Interview Julien Deléglise
1ère publication le 6/10/23- MAJ le 28/12/23
Un article de BRUCE LITQuelque chose en toi ne tourne pas rond, Bruce Lit ?! Tu détestes Téléphone et leur épouvantable « ça se sent que c’est toi, ça se sent… »
Oui mais le journaliste Julien Deléglise a sorti un vrai bottin aux Editions Du Layeur sur le groupe français le plus populaire avant l’avènement de Noir Désir puis de Shaka Ponk et c’est une histoire du rock qu’il vient raconter chez Bruce Lit
Bonjour Julien.
Pour commencer je voulais te féliciter : prose limpide, maquette irréprochable, papier glacé, c’est de la belle œuvre que Les éditions du Layeur et toi venez de commettre. Tu es parvenu à me faire m’intéresser au groupe Téléphone, ce qui n’était pas la moindre gageure !
Merci beaucoup Bruce. Le Layeur a une vraie volonté de proposer le meilleur, des beaux livres agréables à parcourir. Pour ma part, je cherche à donner envie aux lecteurs d’écouter la musique, partir à la découverte des albums et de l’histoire du groupe et des musiciens qui en sont le sujet. Ce qui me plaît, ce sont les aventures humaines, les réussites comme les écueils, mais aussi toutes les petites choses qui rendent le récit vivant. Quand j’écris un livre sur un groupe ou un musicien, il faut partir du principe que je l’apprécie avec ses qualités et ses défauts. J’essaie aussi d’être relativement complet afin que le néophyte autant que le connaisseur découvrent des choses, aient envie d’écouter la musique, de réévaluer certains albums, avec mon point de vue aussi sincère que subjectif sur chacun d’entre eux.
Téléphone reste un groupe très populaire en France, mais traîne aussi une image ambigüe, entre cote d’amour importante et critique acerbe sur le fait qu’ils ont été commerciaux, pas assez rock, trop gentils. On les compare à Trust, Little Bob Story, Bijou… mais on ne réalise pas que tous ces groupes avaient en fait un univers bien à eux. Téléphone fut simplement le plus rassembleur, le bon groupe au bon moment, également bien managé et produit.
D’ailleurs, tu le reconnais toi-même : même un aficionado comme toi ne peut plus supporter le Ca, C’est Vraiment Toi !
Bordel cette chanson ! Je suis comme toi, je ne peux plus la supporter à force de l’entendre dans les fêtes de famille ou de village. Quand tu as droit à un quart d’heure rock dans une soirée, tu as forcément Ca, C’est Vraiment Toi de Téléphone et I Love Rock’N’Roll de Joan Jett !
Le plus terrible, c’est que cette chanson est en fait sympa quand elle est intégrée à une écoute complète de l’album Dure Limite. Et qu’aujourd’hui, on se souvienne de Téléphone quasiment que pour cette chanson et Un Autre Monde qui tourne dans une pub d’assurance.
Quelle serait la chanson de Téléphone que tu nous inviterais à redécouvrir ?
Indiscutablement, il faut aller chercher dans le coeur de la machine musicale de Téléphone, ce qui a fait sa réputation et sa sonorité particulière. Comme je suis un garçon contrariant, j’en conseillerais trois : Prends Ce Que Tu Veux sur le premier album qui définit le Téléphone Stones-Led Zeppelin des débuts et montre un groupe solidement rock, Tu Vas Me Manquer sur Crache Ton Venin qui révèle une plus grande subtilité mélodique, entre funk et heavy-blues avec la slide magnifique de Louis Bertignac, et Pourquoi N’Essaies-Tu Pas sur Au Coeur De La Nuit qui permet d’entendre Téléphone au sommet de sa force rock, avec une cohésion des quatre musiciens absolument exceptionnelle, la rythmique puissante, les licks de Bertignac, et un Aubert devenu un front-man d’exception. A cela j’ajouterai Le Garçon D’Ascenseur signé Bertignac qui est une pépite mêlant mélancolie de l’époque, et brio musical des quatre Téléphone.
Ton livre commence avec une jolie anecdote personnelle sur UN AUTRE MONDE…
Le Layeur a apprécié également, je crois que cet avant-propos a beaucoup plu ! Téléphone est le groupe qui m’a fait découvrir le rock. Ce ne fut pas à l’âge de quinze ans, avec un petit joint entre copains. J’avais six ans, et cette chanson, notamment son introduction, m’a littéralement transpercé. J’y ai découvert des sentiments inconnus pour un enfant de mon âge, comme une sorte de révélation. Je ne suis plus revenu en arrière depuis. Je n’ai plus jamais écouté de chansons pour enfants, Dorothée ou les Musclés. Téléphone m’a aussi ouvert à une palette d’émotions qu’un enfant de six ans ne ressent normalement pas, à commencer par la mélancolie.
Cela a aussi déclenché un côté compulsif chez moi : j’ai commencé à vouloir tout savoir, écouter tous les disques, comprendre leur histoire. J’ai dévoré les émissions sur le rock, empilé des livres et de vieux magazines. Je voulais savoir comment ces quatre jeunes gens avaient réussi à jouer une musique aussi fascinante. Et il en sera de même pour tout ce que je vais écouter par la suite.
J’avoue avoir été un peu déconcerté par la construction de ton livre après la séparation du groupe. Tu y racontes la carrière solo d’Aubert, Bertignac et Corine dans leur individualité et non dans leur chronologie. Pourquoi ce choix ?
C’est un débat que nous avons eu sur un livre précédent que j’avais co-écrit au Layeur sur Iggy Pop et les Stooges. Mais je trouve cette architecture plus logique à lire. En effet, je raconte le cheminement artistique et personnel d’un artiste. Il est nécessaire que le lecteur puisse suivre le fil de chaque carrière, qu’elle soit commune puis individuelle. Il y a Téléphone, puis chacun partira de son côté pour faire un ou une douzaine d’albums, avec une ligne directrice qui leur sera propre, avant de se retrouver pour partie dans les Insus pour la célébration finale de la musique de Téléphone.
