom d’une matriarchie adorant des dieux grecs. S’il fallait vraiment chercher une faute de goût, elle se situerait dans l’emploi d’un groupe de terroristes sans caractéristiques, fournissant la chair à canon nécessaire pour un combat spectaculaire de dix pages, des ennemis sans consistance, prêts à l’emploi, oubliés dès le combat terminé, même si le dessinateur se montre très inspiré, avec un costume oriental pour Wonder Woman du plus bel effet.
Par la force des choses, le lecteur ne peut pas se retenir de chercher des éléments plus intellectuels puisqu’il s’agit d’une œuvre de Grant Morrison. Il y en a bien un ou deux, mais il faut faire preuve d’une attention soutenue pour les relever. Lors d’une réunion secrète dans un sous-sol, des responsables militaires avec casque de réalité virtuelle sur la tête évoquent le risque militaire posé par Wonder Woman. Au cours de l’échange, l’un d’eux mentionne que les amazones semblent avoir maîtrisé la radiation orgone comme source d’énergie. En surface, c’est une remarque en passant sur un élément d’anticipation farfelu. En y regardant de plus près, c’est une référence à la théorie du psychiatre et psychanalyste Wilhelm Reich (1897-1957) : l’orgone serait l’énergie de la Vie, la puissance du rapprochement sexuel serait alors d’origine électrique. Au cours de la lecture, le récit se présente autrement. Tout commence par le débarquement de soldats nazis sur l’Île du Paradis, avec un affrontement en règle, contre les amazones et leurs armes fantastiques. Viennent ensuite une course entre un jet dernier cri de l’armée américaine et l’avion invisible de Diana, un combat contre des terroristes, une nouvelle démonstration de Balles contre Bracelets, et un combat physique entre Paula von Gunther et Diana. Un récit superhéros pur jus. Le scénariste pioche avec élégance dans la mythologie du personnage : des éléments déjà présents dans le tome 1 (par exemple les kangas ou l’avion invisible, la coercition de type bondage avec le lasso), mais aussi d’autres comme la reine Desira sur le monde d’Aprhodite, apparue pour la première fois dans All-star Comics 14 en 1943.
Le lecteur se laisse donc plutôt emporter par l’histoire premier degré décomplexée avec attaque de nazis, et manipulations psychologiques de Diana par un maître en la matière, une nouvelle version d’un ennemi récurrent du personnage. Il se laisse prendre d’autant plus facilement au jeu que les planches sont magnifiques. Yanick Paquette reste investi à chaque page, avec visiblement le temps nécessaire pour les soigner. Il joue à nouveau avec les bordures de case : parfois classiques, parfois des arabesques, évoquant le sigle nazi du double S lors de l’attaque de l’Île du Paradis, parfois sous forme de câble entortillé quand Diana est en communication télépathique avec sa mère avec le projecteur, parfois en forme de lasso, avec même une calligraphie arabe le temps d’une page. Les femmes sont toujours aussi sublimes et toujours aussi fortes, mise en valeur pour leur force et leur classe, ne s’en laissant compter par aucun homme. Paula von Gunther est à la fois une femme fatale fascinante, et une caricature aryenne. Diana est splendide du début jusqu’à la fin, y compris en djellaba. Paquette s’amuse un instant en montrant Hippolyta au bain, sa nudité masquée par une statue de femme dénudée, la beauté classique sculptée. Les personnages masculins ne sont pas en reste que ce soit l’assurance virile sans être macho de Steve Trevor, ou la séduction vénéneuse de Leon Zeiko. Enfin, c’est un plaisir que de retrouver Beth Candy bien en chair, et toujours aussi confiante en elle, non sans raison. Le lecteur pardonne donc facilement au dessinateur la facilité d’avoir affublé Paula de talons aiguille aussi hauts, accessoire toujours peu pratique pendant les affrontements physiques.
