Les maux bleus (Chaque jour Dracula)

Chaque jour Dracula par Loic Clément et Clément Lefèvre + Interview

Entretien avec un petit vampire

Entretien avec un petit vampire  ©DELCOURT

Une succion de   BRUCE LIT

VF : Delcourt

Chaque jour Dracula est une bande dessinée d’une trentaine de pages illustrée par Clément Lefèvre et scénarisée par Loic Clément.  Inspirée de faits réel, il s’agit d’une histoire à visée éducative sur le harcèlement scolaire et son effet sur les enfants.    

Vous trouverez juste après la review l’interview de Loïc Clément faîte quelques jours avant la sortie de l’album agrémentée de dessins inédits de Clément Lefèvre fournis en exclusivité pour le blog.

Comme à mon habitude, vos trouverez quelques spoils dans l’article. C’est pas grave, il faut juste s’habituer à ce que ces processus se sussent. 

L’histoire commence avec un jeune Dracula à notre époque. Il dort dans un petit lit en forme de cercueil, enfile pour aller à l’école son caleçon Batman où il obtient de très bons résultats auprès de sa maîtresse Madame Stoker. Tout irait pour le mieux dans le plus gothique des mondes si à chacune de ses récréations, une bande de petits cons ne venait le harceler.

Une maîtresse nommée Stoker

Une maîtresse nommée Stoker  ©DELCOURT

Dans cette version de Dracula, le petit garçon est pacifique, orphelin de mère avec un papa végétarien. A aucun moment, il ne lui vient l’idée d’utiliser ses capacités paranormales pour drainer ses persécuteurs de leur mauvais sang.

Pollué par mes super-héros stéroïdés j’avoue avoir été partagé sur l’accueil à donner à ce petit Dracula.  Le geek en moi ne comprenait pas l’intérêt de mettre en scène un vilain qui subirait sans riposter les affronts de ses camarades si ce n’est pour justifier sa vilenie ultérieure. Dracula, malgré toute sa classe n’est pas le plus sympathique des vilains. A vrai dire, son image est souvent utilisée pour illustrer la perversion en psychanalyse. Un Frankenstein, éternellement craint et incompris comme Hulk n’eut pas été plus judicieux ?

Les amoureux de la Hammer se sentiront chez eux

Les amoureux de la Hammer se taperont l’affiche©DELCOURT

Mais le travailleur social en moi ne pouvait résister à l’envie de lire le traitement de ce sujet qui parlera à chacun de nous : des humiliations des professeurs comme première violence des institutions envers les enfants dont The Wall se fit le champion, à la victime devenant bourreau (Carrie) en passant par le meurtre d’enfants revenus à l’état sauvage (Sa majesté des mouches), la culture populaire rengorge de cet enfer que peut devenir l’enfance, un âge où l’école se transforme en prison.

Le harcèlement dénoncé par nos deux Clément est nettement moins spectaculaire, plus proche de l’infiniment petit de nos vies quotidiennes que ce soit la petitesse des attaques des gamins qui font de Dracula leur tête de Turc (une excellente saillie du scénariste) en se moquant de son accent roumain, de sa pâleur, de ses habitudes alimentaires ou de ses origines. Cet infiniment petit va de pair avec le rétrécissement de l’estime de soi  où la petite victime en vient à se sentir responsable de ce qu’il subit.

Tempête sous un crâne

Tempête sous un crâne©DELCOURT

Ici intervient la subtilité des auteurs. Tout d’abord le ton sait rester concerné sans être dans le pathos. L’album rengorge d’adorables clin d’oeil à la culture vampirique que Clément et Lefevre maîtrisent et qui désamorcent la tension qu’un adulte peut ressentir face à la souffrance d’un enfant impuissant.  Le symbolique y a notamment une place très forte.  Le petit Dracula ne va pas résoudre ses problèmes avec ses poings ou ses superpouvoirs mais avec la mise en mots de ce qu’il traverse. A la violence qu’il subit quotidiennement, Dracula va devoir en affronter une autre : se faire violence pour s’ouvrir à son père et retrouver confiance en lui.

Louons également l’intelligence des auteurs de montrer un père sensible à l’écoute de son enfant qui crie de colère seul dans le ciel avant de se calmer et d’élaborer avec son enfant une stratégie pour déstabiliser ses oppresseurs : être lui-même; un conseil que chaque victime de violence doit appliquer pour se défaire de l’emprise de l’autre et contre attaquer en transformant ses faiblesses en forces.

Papa Dracula préfère sennerver loin de on fils

Papa Dracula préfère s’énerver loin de son fils©DELCOURT

C’est ici que la figure de Dracula devient pertinente : le petit vampire va symboliquement se nourrir de l’autre pour devenir lui-même. Ses jeunes lecteurs vont pourvoir s’identifier à ce petit garçon qui pourrait mal tourner du fait de son hérédité familiale mais dont la plus grande victoire est de prendre de la hauteur pour ne pas s’écraser dans le repli sur soi.

A ce titre la couverture de  Clément Lefèvre est une très belle composition. Notre petit héros la prend, cette hauteur. Il s’élève au dessus de ses persécuteurs, il reste dans l’enceinte fermée de son école sans y être pour autant prisonnier.  Il sourit, complice de son lecteur en montrant du doigt son trio de bourreaux : voici un message d’espoir, ses ennemis ne peuvent plus le voir ou l’atteindre. Ce sont eux qui semblent désormais en situation de fuite.

