Ni Dieu, Ni Maître (Top 10 : LÉO FERRÉ)

Une playlist pour crier « vive l’anarchie ! » concoctée par TORNADO
Il n’y a plus rien…

Voilà comment ça s’est passé : Tel le petit agneau, innocent, inoffensif, coquebin, arrivé-là par hasard, je me fait choper sur Facebook par notre rédac’ chef bien-aimé au beau milieu d’une discussion sur un album de Goldman, comme ça :
« Hééé ! Dis-donc, t’wa ! Tu d’vais pas m’faire un TOP 10 Léo Ferré ??? »
… Avais-je totalement oublié cette hypothétique promesse de m’envoler en terres anarchiques pour retrouver le poète fumeur de celtiques, ou le Bruce m’a-t-il machiavéliquement piégé pour que je commette cette diatribe ? Bah… (geste de la main pour changer de sujet).
Me voici donc-là pour vous conter comment c’est trop bien Léo Ferré, dans le quintet de tête des grands poètes/compositeurs/interprètes du XXème siècle avec Brassens, Brel et les gentes dames Barbara et Anne Sylvestre.

Et Gainsbourg ?
La meilleure manière de vous parler de Léo, c’est de vous parler aussi de Serge. On prétend souvent que les deux hommes ne s’aimaient guère alors qu’artistiquement, ils étaient frères.
La légende raconte que leur inimitié aurait commencé lorsqu’aucun des deux n’était connu, et qu’ils fréquentaient les mêmes bistrots parisiens, rive-gauche. Tandis que Léo tentait de séduire l’assistance en improvisant une de ses chansons sur le piano du bar, Serge aurait détourné l’attention du public pour admirer les bijoux d’une habituée des lieux fortunée, déclenchant la prise en grippe du premier.

En 1960, les deux hommes auront une dispute radiophonique retranscrite dans un journal (Cinémonde) à propos du statut de chanteur (le même genre de débat houleux que celui, beaucoup plus connu, que Serge tiendra avec Guy Béart sur le plateau d’Apostrophes en 1986).

En 1969, Ferré citera l’homme à tête de chou dans sa chanson PÉPÉE. Il compare les oreilles d’un chimpanzé à celles de Gainsbourg, car cette chanson fut écrite en mémoire de la guenon Pépée que Léo avait adoptée, et qui fut tuée à coup de fusil dans des conditions délétères. Serge, très vexé, aurait réservé à Léo une vengeance chafouine en s’entourant de portraits de singes sur la pochette de l’album VU DE L’EXTÉRIEUR, comme pour crever le cœur de celui qui le moquait…

Mais tout cela n’est que légende car la réalité est bien plus nuancée : Ferré a souvent répété qu’il aimait beaucoup Gainsbourg entant qu’artiste (et il n’en citait guère !), et expliqué que la référence à PÉPÉE était empreinte de tendresse. Quant à Gainsbourg, il allait quotidiennement voir les spectacles de son ainé quand il venait jouer au Don Camillo, près de son quartier (avec Birkin, qui reprendra AVEC LE TEMPS en concert), attendant religieusement « sa » chanson. Léo raconte qu’à ce moment-là il cherchait Serge dans le public, lequel le saluait avec ses oreilles en signe de complicité…

Dieu est un fumeur de celtiques…

L’un fumait des celtiques, l’autre des gitanes. Ils ont dû attendre une éternité, dans l’ombre, l’arrivée du succès. Tous deux s’étaient fait les spécialistes, à une époque, de l’adaptation des grands poètes en chansons (LE SERPENT QUI DANSE de Baudelaire leur doit par exemple deux versions différentes), et ils avaient exactement les mêmes « clientes » (Michèle Arnaud, Catherine Sauvage et Juliette Gréco) ! Ils ont été précurseurs du rap en cessant de pousser la chansonnette pour se mettre à scander leur texte à peu-près au même moment, et ont dynamité la « chanson française » en l’habillant de rock psychédélique alors en vogue -chez les anglo-saxons- à la fin des 60’s et au début des 70’s. Ils étaient tous deux de grands provocateurs. Et de grands poètes romantiques, dans l’esprit littéraire du terme.

