L’Enfance De l’Art (Tintin au Congo et en Amérique)

Tintin au Congo + Tintin en Amérique, par Hergé

Par : TORNADO

VF: Casterman, Editions Moulinsart

1ère publication le 17/05/17- MAJ le 02/10/21 

L’œuvre d’Hergé est protégée par le droit d’auteur. Aucune utilisation ne peut en être faite sans l’autorisation de la société Moulinsart.

Toute mon enfance !

Toute mon enfance !  © Hergé-Moulinsart 2021

Tintin au Congo et Tintin en Amérique forment, comme souvent avec les aventures du jeune reporter à houppette, un dyptique dont les événements se suivent et forment plus ou moins un tout cohérent. Mon commentaire portera ainsi sur les deux albums.

Hergé commence à raconter les aventures de Tintin Au Congo en 1930 et poursuit le périple de son héros en Amérique en 1931.
A l’époque, l’auteur en devenir publie son travail dans le Petit Vingtième, le supplément jeunesse du journal belge le Vingtième Siècle dirigé par son rédacteur en chef omnipotent : L’abbé Wallez, un bonhomme à la forte personnalité politiquement engagé, manifestement d’extrême droite, ultra-catholique, ultranationaliste, anti-communiste et, au final, plutôt fasciste puisqu’il expose fièrement un portrait de Mussolini au dessus de son bureau…

C’est sous l’impulsion de Messire l’abbé qu’Hergé envoie son héros, fraîchement créé, en Russie bolchevique lors de sa première aventure (Tintin au Pays des Soviets). Et c’est encore sous cette même emprise qu’il le fait voyager au Congo, principale colonie de la grande Belgique impériale pour les besoins de sa deuxième expédition. On apprendra plus tard qu’Hergé n’était pas bien motivé par ces directives, et qu’il rêvait, depuis un moment, d’explorer l’Amérique par fiction interposée.
Mais en 1930, l’abbé Wallez tient absolument à ce que le succès de Tintin mette en valeur les vertus du colonialisme car, au même moment, une grande pénurie de main d’œuvre se fait ressentir dans la lointaine Afrique dont les richesses et les ressources sont une manne pour la patrie Belge. Tintin au Congo est donc bel et bien une pure entreprise publicitaire, pour ne pas dire de propagande, placée sous le vernis étincelant des aventures du jeune reporter au succès sans cesse grandissant.

Les deux principales versions de Tintin au Congo. Li couleur, ou pas li couleur…

Les deux principales versions de Tintin au Congo.  © Hergé-Moulinsart 2021

Pour commencer, il faut préciser que cette histoire a été par la suite publiée dans plusieurs éditions différentes et que la version initiale, en noir et blanc, longue de 110 pages, est très différente de celle en couleur, au format standard de 62 pages, que tout le monde connait pour l’avoir lue dans la version définitive.
Lorsqu’Hergé dessine les premières aventures de Tintin dans le Petit Vingtième, c’est sous la forme de strips périodiques. A cette époque, est-il besoin de le rappeler, la bande-dessinée moderne vit ses balbutiements et la notion de « scénario » est encore bien aléatoire. Le héros est ainsi balancé dans moult péripéties au petit bonheur la chance, sans réelle intrigue, Hergé ne sachant pas vraiment ce qu’il raconte au départ, construisant au fur et à mesure un embryon de récit dont chaque épisode constitue un segment additionnel.

 La version corrigée. Mais il y a toujours des fautes !

La version corrigée. Mais il y a toujours des fautes ! © Hergé-Moulinsart 2021

A partir de 1945, au lendemain de la seconde guerre mondiale, Hergé prend son essor et commence à publier son travail directement en albums. Il décide alors, sous la couverture de son éditeur, Casterman, de refaire complètement les premières aventures de Tintin dans des versions couleur, en redécoupant les planches pour obtenir une pagination homogène de 62 pages. A cette occasion, l’auteur, qui redessine le tout avec ses collaborateurs (dont un certain E.P. Jacobs), en profite pour apporter moult améliorations à ses premières histoires tout en atténuant les maladresses, notamment au niveau de l’éthique. Renonçant à refaire Tintin Au Pays des Soviets, qu’il trouve trop mauvais, il reprend néanmoins tous ses travaux en noir et blanc à partir de Tintin Au Congo pour les réactualiser, revoyant complètement le découpage et les dialogues. Ainsi, ceux qui trouvent que Tintin Au Congo exhale des relents de colonialisme et de racisme méphitique doivent le savoir : C’était encore pire dans la version initiale !

 Et si on levait un peu le pied sur la publicité coloniale ?

Et si on levait un peu le pied sur la publicité coloniale ? © Hergé-Moulinsart 2021

Aujourd’hui, plus de 85 ans après sa création et plus de 70 ans après sa refonte en couleur, il est impossible de le nier : Tintin Au Congo est une catastrophe ambulante du point de vue du fond et de la forme. Une caricature de l’occident colonial boursouflée d’autosuffisance, arrogante et condescendante jusqu’à la nausée. Mais il faut se replacer dans le contexte de sa genèse : Lorsqu’Hergé écrit et dessine la chose, il n’a que 21 ans et il n’est jamais sorti de sa Belgique natale. Il publie son travail sous l’ascendance de son rédacteur en chef et suit ses directives. Il n’a aucunement conscience de l’ampleur du phénomène et personne encore, dans le monde, ne s’émeut de toutes ces répercutions qui, un jour, ébranleront le monde.

Hergé l’avouera plus tard : Inventer les aventures de Tintin était alors un jeu innocent, incroyablement maladroit et ignorant des réalités. Et si aujourd’hui l’acte parait irresponsable, il était alors seulement le produit d’une imagination juvénile qui ne tarderait pas à s’éveiller à la conscience de ses responsabilités…

Hé !!! Appelez la SPA !