L’histoire est donc avant tout un divertissement, et le scénariste a pris soin de concevoir des scènes dans des environnements variés, pour éviter tout risque de monotonie visuelle. Les pages se tournent toutes seules, et le lecteur n’y prête pas forcément attention, mais l’artiste soigne également ses décors. Le lecteur peut ainsi admirer une belle plage de Themiscyra, un sous-marin allemand, les bâtiments de la capitale de l’île, les gratte-ciels de New York, une ville détruite par la guerre au Moyen-Orient, un site industriel militaire fabriquant des armures de combat, le salon de Leon Zeiko, ou encore l’intérieur d’un Algeco. La mise en scène bénéficie de l’emphase propre aux affrontements de superhéros. Les auteurs poursuivent ainsi dans le même mode narratif que le premier tome : Diana représente une certaine forme de culture isolationniste et féminine qui se confronte à une autre culture fort différente. Sa motivation n’est ni dans la conquête, ni dans l’affrontement : elle souhaite devenir un lien entre ces deux cultures dans une démarche de curiosité et de compréhension. Pour autant elle ne reste pas sans rien faire devant l’injustice, la persécution et la maltraitance, avec déjà la conscience aigüe qu’à elle toute seule, elle ne peut régler que des cas particuliers, et pas faire progresser une société.
Le lecteur se lance avec curiosité dans ce tome 2, souhaitant découvrir comment évolue la mission de Diana dans le monde des hommes. Il retrouve la narration visuelle si plaisante et si riche de Yanick Paquette, très agréable à l’œil, sans être dévalorisante pour les personnages féminins, ce qui aurait été un contresens impardonnable. Il retrouve également Grant Morrison en mode direct, conscient des écueils liés à un personnage comme Wonder Woman, s’en tenant à raconter une histoire simple, très superhéros dans l’esprit, en intégrant nombre de conventions propres à ce genre, des méchants nazis aux bizarreries de la sororité de Themiscyra. Il se tient à l’écart de toute ironie, et de toute forme militante, tout en glissant une ou deux provocations gentilles savoureuses. Le lecteur est de tout cœur avec Diana et souffre avec elle dans les épreuves et les trahisons.
J’aime beaucoup le travail de Yannick Paquette. Dommage que le scénario ne suive pas. Enfin moi en tous cas j’avais trouvé le tome 1 incroyablement facile et opportuniste. Pour rendre le procès de Steve Trevor plus pratique, hop on le rend noir le mec comme ça il peut se plaindre de l’esclavage. Et s’il avait été blanc le mec, comment il aurait fait pour avancer le scénario ? Trop de facilités scénaristiques pour moi.
Comme tu le sais, je suis bon public, et j’aime bien Morrison, donc je ne suis pas très sensible à ces facilités. On peut même dire que je ne suis pas capable de les voir. 😀
j’avais lu le premier, sans déplaisir, mais il m’avait pas laissé une trace indélébile
Cela passe mieux comme un récit complet en 3 chapitres. J’ai l’impression que Bruce a prévu de publier mon commentaire sur le tome 3, donc je ne vais pas tout raconter 🙂 Morrison a tiré profit d’être hors continuité pour raconter une histoire auto-contenue avec une fin.
Rien à faire, je suis toujours aussi allergique à cette mythologie Wonder Womanesque. Les thèmes abordés ne m’intéressent pas du tout et je ne me suis jamais attaché au personnage, encore moins à son entourage.
Les méchants nazis c’est rigolo et ça dénote un décorum rétro qui me plait bien en général.
Je ne sais pas bien comment l’expliquer… Je ne voudrais pas être maladroit : Je n’ai pas besoin de lire une histoire de super héros avec des connotations féministes, transgenres et multiraciaux pour être ouvert d’esprit. Je l’étais déjà avant. C’est vrai que j’aime avant tout le genre super-héros lorsqu’il est le vecteur de quelque chose et qu’il sert à aborder un thème en sous-texte. Mais là, lorsqu’on aborde ce genre de thématiques, j’ai l’impression qu’on veut me faire la leçon sur la bonne manière de penser. C’est une différence subtile sur la question du bon ou du mauvais sous-texte. Mais apparemment ça suffit à m’agacer.
Enfin, bref. Je passe ! 🙂
Tout pareil que Tornado à la virgule près!
Je ne supporte plus les leçons et j’ai trouvé cet histoire très artificielle et surtout pas du tout novatrice, tous ces thèmes sont abordés dans les itérations précédentes, on a juste rajouté un surlignage insupportable…
reste le dessin très impliqué et la mise en page que je trouve très réussie.
