Les Damnés, par Luchino Visconti
Par : TORNADO
1ère publication le 08/02/17 – MAJ le 10/01/20
Cet article portera sur le film de Luchino Visconti : Les Damnés (The Damned (Götterdämmerung)), réalisé en 1969 (année érotique).
Il s’agit du premier volet de la « Tétralogie allemande » de Visconti, avant Mort A Venise et Ludwig ou le Crépuscule des dieux, inspirée des thématiques mythologiques et décadentes de Wagner et Thomas Mann. Trois films seulement au total car, malheureusement, sur les quatre titres prévus, le réalisateur n’en finalisa que trois.
Le pitch : En 1933, le soir de l’incendie du Reichstag, le patriarche de la puissante famille d’industriels Von Essenbeck comprend qu’il doit sympathiser avec le nouveau régime nazi. C’est le début d’une descente aux enfers qui mènera la famille aux confins de l’horreur et de la décadence.
Les Damnés est une fresque familiale imaginaire, inspirée néanmoins d’une famille réelle de l’Allemagne nazie, qui embrassa la cause du 3° Reich en construisant des armes. Raconté comme une pièce de Shakespeare, le récit tient autant de Macbeth que de la montée au pouvoir de Néron avant la chute de l’Empire Romain.
Le film, très long (2h30), développe les luttes intestines de cette famille happée par le pouvoir, où chacun de ses membres se déchire jusqu’à la mort pour hériter du siège suprême.
L’œuvre est aujourd’hui révérée pour sa toile de fond d’une richesse étonnante, où se côtoient un réquisitoire assassin à l’encontre du nazisme, une réflexion sur le pouvoir, sur la perte de l’humanité et sur la dégénérescence d’une société, voire d’une civilisation entière.
Visconti, amoureux fou de la culture allemande, fait néanmoins preuve d’une objectivité impressionnante en recherchant les causes qui menèrent ce pays sur la route du mal le plus absolu.
Parmi les nombreuses thématiques abordées dans le film, s’insinue la plus terrible des questions : Sachant que l’homme est un loup pour l’homme, et sachant qu’il est aisément corruptible, que se passe-t-il lorsqu’une civilisation bascule dans les extrêmes au point de lui permettre d’assouvir son arrivisme ? Jusqu’où peut-il aller ? Car c’est bien ce qu’il s’est passé pour de nombreuses familles allemandes bourgeoises ayant accompagné la montée du nazisme afin de faire fructifier leurs propres intérêts. Dès lors, il n’y a plus de limites à la folie de l’homme, qui peut donner libre cours à ses pires travers pour le simple profit.
Et puis quel est celui parmi ces assoiffés de pouvoir qui, entre tous, parviendra aux plus hautes sphères ? Réponse tragique, amère et sans ambiguïté, lorsque l’on reconnaît l’ascension de l’empereur Néron derrière celle de Martin, véritable pierre angulaire des Damnés, interprété par l’impressionnant Helmut Berger, égérie de l’auteur du Guépard, de Senso et de Rocco et ses Frères.
Un postulat qui fait froid dans le dos à l’heure où, passé le plus gros de la crise économique de notre temps, nos grandes puissances politiques s’apprêtent à accueillir de nouveau l’étendard de l’extrémisme…La force et l’originalité du film résident également dans le fait que pour dénoncer le nazisme, Visconti cherche d’autres points d’attaque que ceux des juifs ou des camps de la mort, généralement mis en avant dans ce type d’accusation, alors qu’ici ils sont à peine évoqués.
L’auteur préfère pointer ce qui, chez l’homme, permet de libérer le monstre sous-jacent enfoui en lui, et qui n’attend que l’avènement d’un tel régime pour libérer sa terrible folie. Dans cette optique, Visconti, renonçant à plaider pour la cause de la communauté homosexuelle dont il fait pourtant partie, ira jusqu’à suggérer que le monstre libéré deviendra sodomite de manière orgiaque, incestueux, pédophile et parricide, en route vers la décadence totale et absolue !
Une formidable honnêteté intellectuelle de la part d’un auteur n’hésitant pas à renoncer aux facilités de la bienpensance afin de regarder la complexité et l’âpreté de l’âme humaine, droit dans les yeux.