Tout au long de l’album, le lecteur est pris dans la douceur ouatée des dessins de Clément Lefèvre, aussi chaleureuse qu’un câlin à en enfant en pleurs. De l’apparence de son héros suscitant l’immédiate empathie de son lecteur, à la composition des cadres, tout est grâce dans son dessin. Quant à Loïc Clément son écriture accompagne pas à pas son jeune héros. On le sent investi par son sujet, inquiet des effets de cette souffrance silencieuse et à l’affût de chaque symptôme  pour mieux les contrer. Un album tendre, porteur d’espoir face au vents pires que nos enfants auront à affronter.

Entretien avec un petit vampire

Une très belle composition©DELCOURT

Interview Loïc Clément

Peux-tu te présenter à nos lecteurs ?

Je m’appelle Loïc Clément et je suis passionné de bande dessinée au sens (très) large mais également passionné de cinéma et de jeux vidéo. J’écris des livres depuis quelques années, principalement des bds mais aussi des romans ou des albums jeunesse. Je vis en Bretagne dans un coin de paradis, avec ma famille.

Chaque jour Dracula est basé sur des faits réels.  Pourquoi cette histoire t’a touché ?

Cette histoire aborde la thématique du harcèlement scolaire, un phénomène en effet bien réel. Une thématique qui me tenait à cœur car d’une part, lorsque j’étais plus jeune j’ai subi ce genre de comportement de la part d’un garçon (depuis je donne son prénom aux personnages mauvais dans mes histoires), mais aussi j’ai rencontré plusieurs cas plus ou moins proches ces dernières années, qui m’ont marqué. Le plus emblématique est l’histoire d’Adèle, la petite fille d’un couple d’amis dont plusieurs éléments de l’histoire difficile ont nourri les événements de Chaque jour Dracula. Le livre lui est dédié.

A la recherche de Dracula

A la recherche de Dracula   (C) Avec l’aimable autorisation de Clément Lefèvre

 A quel moment as-tu su que tu avais le matériel pour en faire une BD ?

De mémoire, je crois que c’est Clément qui a décidé qu’on en fasse une BD. En effet, nous avions originellement réalisé un roman illustré que nous allions signer incessamment sous peu chez un super éditeur. Et puis, Clément Lefèvre a trouvé qu’il y avait vraiment matière à développer le projet, à jouer davantage graphiquement avec cet univers, donc on est allé taper à la porte de Thierry Joor, mon principal éditeur BD jeunesse qui travaille chez Delcourt. Il me semble qu’on a signé le contrat quelques jours après.

Le ton utilisé est celui de la métaphore avec le personnage de Dracula. Une narration plus classique ne vous intéressait pas ?
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(C) Avec l’aimable autorisation de Clément Lefèvre

Le vampire m’intéresse pour ce qu’il peut véhiculer comme thématiques. On le traite souvent sous l’angle de la créature qui permet de faire réfléchir aux notions de l’immortalité ou de la bestialité que l’on refrène en nous mais là, j’ai trouvé ça intéressant d’aller vers un chemin moins classique et de parler de la différence. Alors, est-ce que ça m’intéresserait de faire une histoire « plus classique » de vampire ? Si par là, on entend faire une aventure pour une aventure, sans thématique intime sous-jacente, la réponse est non. Si par contre, il s’agit de faire un récit d’épouvante avec une figure de vampire, dans le Londres victorien ou ailleurs, qui permet d’aborder une thématique qui m’est chère, la réponse est oui. Avec plaisir.

 Que représente Dracula  à tes yeux ?

Dracula représente à mes yeux, le mal, la tentation, la damnation, la bestialité, le prédateur ultime. Je l’ai donc choisi pour ça, pour un contre-emploi. Ca m’a intéressé que cette figure du mal que tout le monde connait se retrouve dans un rôle de victime. Cela m’a permis de décrire toute « l’humanité » cachée derrière l’image populaire démoniaque, la lumière tapie dans les failles.

 Comment s’est passée la collaboration entre Clément et toi ?

Comme un rêve.
Déjà, il faut savoir que nous sommes amis, ce qui constitue une quasi condition sine qua non pour que je bosse avec quelqu’un. L’ambiance était donc détendue et basée sur l’émulation. Beaucoup d’échanges par mail autour du projet, une confiance réciproque n’excluant pas des retours qui questionnent… Et puis on s’est vus deux fois physiquement pour faire le point sur les pages. Une fois sur Paris après l’étape du storyboard complet et une deuxième fois au cours d’une aventure un peu folle puisque nous sommes partis ensemble, invités au Qatar par l’ambassade de France avec notre copain Bertrand Gatignol (avec qui j’ai fait le Voleur de Souhaits) pour représenter la culture française au salon de Doha. Là-bas, on a beaucoup ri et on a un peu travaillé sur notre projet.

Les planches de Clément sont aussi travaillées qu’épurées. On y sent un amour sincère pour le gothique sans pour autant rendre l’histoire visuellement flippante pour les enfants…
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(C) Avec l’aimable autorisation de Clément Lefèvre

Il y a aussi des hommages aux films de la Hammer. Nous sommes tous les deux des amoureux de cinéma et je crois que ça se ressent dans ce livre. Il y a en effet de nombreux clins d’oeil plus ou moins discrets à qui saura les trouver. Par rapport au côté « visuellement flippant », l’idée qu’on a développé c’est qu’à travers son approche graphique, Clément devait inverser le rendu attendu. En effet, dans notre bd, la maison gothique des vampires peuplée de fantômes ressemble à un petit nid douillé rassurant tandis que l’école, un lieu pourtant banal, semble froide, aseptisée, effrayante.

 L’album regorge de traits d’esprit et de seconds degré permettant au lecteur adulte de s’investir dans la lecture. C’était important ce lien parent-enfant ?