Hé !!! Appelez la SPA ! © Hergé-Moulinsart 2021

Pour ma part, bien que je sois un brin choqué par la manière dont l’auteur met en scène les africains (Hergé dira à ce propos : « J’étais nourri des préjugés du milieu bourgeois dans lequel je vivais et je ne connaissais de ce pays que ce que les gens en racontaient à l’époque : les nègres sont de grands enfants, heureusement pour eux que nous sommes là, etc.… »), et je dis « un brin » parce que j’ai parfaitement conscience du contexte dans lequel tout cela a pris forme, c’est surtout le sort réservé aux animaux que je trouve édifiant ! Certes, les bras m’en tombent quand je vois tous ces africains affublés de grosses lèvres se comporter comme des bambins candides mais, une fois encore, c’est le résultat de l’ignorance dans laquelle vivaient les jeunes européens de l’époque et il n’y a rien de véritablement « méchant ». En revanche, il n’y avait aucune raison pour traiter les animaux ainsi et, relire toutes les scènes où Tintin et Milou trucident éléphants, singes, rhinocéros et autres antilopes avec le sourire aux lèvres me laisse complètement désarmé ! Et voir une telle violence gratuite à l’encontre de ces pauvres créatures m’est décidément insupportable ! Que pouvait-il se passer dans la tête des gens à cette époque pour éprouver tant de plaisir face à ce massacre organisé ?
Le résultat est sans appel : Cette époque colonialiste était une véritable purge obscurantiste, et bien en a pris à Hergé, par la suite, de revoir complètement ses idéaux.

Non mais ça va pas, non ?

Non mais ça va pas, non ? © Hergé-Moulinsart 2021

Ce sera chose faite avec Tintin en Amérique qui, bien que souffrant encore de moult défauts formels (aucun scénario véritable tout au long d’une longue poursuite surréaliste avec une poignée de gangsters), opère un virage étonnant vers une prise de conscience humaniste.

Comme dit plus haut, Hergé bouillonnait tellement du désir d’envoyer son héros aux USA qu’il préparait déjà le terrain dans Tintin Au Congo en incrustant la participation de quelques bandits au service d’Al Capone venus en Afrique pour y faire fructifier leurs intérêts ! Tintin en Amérique démarre ainsi sur les chapeaux de roues en se focalisant sur cette sous-intrigue, qui devient ici l’intrigue principale, comme si l’essentiel était enfin dévoilé, les aventures développées au Congo n’ayant été, en vérité, qu’un prologue à l’histoire proprement dite.

Welcome to Crime America…

Welcome to Crime America… © Hergé-Moulinsart 2021

Bien que l’ensemble souffre encore d’une foultitude de naïvetés, d’une narration antique et d’une mise en scène archaïque (les décors de la grande métropole de Chicago sont réduits à quelques murs et à quelques intérieurs dépouillés), Hergé commence à injecter dans son récit balbutiant d’étonnantes pointes de critique sociale et politique, la scène la plus emblématique demeurant celle où les indiens sont chassés de leur territoire par la force des baïonnettes lorsque l’on y découvre un gisement de pétrole !

and the heart of American dream…

and the heart of American dream… © Hergé-Moulinsart 2021

A moult reprises, Hergé, qui est manifestement entrain de revoir la notion de colonialisme sous un nouvel angle, critique sans ambages une Amérique industrielle et impérialiste du profit et des finances, dont l’envers du décor (la pègre et ses seigneurs du crime) fait partie intégrante de ses constituants fondamentaux et de son état d’esprit lucratif désincarné.
Soit la naissance d’un auteur à l’esprit engagé (22 ans à peine à ce moment-là), qui entame ici son véritable parcours vers un humanisme séminal et absolu.

Et si l’on critiquait la folie de la civilisation industrielle ?

Et si l’on critiquait la folie de la civilisation industrielle ? © Hergé-Moulinsart 2021

Comme beaucoup d’enfants de ma génération, j’ai découvert la bande-dessinée avec Tintin, Astérix et Lucky Luke (et Pif Gadget ). Et je me souviens que ma mère m’offrait régulièrement les albums de Tintin où il y avait des animaux parce que je les adorais ! Tintin Au Congo fut ainsi l’une de mes premières lectures et, du haut des mes sept ou huit ans, je ne voyais rien de ses défauts formels et de ses contre-valeurs. Il n’y avait, à l’époque, que la fascination pour la puissance imaginative de ce jeune auteur qui inventait alors tout un genre, celui de la grande aventure, simple, immaculée et purement divertissante, le tout porté par les adorables dessins de la ligne claire ; la fascination d’un enfant qui lisait la création d’un autre enfant, pur produit de son époque, qui n’avait pas encore pris conscience de ses responsabilités.

C’est aujourd’hui le principal intérêt de cette lecture : Il fallait tout inventer. Hergé l’a fait, et il a su dépasser, petit à petit, ses limites afin de progresser. Et c’est tout à son honneur d’avoir, avec une honnêteté intellectuelle remarquable, préservé les défauts éthiques de ses premières créations (malgré quelques atténuations) en toute connaissance de cause (comme s’il souhait ne pas les oublier) lorsqu’il les a refaites pour les besoins de leur version couleur.
Tintin Au Congo et Tintin en Amérique constituent ainsi une ébauche, maladroite, imparfaite, critiquable, mais essentielle dans la perspective de mettre toute une œuvre sous l’angle de la progression d’un auteur qui, parti de rien, a su opérer un travail sur lui-même, exigent et exclusif, afin d’atteindre une certaine idée de la perfection, formelle, fondamentale et humaniste. © Hergé-Moulinsart 2021

Au fait ! Y a aussi plein d’aventures avec des indiens et des gangsters !