Mettons-nous bien d’accord : Il n’est pas question ici de mettre toutes les orientations sexuelles au même niveau et encore moins de dénoncer l’homosexualité comme étant une tare de l’humanité au même titre que l’inceste ou la pédophilie ! Mais juste de saluer l’objectivité d’un auteur qui explore et dénonce l’horreur d’une émancipation déconnectée des valeurs humaines inviolables. Où quand l’homme, libéré de ses obligations d’éthique, devient capable de transformer toutes ses pulsions naturelles en pulsions malsaines, les confondant toutes en les mettant au même niveau.
C’est toute l’étendue du désastre, la pensée philosophique prenant soudain conscience des limites de l’humanisme au sens strict du terme : Aussi paradoxal soit-il, le nazisme est une conséquence directe de la pensée humaniste. Car en mettant l’homme au centre de l’univers (précepte même de la définition humaniste) et en le libérant des contraintes légales et même de la loi divine, quand bien même cette dernière serait imaginaire, le peuple nazi s’est offert la liberté d’ouvrir les portes de l’enfer. Où quand l’homme, en se regardant le nombril, s’est émancipé des règles d’éthique et des valeurs humaines essentielles, basculant ainsi du côté obscur et brûlant son âme sur l’autel de la jouissance et du profit…
Et Martin dans tous ses états (Tata Teutonne)
Dans la forme, le film est à la fois très esthétique et très froid. Fidèle à lui-même, Visconti compose des tableaux raffinés à la lumière sophistiquée, aux travellings complexes, exigeant la plus stricte chorégraphie de la part de ses acteurs, tous habités par leur rôle de manière terrifiante. Mais le décorum de l’Allemagne des années 30, parfaitement reconstitué, est d’une glaçante austérité. La dépravation dans laquelle l’auteur emmènera ses personnages n’en est que plus malsaine, crue et charnelle, dans le sens le plus alimentaire du terme. La célèbre scène de la « Nuit des longs couteaux », dans laquelle les S.A se font trucider par les SS au lendemain d’une orgie homo entre officiers décadents, même si elle a beaucoup vieilli (voir la mise à mort très factice suivie de la vision des corps recouverts de sang artificiel fluorescent), continue de distiller un malaise persistant, et ce plusieurs jours après avoir visionné le film.
Pour le reste, le long métrage est mis en scène de manière très théâtrale, parfois maniérée à l’outrance. La dernière demi-heure, quasi muette, qui met en scène l’état de décadence accompli par Martin et ce qu’il reste de sa famille corrompue par le mal, devient interminable à force de creuser l’écart entre le film et les spectateurs, condamnés à rester en dehors d’une scène volontairement apprêtée et contrefaite, où la chorégraphie distante et contemplative l’emporte sur l’empathie. Un long trip halluciné (une bonne grosse demi-heure, dans mes souvenirs), comme une manifestation surréaliste de la psyché de ces personnages coupés du monde et de leur humanité passée.
Il n’en demeure pas moins un film important et une œuvre essentielle pour comprendre les travers de l’homme aux prises avec le fascisme et l’attrait du pouvoir. Un des grands films malsains de l’histoire du cinéma, qui ne va pas vers le spectateur, mais qui exige au contraire que le spectateur aille vers lui. A noter que le film est une production italo-germanique, témoignant de l’exceptionnelle vitalité du cinéma transalpin des années 60, capable de se ramifier à travers toutes les grandes productions internationales.
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LA BO du jour : Ad Libitum ? Et allez l’orchestre !
https://www.youtube.com/watch?v=KLKT3kDXnsc
What did I just watch ?
Très bon article dans lequel tu expliques de manière fort intéressante la décadence et ses origines.
Je reste convaincu que briser les tabous par un désir humaniste consistant à se regarder le nombril conduit à une forme de jouissance et de satisfaction factice, provocatrice (et qui ne dure pas), comme un sale gosse qui fait une connerie juste pour montrer qu’il peut le faire. Alors que la vraie satisfaction c’est celle qui ne dépend pas des influences extérieures, celle qu’on ne nous impose pas (car en nous interdisant des trucs, on nous impose aussi une façon de s’en libérer)
En bref le nazisme est une forme de provocation stupide qui trouve ses racines dans l’égoïsme et la haine^^ complètement à l’opposé de l’illumination intérieure.