C’est important qu’il y ait toujours plusieurs niveaux de lecture, ne serait-ce que pour l’enfant. Il va grandir et trouvera dans cette histoire une deuxième couche d’oignon quand il la relira plus tard. C’est vrai que c’est certainement pour cette approche, que l’on a régulièrement des adultes qui viennent se faire dédicacer nos livres pour enfants. Avec Anne Montel avec qui je travaille souvent, on s’amuse toujours de voir des parents s’acheter pour eux Chaussette ou Le Temps des Mitaines tandis que des enfants viennent se faire dédicacer par exemple Les Jours Sucrés, qui est une bd adulte.

Dracula parvient à surmonter sa peur sans faire usage de ses pouvoirs….

Oui. Puisque la situation est réaliste, il fallait une résolution réaliste. Trop facile de résoudre tout ça par de la magie. C’était bien plus intéressant de faire évoluer le personnage pour qu’il réponde avec des armes concrètes et plausibles. Un peu de confiance en soi, une pincée d’élocution et hop, on pouvait proposer une fin dont on était fier car basée sur l’étude des comportements potentiels réels à adopter en cas de harcèlement.

Quels sont les retours de tes lecteurs et notamment des enfants ?

Le livre sort demain (le 25 avril) donc pour le moment, je n’ai eu que le retour d’Adèle et sa maman qui ont aimé, ainsi que celui de copains libraires ou de critiques (qui ont aimé). Pourvu que ça dure.

Un dernier mot pour les lecteurs de Bruce Lit ?

Je suis lecteur du site depuis un bon moment, et que tu parles de notre livre, c’est une grande fierté. C’est un peu comme si demain Rockyrama faisait un article sur nous, quoi… La classe à Dallas !

Les auteurs : Clément Lefevre

Les auteurs : Clément Lefevre… (C) Aurélie Neyret

....et Loic Clément, tout fier dêtre chez Bruce Lit

….et Loic Clément, tout fier d’être chez Bruce Lit (C) Dany Du Bouëtiez

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La BO du jour : Non, je ne veux pas y aller maman /ils me font pleurer à chaque fois/essaie un peu la tendresse/ la tendresse, ça brise tout/ la tendresse c’est plus fort que tout.

La dernière chanson bouleversante du Punk Daniel Darc

41 comments

  • Présence  

    Un père sensible à l’écoute de son enfant qui crie de colère seul dans le ciel avant de se calmer : ça me rappelle une discussion récente sur la difficulté pour les parents de prendre un recul émotionnel suffisant vis-à-vis de leur enfant. Un vrai défi.

    Mes enfants ont passé l’âge de ce type de lecture, mais je retiens la référence pour des cadeaux pour mes petits neveux.

    Comme précédemment, je reste friand de ces interviews rapides qui complémentent l’article, permettant d’entrevoir les coulisses, et rapprochant le lecteur de l’auteur.

  • Patrick 6  

    Bigre Dracula Jr qui se fait malmener à l’école et qui ne riposte pas ! Je me demande bien comment les auteurs ont dû gérer la chose…
    Quoi qu’il en soit j’aime bien les références à la Hammer notamment avec les affiches du Dracula interprété par Christopher Lee !
    Ceci dit je me dit que 30 pages c’est peut être un peu short pour traiter ce genre de sujet, non ? Quoi qu’il en soit toi et les auteurs nous l’avaient bien vendu 😉

    • Bruce lit  

      30 pages de lecture pour un enfant de 7 ans, c’est très bien, le message est percutant, lisible et surtout pour le parent accompagnant la lecture, ce n’est ni long, ni pénible.

  • Tornado  

    Même si la figure de Frankenstein se prête mieux au thème du « droit à la différence », je trouve intéressant que les auteurs aient inversé celle de Dracula afin de la faire évoluer à l’occasion de ce récit. Rien que pour cette raison, je trouve le point de départ très réussi et très pertinent.

    Je confirme, hélas, que les cours d’école, notamment des collèges, voient la notion de harcèlement prendre des proportions exponentielles ces dernières années. C’est un peu le retour de bâton de Mai 68, puisqu’on en parle beaucoup en ce moment : En donnant plus de liberté aux adolescents, en les encadrant de moins en moins, on libère aussi la bête qui sommeille en eux. Personnellement, et tant pis si c’est réac, je pense que dans ce cas précis, le remède est pire que le mal…

    Et sinon, pour en revenir à l’article et à l’interview, mon fils de 8 ans serait donc le coeur de cible de cet album ?

    • Bruce lit  

      @Tornado : Luna a adoré et posé des questions très pertinentes. Tu aurais tort de te/le priver de cette très jolie histoire. J’ai un peu de mal à comprendre le lien que tu fais entre mai 68/et le harcèlement.

  • Tornado  

    S’il y a bien une retombée néfaste de Mai 68, c’est bien l’école. Le vent de liberté qui a conduit l’école à bichonner les ados est à l’origine, selon beaucoup de gens de la profession, de la bérézina actuelle en matière d’éducation et de jeunesse. Evidemment, dire cela sonne très « réac ». Mais c’est plutôt une triste constatation qu’un désir de retour en arrière.