Au fait ! Y a aussi plein d’aventures avec des indiens et des gangsters !

Au rayon des anecdotes et du détail particulier, quelques éléments méritent enfin le détour :
Pour commencer, notons la présence en toute rétro-continuité des Dupondt sur la première vignette de la version couleur de Tintin Au Congo (avec également Hergé et ses collaborateurs qui réclament un autographe à Tintin !). Un petit clin d’œil sympathique pour un duo de personnages très important qui fit, à l’origine, sa première apparition dans Les Cigares du Pharaons en 1932. Ce faisant, Hergé nous adresse un message discret : sachant qu’il fit rapidement évoluer les Dupondt afin qu’ils deviennent un véritable exutoire, endossant (pour soi-disant passer inaperçu) tous les stéréotypes les plus flagrants des pays visités, l’auteur nous confessait alors qu’il y avait un avant et un après cette prise de conscience…

De la rétro-continuité dans les aventures de Tintin…

De la rétro-continuité dans les aventures de Tintin… © Hergé-Moulinsart 2021

Enfin, dans Tintin en Amérique, le héros affronte Al Capone en personne (le gangster étant alors au faite de sa légende). Ce sera la première et la dernière fois dans toute la série qu’un personnage réel intègrera les aventures de Tintin. Par la suite, et bien qu’Hergé s’inspirera à maintes reprises de certaines célébrités, il n’y aura plus jamais autre chose que des purs personnages de fiction. Car l’essentiel est bien là : Tout ceci n’est que fiction imaginaire et pure création de l’esprit. L’un des esprits les plus brillants du XX° siècle…

Le Scarface et son double de papier… © Hergé-Moulinsart 2021 –  ©Wikipedia 

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Le Colonialisme, le massacre des animaux congolais, le scénario fourre-tout de Tintin en Amérique : tout est passé au crible de notre spécialiste Tornado qui continue malgré tout de trouver du charme à ces albums.

La BO du jour : On tue beaucoup de bestioles dans Tintin au Congo. Avec un air du tube sud-africain repris par Salvador

77 comments

  • Présence  

    Cool, je continue à m’instruire sur Tintin, sans avoir à faire d’efforts de recherche, avec un article sympathique. Merci Tornado.

    Tintin et Milou trucident éléphants, singes, rhinocéros et autres antilopes. – C’est rigolo parce que je n’ai jamais pris cette scène au sérieux. Je n’y ai jamais vu qu’un gag, sous la forme d’une exagération pour rire, dans une description globale naïve qui montre bien qu’on est dans le domaine de la vue de l’esprit (ou plutôt d’une imagination éloignée de la réalité) que dans un reportage factuel. Ton article montre bien qu’il s’agit d’ailleurs de cela : un récit d’aventures avant toute chose, sans conscience de ses a priori politiques.

    Je reste impressionné par le fait qu’Hergé ait ainsi repris tous ses premiers albums de fond en comble, quel travail !

    En le voyant écrit noir sur blanc (ou sur un gris entre clair et foncé), je me rends compte que cette présentation du capitalisme écrasant tout sur son passage était effectivement bien tournée, et reste toujours d’actualité. En commentant ces albums par ordre chronologique, tu fais bien apparaître la maturation de la conscience sociale d’Hergé entre ces 2 albums. C’est édifiant et impressionnant.

    • Tornado  

      C’est amusant ce que tu dis. Car je prenais aussi ce massacre d’animaux pour un gag quand j’étais petit. Et là, en relisant l’album bien des années après ma dernière lecture en date, j’ai trouvé ces séquences édifiantes. J’ai l’impression qu’il a dû se passer quelque chose dans l’inconscient collectif entretemps !

  • Matt  

    Article passionnant qui se dévore.
    Je ne savais pas tout ça. Les efforts d’Hergé pour reprendre ses albums, les modifications, etc.
    Je me souviens bien de Tintin au Congo. Gamin je n’avais pas forcément été choqué par l’aspect des noirs non plus, mais le massacre des animaux m’avait paru cruel.
    Il y a juste un truc que j’avais pris pour un gag. Le coup du serpent qui avale…euh…Milou je crois ? Et les pattes qui passent à travers le serpent (oui bon c’est un peu gore, mais je crois que le serpent s’étonne d’avoir des pattes) Pour le coup ça faisait très cartoon.
    Les éléphant tués, le rhino explosé et le singe dépecé par contre…

    Tiens tu as des aventures préférées de Tintin ? Ou tu les aimes toutes autant comme un « tout » indissociable ?
    Le dessin animé était bien aussi. Même s’il n’est plus vraiment question du travail d’Hergé.

    • Tornado  

      Bien sûr que j’ai des albums que je préfère :
      – Les 7 Boules de Cristal et Le Temple du Soleil
      – Tintin Au Tibet
      – Les Bijoux de la Castafiore
      – Objectif Lune
      – Vol 714 Pour Sidney.

      Quand j’étais gamin mes préférés étaient :
      – Les Cigares du Pharaon
      – L’Île Noire
      – Le Secret de la Licorne et Le Trésor de Rackham le Rouge
      – Tintin au Congo et Tintin en Amérique

      Aujourd’hui, j’aime vraiment tous les albums de Tintin à partir de l’arrivée du Capitaine Haddock. Et ceux que j’aime le moins, en dehors des trois premiers (Soviets/Congo/Amérique), sont encore ceux que j’aimais le moins lorsque j’étais enfant :
      – Le Lotus Bleu
      – L’Oreille Cassée
      – Le Sceptre d’Ottokar
      Je vous expliquerez pourquoi dans les articles idoines… (Bien qu’il n’y aura pas d’autre article sur Le Sceptre d’Ottokar, celui de JP étant tout simplement impeccable)

      • Matt  

        ça fait un bail que je n’ai pas relu le dyptique du temple du soleil.
        Mais mes préférés sont le secret de la licorne/trésor de rackam
        Ainsi que le dyptique objectif lune.