Pour ce qui est du film par contre…euh…tu le rends intéressant par ton analyse mais je ne pense pas que ça me plairait de voir ça…
Cette semaine est vraiment un suicide éditorial mais c’est pas grave ça faisait longtemps que je voulais voir du Visconti chez Bruce lit. Tout d’abord merci Tornado d’avoir répondu au pied levé pour la rédaction de l’article.
Je te trouve un peu dur. 4 étoiles seulement ? C’est vrai que le film est long mais à l’inverse de, ‘chais pas moi, les films Marvel (oooooo le snob !), la durée y est pleinement justifiée, il s’y passe des choses, l’histoire de cette famille qui s’entretue, cette mère qui finit par coucher avec son fils, il falliati bien ça pour illustrer la monstruosité du nazisme. Plastiquement le film est aussi magnifique à regarder.
Et pourtant je n’aime pas tout Visconti. Autant je vénère Mort à Venise, autant le Guépard m’indiffère.
Pour le reste tu as raison, c’est un film exigeant qu a besoin de l’investissement de son public. Mais quelle claque !
@Matt : si tu aimes la saga du Parrain, tu y retrouveras beaucoup d’éléments dans les Damnés. Vraiment Mattie Boy, ça vaut vraiment le coup.
Ah mais c’est bien de publier ce genre de choses.
Heureusement qu’il n’y a pas que du mainstream. Même moi qui suis pourtant fan de Marvel, j’ai du mal à faire des articles sur des trucs hyper connus. Je m’éclate plus sur les œuvres plus discrètes, parce que j’ai aussi la sensation que je peux dire des choses qui n’ont pas déjà été dites (et mieux que moi) par 3000 autres chroniqueurs.
Après c’est sûr que parler de nazis pendant 2 semaines, ça calme un peu…
La dernière 1/2 heure du film est quand même bien barrée. J’avoue avoir été un peu largué.
« Mort à Venise » reste mon préféré de la Tétralogie (qui n’est donc qu’une trilogie, je ne comprends pas pourquoi on s’obstine à l’appeler comme ça !).
Il fut un temps où l’on devait raccrocher ses articles à la culture geek, mais plus maintenant ! 😀
Sinon, j’aurais cité le fameux épisode de la rencontre entre Xavier & Magneto, dont je parle souvent…
N’empêche que le sujet du film est entrain de bien revenir dans l’actualité, non ? Imaginez que Marine LePen gagne les élections ! On retrouve un triangle Trump/Poutine/LePen qui évoque celui d’Hitler/Franco/Mussolini. Et le schéma est presque similaire puisque le trio de dictateurs des années 30 (aujourd’hui ce ne sont pas des dictateurs, d’accord mais bon…) était né des retombées de la crise économique…
Tornado a raison, je pense à l’époque où l’on devait se creuser la tête pour trouver des passerelles hasardeuses afin de parler de sujets non-ouvertement Geek (Haute fidélité, Joy division…). Désormais on peut parler de Visconti ou du Bolywood (cherchez l’intrus) sans état d’âme ! Youpi ^^
Bon blague à part j’ai vu ce film il y a fort longtemps, j’en ai gardé le souvenir d’un film éminemment glauque et malsain… Je suis content de l’avoir vu mais pour autant je ne me le retaperai pas avant un moment ! Quoi qu’il en soit je trouve salutaire que ce genre de film existe, puisqu’il apporte un regard décalé et inhabituel sur le Nazisme.
Tu l’as ma fois fort bien retranscrit !
Très bel article, Tornado, que je trouve court, j’apprécie d’autant plus 😉 J’ai adoré la façon dont tu éclairait la vue d’artiste de Visconti.
Je n’ai jamais vu Mort à Venise, j’ai un souvenir vague du Guépard qui m’avait aussi ennuyé et j’a vu ces Damnés il y a plus de quinze ans : j’en garde un souvenir brumeux, sauf pour la scène de la Nuit des longs couteaux, qui m’a marqué à vie je pense. Il faudrait que je le revoie avec mes yeux d’aujourd’hui, mais je pense certainement que c’est un très bon film.