  • Eddy Vanleffe  

    Mai 68 c’est le mal! 🙂

    personnellement j’ai énormément de mal avec ce genre d’objet.
    je ne supporte pas d’avoir l’impression qu’on me donne des leçons. je suis vraiment braqué sur ça.
    ma petite de Neuf ans a lu ces derniers temps de petits trucs sur les rapports à l’école, le fait de ne pas de se vanter, de ne pas être raciste…
    j’avoue que je trouve ces trucs comme des démissions collectives.
    c’est mon rôle à moi d’éduquer ma gosse, le rôle de l’école un peu aussi sur certains choses de la vie en société. mais bon on préfère leur donner des pensums lourdingues qui non contents de les pontifier, les écœurent de la lecture lorsqu’ils s’intéressent potentiellement à des trucs plus légers.
    On parle beaucoup en ce moment avec elle, elle pose plein de questions, on essaie de lui donner les bonnes pistes… mais j’évite de lui prendre la tête avec des leçons de morales…

    • Bruce lit  

      Je ne supporte pas d’avoir l’impression qu’on me donne des leçons.
      Tel n’est pas le propos des auteurs Eddy.
      Il s’agit d’une vraie histoire de BD pour des enfants qui peuvent mettre en mots ce qu’ils traversent. Le monde des enfants est bien souvent celui du silence et d’une identité en construction. N’oublions pas qu’il aura fallu 40 ans avant que la parole des femmes battues se libèrent. Nous n’en sommes qu’aux premisces les concernant. Alors un enfant….

      • Eddy Vanleffe  

        pour modérer mon propos…
        Je pense bien en effet que les auteurs ne pensent pas à mal et font de leur mieux.
        je ne les incriminent pas et je salue même leur intention.
        mais j’ai vraiment énormément de mal à lire ce genre de chose…
        je suis un lecteur susceptible en fait…

        • Matt  

          Ah ouais à ce point…
          Pour ma part je n’aime pas quand des BD pour adultes te disent coment tu dois vivre ta vie, car je n’aime pas déjà que des gens dans la vraie vie viennent me dire comment il faut vivre.
          Mais là ça ne me donne pas l’impression de juger les enfants, mais de leur montrer qu’ils ne sont pas seuls, que c’est un problème connu. Et ça peut même sensibiliser les adultes sur les problèmes que les enfants traversent.
          Après le côté « il ne faut pas s’abandonner à la violence pour régler le problème » ça peut aussi faire partie de la fiction sans porter un jugement sur les enfants qui feraient cette erreur. Au moins la BD aura peut être déjà fait comprendre aux parents que les gosses traversent de sales épreuves.
          Et si tu penses que c’est enfoncer des portes ouvertes car tous les parents sont conscients de ça, moi je serai moins optimiste^^ Il y a des parents mauvais, des parents bons…mais aussi des parents indifférents ou qui n’y pensent pas, qui sont inexpérimentés ou à côté de leurs pompes.

  • Tornado  

    Mai 68 ce n’est pas le mal. Mais comme toujours, la plupart des gens voient tout en noir et blanc.Du coup aujourd’hui on a les défenseurs VS les détracteurs de Mai 68. Ne pourrait-on pas, 50 ans après, faire le point avec un sens de l’équilibre et choisir un entre-deux au lieu de trancher à droite ou à gauche ? Ne pourrait-on pas voir ce qui est bon et ce qui n’est pas bon là-dedans, au lieu de faire deux camps opposés ?
    Personnellement, de Mai 68, je garderais la libération des moeurs, qui est une avancée formidable. mais je foutrais sérieusement à la poubelle ce système d’éducation de l’enfant-roi. Ça c’est la cata.

    • Bruce lit  

      Mai 68, c’est le rock, avec ses vertus et ses excès. Un vent de liberté et d’insouciance dont j’aimerais parfois ressentir la brise.
      Honnêtement, même si je la comprends, j’ai du mal avec ce concept d’enfant roi. Comme tous les parents, il m’arrive de m’agacer contre mes enfants de lever la voix plus que de raison (Omac et Présence ont même fait du counseling auprès de votre serviteur), mais je suis persuadé qu’à chaque fois ou ça pète à la maison, l’adulte garde sa part de responsabilité. Enlevons la fatigue du travail (merci la SNCF au passage, entre deux et trois heures de retard par jour,ça assainit mon système nerveux, mes frais de garderie et mon sommeil), la vaisselle, la cuisine après le boulot et tout de suite ça va mieux avec les gosses. On est d’avantage patient pour supporter tout ce qui constitue un enfant : le besoin de répéter les choses, de réassurance, d’amour et de patience.
      J’ai appris une chose avec mes enfants : j’en ai été un particulièrement heureux avec des parents doux, aimants, attentionnés. Ce qui ne m’a pas empêché de souffrir, comme tout le monde malgré tout cet amour. L’école, cela a été particulièrement violent pour moi, ça m’a presque détruit, encore hier j’y pensais tiens. C’est cet amour qui m’a fait tenir, c’est ce que chante Daniel Darc dans la BO du jour. Cette nourriture affective.
      C’est en cela que je crois comme d’autres en Dieu.
      En tant que professionnel, j’ai aidé, épaulé, consolé des centaines d’enfants victimes d’abus les plus graves (le spectre est large, croyez-moi en terme de carence éducative et affective). Donc pour moi qui en ai sauvé (une gamine dans une cage d’escalier un 24 décembre virée de chez ses parents prête à faire des conneries) voire même enterré parfois, la notion d’enfant roi est largement préférable à celle de victime. Parce que la violence m’est insupportable.
      Ce qui est dur, c’est le reflet que nos enfants nous renvoient de nous même. Un reflet impitoyable où l’on se découvre imparfaits (heureusement) mais aussi faillibles, impuissants ou ignorants. Tu as eu beau travailler avec tous ces gosses, lu tous les Dolto, copiner avec des psy, c’est comme en amour : c’est toujours la première fois. Tu as beau avoir lu Shakespeare, Goethe ou Sade, rien ne te prépare au sentiment amoureux comme à celui d’être parent.
      C’est très cliché ce que je vais dire, mais le meilleur ouvrage éducatif reste à mon sens Le petit Prince. Nous sommes des adultes dans un désert, le Petit Prince arrive, nous agace et nous bouleverse avec son innocence, sa poésie incompréhensible. Nous partageons ensemble complicité et malentendus et lorsqu’il s’en va, c’est un vide plus terrible que notre désert de départ.
      Bon je me fais lyrique.
      Je vous laisse, je dois coucher mes monstres 🙂