        Gamin j’adorais aussi l’ile noire…juste pour le gorille.^^
        Et Haddock est le meilleur personnage !

  • Bruce lit  

    Superbe Tornado ! Je suis admiratif de la concision de ton article. C’est clair, net et précis.
    J’ai connu la bio de Hergé par coeur il y a 15 ans via les bouquins de Peeters, Sadoul et Tisseron. Mais faute de révision, je ne pourrais plus la ramener hélas.
    Concernant le colonialisme, n’ayant pas lu la VO, celle qui demeure ne me choque pas tant que ça. Les congolais y sont montrés comme un peuple accueillant, bienveillants, naïfs certes, mais un peu lunaires et gentils. Soit le tempérament de beaucoup d’Africains de ma connaissance. Quand on sait les génocides et les carnages qui auront lieu par la suite au Congo, on ne peut pas hurler à la cruauté d’Hergé. Il y a pire comme caricature. En revoyant Kirikou l’autre fois avec ma fille, j’y retrouvé un peu du Congo chez Ocelot.
    Hergé se montrera quand même moins sympa avec les Japonais du Lotus Bleu…
    Il y a des séquences que j’aime beaucoup dans le Congo: la séquence du train où on l’on est proche du Douanier Rousseau tellement c’est naïf et bon enfant, oui. La séquence de la chasse à l’antilope est très drôle aussi. Je crois me souvenir que c’est tiré de Joseph Kessel ou Alphonse Daudet, je sais plus.
    J’aime bien aussi la séquence du Leopard qui attaque la mission, où les animaux sauvages comme les serpents sont plus bêtes que vraiment méchants.
    La séquence la plus cruelle reste à mes yeux celle où Tintin abat un singe de sang froid et l’éviscère (!) pour récupérer Milou : Du Walking Dead avant l’heure ! Faire exploser un rhino à la dynamite, même les ordures qui ont abattu celui de Thoiry le mois dernier n’y penserait pas….
    Il faut comme tu l’expliques si bien voir le congo comme un témoignage d’une autre vie : celle où la vie de nos animaux sauvages ne valaient pas tripettes et qu’il était acquis que la nature, l’afrique et les africains étaient acquis à l’homme blanc.

    Je trouve comme toi, que l’on fait beaucoup chier Hergé qui aurait pu finalement faire une rétrocontinuité bidon en se donnant le beau rôle. Si chacun d’entre nous pourrions vieillir comme lui, plus humains, plus bienveillants envers les autres, il y aurait quand même moins d’emmerdes….

    L’Amerique : je l’aime bien. Sans plus. Je trouve que l’expropriation des Indiens se fait un peu rapidement sans plus d’empathie envers eux. Vu que la plupart des séquences, les Indiens sont pour le coup représentés comme de gros cons agressifs et belliqueux. Il y a aura plus de nuances pour ceux du Temple du Soleil. Je trouve que la dernière partie est plus réussie que la première avec les rançons, les prises d’otages et la séquence de l’usine.

    C’est effectivement un auteur in progress qui écrit et s’écrit au fur et à mesure des pages. J’aime beaucoup Tintin, même si pour moi la série ne décolle vraiment qu’avec l’arrivée de Haddock.

    Je n’ai pas compris ta phrase avec les Dupondt.

    • Tornado  

      Ah mince, j’espérais que ce fusse compréhensible. J’en parlais davantage dans l’article que j’avais écrit pour les premiers jours du blog sur l’humanisme d’Hergé : Les Dupontd ont servi à Hergé à condenser toutes ses erreurs passées en revêtant les oripeaux de tous les pays visités (ils se déguisent avec les habits traditionnels pour passer inaperçus, ce qui bien sûr leur procure l’effet inverse !). Ainsi, ils permettent à Hergé de se débarrasser des clichés et des erreurs d’antan.
      En mettant les Dupontd au début du Congo de manière rétro-continue pour l’occasion de la version couleur, j’ai l’impression qu’Hergé nous adresse un clin d’oeil : « Regardez : C’était l’époque où je n’avais pas encore inventé les Dupontd, pas encore pris conscience de mes erreurs. Mais à présent, c’est différent. Il y a un avant et un après les Dupondt ! »

  • Lone Sloane  

    Tout comme toi, deux albums fondateurs de ma conscience et de mon imaginaire.
    Et, Tintin en Amérique en tête, ce sont les deux meilleurs ventes de la série. Malgré leurs imperfections formelles et la polémique sur le racisme et les réflexes coloniaux d’Hergé, et grâce au travail nécessaire sur le format original et la relecture d’un homme et artiste qui a évolué, ces deux BD sont des portes sur un imaginaire fécond et une vision du monde critique (le capitalisme en prend plus pour son grade que le bolchévisme contemporain) pour les lecteurs de 7 à ….
    Un autre personnage majeur des aventures de Tintin apparait à la fin d’en Amérique, lors du banquet d’adieu de notre reporter préféré, à sa gauche se trouve le cupide, malfaisant et pitoyable Rastapopoulos.

    • Tornado  

      Et bien tu m’en apprends une bonne car je n’avais jamais remarqué la présence de Rastapoup. Je regarderais en rentrant à la maison ! 🙂

  • Serge  

    Dans la vignette noire et blanc où Tintin part au Congo il y a aussi Quick et Flupke au centre devant….

    Ils y sont aussi sur la deuxième Version… Quick de dos à gauche et Flupke de face deuxième à droite de Tintin

    • Tornado  

      Oui, c’est vrai. Quant aux adultes, ce sont Hergé, E.P. Jacobs (au milieu) et Jacques van Melkebeke (à droite).