Enfin, ils détestaient le showbiz et le strass de la jet-set. Leurs meilleurs amis seront des gens simples et ils vivront chacun dans leur cocon, loin des orgies bling-bling. Ainsi ce TOP 10, qui zappera les chansons les plus célèbres (AVEC LE TEMPS, PANAME, JOLIE MÔME, C’EST EXTRA, LES ANARCHISTES) pour privilégier la découverte, citera régulièrement Gainsbourg, tout en se focalisant sur Ferré…

LA VIE D’ARTISTE (1950/1953/1969/1972) – 1

Une des premières chansons de Léo Ferré. Elle a été co-écrite en 1950 avec Francis Claude, ami de Léo et directeur de plusieurs cabarets rive-gauche dont le Milord l’Arsouille, où Léo chante activement et qui dessine aussi le début de carrière d’un certain Lucien Ginsburg, lequel joue du piano en début de soirée, avant de passer à la guitare derrière Michèle Arnaud (compagne de Francis Claude) en seconde partie. Bientôt, Francis Claude découvrira que le futur Serge Gainsbourg écrit des chansons en secret (dont un certain POINÇONNEUR DES LILAS), et le poussera à les interpréter dans son cabaret…

LA VIE D’ARTISTE évoque, alors qu’il galère dans sa vie de bohème, le premier divorce de Léo. Il réenregistre la chanson, avec son seul piano, pour son premier album en 1953. Puis une troisième version, orchestrée, apparait en 1969 sur un album de reprises (LES DOUZE PREMIÈRES CHANSONS DE LÉO FERRÉ). Enfin, une quatrième mouture, parlée, sur une ligne de piano épurée, est enregistrée en 1972 pour une compilation regroupant également AVEC LE TEMPS. Nous allons écouter cette version définitive, que Léo interprétera jusqu’à la fin de sa vie.

L’ALBATROS (1967) – 2

Avant sa série d’albums psychédéliques, concomitante de celle de Gainsbourg, Ferré enregistrera également de nombreuses adaptations de poèmes en chansons. Mais contrairement au beau Serge, qui dissémine les siennes au gré de ses propres compositions, Léo préfère enregistrer des albums entièrement dédiés à un poète. Il enregistre ainsi LES FLEURS DU MAL en 1957 (premier album de chanson française entièrement consacré à un poète -Baudelaire), LA CHANSON DU MAL AIMÉ la même année (très longue adaptation symphonique du poème-fleuve d’Apollinaire qui sera réenregistrée dans une seconde version somptueuse en 1972), LES CHANSONS D’ARAGON en 1961, VERLAINE ET RIMBAUD en 1964 (premier double-album de l’histoire de la musique populaire, deux ans avant Bob Dylan) et LÉO FERRÉ CHANTE BAUDELAIRE en 1967 (il y aura d’autres adaptations disparates par la suite, notamment LE BÂTEAU IVRE de Rimbaud en 1982).

L’ALBATROS est issu de la cuvée 1967. C’est une période faste pour Ferré, mais aussi la fin d’une époque marquée par de profonds drames personnels. Les albums suivants seront donc beaucoup plus tranchés et verront Léo le chanteur se muer en cet anarchiste aux longs cheveux blancs, icone de la génération soixante-huitarde.

PSAUME 151 (1970) – 3

Léo Ferré est un chanteur cryptique. Ses chansons ne sont pas universelles. Elles sont tout l’inverse. A la fois autobiographique et surréaliste, l’œuvre de Ferré est d’une unicité et d’une cohérence impressionnante. Mais elle ne va pas vers l’auditeur. C’est l’auditeur qui doit aller à l’œuvre de Ferré.

C’est une œuvre incarnée. Comme les chansons de Gainsbourg, celles de Ferré sont le reflet de sa vie et de son rapport aux autres, avec leur langage propre et leur imagerie intrinsèque.  Mais Ferré est plus abstrait, car il est issu du courant surréaliste de son temps, de son écriture automatique, puisée dans les tréfonds de l’inconscient.

Il y a 150 psaumes dans la bible. Voici donc le 151ème !
Enfant, Léo fut interné huit années durant dans un pensionnat religieux. Une expérience traumatisante pour le futur anarchiste, qui en ressortira avec une profonde aversion et un dégoût définitif pour les dogmes et les bondieuseries.

Cette chanson marque ainsi sa revanche : c’est une prière inversée. Douze minutes pour régler ses comptes avec le clergé en déroulant une série de formules surréalistes, nonsensiques et absurdes, piétinant les pavés supposés intouchables des litanies ecclésiastiques.
L’exercice aurait été vain sans le talent de son auteur-interprète, qui crée une unique ritournelle, laquelle simple et efficace, tourne en boucle, emballée dans un écrin de jazz symphonique majestueux.

LA « THE NANA«  (1970) – 4

Léo aime la pop anglo-saxonne psychédélique des années 60 et le rock progressif. Il adore Pink Foyd et le groupe Moody Blues (qui lui inspire C’EST EXTRA) et envisage d’enregistrer une chanson avec eux. A la place, on lui propose Jimi Hendrix ! C’est d’accord, Ferré partira pour New-York rencontrer le guitariste et enregistrer avec lui un titre subversif dont on reparle plus bas : LE CHIEN.