      • Matt  

        Yo camarade du club qui en a chié à l’école !
         » Cet infiniment petit va de pair avec le rétrécissement de l’estime de soi où la petite victime en vient à se sentir responsable de ce qu’il subit. »
        Tiens ça me rappelle un truc…
        C’est joli ce que tu dis. Et chouette article aussi sur un thème important et trop peu pris au sérieux (c’est vrai c’est quoi une petite moquerie hein ? Mais fréquemment pendant 8 ans par contre…)
        Bon après…je ne suis plus le public visé (quoique…) et j’ai pas de gosses.

        Pour votre débat, pour reprendre l’idée de Tornado plus haut, je pense qu’il y a des nuances. Entre roi et victime. Les gosses qui peuvent réclamer que leurs parents engueulent leurs profs quand ils sont punis, c’est un peu trop l’exact opposé de l’enfant qui se prenait une baffe par ses parents après avoir été puni à l’école. Dans le premier cas, comment un prof peut-il encore avoir de l’autorité et éduquer les gosses ? Dans l’autre, c’est un peu trop violent peut être.

        Enfin ce Loic Clément a l’air sympathique. Et il aime la Bretagne et Jackie Chan, alors forcément…^^

        • Tornado  

          La notion de nuance : C’est ça l’idée. Si tu mets « l’enfant au centre de tout », comme ça semble être l’impulsion du moment, le risque c’est d’en faire un décideur. Mais que décide un enfant ? Franchement, regardez décider un enfant, et avouez que c’est souvent assez effrayant. Ce n’est pas très raisonnable, quoi…
          L’enfant il faut l’encadrer, le guider, et aussi le recadrer le cas échéant. Mais surtout, bien évidemment, il faut le protéger et par dessus tout l’aimer. On est bien d’accord que refuser le concept de « l’enfant-roi », ce n’est pas non plus le laisser à l’abandon. Et ce n’est pas non plus le maltraiter. Il faut effectivement trouver la nuance.
          J’aime souvent dire, en plaisantant, « l’enfant a un monstre dans son ventre, et il faut le tuer ». Je parle alors de tuer le monstre, bien sûr, pas l’enfant ! 🙂

  • Bruce lit  

    Nos réponses se sont croisées !
    Tu veux m’épouser ?

    • Bruce lit  

      Tu ne penses qu’à manger !

  • Tornado  

    Vos réponses sont jolies les copains. Mais vous ne savez pas ce que c’est que de conduire un groupe de 30 gamins avec, parmi eux, des petits ados en roue libre, que les parents délaissent, à qui ils achètent la paix sociale à coup de téléphone portable. Et au final, lorsque ces gamins déraillent, ils préfèrent leur acheter un nouveau portable en leur expliquant que le mal c’est la faute à la société. Être prof dans un tel climat, vous ne savez pas, mais c’est un cauchemar…

    • Matt  

      Woah violent ! C’est dangereux ce boulot en fait.

      • Eddy Vanleffe  

        On a sans doute tous des métiers qui conditionnent nos visions des choses…
        si on réplique à chaque abus de portable, les châtiments corporels…

        Combien de parents ont ils mal lu Dolto et fait pire que mieux sous prétexte qu’ils ont compris qu’il fallait démissionner.
        aujourd’hui on leur dit qu’ils ont fait n’importe quoi, mais certains d’entre l’ont fait parce qu’ils lu des trucs dans des livres, ou en réaction par rapport à leur propre enfance… ils ont cru bien faire et se sont ramassés.
        le résultat n’est pas non plus un régiment de fachos ou de tarés mais simplement un délitement insidieux mais permanent qui fait qu’aujourd’hui le monde adulte est désemparé face aux enfants
        C’est un fait.
        les mauvais traitements sont également une conséquence d’ailleurs, celle de l’autre coté du spectre…

        • Matt  

          Alors j’ai pas tout compris^^, mais en gros tu dis qu’il ne faut rien dire dans les livre pour essayer de parler de sujets sérieux parce que quelques personnes vont mal comprendre ?
          Eh, j’adore les divertissements légers aussi mais bon…on a le droit de causer de sujets sérieux. S’il fallait se dire que 10% des gens qui vont le lire vont comprendre à l’envers…c’est un peu comme si on considérait qu’il faut arrêter de faire des films d’horreur ou d’action parce que certains cons vont commettre des crimes ensuite…soi-disant parce qu’ils ont vu des trucs gores au ciné.

        • Tornado  

          Qui a parlé de châtiment corporel ? Pour ma part je n’ai jamais touché mes enfants. C’est une décision radicale de ma part qui ait été un enfant élevé à l’ancienne (battu, donc, même si je suis conscient que mes parents m’aimaient quand même. La vieille école, quoi). Une volonté de ne pas reproduire.
          Pour autant, même sans châtiment corporel, on peut être exigent avec l’éducation d’un enfant.
          Est-ce que j’ai fait peur à tout le monde en disant que la théorie de l’enfant-roi était une cata ? Pour se construire, l’enfant doit apprendre la frustration, l’ennui, la dureté de notre monde. Tout lui laisser, tout lui donner, tout lui permettre, j’en suis intimement convaincu, c’est juste catastrophique.
          Chaque jour je suis confronté à des cas de harcèlement scolaire, à des abus sexuels, à du racket. Ce n’est jamais les gamins bien élevés qui s’y adonnent, mais uniquement les « enfants-roi », c’est-à-dire ceux à qui les parents permettent tout (par démission, par bêtise, par égoïsme) et les gamins livrés à eux-mêmes. Les autres, les gamins bien éduqués, cadrés, cultivés, épanouis, eux, ils n’emmerdent jamais personne.