      Tiens, quelqu’un connait ce machin, là, « Tintin à poil au Congo » (une version de Tintin au Congo ou Tintin est à poil tout du long) ? C’est quoi ce délire ? Y a vraiment un truc à comprendre ? Le héros ne garde que les attributs du colonialisme, c’est ça ?
      Ça sent quand même la critique nauséabonde où l’on s’évertue à prétendre qu’Hergé était un mec ambigü. Et ça, ça m’exaspère…

      http://tintinaucongoapoil.tumblr.com/

      • Matt  

        Oui bah tu sais il existe une BD naze de cul « la vie sexuelle de tintin » aussi…dans laquelle il est sur le point de se faire Milou sur la couverture.
        Eh, je dis pas que j’ai jamais jeté un oeil à une BD értique (j’ai même fait un article dessus) mais ce genre de parodie à la con vulgaire, non merci.

  • Tornado  

    Ce n’est pas le côté érotique que je critique, mais l’acharnement aveugle sur Hergé de gens qui n’y connaissent rien, qui n’ont sans doute jamais rien lu de son oeuvre et qui, sous couvert de bienpensance, bafouent son oeuvre et son parcours sans prendre en considération les notions de contexte et surtout son travail de rédemption exemplaire.
    Tiens, un exemple :

    http://dago.over-blog.net/article-10756078.html

    • Matt  

      Ah ouais quand même.
      D’un côté je ne prétends pas avoir connu Hergé. Ce que tu dis dans ton article par exemple, tu le sais de source sûre ?
      Certains trucs qu’on lui reproche sont peut être difficiles à réfuter en l’absence d’infos fiables, mais ce que je retiens c’est que c’est difficile aussi de les prouver. ça sent un peu la mauvaise foi dans ton lien parce que bon…si j’ai un jour bossé pour un patron fasciste, suis-je fasciste pour autant ? Tiens mon précédent patron voici sur quoi on tombe quand on fait une recherche google :

      http://www.leparisien.fr/grenoble-38000/l-ancien-ministre-christian-nucci-doit-encore-2-9-millions-d-euros-a-l-etat-25-06-2013-2930019.php

      Suis-je pour autant lié à ses manigances ? Non. Certes je n’étais même pas né, mais même en dehors de ça, je n’étais pas mêlé à sa politique dans mon boulot.

      • Tornado  

        Tous les tintinophiles le savent : Hergé a bossé pour le journal Le Soir lorsque ce dernier a été repris par les allemands dans les années 40 afin de pouvoir continuer à publier Tintin (« Le Crabe Aux Pinces d’Or » qui, soit dit en passant, ne contient strictement aucun message de propagande, bien au contraire). Le fait qu’il ait voulu continuer à bosser (de son côté, sans faire quoique ce soit de préjudiciable) pour pouvoir bouffer, c’était ça, être collabo ???
        Par la suite, Hergé a pris conscience de ses responsabilités d’auteur de manière croissante. On était en 1945. La Shoah venait juste de se dérouler, et personne du grand public ne le savait. Il a fallu des décennies avant que le monde ne prenne conscience de la gravité du génocide. Et on traite Hergé de nazi parce qu’il a publié une BD innocente dans un journal dirigé par l’occupant pour pouvoir nourrir sa famille ? C’est une blague ???

        Tout le reste de sa vie, Hergé a pris part pour les faibles et les laissés pour compte. L’abruti qui tient le blog dont j’ai fourni le lien plus haut prétend qu’Hergé n’a rien fait pour se dresser contre l’ennemi. Non mais quel con ! Hergé a fait ce que tous les écrivains et les artistes ont toujours fait : Il a lutté par son art. Etait-il un soldat ou un mercenaire ? Etait-il journaliste d’investigation ou terroriste ? Non. C’était un auteur de BD. Alors il a fait ce qu’il savait faire le mieux, il a fait de la BD. Il l’a d’ailleurs si bien fait qu’il l’a quasiment inventée sous sa forme moderne, et il y a injecté son propre combat contre le mal, à sa manière d’auteur de BD.
        Les gens qui le traitent de nazis sont des crétins qui n’y comprennent rien. Ils feraient mieux de lire Tintin, au lieu de raconter leur conneries…

        • Bruce lit  

          Et désormais, on lui fait des audiences grâce à ton lien Tornado…

        • Bruce lit  

          C’est d’autant plus idiot que si l’on pense à Céline (dont Hergé vénérait le talent), nous avons quand même un écrivain qui n’a jamais éprouvé la moindre repentance de son antisémitisme après la Shoah tandis qu’inversement Hergé est traîné dans la merde…
          Un jour peut-être faudra t’il aussi attaquer Coluche et Desproges qui ont multiplié eux aussi les blagues douteuses en leur temps…

          • Matt & Maticien  

            Céline n’est pas en odeur de sainteté non plus (et avec raison dès que l’on évoque autre chose que son don littéraire )

        • Matt  

          C’est la nouvelle mode de trouver des polémiques et de pointer du doigt les gens de toutes façons. Surtout les auteurs.
          Cette couverture de batgirl qui ferait l’apologie du viol :

          http://www.journaldugeek.com/files/2015/03/notthekilling-joke.jpg

          Astérix qui serait une BD raciste

          Oui aussi Coluche qui serait raciste alors que le mec a fait plus pour les gens que tous ces moralisateurs du dimanche qui cherchent à reprocher des trucs pour se donner des airs de défenseurs de quelque chose.

        • Matt  

          tiens ça me rappelle aussi un article que j’ai lu sur un blog américain ou le mec se moquait d’une ancienne star du porno qui avait des problèmes pour refaire sa vie en disant qu’elle l’avait bien cherché, que c’était marrant de la voir essayer de faire un vrai boulot sans écarter les jambes. Tout ça parce que le porno c’est caca. Et croyez bien que je ne défends pas une industrie qui profite de plein de gens, mais ça veut pas dire que tous les gens qui bossent dedans sont de mauvaises personnes qui méritent d’en chier après !