Au moment de la séparation de Téléphone, on sent déjà qu’entre Aubert et Bertignac, les routes divergent. Ils seront secondés pour le premier le fidèle Richard Kolinka (qui ira aussi apporter sa batterie chez Bertignac), et pour le second par Corine dans les Visiteurs. Je trouve que cela permet aussi de se rendre compte de l’inexorable évolution parallèle des deux leaders de Téléphone. Louis Bertignac le reconnaît lui-même dans son autobiographie : lui et Jean-Louis sont restés en contact, ils aiment à jouer de temps en temps ensemble au débotté, mais clairement, leurs musiques ont irrémédiablement évoluées dans des voies différentes.
A la lecture de ton livre, j’ai souvent été pris d’empathie pour Corine pour qui le passage dans Téléphone semble avoir été un vrai supplice : comportements machistes, tentatives de suicide, répartitions inéquitables des royalties. Même le 1er concert du groupe manque de tourner au vinaigre pour elle !
A la lumière de 2023, Corine Marienneau semble clairement avoir été malmenée. C’est hélas le parcours d’une femme dans un monde ultra-masculin de l’époque. Son personnage a aussi été beaucoup souillé par des citations machistes comme celle de Keith Richards qui aurait dit à Aubert et Bertignac qu’avec une fille dans le groupe, ils étaient foutus. Mais en 1977, cette réflexion était déjà périmée. Blondie a existé et a eu du succès avec Debbie Harry au chant. Il faut aussi se souvenir de Kate Bush, Nina Hagen, le groupe américain Heart mené par les sœurs Wilson…
Pour la France en 1977, c’est une nouveauté. Elle va beaucoup apporter à l’image du groupe. Sa frimousse, à la fois mignonne mais surmontant une silhouette plus garçonne, la rend assez unique. Elle se font dans un groupe où les musiciens ne posent pas en gang à la anglo-saxonne comme les Variations, Little Bob Story ou Ganafoul. Les quatre ont l’air espiègle, malicieux. Ils sont jeunes, avec des physiques plus proches des lycéens que d’autres groupes. La présence de Corine Marienneau renforce ce côté bande de copains à la sortie de la fac.
Corine Marienneau est clairement une femme très sensible et tourmentée. Son autobiographie le révèle, celle de Bertignac ne fait que le confirmer. Elle est écartelée entre un milieu bourgeois, un père brutal, une mère inexistante, et les révolutions intellectuelles et féministes de Mai 1968. Cultivée, connaissant bien les USA, quasiment bilingue, elle sait ce qu’elle veut, elle est à l’écoute de ses sensations personnelles, ce qui est une révolution par rapport aux femmes des années 1950-1960. Elle n’est clairement pas une potiche qui attend qu’un homme s’intéresse à elle, même si il demeure en elle un côté maternelle auprès des autres Téléphone. Elle fait de la danse africaine, elle a appris le piano, elle préfère les squats d’artistes. Louis Bertignac reste l’amour de sa vie, car leur communion intellectuelle restera longtemps puissante, même après leur séparation. Bertignac mettra bêtement fin à tout cela avec une groupie, et engendrera une réaction aussi romantique que radicale de Corine. Elle sera aussi rapidement la plus responsable, ayant dû dans ses jeunes années prendre en main sa fratrie, ainsi que son avenir hors de son milieu familial.
C’est Louis qui l’imposera à la basse au concert du Centre Américain en novembre 1976, car il sait qu’elle a un sens du rythme redoutable, capable de canaliser un Richard Kolinka exubérant mais manquant encore de rigueur rythmique. C’est Corine qui va d’ailleurs constamment le raccrocher au sol pour qu’il évite d’accélérer en permanence les morceaux sur scène. Le concert au Centre Américain sera en péril par deux fois : avant à cause d’une brouille sentimentale avec Louis Bertignac, et à la fin où elle refuse de faire les rappels, trouvant le set pas à la hauteur de leurs répétitions initiales. Dans les deux cas, on y trouve son caractère sensible, impliquée et exigeant.
Corine a des principes, et c’est une femme à l’âme à fleur de peau. Aussi, se retrouver dans un groupe dont la carrière devient exponentielle au niveau commercial va être éprouvant pour elle, car cela amène le barnum rock de l’époque : les soirées alcool, came, filles. Alors qu’elle conduit souvent la voiture entre deux dates pendant que ces messieurs cuvent de la veille, elle doit entendre leurs récits de galipettes. On peut comprendre que cela l’insupporte, surtout avec le souvenir de son Louis en train de baiser une groupie, qui conduira à leur séparation. Il faut lire son récit de cet épisode, décrivant chaque détail de la scène comme de ce qu’elle a ressenti. On y ressent une vraie douleur, encore puissante en 2006 à la sortie de son livre.
Elle sera aussi souvent utilisée pour prendre des décisions compliquées ou pénibles. Alors les garçons pouvaient dire : « Oui, mais bon, Corine a dit non. ». Seulement, elle a souvent eu le nez creux, comme pour ce concert-traquenard à l’Hippodrome d’Auteuil en ouverture des Rolling Stones en 1982. Globalement, c’est elle qui ramène constamment le groupe au sol, lui évitant les délires de rock-stars.
J’ai appris que le groupe avait choisi le nom du groupe en clin d’œil au groupe Television dont ils assureront la 1ère partie à l’Olympia !
Lors du concert au Centre Américain en novembre 1976, le groupe n’a pas de nom, juste un point d’exclamation sur l’affiche. Il faut rapidement trouver un patronyme, et des noms typiquement français sortent : Extra-Balle… ce genre de choses. On est alors dans la succession de Triangle, et de Martin Circus. Par ailleurs, Louis Bertignac a joué presque deux ans avec Jacques Higelin. Il y a donc toujours un côté un peu franchouillard dans les noms. Higelin publia notamment Mona Lisa Klaxon ou Oesophage Boogie, Cardiac Blues. On est dans le même esprit.