          Pourquoi aujourd’hui exiger une éducation cadrée et élaborée serait un sujet tabou ? Elever et éduquer un enfant, diantre, ce n’est pas le battre. C’est lui enseigner des valeurs, du respect pour autrui et pour soi-même. de l’exigence pour son évolution, sa scolarité. C’est lui apprendre le dépassement nécessaire de soi-même. Et l’amour.
          Bien sûr que c’est dur. Bien sûr que c’est une souffrance, une abnégation. Bien sûr que l’école c’est traumatisant, liberticide. Mais quoi ? Le monde serait-il en sucre ? Non. Le monde est dur. Et encore, il est moins dur qu’au moyen-âge.
          Moi, ce n’est pas qu’on me donne des conseils sur l’éducation qui me contrarie. C’est que l’on croit que le monde est un gâteau avec lequel tout le monde peut festoyer. Le monde c’est un parcours du combattant.

        • Matt  

          « Est-ce que j’ai fait peur à tout le monde en disant que la théorie de l’enfant-roi était une cata ? »

          Non, non, pas à moi^^
          Je me suis pris des claques et des fessées aussi (et je suis plus jeune que toi^^). Mais je ne me considère pas comme avoir été battu. Je ne dis pas qu’il faut encore taper aujourd’hui, mais un peu de dureté ne fait pas d’un enfant une victime maltraitée et non-aimée. Je sais aussi que mes parents m’ont aimé. Et ils ne m’ont jamais défoncé la gueule non plus^^ Mais le simple geste de se prendre une baffe légère a un côté marquant qui fait réfléchir. Certes si on peut éviter c’est mieux mais je suis d’accord que les pourris gâtés deviennent des petits cons qui se croient tout permis.

        • Matt  

          D’ailleurs j’en ai chié à l’école et pourtant je ne me suis jamais fait casser la gueule non plus. Mais les mots peuvent être plus violents qu’une rare baffe. Là où j’ai le plus souffert c’est à l’école et les attaques étaient toutes verbales. Je pense aussi qu’on peut maltraiter un enfant qu’avec des mots très durs. C’est pas juste une question de violence physique.

          • Bruce lit  

            L’expérience auprès des femmes violentées m’a montré que la douleur est plus intense lors de violences psychologiques.
            Les traces de coups disparaissent, les mots/maux restent.

        • Eddy Vanleffe  

          J’ai dit un truc pareil?
          je m’exprime comme un pied alors…

          Je tentais de répondre sur le thème de l’enfant roi…
          c’est aussi une compréhension de travers des trucs à la Dolto…
          Ca peut amener des trucs assez dévastateurs comme la démission parentale et croire q’un gosse s’éduque tous seul…

          du coup je ne vois le truc aller jusqu’au cinéma etc…

        • Eddy Vanleffe  

          Qaund j’ai parlé de « chatiment corporels  » je ne pensais pas à vos commentaires, c’est juste qu’on oppose souvent le discours « L’enfant a tous les droits » à « oui mais y’en a qui sont élevés dans des caves au pain sec et à l’eau »

          C’est pas parce qu’un excès existe que le discours inverse est une solution…
          et pour tout dire Tornado, je te suis sur ton discours…

        • Tornado  

          Je trouve que mon discours est modéré. Je suis surpris que les copains aient tiqué sur ma première remarque à propos de la « théorie de l’enfant-roi ».
          Tout, dans mon métier, m’autorise aujourd’hui à utiliser cette appellation pour critiquer le système scolaire actuel. ce n’est pas un mythe, c’est une tendance actuelle. Il se trouve que, manifestement, les gens ne se rendent même pas compte que l’on fait aujourd’hui de l’enfant et surtout de l’adolescent le centre du monde. Ce qui n’est vraiment pas un bon plan.

  • Jyrille  

    Et bien voilà un de tes plus beaux articles, Bruce. Ce que tu en dis, et ce que tu dis en réponse à Tornado, j’en suis totalement convaincu et persuadé. Moi aussi j’explose après mes enfants, et encore après mes ados, mais jamais je ne les laisse croire que je ne les aime pas plus que tout.

    Je ne m’y connais pas assez en mai 68 ni en enfant roi, mais il est clair que la construction de soi prend du temps. Personnellement, à mon âge avancé, j’ai l’impression d’être encore en train de me construire, de devoir faire des efforts continuellement, car je fais toujours des erreurs, je peux être asocial, insortable, insupportable. Je ne finis jamais d’apprendre.