Je n’ai pas éprouvé la sensation de subir une leçon à la lecture de ces trois tomes. Après plusieurs décennies à lire de comics et des bande dessinées franco-belge, je découvre moins de BD novatrices, mais régulièrement encore. Je ne recherche pas non plus des BD novatrices pour chacune de mes lectures. 🙂
Ce qui l’a semblé novateur ici, c’est de raconter un récit complet en 3 tomes avec une vraie fin, quelque chose d’assez rare pour les superhéros avec leurs aventures mensuelles.
J’ai déjà fait mon coming out : j’aime beaucoup ce personnage avec ses contradictions Guerrière œuvrant pour la paix, femme libérée avec accessoire de domination et de bondage, jeune personne avec une sagesse de personne d’expérience, éléments SF dans une civilisation de Grèce antique, etc. C’est un assemblage hétéroclite et kitch, du superhéros dans l’âme, impossible à prendre au premier degré, du divertissement qui ne se soucie d’être réaliste.
La thématique : c’est un récit de superhéros dans un registre d’anticipation. Le fait que le personnage principal soit une femme est ici souligné par le fait qu’elle a grandi dans une société matriarcale, le thème en découle tout naturellement.
Merci pour cette analyse. Je dois avouer que je ne garde que peu de souvenir de ma lecture de ce 2e tome. Je suis très loin d’être un fan de l’écossais au crâne rasé, et sa relecture des comics de Marston m’avait peu convaincu. Il m’avait semblé que Morrison rendait la culture de Themyscira malaisante. Ce deuxième tome me paraissait poursuivre cette voie avec l’arc autour de Paula Von Gunther. Durant l’âge d’or, je crois qu’il s’agissait d’une scientifique qui s’avérait forcée de travailler pour les nazis, et qui – après capture – finissait par rejoindre les Amazones de son plein gré au point de devenir leur experte scientifique et ce, jusqu’à Crisis on infinite Earths. Chez Morrison, le fanatisme du personnage et le coup du contrôle mental avec la gaine d’Hyppolita me paraît aller à l’encontre de cette évolution.
Au final, je trouve que ce Wonder Woman : Earth One est, à l’image des autres récits Earth One, complètement oubliable.
Je crois que ma version préférée des origines de WW c’est celle de George Perez, qui était aussi un gros fan des vieux films de Harryhausen et qui s’éclatait bien avec les récits mythologiques comme Le défi des dieux, etc.
Nous sommes bien d’accord. J’aime tout le run de Perez jusqu’à l’épilogue de War of the Gods, même si la transition entre artistes (Jill Thompson, il me semble) est un peu rude.
J’aime bien la façon dont Arès perdait sa guerre : en se sentant dépassé par la folie humaine, les armes de destruction massives, etc.
Peut-on en déduire qu’on aura droit à un team-up entre vous deux sur la Wonder Woman de George Pérez ?
Bruce, sors de ce corps !
M’enfin si tu t’y mets aussi…
Je n’en sais fichtre rien. Je n’avais pas prévu d’écrire là dessus.
🙂 🙂 🙂
Bruce m’a tout appris.
J’ai découvert les origines de Diana avec les épisodes de George Pérez que j’ai eu la chance de lire au fur et à mesure de leur parution. Il m’aura fallu pas mal de temps pour accéder à la version de HG Peter & WM Marston, et encore plus pour être séduit par son charme très particulier, désuet et pas toujours cohérent.
Et les dieux gardaient ce côté typiquement grec de gros enfoirés vicelards^^ Zeux veut se taper Diana je crois à un moment. Je trouvais qu’il y avait un bon équilibre entre univers DC et univers « mythologie grecque ».
Bon…sauf quand « the new gods » se pointent avec Darkside et tout, j’aimais moins.
Je déteste le run de Byrne où Darkseid se pointe pour mettre une raclée aux Amazones. Mais pour être tout à fait honnête, il me semble également que les New Gods/Néo Dieux apparaissent également durant le run de Pérez.