Dans le même genre et le même thème, j’ai enfin vu il y a quelques années (trois ?) le fameux Salo ou les 120 jours de Sodome de Pasolini. C’était une version restaurée, et la photo était splendide. Par contre, c’est typiquement le film qu’on a jamais envie de revoir tellement c’est éprouvant. Oh rien de méchant n’est vraiment montré, mais la perversion est palpable, la cruauté insoutenable, et le dernier tableau est une pure horreur. Je pense que le but est le même que dans ces Damnés, mais côté italien.
Je comprends la remarque de Nico, ne serait-ce que par cette thématique très dure et éprouvante. Aurai-je un jour le courage de relire Maus ? Mais je salue cependant le choix du chef : tout d’abord parce que le sujet a le devoir d’être encore abordé, ensuite parce qu’un de mes articles a été rediffusé (et c’est V pour vendetta, on est en plein comics là non ?) et enfin parce que l’ouverture vers d’autres sujets et d’autres formes me semble toujours bienvenue. Le blog ne dérive pas, il continue à s’affirmer et se démarquer des nombreux autres, qui pour la plupart ont trouvé un équilibre qui ne changent pas beaucoup. Mais comme toute entreprise (pas dans le sens légal du terme mais dans le sens premier de construction), Bruce Lit doit évoluer. Et puis Matt a raison : un article par jour pendant quatre ans, c’est magnifique autant que compliqué. Dix jours de Shoah, pourquoi pas – même si c’est clairement un peu minant pour le moral.
Excusez moi d’insister, mais je ne trouve pas la thématique plus lourde que ça. Ça l’est dans la conscience collective, oui. Mais pas plus que les thématiques antérieures liées à la guerre, le terrorisme ou la violence.
Tout simplement parce que je refuse de voir une oeuvre de manière unilatérale.
Je m’explique.
A la recherche du temps perdu, c ‘est pas que l’histoire d’un mec qui mange une madeleine ! Le petit Prince, d’un gars qui suite à un coup de soleil, immagine un gosse parlant aux fleurs…Ou Dracula, d’un type qui souffre d’un chagrin d’amour.
Et bien les oeuvres évoquées c’est pareil. Maus, on y rigole beaucoup. C’est presque moins noir que chez Franquin. Les oiseaux sauvages, c’est très pur comme histoire. Quant à V, les portes d’entrées y sont tellement nombreuses que l’on pourrait le classer dans des thèmes différents à chaque fois.
Les Damnés, c’est une ode à la perversion, une certaine histoire de l’Allemagne et un drame antique à l’échelle du 20ème siècle.
On a parlé cette semaine de liberté, d’espoir et du mal. Rien d’inhabituel…..et de musique aussi 🙂
@Cyrille : merci !
Tenez, j’aurai pu aussi y mettre Le labyrinthe de pan. Tout le monde aurait arguer sur les FX, le caractère gothique sans être plombée par cette histoire de franquisme….
Concernant la BO du jour, je n’ai jamais cherché à écouter cet album de Serge en entier. Vaut-il vraiment le coup ?
Et hop Cyrille, copier coller de mon commentaire amazon sur la chose :
Enregistré en moins d’une semaine en fin d’année 1975 , Bunker est un disque à part dans la discographie de Gainsbourg .
Il s’agit pour Lucien Ginzburg d’aborder le spectre du nazisme à une époque encore taboue. Gainsbourg a porté l’étoile jaune et pour échapper aux rafles avait adopté un faux nom Guimbar (précurseur de Gainsbarre !
Gainsbourg derrière ses fausses provocations et ses vraies blessures étaient un pudique. Il aurait pu écrire « les Nazis m’ont tout pris», hurler » Le racisme c’est pourri», pleurer « la guerre m’a tué » et être dans son beau droit.
Il pratique au contraire un humour juif too much et en avant la deconnade ! Sans rentrer dans les concepts album comme Histoire De Melody Nelsonet L’Homme A Tête De Chou (Vinyl Replica), les 10 titres de Bunker parlent de la deuxième guerre Mondiale .
Nazi Rock ouvre l’album et pourrait faire figure de single, même si , nous y reviendrons , Bunker ne brille pas par sa richesse mélodique . Nazi Rock est une référence directe au film de Visconti Les damnés où , lors de la nuit des longs couteaux , Les SA étaient représentés en travelos dépravés .