Et puis, Jean-Louis Aubert va avoir une illumination en se disant qu’il faut voir plus loin que la France, même si sa prononciation de l’anglais est épouvantable. Ils vont alors chercher un nom capable de se prononcer en français et en anglais. Television, qui a sorti son premier album Marquee Moon il y a peu, lui donne une idée. Ce sera Téléphone, avec en prime le dessin du cadran de téléphone, puis le pendu au combiné sur la grosse caisse de Richard Kolinka.
Par la suite, Téléphone se retrouvera en première de Television le 7 juin 1977 à l’Olympia. Il existe des traces de leur passage dans le coffret intégral notamment. En introduction de Métro, C’est Trop, Jean-Louis dit : « On est tout petit, on est passé à Pantin, maintenant on se retrouve à l’Olympia, certains commencent à dire qu’on joue les requins, mais en fait, aujourd’hui comme les autres jours, on est venu en métro ! » Le groupe est encore amateur, et n’a encore signé avec personne. Le lendemain, ils enregistreront deux titres pour leur premier simple auto-produit au Gibus. Ils ne signeront avec Pathé-Marconi que le 25 août 1977.
Les litiges autour du pognon arrivent très tôt dans l’histoire du groupe…
Dès le premier album ! En fait, Téléphone est un groupe passion qui réunit quatre personnes qui ne se seraient jamais rencontrées sans la musique. Mais comme tous les groupes de cette époque, qu’il soient anglo-saxons comme français, ils n’ont aucun business-plan. Tout ce qu’ils veulent, c’est échapper à l’usine ou aux boulots d’employés de bureau de leurs parents. Ils veulent faire de la musique, vivre de leurs concerts, et peut-être faire un album. Si Jean-Louis Aubert et Louis Bertignac ont déjà une conscience certaine d’une carrière potentielle, tout cela est très amateur. Ils sont sur des images de groupes anglo-saxons, alors qu’en France, le rock reste un gros mot, et où les maisons de disques et les circuits de concerts sont totalement inadaptés et incompétents.
Comme tous les groupes de l’époque, ils apprennent au jour le jour. Jean-Louis Aubert déposera à la SACEM une poignée de chansons après une session à la radio, et l’employée lui conseillera de déposer les chansons seules, car il n’y a qu’un seul auteur de chanson pour eux. Le fait qu’une démo de base soit magnifiée par un travail de groupe échappe encore totalement à cette administration. Les autres n’y ont pas pensé, mais Jean-Louis Aubert qui est fils de haut-fonctionnaire, a eu l’esprit de protéger ses chansons.
Alors que le premier album atteint les cent mille exemplaires en 1978, soit un disque d’or de l’époque en France, Aubert reçoit un chèque de trente mille francs. Lorsque que l’on n’a pas un sou, il est toujours facile de tout partager. Mais lorsque des sommes pareilles tombent, cela sème la zizanie, et évidemment, personne n’y a pensé, même pas le manager François Ravard qui découvre tout avec le groupe.
Il y aura une violente dispute, notamment parce Corine estime que Louis est LE moteur musical de Téléphone, lui qui a déjà une carrière avec Jacques Higelin et Shakin’ Street par rapport à Jean-Louis. Finalement, il y aura un partage écrit des droits d’auteur et d’interprétation. Mais Téléphone se sera séparé quelques jours, et cette querelle fera partie des animosités qui resteront entre Corine et Jean-Louis.
L’histoire de l’argent reste un problème récurrent dans les groupes de manière générale. Quand on a rien, on partage tout. Quand des chèques de dizaines de milliers de francs ou de livres sterling tombent, il faut rapidement y penser. Soit on rétribue largement le compositeur au-dessus des accompagnateurs, soit on partage tout en parts égales, avec le risque de la frustration du ou des compositeurs principaux. Téléphone trouvera une cote mal taillée de quarante pour cent pour Jean-Louis, et vingt pour cent pour chacun des autres. Mais la plus grande plaie restera que Jean-Louis aura déposé les chansons sans en parler aux autres, ce qui créera un climat de suspicion, alors que la confiance est alors totale.
Tu dis que LA BOMBE HUMAINE capte tous les travers de la société française de la fin des années 70. C’est aussi ce que l’on dira des chansons de Renaud, Goldman ou Noir Désir. Est-ce un impératif pour réussir en France ?
Ce n’est pas un impératif, mais c’est clairement dans l’air du temps, entre la fin des années 1970 et le début des années 1980 en France. L’Union de la Gauche qui se dessine amène un vent d’espoir qui libère les paroles. C’est l’époque de Coluche, de Pierre Desproges, du coup de gueule de Daniel Balavoine devant Mitterrand à la télévision. En 1979, Trust chante Police Milice, Bosser Huit Heures, puis Antisocial en 1980. Goldman, Higelin… sont dans ce même vent de gauche, plus ou moins marqué. On le retrouve aussi dans des formations de hard-rock comme Océan ou Vulcain. Noir Désir ne sera qu’un descendant de cet esprit, qui se croise avec celui du rock indépendant de la seconde moitié des années 1980 : Bérurier Noir, Shériffs, Garçons Bouchers…
Téléphone est clairement constitué de quatre jeunes gens issus de la vraie vie, bien que leurs origines sociales soient très diverses. Ils sont aussi encore portés par le vent de Mai 1968 auquel ils n’ont pas participé, mais en ont été témoins en tant que lycéens. Contrairement à Renaud et Trust qui auront des paroles clairement politisées, Téléphone le fera plus finement, se positionnant dans la peau d’un jeune comme eux, constatant les souffrances de leurs parents, les frustrations de la jeunesse. Aubert a un sens aigu de l’observation, et relate ces dernières dans ses textes. L’un des fils conducteurs de son écriture est le monde abrutissant du travail et de ce qui tourne autour, qui écrase l’imagination et emprisonne les esprits. On le retrouve dans Métro, C’est Trop avec la routine des transports en commun, La Bombe Humaine qui décrit des parents malheureux dans leur vie malgré un emploi, une vie de famille… Et je peux aussi te citer Seul et Ordinaire sur Au Coeur De La Nuit qui parlent encore de la vie d’un jeune homme écrasé par la morosité de la vie d’un salarié lambda. D’ailleurs, dans la seconde chanson, Aubert et Téléphone le clame : « Sortez-Moi De L’Ordinaire ! ».