Oui oui
J’aime vachement moins le run de Perez quand il y a un peu trop de figures DC de type Darkseid qui se pointent^^
En fait pour moi le premier gros tome de chez Urban dédié au run de Perez me suffit.
La suite j’aime moins.
Pareil que vous les gars…George Perez avait déjà tout mis parfois au forceps d’ailleurs… mias le matriarcat/patriarcat tout ça , c’est tellement explicité par l’histoire entre Heraklés et Hypolita…le retrait discret de de Steve Trevor, le rôle proactif d’Etta qui sort de sa caricature.
Finalement ça prend la forme d’un plan à 3 pour l’article sur Wonder Woman de Pérez ?
Sur le papier : Grant Morrison qui m’insupporte, l’univers DC auquel je suis étranger, WW un personnage qui m’indiffère.
En vrai : des dessins fabuleux, un personnage très attachant pour lequel et c’est rare Morrison montre un vrai amour. Du coup, ça passe quand même vachement mieux au point que j’ai apprécié ces trois volumes avec leurs qualités et leurs défauts.
Je ne reviendrais pas sur les qualités que tu résumes très bien Présence.
Je trouve le féminisme de Morrison assez angélique voire naïf. C’est un peu son MISS MAGGIE à lui (la chanson de Renaud). En fait, même si tu deviens nazie, c’est la faute des hommes. Pour lui, toutes les femmes sont bonnes, ce sont les hommes qui les corrompt (non, pas la chanson de Bachelet…)
Sa démonstration politique tourne court dans le volume 3 et effectivement il y a tout un catalogue Women Friendly ici avec les travers que Matt dénonce.
J’ai trouvé la communauté de Themymachin assez imbuvable et il y a effectivement de quoi vouloir la fuir.
Mon esprit rationnel n’arrive pas à assimiler qu’une société plus juste passerait par la soumission volontaire. Moi j’adore les femmes et n’ai rien contre un peu de soumission dans des jeux sexuels mais l’idée de plier genoux devant Marine Le Pen, Sandrine Rousseau ou Anne Hidalgo me paraît problématique.
Si l’on fait abstraction de ce féminisme à la truelle, c’est un récit très divertissant au premier degré aussi distrayant qu’un RED SOn par exemple. C’est tellement énorme que je n’ai pas pris Morrison au sérieux. Le problème est de savoir si lui si ?
ça devient assez difficile de faire abtraction de ce féminisme à la truelle justement.
Parce que ce n’est pas un cas isolé dans ce comics.
C’est de partout, ça fait polémique sans arrête, ça dénonce des films qui ne le seraient pas assez (bêtement féministe), etc.
J’en peux plus.
Et vous savez pourtant que je ne suis pas mysorine. Mais c’et ça le problème : il n’y a plus de place que pour les extrêmes. Si tu es modéré ou que tu veux démontrer que non, toutes les femmes ne sont pas forcément des anges, ou que tous les hommes ne sont pas des salauds, bah paf t’es misogyne, ou raciste, ou je sais pas quoi.
J’en peux plus de ce mode de pensée fanatique.
« Only a Sith deal in absolutes » comme disait Obi-Wan^^
Il y a quelques temps, en discutant de la nouvelle orientation des X-Men d’Hickman, je me rendais compte qu’on n’était pas loin des Amazones et de leur île interdite aux hommes ! Parce qu’au final, c’est le même principe, non ? On accepte tous les mutants et seulement les mutants, même les plus affreux. Le truc c’est que la licence commence enfin à montrer que c’est une idée complètement stupide et dangereuse…
Alors que les femmes, sur leur île paradisiaque, sont toujours les héroïnes et les hommes les affreux. Je caricature peut-être un peu…
Mais je suis contente que Présence et Bruce y trouvent leur compte.
Le principe d’une île uniquement habitée de femmes date de la création de Wonder Woman en 1941. Morrison mène cette idée jusqu’au bout : une société fondée sur la domination d’un groupe de personnes aux dépens des autres n’est pas saine.