A partir de « Tata Teutonne », Gainsbourg entame un jeu tout en assonances qu’il poursuit sur « Zig Zig avec toi » pour conclure sur « Est ce est ce si bon » ? Le Tatata des mitraillettes, le zig des couteaux, le s des nazis qui poursuivent les juifs et cette phrase magnifique de pudeur ironique sur les camps de la mort : « encore eut-il fallu que ces processus se sussent « !
Sur « J’entends des voix Off » , l’humour de Serge fait des merveilles en imaginant Hitler en plein délire paranoïaque : » J’entends des voix off / qui me disent Adolf ! / Tu coures à la catastrophe » ; puis sur « Eva » où il est fait état des problèmes érectiles du dictateur du fait que celle-ci écoute « Smoke gets in your eyes », chanson dont Hitler craint que cet air américain l’envahisse ! Comme toujours la lecture du poète doit se faire à double, voire à triple sens : Smoke = fumée = guerre=fours crématoires. Le Petit Juif fumeur de gitane la reprend à son compte cette fumée là en interpretant façon Crooner » Smoke Gets in Your Eyes » .
Sur Yellow Star , Gaisnbourg en 1 minute 30 livre un texte très autobiographique sur l’étoile jaune : » J’ai gagné la Yellow Star / y’a un curieux Hiéroglyphe / y’a peut être écrit Sherif ou Big Chief » ! Encore une fois, plutôt que de jouer le pathos façon Brel , Gainsbourg se rappelle de ses émotions d’enfants sans parler de ses colères adultes . La classe !
La guerre se termine sur Rock Around The Bunker où « tout flambe, les tombes, les temples s’abîment » , puis sur un rock décalé « SS In Uruguay » où un ex Nazi finit sa carrière sous un chapeau de paille « je n’étais qu’un homme de paille / mais pour moi pas question de payer l’addition » .
Et voilà ! À peine 26 minutes et c’est tout ! J’aime beaucoup cet album mais ce qui m’empêche de rajouter une cinquième étoile (jaune !) à Bunker c’est le manque des variétés des compositions.
Si les textes font sûrement partie des plus acérés de Gainsbourg, les mélodies sont, à de rares exceptions, identiques, construites sur des rythmes Rock’n’roll identiques et surtout, fait rarissime chez Gainsbourg sans aucun arrangeur !
Gainsbourg, d’Alain Goraguer à Jean Claude Vannier , a toujours su faire appel à des arrangeurs de talent qui, moyennant finances confortables ,se retiraient des crédits pour laisser à Serge le mérite des morceaux . Ici, les limites mélodiques de Gainsbourg sont clairement délimitées.
Notons enfin la présence dans les choeurs de Claire Torry , qui deux ans auparavant chantait sur « The Great Gig in The Sky » de Dark Side Of The Moon du Floyd .
Naturellement en pleine France Giscardienne, ce disque est un véritable suicide commercial et Serge n’en assurera la promotion que deux ou trois fois à la TV avant de sombrer dans l’amertume qui engendrera Gainsbarre . Aujourd’hui encore, lorsque les beaufs veulent se rappeler de Gainsbourg le poil à gratter, c’est toujours à Whitney Houston que l’on pense et jamais à Bunker .
A cette époque , Gainsbourg avait encore des ambitions artistiques et celà s’entend . Plus encore qu’ailleurs sa diction est impeccable. Il enchaînera avec un autre bide avec le cultissime L’Homme à tête de chou avant de pondre des conneries monumentales ( Sea, Sex and Sun, l’ami cahouette ) histoire de renflouer les caisses .
C’est en tout cas grâce à ce disque que la génération Punk de 77 se reconnaîtra en Gainsbourg !
Ok merci ! A l’occasion…
@Jyrille – J’avais fait l’acquisition de cet album suite à la chronique de Bruce et je ne l’ai pas regretté (sauf quand ma femme a fini par prêter attention aux paroles que je fredonnais).
Bah…question de ressenti perso, tout simplement. Je ne critique pas le choix de la thématique. C’est juste que c’est un peu fatiguant. Pas dans le sens chiant, mais pesant.
Je n’ai jamais eu l’idée de m’enchainer le labyrinthe de Pan, la liste de Schindler et le pianiste en 2 jours…mais parce que je sais que ça me plomberait le moral.
Je ne sais pas si j’étais par là lors des thématiques que tu cites…ni si elles ont duré 2 semaines.