Un autre axe d’Aubert qui rejoint le premier, c’est l’effet pervers de l’argent, qu’il va aussi connaître. C’est tout le thème de Argent Trop Cher par exemple. Et ces sujets se font écho dans Un Autre Monde.
Il y a une anecdote hilarante : l’arrivée foireuse du groupe en Cadillac à la Fête de l’Huma de 1979 !
C’est tout un symbole de leur candeur, mais aussi de leur spontanéité. Aujourd’hui, un coup de ce genre est ultra-millimétré, pas question de prendre le moindre risque. En 1979, le PCF est au coeur de l’Union de la Gauche avec le Parti Socialiste et les Radicaux de Gauche. Il y a clairement une stratégie de la Gauche pour enfin gagner les Présidentielles qui s’annoncent en 1981, et l’espoir est grand. Rappelons qu’à l’époque, le PCF, c’est 20-25 % des suffrages en France. Cependant, les Communistes, bien plus puissants que les Socialistes, veulent imposer leur programme, et que les autres partis de l’Union de la Gauche se fassent plus discrets. Le PCF est LE parti des ouvriers et des travailleurs, relayés syndicalement par la CGT, elle aussi très puissante. L’affrontement entre les force politiques a déjà commencé, et seul Giscard ne voit rien venir. Chirac, Barre, Marchais, Mitterrand occupent les plateaux de télévision, avec des saillies verbales savoureuses, notamment Georges Marchais face à Jean-Pierre Elkabbach et Alain Duhamel.
Faire le concert de la Fête de l’Humanité, c’est une des opportunités majeures pour un groupe de rock. Les Who l’ont bien compris, et vont assurer un set historique en 1972 devant quatre cent mille personnes, raccourci à cause d’une coupure d’électricité aux origines clairement politiques. Rappelons qu’à l’époque, les CRS sont présents à la sortie de chaque concert rock, de peur que les chevelus, galvanisés par la musique, se mettent à refaire Mai 68.
Téléphone, qui porte la voix des jeunes, est choisi pour l’affiche 1979. Le set sera capté par les caméras de Jean-Marie Périer pour le film Téléphone Public. D’ailleurs on espère la publication du set complet, dormant peut-être quelque part sur une étagère.
Dans leur esprit espiègle, les Téléphone décident de débarquer sur scène avec les masques des hommes politiques majeurs de l’époque : Chirac, Giscard, Mitterrand, Marchais. Ils seront amenés au pied de la scène dans une grosse voiture américaine, symbole d’opulence et d’hégémonie de l’argent pour les Téléphone comme les militants du PCF.
Le plan se monte rapidement, les musiciens revêtent leurs masques, et montent dans une grosse Cadillac, puis se lancent. Le chauffeur prend ce qu’il pense être l’entrée qui conduit juste derrière la scène, mais se trompe. Il s’agit de l’entrée principale des spectateurs, ce qui veut dire qu’il faut traverser toute la foule pour rejoindre la scène, soit cent mille personnes ! Les quatre Téléphone ne vont pas en mener large, la voiture étant abondamment cognée sous un torrent d’insultes. Mais lorsque les quatre se précipitent sur scène avec leurs masques en faisant les idiots sous les huées avant de les enlever et d’attaquer Crache Ton Venin, c’est l’explosion. Finalement, le fiasco s’est transformé en coup de maître, le tout sous les caméras de Jean-Marie Périer.
Il y a des pages passionnantes autour de l’enregistrement de AU COEUR DE LA NUIT et des guitares Gibson qui interfèrent avec les champs magnétiques des studios du groupe !
En ce qui concerne cette affaire d’interférences, il faut rappeler que les musiciens français ont peu de budget. Il n’y a d’ailleurs que peu d’instruments de prestige à disposition dans les magasins spécialisées en France. Pour cela, il faut aller en Grande-Bretagne, où le matériel est moins cher et plus performant. A leurs débuts, les Téléphone font avec ce qui est disponible. Les deux premiers à chercher du matériel haut de gamme seront Richard Kolinka qui investit dans un kit Gretsch cinq toms importé des USA en 1979. Corine va opter rapidement pour une basse Gibson EBO, celle de Jack Bruce de Cream, en remplacement de la Höfner Violon à la Paul MacCartney. Mais le poids de la basse et la dureté des cordes vont engendrer pas mal de souffrances physiques pour Corine, de petite taille et aux doigts fins. Finalement, elle trouvera son bonheur avec une Fender Jazz Precision de 1966, plus souple pour son toucher.
Quant à Aubert et Bertignac, ils gardent un esprit hard-punk. Ils conservent leurs guitares rudimentaires : une Gibson SG Junior pour Louis, une Gibson Les Paul Junior pour Jean-Louis. Ces guitares sont équipés de micros simple bobinage qui proposent un son gras et rageur. Le son gras du micro simple bobinage est déjà lié à une interférence avec l’amplificateur. Mais si tu rajoutes un environnement chargé électriquement à base d’anciennes usines désaffectées comme en Allemagne, ces micros deviennent de véritables antennes infernales.