          Ouais, le net c’est super pour des échanges comme ceux qu’on trouve ici mais ça permet aussi à beaucoup de partager leur connerie.
          Par contre c’était marrant il s’en prenait plein la gueule dans les commentaires l’auteur.

  • Laetitia  

    Hier Jean-Jacques Goldman, aujourd’hui Tintin… Bruce, dis-moi, je serai fort : tu m’en veux ? Vous le savez, Tintin ne fait pas du tout partie de ma cosmologie, et j’ai beau avoir tenté et retenter, ce n’est pas pour moi. Gamin, mon album préféré, et de loin, était les Bijoux de la Castafiore, et j’imagine que ça n’a pas changé. J’ai relu le Sceptre d’Ottokar suite à l’article de JP, et Tintin au Tibet, et décidément, je n’ai jamais aimé ces péripéties, cette dynamique de slapstick movie (Laurel et Hardy, Chaplin, Buster Keaton…), ce manque flagrant de personnage féminin, ce personnage lisse comme une chanson de lancement des Enfoirés, ces méchants sans consistance… Bref, heureusement qu’il y a Tryphon, Haddock, les Dupondt, la boucherie Sanzot, la Castafiore, sans ça, je ne crois pas que j’aurai pu lire les albums jusqu’au bout. Vol 714 pour Sydney aussi était parmi mes préférés. J’ai relu l’Oreille cassée il y a quelques années et j’avais été très étonné de la partie centrale, où Tintin est bras droit de dictateur en Amérique du Sud, un peu comme Spirou et Fantasion dans Le dictateur et le champignon. C’était bien vu, n’avait rien à voir avec l’histoire de la statuette de départ, et assez marrant.

    Je veux bien croire, Tornado, que ces albums au Congo et en Amérique, sont fondateurs, mais alors, pourquoi les refaire malgré leurs évidentes lacunes, même 15 ans plus tard ? Pourquoi excuser Hergé à 21 ans mais ne pas pointer du doigt qu’il les a refaits à 37 ? Pourquoi absolument vouloir excuser cet auteur ? Personnellement je me fiche royalement de Hergé, il ne fait et ne fera jamais partie de mes héros, et je suis convaincu que ce gars a fait énormément pour l’art en général et qu’il a soudainement pris conscience du mal qu’il avait pu faire, qu’il a ouvert les yeux pour se tourner vers une vision humaniste (et on le voit assez clairement dans Tintin au Tibet). C’est super, mais ça ne m’intéresse pas du tout. Même si ton article, lui, m’intéresse, pour la démarche, pour ton attachement, pour remettre les pendules à l’heure. Merci donc pour ma culture, mais jamais je ne serai un amoureux de Hergé et de Tintin.

  • Jyrille  

    Oups… j’ai signé avec le nom de ma femme ^^ USURPATION !

    • Jyrille  

      Oui, et un autre parallèle avec l’article d’hier est possible, mais il m’échappe pour le moment… ça va me revenir…

      • Jyrille  

        En tout cas bien vu Omac ! 😀

        • Bruce lit  

          Moi qui étais content d’avoir Laeticia en lectrice récurrente….

      • Jyrille  

        Désolé Bruce… il faudrait que tu fasses un article sur Renaud ou Mélenchon…

        • Bruce lit  

          Melenchon : l’attaque des clones. Oui, ça peut se faire. Quand à Renaud, c’est très jouable.

    • Matt & Maticien  

      Ha ha excellent ! Très drôle 😉

  • Tornado  

    Je trouve au contraire, comme dit dans l’article, que le fait d’avoir accepté de refaire ces albums (sous la demande de son éditeur et du public) et donc de les assumer, est un acte remarquable. Hergé n’a jamais renié ses erreurs. Il les a assumées et a tout fait ensuite pour accéder à la rédemption.
    Et sur un point je ne suis pas d’accord : Les années 30 et même les années 40, dans un monde qui n’avait pas encore connu la Shoah, un tout jeune homme qui fait de la BD, art encore balbutiant, juste pour gagner sa vie au départ, sans avoir conscience de son succès en devenir et de ses responsabilités, c’est un contexte très différent par rapport à notre monde contemporain. Contexte qui le dédouane complètement des erreurs en question étant donné qu’ensuite il les corrige, s’améliore en profondeur sans chercher à effacer son passé. Je trouve ça au contraire remarquable.
    J’aurais bien voulu nous y voir, tous, à l’époque. C’était un contexte quasi-obscurantiste en matière de déontologie. On fait une grave erreur si on refuse d’en prendre conscience et que l’on voit tout en noir et blanc, comme s’il y avait des méchants et des gentils à ce niveau.
    Les futurs articles sur les albums suivants démontreront, j’espère, à quel point on ne peut nier la pureté et la profondeur de son évolution.

    • Jyrille  

      Je me répète : je suis convaincu par ton texte. Mais cela ne m’intéresse pas vraiment. C’est peut-être remarquable, mais cela ne me rend pas Tintin et ses aventures éblouissantes pour autant.

    • Matt  

      Ah tiens je vois un peu ce que Jyrille veut dire. ça rejoint ce que je disais sur l’article sur les soviets.
      Je ne connais pas l’histoire d’Hergé, pour moi ses BD sont juste…des BD d’aventures. Ce sur quoi tu avais dit « hôla attends, tu vas voir on va parler de tout ça, c’est bien plus ! »
      L’histoire de cet auteur m’intéresse dans tes articles mais il est vrai aussi que je n’aurais pas spontanément cherché à savoir tout ça sans suivre le blog. Du coup ses BD seraient en effet juste restées…des BD…qu’on peut aimer ou pas.