    Je suis également très content qu’un livre pour enfant soit en une. J’adore les bds pour enfants et les livres pour enfants, même pour moi. Si seulement j’avais plein de sous… Delcourt a une belle collection, et mes enfants ont lu et relu plusieurs tomes de cette collection pour enfants : Le magicien d’Oz en trois tomes, Hyper l’hippo de Morvan et Nemiri, quelques Toto l’ornythorinque. Il y a aussi Octave qui semble très bien. Je dois acheter une bd sortie récemment par les auteurs de Le trop grand vide d’Alphonse Tabouret, Rat et les animaux moches. Récemment, j’ai vu des livres illustrés pour enfants dans une convention de livre à Metz qui étaient très beaux et intrigants, mais les tarifs étaient un peu chers. Et je n’ai pas pris les références…

    Je trouve qu’il est extrêmement compliqué d’écrire pour les enfants, quand un livre ou un bd spécifiquement écrite pour eux est réussi, c’est génial. Je sens que c’est le cas ici, les dessins ont l’air splendides, l’histoire aussi, bref, j’ai très envie d’essayer. Et je pense sincèrement que mes ados seraient tout à fait capables de le lire : ils ont comme moi une capacité de régression, d’émerveillement devant des oeuvres qui ne sont plus de leur âge. De temps en temps, on regarde les Powerpuff Girls ou Peppa Pig, je viens de voir pour la première fois de ma vie le Grinch de Ron Howard avec eux. J’ai vraiment envie d’écrire plein d’articles, mais je n’ai ni l’énergie ni le temps d’en faire autant.

    L’interview est super, et comme Présence, je trouve que c’est un format parfait pour compléter la chronique.

    A part ça, je suis en pleine lecture du second tome de The Unwritten : un des épisodes est en forme de bd dont vous êtes le héros. J’ai Batwoman tome 3 qui m’attend aussi (et trente autres titres…), j’ai lu le premier album de Elric, j’ai très envie de m’acheter le Final Crisis qui va sortir chez Urban. Et je passe mon temps de canapé devant Netflix… quel flemmard !

    La BO : je m’y mettrai un jour.

  • JP Nguyen  

    Si ce n’est que 30 pages, ça me parait un peu court (mais c’est peut-être bien calibré pour une BD jeunesse), la démarche est intéressante. En tant que parent, le harcèlement scolaire fait partie des 1000 angoisses que j’éprouve… Si ça arrive à un de mes enfants, saurais-je le voir ? réagir correctement ?
    Hélas, dans la vraie vie, tous les gosses ne s’en sortent pas aussi bien que Matt Murdock et Peter Parker…

  • Frede  

    c’est avec grand bonheur que je lis cet article, grande admiratrice de la littérature pour nos jeunes. J’ai trouvé la lecture de cette BD très agréable, sujet maîtrisé et ne tombe jamais dans l’excès : vengeance ou larmoiements incessants! Le format court est parfait et cela dès 7 ans. Le style de Loïc Clément et ses références comiques que j’ai déjà pu voir dans le Temps des Mitaines : « Ils l’avaient pris comme tête de turc. (un comble pour lui qui venait de Transylvanie). » Les illustrations sont douillettes, ce fond violet qui vous enveloppe, noir et rassurant lorsque Dracula est chez lui tranche avec le vert glacé de la cour d’école ô combien terrain de jeu dangereux pour notre héro. Et puis il a une bonne bouille Dracula! j’adore!

  • Tornado  

    Je ne nie rien de tout ça. Et je ne pense pas faire de confusion sinon peut-être que j’utilise « l’enfant-roi » comme une expression davantage que comme une théorie classifiée dans le code pénal. Comme souvent dans notre beau pays on est passé du coq à l’âne. Et la loi de protection de l’enfance a fait naitre une espèce de Leviathan au sein de l’école, où l’on ne peut plu rien demander ni imposer à ces chers petits enfants innocents. Même lorsqu’il s’agit de crevures qui utilisent le système à des fins méphitiques.
    Il faut voir ça aujourd’hui, lorsqu’un gamin ayant insulté un prof s’en sort en toute impunité, tandis qu’un prof ayant maladroitement utilisé un mot qui n’est pas une insulte peut se retrouver devant les tribunaux parce que ce mot a déplu à l’enfant et à ses parents. Un tel retournement de situation, une telle mauvaise foi, nous n’étions pas préparés à ça…
    Mais ceci n’est qu’un ressenti et ne signifie absolument pas que je veuille du mal à quelque enfant que ce soit. Je suis une personne bienveillante.
    Et pour revenir à cet « enfant-roi » tyrannique avec ces parents, je peux affirmer qu’il est aujourd’hui tout aussi tyrannique avec ses professeurs, et bien au-delà de l’enfance, puisque je parle pour ma part d’adolescents de 10-15 ans.
    Nous en revenons donc bien à ce que je disais au départ : A force de tout donner à l’enfant, tu lâche le monstre.

    • Matt  

      Moi je suis d’accord^^
      Surtout que cette sur-protection qui rend l’enfant intouchable, non seulement ça réduit en miettes l’autorité des adultes censés les encadrer, mais en plus ça va lui revenir en pleine gueule plus tard à l’enfant quand il sera adulte et que là il sera traité comme une merde et qu’il devra soi-disant faire avec et encaisser parce qu’il est grand et que « le monde est dur » alors qu’on ne l’a pas du tout préparé à ça.

  • Tornado  

    Là tu deviens donneur de leçon et c’est juste insupportable. Je me garde encore le droit d’appeler un chat un chat, et quand quelqu’un vend de la drogue, pratique le harcèlement et le racket en mentant du soir au matin, je ne vais pas prendre des pincettes, quand bien même c’est un ado. Pour le reste je suis extrêmement bienveillant et la bienpensance que tu m’opposes afin de me faire la leçon, entache cette bienveillance que je travaille au jour le jour. Tu me fais dire et penser ce que je ne fais pas (j’apprécie beaucoup la plupart de mes élèves, et j’en ai 500 par an). Et surtout tu n’es pas sur mon terrain au quotidien. Plus d’un théoricien s’est cassé les dents en y venant.
    Je suis pédagogue du matin au soir. Je sais quand le système fonctionne ou quand il ne fonctionne pas. Après 20 ans de métier, je vois bien ce qui s’est amélioré ou ce qui s’est dégradé. Cette place de l’enfant au centre du système scolaire (en droite ligne de Mai 68 puisque l’on avait commencé par là), je peux affirmer sans hésiter une seconde que ça a ouvert une boite de Pandore.