Le début de l’enregistrement sera une lutte contre ces interférences malveillantes, emmenant le groupe dans plusieurs studios dont ceux de Berlin, apportant une couleur noire aux compositions. Finalement, ils atterriront aux Electric Lady Studios de New York situés en sous-sol car… Jimi Hendrix, dix ans avant, avait eu le même problème avec ses guitares. Et il avait enterré son studio pour fuir toutes les interférences liées à la vie new-yorkaise.
Il faut le rappeler : le groupe est alors produit par des légendes du rock comme Bob Ezrin et Glyn Johns…
Téléphone a été dès le départ produit par un producteur anglo-saxon. Leur son riche, leur approche va séduire des producteurs totalement désarçonnés par leur musique. Philippe Constantin les fera signer chez Pathé-Marconi. Il a compris qu’il leur faut un ingénieur du son anglais, familiarisé aux sonorités rock. Le premier sera Mike Thorne, reconnu en 1977 pour son travail avec Wire.
Mais déjà, Téléphone rêve de travailler avec les producteurs des groupes qu’ils admirent, notamment Glyn Johns qui a oeuvré auprès de Led Zeppelin et les Who. Bob Ezrin est aussi leur choix, pour son travail avec Lou Reed et Alice Cooper. Les Téléphone voient grands tout de suite, ils ne veulent pas se retrouver enfermer dans le petit cercle franco-français. Ils se rêvent à la place des Rolling Stones ou des Who à Londres ou à New York, même si tout cela paraît presque inaccessible.
Sans aimer Téléphone, j’ai toujours trouvé incroyable la prise de son très crue d’UN AUTRE MONDE, la chanson. C’est presque du Steve Albini avant l’heure…
la prise de son est effectivement magnifique, mais ce n’est guère étonnant, car Glyn Johns était justement apprécié pour ses capacités à saisir le son live d’un groupe. Rappelons que c’est lui qui était aux manettes derrière Led Zeppelin à Headley Grange pour le IV notamment. Le son de la batterie de Richard Kolinka est stupéfiant, il m’a toujours fasciné, ses roulements de caisses sont prodigieux. Steve Albini est un des héritiers de ces hommes des années 1960-1970 qui travaillaient en plaçant des micros à travers la pièce pour bien capter l’ampleur de chaque instrument, et notamment la batterie. Blessed Black Wings de High On Fire, capté par Steve Albini m’a littéralement terrassé, de par ses compositions géniales, mais surtout par la prise de son live unique.
Comment Téléphone aurait pu éviter le split ?
Je crois qu’il ne pouvait pas l’éviter. Ou alors cela aurait nécessité que chacun s’assoit sur son ego afin de perpétuer Téléphone entre deux albums solo des uns et des autres. Mais cela aurait indéniablement sonné de plus en plus convenu et commercial, Téléphone devenant une sorte de franchise à la Metallica ou Guns’N’Roses.
Téléphone fait partie de ces rares groupes composés de personnalités très différentes, qui ne se seraient sans doute jamais côtoyées dans la vie, mais qui sont réunies par la musique. Entre eux, il y a une alchimie qui efface toute les querelles, mais qui en alimente aussi car tout est passionné entre eux. Pourtant, dès qu’il en manque un, ça ne fonctionne pas. Téléphone fait partie de cette catégorie de groupes magiques aux côtés des Beatles et de Led Zeppelin : une dizaine d’années d’existence, une série d’albums impeccables, et terminé. De l’autre côté, on a ceux qui vivent pendant quarante ans, parfois avec plus qu’un membre original à son bord, et qui rebondissent régulièrement. C’est Indochine en France, c’est Deep Purple, les Rolling Stones ou Uriah Heep en Grande-Bretagne.
Pour ce qui est de la séparation de Téléphone, elle était inéluctable. On sent que Jean-Louis Aubert commence à prendre son indépendance et et à se muer en artiste solo. Cela s’entend déjà sur le double live de 1986, et enregistré sur la dernière tournée. Il y a un enchaînement de chansons plus personnelles d’Aubert, avec des arrangements de son cru : New York Avec Toi, Electric Cité, Le Taxi Las. Cela sonne clairement comme Aubert solo avec Téléphone en backing-band, les autres semblant s’ennuyer un peu. Et d’ailleurs le simple Le Jour S’est Levé n’utilise que peu les capacités musicales de Bertignac, Marienneau et Kolinka. L’enregistrement de Un Autre Monde sera par ailleurs la lutte permanente entre les idées d’Aubert et les velléités rock des trois autres. Du fait de tous ces éléments, il devient clair que la fin de Téléphone était proche. Le fait qu’Aubert arrive en 1986 avec des titres comme Juste Une Illusion lors des répétitions du futur sixième album n’a fait que confirmer que Téléphone ne fonctionnait plus comme un groupe, mais comme Aubert et ses musiciens arrangeurs, avec juste un peu de place pour une ou deux chansons de Bertignac. Mais à l’époque, ce dernier essayait d’enregistrer un premier album solo, et garda donc toutes ses idées pour lui. Un nouvel album mal fichu de Téléphone dans ce contexte, et alors que le son du rock français bascule dans la pop-chanson à la Rita Mitsouko, Niagara et Etienne Daho, aurait été une erreur.
Bon puisqu’on est entre nous, on peut parler de la pochette de PLATRE ET CIMENT qui m’a toujours évoqué une faciale...
Ah ah ! J’y ai pensé aussi. Je pense que cela a dû lui traverser l’esprit. Il y a une sensation New York sur cette pochette et ce disque. Aubert est fan de funk, et de Prince en particulier, de pop-art. Il reste aussi ce galopin de toujours, aimant les sous-entendus plus ou moins salaces, à la manière des musiciens noirs américains, très forts dans le domaine.
Sa carrière solo semble te fasciner : il n’y a quasiment pas de faux pas malgré son incursion dans la variété.