      Et c’est vrai que ça manque de filles. Chez E.P Jacob aussi d’ailleurs. Une raison à cela à l’époque ?

  • Jyrille  

    Bon je sens bien que je suis minoritaire ici et que mon intervention première était un peu trop violente, je vais donc tenter d’expliquer ce qui m’agace : je ne saisis pas, malgré tous ces efforts louables et argumentés, le statut de Hergé. Et alors que je suis le premier à dire qu’il ne faut pas s’attacher à la pensée générale, que cela est indépendant de l’oeuvre, le statut quasi-divin et intouchable de Hergé m’insupporte. Je déteste la gestion de son patrimoine faite par des ayants-droits tout puissants prêts à dégainer les avocats à la moindre entorse, comme si Hergé et Tintin étaient au-dessus de tout et non pas ce qu’il se doivent de rester : des personnages publics, générateurs de joie, de rêve et de partage, qui appartiennent à tous car ils sont populaires, car ils sont des héros, pour tout le monde, de 7 à 77 ans nous dit-on. Or j’ai l’impression qu’au contraire, Tintin est un palais infranchissable où ne nous sommes pas conviés. Je sens, au travers de tes explications, que Hergé n’aurait sans doute pas voulu être ainsi porté aux nues (mais je ne le sais pas du tout en fait). Chez les fans, c’est pire. Impossible de leur parler de toute façon (pas tous bien sûr, mais je suis sûr que vous voyez desquels je veux parler).

    Alors que moi, dès huit ans, je n’aimais pas Tintin. Et encore maintenant, j’ai l’impression que je suis un attardé pour ne pas comprendre la beauté et l’universalité d’une oeuvre qui ne m’a jamais touché, j’ai la sensation que je dois m’excuser de ne pas aimer. Et ça m’énerve.

  • Marti  

    Je n’ai jamais lu Tintin au Congo dans aucune de ses deux versions. Je suis assez étonné devant le décalage entre chacune d’entre elles, je ne savais que le travail avait aussi profond jusque dans les dessins !

    Grand amateur du dessin animé dans mon enfance (ah les diffusions sur France 3 le soir, quasiment tout le monde la suivait quand j’étais en… moyenne section de maternelle !), je n’ai pourtant jamais lu qu’un seul album : Tintin en Amérique, que j’avais eu en cadeau. Alors que je dévorais les Astérix et Gaston vers mes 10 ans, je n’étais plus attiré par Tintin, soit parce que je l’associais à ma petite enfance, soit que je préférais tout simplement le ton et le graphisme des BD plus « comiques », sans compter la plus-valu historique dans Astérix (qui n’est pas étranger à la profession que j’exerce aujourd’hui) ou inventivité des gags de Gaston (pour le coup, lui il représenterait plutôt certains de mes élèves, jamais avares de stratagèmes pour en faire le moins possible !).

    La lecture de Tintin en Amérique m’avait marqué par les différences entre cette version et celle du dessin animé, dont il s’agit d’ailleurs d’une des deux aventures tenant sur un épisode uniquement (l’autre étant L’étoile mystérieuse si je ne m’abuse). La plus grande différence reste l’absence des Indiens (qui occupent pourtant la couverture !) et Al Capone n’y est pas nommé. Revoir l’image des Indiens qui se font virer fissa m’a fait remonter par mal de souvenirs, cette page m’ayant beaucoup marqué à l’époque (je devais avoir entre 10 et 12 ans je pense), et je me demande si elle ne m’a pas influencé dans certaines de mes opinions de préadolescent assez vite politisé (enfin, avec tout l’idéalisme qui accompagne cette âge-là !).

  • Tornado  

    Je ne pensais pas un instant qu’Hergé et Tintin soient à ce point anecdotiques pour une large part des copains qui viennent débattre ici (et je dis ça sans aucun jugement)i.
    Pour moi, Hergé est l’équivalent d’un Chaplin, d’un Miyasaki ou d’un Spielberg. C’est un génie qui a construit une oeuvre tautologique (où tout n’est pas égal) qui est indissociable de son auteur, de son parcours et de son évolution. Et en même temps une oeuvre unique en soi, avec ses thèmes, sa personnalité et la part intrinsèque du côté autobiographique de son géniteur qui apparait en transparence au gré de son évolution.
    A partir de là, effectivement, on peut parfaitement accepter que ce ne soit pas simplement la création d’un ou de plusieurs personnages qui vivent des récits d’aventures. C’est une oeuvre qui n’appartient qu’à un seul homme.
    C’est un peu comme imaginer que le répertoire musical de Jacques Brel puisse être repris par un autre chanteur. Non. Ce ne serait pas du Brel. Pas la même voix, pas la même intensité, pas la même couleur. Pas le même vécu.
    Partant de là, effectivement, on peut accepter que la série « Tintin » soit devenue d’une certaine manière un objet de culte. Et comme tout objet de culte, ceux qui n’y sont pas baignés se sentent exclus et c’est agaçant pour eux. Mais franchement, quand on embrasse l’oeuvre, qu’on la comprend en profondeur (en toute modestie), l’auteur et son oeuvre, qui ne font qu’un, atteignent un niveau de jugement qui échappe aux critiques habituelles. Il faut creuser.
    Mais on a évidemment le droit de ne pas aimer.

    • Jyrille  

      Je viens de relire les 7 boules de cristal, c’est un des plus plaisants. Mais rien d’extraordinaire malgré toutes les qualités : sens du gag et de la séquence, scénario sans faille et personnages attachants.