  • Tornado  

    C’était le plan de travail sur les réflexions à mener pour l’éducation nationale au début des années 80 :
    Faut il mettre :
    – L’enseignant au centre du savoir ?
    – L’élève au centre du savoir ?
    – L’enseignement au centre du savoir ?
    Philippe Meirieu, principal penseur de l’EN et haut fonctionnaire qui nous pollue le métier depuis plus de 30 ans avec sa bienpensance à la noix, a choisi la 2° solution. De l’avis général de la profession et notamment de ceux qui ont vu l’évolution en direct, c’est là que la bérézina a commencé.
    Mon intime conviction est qu’il faut choisir la 3° solution, ce qui ne signifie pas, encore une fois, que l’on va soudain se mettre à maltraiter les enfants.

  • Bruce lit  

    Bon, c’est là que je ressors mes tisanes ?
    Votre discussion prend un tournant trop théorique pour moi. Voire politique. Un peu, non ?
    Cependant avant que tout le monde s’agace, je dirais à Tornado n’avoir jamais assimilé son discours à l’encouragement d’une bonne torgnole à l’ancienne. Il est convenu de dire qu’il suffit d’aborder la religion, la politique ou l’éducation pour pourrir un repas de famille. On en est là et si je suis persuadé d’une chose, c’est que si Internet est un lieu formidable pour échanger des points de vues et apprendre de l’autre, c’est le pire endroit pour être en désaccord sans finir par blesser/agacer/offenser l’autre.

    Pour étayer mes propos, je dirais que je suis le plus mal placé pour ne pas parler d’enfants victime puisque ramassés dans la rue, cassés, carencés parfois détruits. Mon boulot était plus facile que celui de Tornado : j’avais du temps, de l’écoute et surtout de la relation individuelle où le caïd ou le fouteur de merde se montrent sous leurs vrais jours, souvent désarmants et très attachants. D’après ce que j’ai compris, Omac, c’est également ton cadre de travail, les consultations, où par le biais de la relation psy-patient, une autre sphère se créé que celle du socio-éducatif.

    Je peux pourtant comprendre que lorsque on lâche ses gosses dans les classes, les profs, eux ont un autre boulot, ils ne sont plus dans le soin mais à la fois dans l’apprentissage et la discipline indispensable à la tenue d’une classe. Pas mal d’ados que j’ai connu et suivi foutaient la merde en classe. Certes, au final, ils se punissaient tous seuls. Je me rappelle notamment d’un gamin dont la vie a basculé lorsqu’il a appris que sa mère se prostituait des dires de son père / proxo. Il était ce fils de pute dont parlaient ses camarades. Il en est devenu très violent, il avait 14 ans et ça s’est terminé par une tentative de suicide. Moi, je l’écoutais, le soutenais autant que je peux. Mais clairement les profs, ils en pouvaient plus : un programme à respecter, une classe, et une mère démissionnaire.

    Sur les enfants rois, je ne peux pas en parler, je n’en ai jamais rencontré. Mis à part ma fille qui, lorsque elle va chez ses parents dit aller au temple du caprice :).
    Mais par contre, oui, il m’est arrivé comme Tornado d’être agacé parfois et même en connaissant les difficultés des parents de m’agacer de leur mollesse, leur passivité à attendre des profs qu’ils résolvent tous leurs problèmes.
    Je ne suis pas le seul : à l’école de Luna, il est affiché une charte très juste où les profs énoncent ce qu’ils peuvent apporter à leur enfant dans le cadre de leur mission et ce qui incombe aux parents. C’est ce que j’ai appris personnellement, et c’est une putain de leçon d’humilité. C’est une responsabilité de tous les instants même pour les parents les plus construits.
    Le truc, c’est que nous entrons facilement dans le Us vs Them et là commencent les débats.

  • Tornado  

    @Bruce : « je dirais à Tornado n’avoir jamais assimilé son discours à l’encouragement d’une bonne torgnole à l’ancienne. »
    Tu n’as pas lu mes posts précédents amigo, et tu l’as oublié parce que je l’ai déjà dit plein de fois : Mon père me foutait des torgnoles à foison. Il me cassait littéralement la gueule. Ma mère me fouettait au martinet. A partir du moment où j’ai su que j’allais avoir un enfant (mon fils bien aimé), j’ai pris la décision très sérieuse de ne jamais porter la main sur lui. Et je m’y suis tenu envers et contre tout. Alors s’il y en a bien un qui n’est pas pour « la bonne torgnole à l’ancienne », c’est moi.
    Mais en même temps, je ne suis pas non plus pour l’extrême opposé, c’est-à-dire pour mettre l’enfant au centre de tout et en faire un ange quand il est un démon.
    Depuis le temps qu’on discute, vous devriez pourtant me connaitre et connaitre mes opinions : Le juste milieu, c’est toujours un sacerdoce pour moi.

    @Omac : Je n’étais pas la bonne personne pour s’amuser ce soir. Il se trouve justement qu’aujourd’hui j’ai passé un assez désagréable moment en compagnie de nos chers enfants de la patrie. Ce n’était pas des crevures, mais des sales gosses, aujourd’hui en tout cas, assurément ! 🙂

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