Après faut pas le prendre pour un reproche, c’est juste que bon…voilà, on a tous nos sensibilités et pour moi c’est différent de parler de violence qui permet aussi de mettre du super héros coloré et du Punisher non dénué d’humour décalé (je rêve ou je dis du bien d’un truc de Ennis ?) que parler de camps de la mort qui permettent quand même moins de variétés de ton et de délires que beaucoup trouveraient irrespectueux. Car il y a un côté « intouchable » quand même quand il s’agit de parler de ça.
Nazi-rock : J’ai toujours eu une relation ambivalente avec cet album car j’en aime autant les paroles que j’en déteste la musique ! Mais il était clair que les titres et les paroles des chansons colleraient parfaitement à mon article en plus de lui apporter un soupçon de légèreté (je suis très fier d’avoir placé « Tata Teutonne » sous le scan d’Helmut en travesti ! 😀 ).
Il y a longtemps maintenant, c’est un peu à cause de moi que Bruce a commencé à diffuser autre chose que des comics et des BDs ou des adaptations de BDs sur le blog. A cette époque, lorsque je sortais des sentiers battus, il fallait que je promette au boss de faire des ponts avec la culture geek. Par exemple j’aurais raccroché les Damnés avec les X-men ! Mais aujourd’hui on s’écarte volontiers des sentiers battus et, je suis d’accord, le fait de publier un article par jour le justifie bien au final ! Tiens, d’ailleurs, j’ai toujours voulu qu’on fasse aussi des articles sur la musique et… ça arrive bientôt !!! 🙂
Bonjour à tous
Je recherche le titre d’un comics ou plutôt d’un roman graphique qui doit dater des années 80 ou 90
Où dans ma mémoire un demon ou le diable apparait dans la cellule d’Hitler pour lui remettre Mein Kampf qu’il devra écrire afin de changer l’histoire
Impossible de remettre le nom sur le titre et auteur
Help please
J’ai dû voir ce film il y a plus de 30 ans à la télé et la seule certitude qui m’en est resté est que je n’avais pas la maturité nécessaire pour le comprendre. C’est donc un vrai plaisir de pouvoir le revoir par les yeux de quelqu’un plus sensible que moi et plus cultivé pour bénéficier d’un décodage. Merci Tornado.
Pour info, je viens de terminer le visionnage de la série BAND OF BROTHERS et c’est un chef d’oeuvre que tout le monde devrait voir.
Et maintenant j’attaque The Pacific.
… Alors, quelques petites précisions : en mettant en scène Martin comme symbole de la décadence morale de cette famille, Visconti ne prend pas réellement de risques d’associer l’Homosexualité au régime en plein essor, sinon vis-à-vis des esprits les plus simples. Martin N’EST PAS Homosexuel.
Sa mère (c’est elle la plus barrée, dans toute l’histoire !) en a fait un jouet pervers et polymorphe avec lequel elle s’éclate à perturber sa belle-famille, dont elle méprise les traditions séculaires et guindées héritées au travers des générations. En épousant le fils ainé (mort au combat, si je ne m’abuse ?!), elle a fait un mariage d’intérêt : le seul moment où elle manifestera un semblant d’humanité, c’est en caressant une mèche de cheveux de son fils, après…
Si mes souvenirs sont bons, Martin n’est à aucun moment lié d’aucune façon à un homme ou un autre, ni n’a d’ailleurs de geste ambigu ou déplacé -sinon cette volonté mauvaise de faire suer tout le monde, comme lors de ce repas familial auquel il participe sans avoir ôté son maquillage qui, étant donnée la beauté intrinsèque de l’acteur Helmut Berger, le rend infiniment dérangeant. Par contre, même si ça n’est pas montré, il est clair que c’est lui qui viole l’ainée des gamines (le hurlement dans la nuit), à laquelle il vole un baiser, dissimulé sous la table ; et la scène incestueuse avec sa propre mère, vengeance ultime contre l’éducation monstrueuse qu’il a reçu, est un message bien senti sur la clarté de son orientation, qui enfonce définitivement le clou. Il n’existe pas, à ma connaissance, de corrélation possible entre une identité Homosexuelle réelle et ces débordements-là, si hétérosexuels dans leur orientation, au delà de leur nature prédatrice.