      Il existe pas mal de reprises de Brel. La plupart sont nulles mais certaines sont splendides, notamment celle de Noir Désir qui reprend Ces gens-là, que ce soit en live ou en studio. Je ne pense pas que l’oeuvre d’un artiste lui appartienne. Dès qu’elle est diffusée, elle est à ceux qui l’écoutent, ceux qui la lisent, ceux qui la regardent. Et souvent, les fans, les fondus, ceux qui écoutent encore et encore, la connaissent mieux que leur propre auteur : après des jours et des mois passés en studio, les tournées à rallonge, les musiciens n’écoutent pas souvent leurs propres disques.

      Quant aux auteurs de bd, de la même façon, je pense qu’ils ne relisent pas souvent leurs propres bds, ayant passé un temps non négligeable dessus. Alan Moore a sans doute moins lu Watchmen que moi-même.

      De la même façon, toute oeuvre est forcément la vision de quelqu’un. Je ne parle pas de personnages (James Bond, Spirou, Frankenstein, Dracula, Jésus), mais bien de création : que ce soit un son particulier (celui de Queen ou de Kraftwerk, de Michael Jackson ou de Prince) ou un ton, un ensemble de critères propres à son auteur (le style Desproges, le style Flaubert, le style Brett Easton Ellis), toutes les oeuvres portent forcément l’empreinte de leur auteur. C’est encore plus flagrant en musique, lorsque tu écoutes la discographie d’un groupe ou d’un(e) artiste dans l’ordre chronologique.

      Je ne vois vraiment pas en quoi Tintin échappe à ce point à tout ce que je viens d’énumérer, en quoi il serait supérieur aux autres bds, aux autres oeuvres. La seule chose, peut-être, est qu’il est arrivé un peu avant la grande vague de bds franco-belge. C’est tout.

  • JP Nguyen  

    Enfant, j’aimais bien Tintin en Amérique. C’était bourré d’action (du moins, dans mon souvenir) et quelques temps après, lorsqu’on m’offrirait les bijoux de la Castafiore, j’étais fort déçu par un récit beaucoup plus calme (mais beaucoup plus drôle, mais ça je ne m’en rendais pas compte, à 10 ans…).
    Hergé n’est pas une de mes vaches sacrées (d’ailleurs je n’en ai pas… même Frank Miller, dont j’affectionne beaucoup certaines oeuvres, n’est pas trop défendable sur d’autres…). Du coup, je peux comprendre le relatif agacement de Jyrille. Cependant, il me semble que Tornado, dans cet article, reste objectif et opère une mise en perspective du contexte de réalisation de ces BD et de la démarche d’Hergé, revenant sur des oeuvres de jeunesse pour les améliorer tout en assumant certaines erreurs.

  • Matt  

    Là ou je rejoins un peu Jyrille c’est sur cette idée de supériorité. Je ne suis pas vraiment d’accord avec le fait qu’une BD puisse échapper aux critiques classiques.

    Un mec qui découvrirait Tintin aujourd’hui en lisant quelques tomes…et qui dirait ne pas aimer à cause de l’aspect vieillot, du personnage fade, etc…et bien qu’on lui dise « houlà ça va pas non ? C’est l’œuvre d’un génie, tu ne peux pas critiquer ça de manière si anecdotique. Tu as besoin de savoir tout le parcours d’Hergé pour juger », bah…je ne suis pas d’accord.
    Personne ne critique l’article de Tornado qui est très bien. Mais je comprends que cet aspect « intouchable » soit chiant. Il y a respecter le boulot effectué, reconnaître le statut de pionnier de la BD de Hergé…et porter un jugement sur les BD en elles-mêmes. C’est différent.
    Si Stan Lee avait eu un tel parcours, ses scénarios seraient-il devenus meilleurs ?
    Les comics old school mal foutus seraient-ils devenus intouchables si leurs auteurs avaient fait des récits de propagande puis assumé leurs erreurs courageusement comme Hergé ?

    Je veux juste dire que sur le fond et la forme de la BD, la narration, les idées, le dessin…y’a pas de raison que le parcours de l’auteur entre dans les critères de la critique.

    • Marti  

      Mais Stan Lee a fait des récits de propagande : ses Captain America des 50’s sont bourrés d’anticommunisme primaire et de racisme envers les Asiatiques ! Mais lui a eu une solution plus radicale qu’Hergé : on ignore tout, on ne mentionne plus rien et on ramène un Captain America endormi depuis les derniers temps de la guerre, histoire d’invalider toutes les histoires de la période du McCarthisme

      • Marti  

        ni vu ni connu, puisque ce sont d’autres qui ont ensuite « réparé » la continuité.

  • Matt & Maticien  

    Personne n’a trop rebondi sur le fait qu’ Hergé avait fait travaillé Jacobs. Pour moi c’est un scoop!

    • Marti  

      Il a d’ailleurs appris à respecter à la lettre les règles de la ligne clair lorsqu’il bossait sur les albums d’Hergé pour mieux les détourner ensuite ! C’est fou de se dire qu’il existe peut-être quelques pars certaines versions alternatives des albums suivant les assistants qui ont bossé dessus, vivement qu’un jour tout ça tombe dans le domaine public (enfin, je ne sais pas si même les plus jeunes d’entre nous le verront) pour que certaines choses soient présentées au grand public !

      • Tornado  

        L’album de Tintin où Jacobs a le plus bossé est « Le Sceptre d’Ottokar » dans sa version couleur. Il y a quasiment tout redessiné, y compris les superbes décors (et certains personnages ressemblent beaucoup à ceux de Blake & Mortimer). A tel point que Jacobs demandera à ce que son nom figure sur l’album. Cette velléité de reconnaissance marquera hélas la fin de sa collaboration avec Hergé…

        • Matt  

          Parce que Hergé était opposé à ce que le nom de Jacobs apparaisse ? ça me parait raisonnable comme demande quand même s’il a tout redessiné.
          Ah là là c’est dommage ces embrouilles à la con entre auteurs.

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