Je sais faire la part des choses entre Téléphone, totem intouchable, et leurs carrières solo, avec davantage d’aspérités. Jean-Louis Aubert m’a toujours inspiré beaucoup de sympathie, et je suis resté curieux de ses albums, avec pas mal de bonnes surprises. Il a su notamment injecter de nouvelles sonorités à sa musique rock, tout en enrichissant la partie texte d’un côté chanson française habilement amené. Cela fonctionne sur pas mal d’albums, même si il y a clairement une orientation pop-chanson à partir de Idéal Standard en 2005. Aubert est également un artiste généreux sur scène, et il sait se réinventer régulièrement. Par exemple, Un Tour Sur Moi-Même le voit revisiter Téléphone en artiste folk à la John Martyn, et c’est réussi. Enfin, il a toujours conservé son côté frondeur, il s’est senti très tôt concerné par l’écologie et l’avenir du monde matraqué par l’économie de marché. Il n’est pas du genre à faire des déclarations stupides dans les médias. Il n’y a que dans les Enfoirés qu’il se mouille ouvertement dans le show-business. Bien sûr, il y a quelques albums pas fameux, comme le dernier en date Refuge, et son côté ballade acoustique à tendance à m’agacer un peu. Mais il a plutôt bien vieilli.
Le début de carrière de Bertignac est moins évident. Le groupe peine à décoller sur scène.
Ce qui m’a surtout étonné, c’est le son du premier album, avec les Visiteurs. Bertignac, qui a tant reproché à Aubert de verser dans la variété et de s’éloigner du rock, fait finalement un peu la même chose que Aubert sur Plâtre Et Ciment, à savoir un rock très années 80 avec des sonorités électroniques et funky. Mais il reviendra régulièrement au rock à la Téléphone, comme sur Rocks ou ‘96.
De manière générale, les carrières solo d’Aubert et de Bertignac peinent à décoller. Le public ne leur pardonne pas la séparation soudaine de Téléphone, et leurs premiers concerts se font dans de petites salles, devant des audiences éparses. Malgré tout, si l’on se place au niveau d’un artiste inconnu, cela marche tout de même bien : Plâtre et Ciment est disque d’or, Ces Idées-Là est un tube. Mais clairement, les ventes ne sont pas au niveau de Téléphone. Il faut aussi préciser que Téléphone devait encore deux albums à Virgin. Une fois le groupe séparé, Aubert et Bertignac restent sur Virgin et doivent deux albums chacun, ce qui leur met de nouveau une belle pression.
Bertignac va également se disperser, ne sortant rien entre 1999 et 2005. Il va aussi se compromettre dans The Voice, dont il reviendra de son propre aveu déçu. Le public et la production ne se souviendra alors de lui que comme le producteur de Carla Bruni pour son premier album à succès, passant à la trappe tout Téléphone et ses premiers albums solo. Depuis, Il a repris sa carrière solo en main, et se concentre avant tout à la musique, ce qui lui a plutôt réussi.
Tu n’as pas eu envie de rencontrer tes idoles ? Corine notamment ? Ont-ils reçu ton livre ?
Je ne cours pas après mes idoles, les interviewer, leur parler. J’ai interviewé quelques-uns de mes musiciens préférés, j’ai été parfois un peu échaudé. Ce n’était pas de leur faute, cela m’a permis de comprendre que faire de la musique, et l’écouter et écrire dessus étaient deux exercices très différents. . Je me souviens notamment d’une interview que j’avais faite de Stan Webb de Chicken Shack pour Blues Again. Je lui parlais de mes albums préférés de son groupe, et il n’avait que de mauvais souvenirs de l’enregistrement de ceux-ci : producteur incapable, label ou manager minable… Je ne lui en veux pas, c’est juste que j’avais ma vision de ses chansons, et lui en avait un souvenir de musicien professionnel.
Pour revenir à ta question, je ne les ai jamais rencontrés, et je ne les ai jamais vus sur scène ! Je vais voir Bertignac pour la première fois en novembre. Mais là encore, je ne cours pas spécialement les concerts : le son est souvent trop fort, mal réparti, et je n’arrive pas à me concentrer sur la musique comme je le fais seul chez moi. J’ai un petit côté autiste, j’aime savourer ma musique seul. C’est une habitude que j’ai prise adolescent et qui ne m’a jamais quitté.
Par ailleurs, hormis si j’ai besoin d’éléments faute de documentation comme se fut le cas pour la biographie des Variations que j’ai écrite avec leur guitariste-fondateur Marc Tobaly, je préfère écrire seul. Cela me permet de conserver un œil critique, tout en sachant que je suis un passionné des groupes sur lesquels j’écris. Ecrire avec un ou plusieurs membres d’un groupe t’amène à être plus consensuel, il y a toujours une certaine forme de censure pour éluder certains points noirs de leur carrière, ou éviter de nouveaux conflits. Enfin, si tu ne travailles qu’avec un seul et non plusieurs musiciens du même groupe, on va te reprocher de n’avoir qu’un seul point de vue. Je pense que cela peut vite devenir une galère selon les personnalités des musiciens et la taille du groupe, et rendre l’ouvrage moins intéressant. Le Layeur aime à se concentrer sur les albums, et cela me va très bien. Je retranscris les aventures humaines du mieux que je peux, j’évoque les albums et surtout la musique, de la manière la plus honnête possible, mais évidemment subjective.
Pour finir, si ils le désirent, on leur enverra un exemplaire avec plaisir. Je sais que Corine Marienneau est très attentive à ce qui se dit sur Téléphone. J’espère qu’elle appréciera l’ouvrage, comme Louis et Jean-Louis.
Comment avance ton livre sur Motorhead ?
Le manuscrit est terminé et envoyé depuis le 2 septembre. Il est en phase de correction, puis on passera à la phase illustrations en octobre pour faire une belle maquette. Le Layeur souhaite le sortir fin novembre. Et on a déjà de nouveaux projets ensemble pour 2024.
Un dernier mot pour nos lecteurs ?