J’ai dû rater une marche : je n’y ai pas vu un récit féministe. Une fois le récit terminé (à ce rythme là, ce ne sera bientôt plus la peine de publier le commentaire sur le tome 3 🙂 ), Grant Morrison a mené à son terme la logique d’une matriarcat : c’est pas mieux qu’un patriarcat. C’est cohérent avec les origines de Diana sur une île de femmes puisqu’il s’agit d’une société de femmes, donc un matriarcat. c’est le reflet miroir des excès d’un patriarcat. On n’est pas dans la nuance, ni dans un pamphlet.
Comme le rappelle Kaori, Themyscira est une île interdite aux hommes, pas un modèle de tolérance. 🙂 Comme le dit Matt, le point de départ n’est pas la modération, ce qui permet au scénariste de faire ressortir le bon sens de la modération quand un personnage en fait preuve. C’est donc un peu naïf comme le dit Bruce, parce que ce n’est ni un pamphlet politique, ni une vision politique, juste un divertissement très joli, un et un hommage à un personnage pour lequel visiblement Morrison éprouve beaucoup d’affection.
Si je veux une étude sur le féminisme ou une réflexion sur la forme politique d’un gouvernement, je ne lis pas une aventure d’une amazone créée à partir de la glaise dans un monde où le panthéon de la Grèce antique existe pour de vrai.
Hmmm les thématiques politiques passent beaucoup plus par les récits que par les écrits théoriques (quand les premiers ne sont pas tout simplement le matériau des derniers). On ne peut pas à la fois apprécier les thématiques de certains comics pour ensuite remiser complètement d’autres comme tu le fais.
D’autant plus ici, je pense, que justement les mythologies existantes – qui sont déjà le fruit de multiples interprétations sédimentées, sans compter, pour les grecs, le joyeux mashup romain – sont une base idéale pour les réinteprétations de tout ordre, qu’elles soient conscientes ou non. Dois-je rappeler le titre du bouquin dudit Morrison, Supergods? Non je ne dois pas, puisque je viens de le faire, c’était une question rhétorique.
Après on peut apprécier une BD en pensant qu’elle passe à côté du sujet (pour le coup, cest la sensatio que j’avais avec Red Son dont je trouve qu’il gâche un peu ses prémisses)
Je ne suis pas certain d’avoir saisi ta réponse.
Je reformule : je ne peux pas prêter beaucoup de valeur à l’interprétation du panthéon grec par Pérez (avec Len Wein & Greg Potter au démarrage) qui a juste besoin d’un contexte et de personnages secondaires pas tout à fait prêts à l’emploi mais presque. Je peux comprendre qu’il en fait une relecture inconsciente, mais je ne suis pas assez cultivé pour passer au niveau supérieur et réussir à analyser en quoi sa relecture est une projection de sa propre culture et de la société américaine, comment elle est colorée par le monde contemporain, et en partie dévoyée par son absence de connaissance académique de la Grèce antique, faute de disposer moi-même de cette connaissance.
Du coup, je suis également bien embêté pour dire dans quelle mesure ce récit de Wonder Woman correspond à la mise en pratique de la réflexion de Morrison au travers de son livre Supergods, pour jouer Diana en tant que déesse moderne (ou en provenance d’un système de valeurs de 1941) contre une représentation du panthéon grec, orientée par les propres convictions de Morrison.
Si tout ça n’est pas clair c’est parce qu’on ne parle pas tout à fait le même language ni de la même chose. Je vais résumer ce que j’en comprend : tu as l’air de dire que sans une connaissance exhaustive des récits (du genre « mythologie » ou non) dont sont dérivés d’autres récits on ne peut pas se prononcer clairement sur ce qui les unit et les différencie d’une part, et de l’autre que WWEO est un divertissement sans vision politique (qu’il ne soit pas un pamplet est plus évident).
C’est le deuxième point dont je parlais : je comprend que tu réagissais pour défendre les qualités de lecture agréable par rapport à la perception d’ « oeuvre politisée » qu’en avait Matt, mais il me semblait que tu occultait presque ce côté, ce qui était contradictoire avec non seulement le livre mais surtout avec ce que tu en disais, voire plus largement le simple fait de discuter du contenu de comics, BD et culture pop.
Bref.
Merci pour cette reformulation, je comprends mieux ce que mon propos peut avoir d’incohérent.