Martin est fou, ça va de soi, mais comme l’est Johan dans Monster : le rejet maternel (référence classique pour la plupart des meurtriers psychopathes mâles, en psychanalyse) et la torture mentale ont fait de lui ce qu’il est. Et, bien sûr, comme tous les êtres brisés, il n’est qu’un jouet entre les mains du régime fascisant en train de s’installer : ils vont remplacer la mère en continuant à lui offrir de quoi commettre des abus pour défouler sa haine -qui n’a pas reçu d’amour ne peut en donner- tout en le méprisant ouvertement.
Les nazis ont profité d’une période de crise économique profonde pour rallier la population à leur étendard : bien au delà d’une idéologie raciste, c’est l’esprit vanté de renouveau nationaliste et de puissance qui a fédéré les citoyens. Les lendemains seraient chantants ! Les cibles communautaires visées en même temps étaient surtout des centres de richesse économiques dont le régime avait fortement besoin pour assoir son pouvoir. Rien de plus facile que d’en faire l’ennemi public numéro un pour une nation en plein marasme : ventre affamé n’a peut-être pas d’oreilles, il n’a en tous les cas sûrement pas d’avantage de conscience. La dépossession s’autojustifiait d’elle-même.
Comme tous les régimes fascisants, les nazis se paraient officiellement des atours de la rectitude morale la plus digne, condamnant tout ce qui était « déviant » de la norme populaire, ceci afin d’encore plus s’attacher la loyauté de leurs concitoyens (tout en y sacrifiant volontiers eux-mêmes, tant que rien ne devenait trop officiel). La « praticité » de ce système et la corruption qu’il génère en gangrénant la pyramide du pouvoir à tous les niveaux (bien peu parmi les individus les moins bien éduqués résistent à la séduction de l’interdit sexuel, dans nos société à tradition catholique si classiquement mal informées sur la question) est indissociable des méthodes liées aux guerres intestines inter-régimes et est, historiquement, l’une des principales raisons qui ont poussé les structures du pouvoir à proscrire -ouvertement, en tous cas- l’Homosexualité parmi leurs membres : renversant assez aisément les barrières, le désir entre hommes a tendance à faciliter les échanges, mêmes entre ennemis (ce qui est naturellement une des raisons d’être de base du désir charnel : renverser les barrières !). Hors, il est absolument incontrôlable par sa nature purement physique, et doit donc être soumis à une vigilance de tous les instants. S’y ajoute le fait que, traditionnellement aussi, le pouvoir réside entre des mains masculines : les rapprochements romantiques concernant la gent féminine n’ont jamais constitué la moindre menace politique, sinon en de très rares occasions ou l’amour l’a emporté sur les règles.
La Nuit Des Longs Couteaux, avec son aura de purification morale qui servait si bien la politique montante, n’était rien d’autre que la passation de pouvoir obligée entre deux factions parallèles dont l’une avait fait son temps, utilement parlant.
Sinon, je ne trouve pas le film malsain : il montre -magnifiquement et, en effet, très froidement- avec quelle facilité tout peut basculer quand les règles les plus basiques de la vie en communauté sont bafouées au profit du bénéfice personnel, condition classique à la chute de toute structure de groupe viable. C’est avant tout la performance hallucinée de Helmut Berger (enfin : la superbe marionnette doit tout au montreur, impitoyable…) qui colore de manière si dérangeante tout le film. Très nouveau et culotté pour l’époque, pareil portrait de l’ambiguïté (à de nombreux niveaux…) si ouvertement mis en avant pour être, à la fin, réduit à cet essentiel si humainement/inhumainement et dérisoirement banal : un monstre ordinaire de plus.
… Pour l’anecdote, je me souviens d’une réflexion hilarante de mon beau-frère, qui prétendait ne pas parvenir à croire à cette mise en scène car, de tous les acteurs, le fait que Charlotte Rampling soit la seule à avoir hérité d’un rôle « normal » rendait le film tout à fait « incrédible »… 🙂
Merci pour ce retour généreux. Cela fait trop longtemps que je n’ai pas revu ce film ni relu l’article. Je ne me souviens pas des détails. Ce sont les nazis de la nuit des longs couteaux qui sont homos, non ? De mémoire il y a quand même un sous-texte sur l’homosexualité dans la plupart des films de Vischonti, en particulier dans la trilogie allemande.