Que ceux qui achèteront mon livre en soient remerciés. J’espère qu’ils apprécieront l’ouvrage, la manière de raconter. Si cela leur donne envie d’aller découvrir ou redécouvrir des albums, j’aurai atteint mon but.
Il est important de redire que Téléphone n’est pas un groupe de rock mainstream ou commercial. C’est bien un vrai groupe de rock, très important pour la scène française, et apparu au coeur d’une scène bouillonnante et très variée, qui mérite elle-aussi d’être redécouverte. Les Téléphone sont quatre musiciens attachants et sincères, et qui n’ont certainement pas volé leur succès. Si ils sont allés aussi hauts, c’est bien et avant tout qu’ils étaient talentueux.
Hey.
Passionnant. Cela fait longtemps que je n’avais pas été autant happé par une interview.
C’est pointu, technique tout en restant fluide mais avec ce qu’il faut d’anecdotes plus ou moins connus et de références pour conserver les fans et attraper les autres lecteurs.
J’ai particulièrement apprécié le rapport qu’entretien Julien Deléglise avec la musique, son coté « autiste » qui sait transmettre ce côté possessif, égoïste que nous avons finalement presque tous (il n’y a qu’à voir les débats enflammés sur le blog dès que l’on touche au quatrième art, notamment le ROCK).
Excellent également la distance qu’il met avec les artistes qui relie avec son écriture. Presque une masterclass.
Allez si on doit se livrer sur TELEPHONE : je n’ai découvert le groupe qu’en 1992 avec l’achat du premier RAPPEL (puis le 2, que je n’ai pas su apprécier à l’époque). Il a fallu ensuite attendre 1995 pour que commence à tourner en boucle dans mon walkman le live au Zénith, qui est surement une des plus belles performances en concert que j’ai entendu (sur support physique). Et je garde mon crush pour FLEUR DE MA VILLE qui clôture cette prestation.
Depuis je me suis bien rattrapé : DURE LIMITE, LE TAXI LAS, NEW YORK AVEC TOI, FLIPPER ….
Merci beaucoup pour cette interview et ce moment.
Merci Fletch’
Là vous ne pourrez pas dire que c’est trop court !
Julien est assez bavard mais passionnant. J’ai coupé quelques lignes par-ci, par là et ce fut bien difficile.
La préface de Julien écrit de jolies lignes sur le rapport au Walkman.
Merci de partager cette interview très intéressante. Un peu comme l’auteur, c’est par le biais de la chanson « UN AUTRE MONDE » que j’ai connu le groupe Téléphone. Je ne suis pas fan des voix de Louis Bertignac ou de Jean-Louis Aubert et rarement des paroles de leurs chansons, mais c’est surtout la musique (et le visuel du clip pour UN AUTRE MONDE) que j’ai appréciée.
Fascinante percée dans les coulisses du groupe, notamment via l’évocation de Corine Marienneau
Merci JB
L’interview m’a obligé à explorer la disco de Téléphone et je n’aime pas du tout sauf Un Autre Monde.
Par contre, cela m’a permis d’aller sur les disques solos d’Aubert que j’ai appréciés. Paradoxal, non ? J’aime un artiste mais pas son groupe ?
Le dernier Aubert, REFUGE, reste quand même bien en deçà, médiocre même.
J’apprécie également sa production de mon côté, plus que celle de Bertignac, à laquelle je n’arrive pas à accrocher.
Je me souviens dans les années 80 d’un article d’un numéro de Best (que j’avais acheté un peu par hasard) et dans lequel il y avait un article sur un festival en Grèce (si je me souviens bien) auquel participait Téléphone.
Le journaliste interviewait des spectateurs et y en a un qui disait : « C’est ça, votre meilleur groupe en France? »
Bon voilà. Tout est dit.
Zéro intérêt, en ce qui me concerne.
Tes groupes français seraient ?
Pas grand chose.
Les Thugs certainement,
Pendant les années 90, il y a eu quelques groupes que j’aimais beaucoup comme Bästärd, Prohibition, Heliogabale, Sister Iodine, Sloy.
Noir Désir certainement aussi. Surtout pour leurs prestations scéniques.
La scène Lithium avec Diabologum.et Mendelson.
Je rajouterais aussi Mano Negra mais uniquement sur scène (les disques sont pas terribles).
Si je ne devais garder qu’un seul groupe français, ce serait Mendelson.
Je suis quasiment d’accord avec tout ce que tu écris.
Les disques de la Mano ont vieilli mais c’est encore supportable // plein d’autres groupes indépendants que je hais : Ludwig, Les Ngeresses Vertes, LSD, Les Bérus, c’est direct à la poubelle.
J’aime beaucoup Bruit Noir (le troisième album est sorti il y a un mois) mené par Pascal Bouaziz (interviewé pour son livre sur Leonard Cohen ici même), le leader de Mendelson.
Les Thugs c’est très bien aussi tout comme Sloy.
Mais je suis étonné non pas que tes choix portent sur de l’indie rock frenchie mais que tu aies pu écrire que tu respectais Goldman et Balavoine, dont l’univers musical n’est pas si éloigné des Téléphone, et qui sont responsables de tous les maux musicaux en France selon tes groupes.
Déjà, je trouve qu’il y a beaucoup plus de talent chez Goldman, Berger ou Balavoine que chez Téléphone. Mais ce qui me gave surtout chez Téléphone, c’est les textes. Ca me gave encore plus que Renaud, qui pourtant est déjà chez moi bien haut dans le gavage.
Goldman, Berger, c’est fin. Téléphone, c’est vraiment bourrin.
A la limite, si je devais citer un groupe de rock français très populaire à mi-chemin de la variété, je citerais plutôt les Rita Mitsouko que Téléphone. Mais bon, c’est pas comme si j’écoutais ça tous les jours non plus.
Sinon, je partage ton avis sur les trucs style Ludwig von 88, Bérurier Noir, Wampas, Garçons Bouchers,… La seule qualité du truc, c’est que ça se prenait pas au sérieux. Mais sinon, qu’est-ce que c’est mauvais.