Moi je réagissais au commentaire de Bruce qui a visiblement lu le comics et qui dit que c’est du féminisme à la truelle^^
Effectivement après, j’ai pas lu le truc. Je sais pas à quel degré on peut le ressentir comme ça.
J’ai juste lu le tome 1 et moi c’est surtout les facilités scénaristiques qui m’ont gonflé. Faire de Steve Trevor un noir ne semble avoir été motivé que par le rebondissement bien pratique que ça permettait lors de son procès ou il pouvait prendre comme exemple le fait que son peuple a été opprimé aussi. ça ne rendait pas le procès intéressant parce qu’on se disait qu’en gros le mec, s’il avait été blanc et pas issu d’un peuple opprimé, il aurait été jugé coupable sans avoir rien à dire…
Et je constate Présence que tu n’as pas remarqué que le vilain de l’histoire est un clone de Nick Cave !
Comme à chaque fois qu’il s’agit du flamboyant écossais, je me dois de venir en soutien. S’il ne s’agit pas d’un Grand Morrison, j’aime cet équilibre entre une certaine légèreté et le fait de prendre à bras-le-corps le thématiques – sans fausse pudeur ni finesse excessive, ça irrite certains, c’est une chose, mais pour le coup j’y vois un sincère retour aux sources de la fable philosophique naïve et bondage de Marston.
Si dans l’absolu je préfère la vision de Pérez, je ne boude pas mon plaisir qui doit aussi et évidemment beaucoup à Yannick Paquette, à tel point que je n’essaierai même pas de forger un calembour graveleux de son nom.
Dans mes bras. 🙂
Je ne comparerais pas non plus une histoire d’environ 300 pages à une parution mensuelle pendant 5 ans, de 1987 à 1992.
En tant que fan de Morrison, je devrais vraiment foncer dessus. Surtout que les dessins de Paquette ont vraiment l’air top, ils me rappellent pas mal ceux de Bryan Hitch (en tout cas ils sont clairement dans la même veine), et en plus tu soulèves magnifiquement de fortes corrélations et de complicité entre l’écrivain et le dessinateur. Bravo encore une fois pour cet article agréable, intelligent et alléchant.
Les dessins sont très léchés, et rappellent ceux de Terry & Rachel Dodson, mais Paquette a évité toute forme de chosification de Diana, sans pour autant occulter sa plastique extraordinaire, un numéro d’équilibriste très risqué et que j’ai trouvé réussi. En outre, je n’ai pas ressenti de baisse d’implication de Paquette, que ce soit au fil des pages d’un tome, ou de tome en tome.
Wonder-Woman : DEAD PLANET
C’est un peu la version Old Girl Wonder Woman du personnage avec un univers DC dévasté où seule Diana a survécu. Les dessins (pas beaux) évoquent la rencontre en un Frank Miller et Humerbto Ramos.
J’ai bcp aimé ce récit poissard et violent qui prend le contrepied de l’histoire de Morrison en montrant l’implication directe des amazones dans la fin du monde.
Merci, c’était chouette !
Tiens, je me disais hier que Morrison est finalement le seul scénariste à avoir couvert la trinité DC non ?
À chaud, je vois aussi Greg Rucka (New Krypton / Wonder Woman / Batman : Death and the Maiden) ou – très ponctuellement – Brian K. Vaughan
Wonder Woman: Dead Earth – Bien exécuté et comme tu le fais remarquer le contrepied de l’histoire de Morrison, au point d’en devenir un contresens sur certaines valeurs de Diana.
Des dessins pas beaux : tout est relatif, mais une narration dynamique et énergétique qui emprunte également des codes visuels du shonen d’action.
Désolé, malgré l’article toujours impeccable, « ça me fait envie comme du Earth One », c’est à dire pas du tout !
Je note une dérive Brucienne dans les commentaires de cet article pour donner du boulot à ses petits camarades…
Je comprend l’argument Ça me fait envie comme du Terre-Un, et pour autant ça m’a fait envie comme du Grant Morrison. 🙂
Mode Brucien ON : puisqu’on en parle, t’es à jour de tes articles ?!? Hein ?!? Hein ?!? 😀