Les S.A. avaient, parait-il, des mœurs assez libertaires, si l’on en crois les historiens ; et cet épisode-là de l’Histoire tend à « officialiser » la chose. Plus anciens que leurs radicaux petits camarades « en devenir », ces organismes se sont structurés au fil du temps et, comme toute bonne société uniquement composée d’hommes, ont vraisemblablement cultivé des rites peu ou prou égotistes, qui permettent généralement à l’Homosexualité de s’exprimer (de manière systématiquement ritualisée : le sentiment en est souvent exclu) en marge d’une société humaine plus large, et donc d’être toléré plus confortablement.
En ce qui concerne l’utilisation scénaristique faite par Visconti de cette spécificité humaine, de ce que j’ai pu en apprécier dans ses films, il n’a jamais pu s’empêcher d’y mêler un contexte politique « politicien » un peu envahissant et complètement daté, au jour d’aujourd’hui (l’opposition Droite/Gauche, tradition/modernisme…). On a définitivement dépassé cet aspect-là des choses, à l’heure actuelle, dans nos « démocraties » du plus fort.
Burt Lancaster le déplorait sur le tournage de Violence Et Passion : il considérait que tout l’argumentaire problématique entre le vieux lettré blasé qu’il incarne et le personnage joué par Helmut Berger, tout de sensualité et spontanéité – caricature typique des archétypes en vogue chez l’Intelligentsia « progressive » de l’époque- n’avait que peu d’intérêt face à la peinture des sentiments naissants entre les deux hommes. Le temps lui donne raison : le film est aujourd’hui d’un ridicule achevé dans son analyse simpliste et partiale de cette rupture culturelle entre deux mondes, alors qu’un traitement plus direct -voire plus simple !- de la romance Homosexuelle des deux aurait été autrement plus révolutionnaire, cinématographiquement parlant ; surtout avec une issue positive… Ne rêvons pas trop.
Issu de la haute bourgeoisie, et dépositaire d’une culture elle-même très classique, il n’est pas surprenant que Visconti n’est jamais pu vraiment se défaire d’une approche pour le moins caricaturale des thèmes qui l’obsédaient et, très classiquement, il y a une névrose assez marquée de l’auto-répression dans sa vision des amours Homosexuelles (comme chez pas mal d’autres créateurs de ces époques-là -mais c’est toujours d’actualité, même chez des artistes de Porno…!).
Il est vraiment dommage qu’un individu aussi libre dans sa tête que le grand Burt Lancaster, qui vivait sa vie ouvertement sans se sentir obligé de se coller une étiquette, n’ait pas eu plus d’influence que ça sur le grand metteur en scène : probablement jaloux de l’autonomie identitaire si désarmante de l’acteur américain, Visconti aurait passé le tournage du Guépard à lui en faire voir de toutes les couleurs (d’après Claudia Cardinale)…
Bon, il refera appel à lui dix ans plus tard pour Violence Et Passions : il y avait peut-être eu une prise de conscience personnelle chez l’homme, à défaut d’un progrès de la vision du metteur en scène ?!
Mort À Venise, malgré son pitch forcément négatif, est un peu plus libre de ces influences limitatives : la beauté sert suffisamment le sujet pour qu’on passe un magnifique moment, témoins privilégiés du miracle de l’amour, quelle que soit la forme au travers de laquelle il choisit de s’exprimer.
« Les nazis ont profité d’une période de crise économique profonde pour rallier la population à leur étendard : bien au delà d’une idéologie raciste, c’est l’esprit vanté de renouveau nationaliste et de puissance qui a fédéré les citoyens. Les lendemains seraient chantants ! Les cibles communautaires visées en même temps étaient surtout des centres de richesse économiques dont le régime avait fortement besoin pour assoir son pouvoir. Rien de plus facile que d’en faire l’ennemi public numéro un pour une nation en plein marasme »
Ca me rappelle un peu en ce moment, pas vous ?
… Maintenant ?! C’est quasi en place depuis une trentaine d’année, les enfants. Et ça concerne bien d’avantage que notre si petit hexagone… Le « fascisme mou », ça s’appelle : infiniment plus efficace comme système de coercition et de subordination des structures économico-sociales en place -surtout dans les pays possédant une forte tradition collaborationniste.