Je n’ai pas assez écouté Mendelson et Bruit Noir mais ce sont toujours de bons disques et je ne pense pas assez à me les mettre. En effet je n’ai jamais vraiment accroché à la Mano sur disque. Heliogabale, je connais aussi, le dernier que j’ai écouté d’eux était un peu plus facile à écouter et vraiment très bien (même si j’ai pas mal écouté les précédents). Par contre Bastard, Prohibition, Sister Iodine, je ne connais pas du tout. Diabologum j’ai pas vraiment accroché il faudrait que je retente. Les Thugs c’est super. As-tu écouté les albums de Lane dont l’ultime est sorti cette année ? Quant à Sloy je suis fan.
J’aime bien les Ludwig parce qu’ils sont marrants mais c’est sûr qu’on écoute pas leurs disques en boucle, tout comme les Sheriff ou les Bérus (que j’aime beaucoup, surtout pour leur aspect engagé et sans concession. Le Viva Bertage me suffit).
Bon, j’étais plutôt Trust que Téléphone, ce qui ne m’a pas empêché d’apprécier quelques titres comme La bombe humaine, Hygiaphone, Au cœur de la nuit, Argent trop cher, ou Ça c’est vraiment toi. 😀
Une interview qui se lit toute seuel, animée par la passion de l’auteur, et les relances perspicaces de l’intervieweur. J’ai en particulier beaucoup aimé le portrait nuancé et reconnaissant de Corinne.
Parmi les CD se trouvent au minimum les premiers albums d’Iron Maiden dans leur version remastérisée.
Maiden, je n’ai hélas jamais trouvé la porte d’entrée.
Trust, j’ai écouté pour la première fois leurs albums cette semaine. Aucune problème musicalement parlant, mais le chant de Bonvoisin en fait des caisses. Je n’y arrive pas.
Un article – enfin une interview – absolument passionnante de A à Z. Et extrêmement pointue, on parle quand même du bobinage des micros de guitare… J’ai appris plein de choses, surtout que je suis complètement d’accord avec les analyses de Julien Deléglise (notamment pour la fin inéluctable du groupe et son single qui n’a rien à voir avec). Pour Bob Ezrin, je crois qu’il n’a travaillé avec eux que sur DURE LIMITE (soit après AU COEUR DE LA NUIT) et qu’ils furent étonnés de devoir tant bosser. Au final c’est peut-être leur meilleur disque.
Je découvre à peu près tout sur Corinne et c’est le passage le plus important de l’interview je pense.
Téléphone je les ai découverts au lycée, juste avant la sortie de RAPPELS en fait, car c’était encore les K7 qui faisaient la loi, et on m’avait passé tous leurs albums sauf le dernier. Je l’ai découvert bien plus tard, mais il n’a jamais été un de mes favoris – sans doute parce que pas découvert à l’époque où j’écoutais le groupe. Par contre je connaissais évidemment Un autre monde, un de leurs meilleurs morceaux (et oui, le son sur ce solo de Bertignac, c’est assez magique) sans oublier que comme le dit JB, le clip est au diapason (on avait enfin des clips un peu artistiques qui arrivaient à peine). Il est de Jean-Baptiste Mondino je crois.
Je me souviens aussi que le LE LIVE faisait partie de mes écoutes à ce moment. Encore maintenant je trouve que les versions live de CENDRILLON et LA BOMBE HUMAINE sont meilleures que les originales, et elles comptent parmi les titres que je préfère du groupe, avec FLEUR DE MA VILLE comme Fletcher. J’aime beaucoup AU COEUR DE LA NUIT AUSSI (et je l’ai jouée pour un disque qu’un pote a fait avec les zikos du coin il y quelques années). DURE LIMITE aussi.
J’ai beaucoup écouté Téléphone au lycée mais dès que j’ai arrêté de les écouter, je n’y suis plus revenu. Ou alors très peu, lorsque j’ai eu envie de me racheter LE LIVE en cd lorsque justement je bossais le morceau pour mon pote.
Je n’ai jamais eu de velléités d’écouter les albums solos de ses membres, j’ai entendu les singles de Aubert jusqu’au milieu des années 90 et ma foi j’en aime certains (même Temps à nouveau par exemple), comme les classiques de Bertignac, mais pas plus. Ca ne m’intéresse pas (et ouais la pochette de Plâtre et ciment, je m’en souviens, je ne l’ai jamais aimée).
Je reviendrai si des choses me reviennent, j’essaierai peut-être de regarder le documentaire dont je n’avais jamais entendu parler. Merci boss pour ce super moment.
La production d’Ezrin est passée au crible par Julien. Des dissensions s’installent parce que Bertignac comprend l’anglais et non Aubert. Ezrin établit une vraie complicité avec le guitariste qui va évoluer au contact du producteur de manière considérable. Et puis pour complique le tout, c’est la période où Ezrin est accro à la coke avec son copain Alice Cooper sur l’album duquel jouera un certain Richard Kolinka (« Dada »).
Oui le clip est de Mondino.
Merci pour ce retour généreux.
Je passe vite fait. Je ne me suis jamais intéressé au rock français, très influencé par sa presse à partir d’une certaine période. Les gars sont souvent sympas mais leur musique ne m’intéresse pas.
L’ITW est très intéressante et j’ignorais complètement que certains disques avaient été produits par Glyn Johns ou Bob Ezrin. C’est logique en fin de compte quand on écoute la qualité de leur prod.
Pour moi le plus grand groupe français de tous les temps c’est Magma. Un superbe coffret trône d’ailleurs sur les étagère de Julien Deléglise.
Je suis économe de compliments mais l’interview est passionnante et donne envie de se plonger dans la discographie de Téléphone Bravo!
Musicalement, comme je me situe aux antipodes de la plupart d’entre vous, je ne participerais pas à la conversation… 🙂