Mais dans le même temps, le chanteur fait la connaissance de Zoo, un groupe de rock français bien dans la mouvance dont les membres travaillent pour l’instant comme musiciens de studio. Il enregistre avec eux LA « THE NANA », une sorte de slow érotique qui fait écho à ceux que Gainsbourg a sorti récemment (JE T’AIME MOI NON PLUS et 69 ANNÉE ÉROTIQUE).

Soyons clair : Cette chanson n’est pas un chef d’œuvre. Elle est simple et certainement un peu facile, voire un poil kitsch avec le temps (!). Elle trouve pourtant sa place ici car, musicalement surtout, elle est éclairante sur l’évolution (floydienne) de notre artiste.

LE CHIEN (1970) – 5

LE CHIEN peut être considéré comme le premier titre de spoken word (mémorable) de l’histoire de la chanson française. Un ancêtre du rap (Gainsbourg scande déjà certaines des paroles de BONNIE & CLYDE et INITIALS BB en 1968, mais il faut attendre HISTOIRE DE MELODY NELSON en 1971 pour qu’il embrasse définitivement le spoken word).

C’est aussi une révolution : Plus de barrière de durée (et vous n’avez encore rien vu !), plus de couplet ni de refrain. Rimes et strophes aux fraises. Aux chiottes la mélodie. Ferré réinvente complètement la chanson française.

À New-York, Hendrix, malade, pose un lapin à Ferré. On lui propose alors d’enregistrer son titre psyché avec le bassiste Miroslav Vitouš et deux musiciens de Miles Davis (période BITCHES BREW) : Billy Cobham et John McLaughlin ! On ne sait pas pourquoi, mais Ferré préfère laisser cette version de côté et réenregistre la chanson avec le groupe Zoo !

Niveau texte, c’est un manifeste, une suite d’images indéchiffrables paradoxalement envoûtantes par leur charge émotionnelle, scandées sur un air menaçant et lugubre, ponctuées de notes déstructurées. Un pur miracle de charisme.

Léo y mêle un large pan autobiographique (une sorte de testament adressé à ses souvenirs, y compris ceux de l’enfance, jadis prise en otage par les curés) et moult vociférations dans l’idée d’imposer sa nature propre. En se comparant à un chien, il brocarde l’hypocrisie bienpensante et appelle au droit à la liberté (notamment sexuelle) et à la différence. Au final, si l’on n’a pas compris grand-chose au texte en lui-même, on a parfaitement saisi l’intention !
Fort de cette expérience, Léo Ferré enregistrera presque entièrement son album suivant, LA SOLITUDE (dont la chanson éponyme sonnera comme un prolongement du CHIEN), avec le groupe Zoo.

Interlude :

Ce TOP 10 vous propose six chansons de l’album AMOUR ANARCHIE (tous les titres de 1970, la moitié de la liste) que beaucoup de fans considèrent comme le chef d’œuvre de son auteur. C’est une bonne porte d’entrée pour le néophyte souhaitant découvrir l’œuvre du poète anarchiste, mais c’est d’un disque extrême. Car l’album (l’un des meilleurs de l’histoire du rock français pour le magazine Rolling Stone) marque une étape dans la carrière de Léo Ferré, qui abandonne ici tout consensus pour aborder une écriture définitivement écorchée vive, provocatrice et vitriolée.

Personnellement, et bien que je connaisse assez bien son œuvre (qui s’étend de 1950 à 1991), je ne me repasse quasiment, avec le temps (!!), que la période Barclay (1960 – 1974), qui concilie ses chansons les plus marquantes, des arrangements remarquables et une interprétation dont la force et la modernité dépassent de loin ce qui a été fait avant ou après.

AMOUR ANARCHIE sort d’autant plus du lot qu’il s’agit d’un double album regroupant des titres emblématiques dont la plupart avaient été écrits et mis de côté depuis des années, et qu’il représente l’apogée de la collaboration entre Léo Ferré, son arrangeur attitré Jean-Michel Defaye et surtout son producteur Richard Marsan (pour qui il écrira la chanson RICHARD), garant d’un « son Ferré » comme Alain Goraguer, Jean-Claude Vannier, Michel Colombier ou Philippe Lerichomme le seront à un moment donné d’un « son Gainsbourg ».

L’album devait contenir l’incontournable AVEC LE TEMPS, mais Richard Marsan insista pour qu’il sorte séparément en 45 tours, assurant le succès d’une chanson mythique (la première citée dans le palmarès des plus grandes chansons françaises de l’histoire).

À partir de 1971, Léo Ferré arrangera lui-même ses compositions et ce sera brillant. Mais lorsqu’il quittera la maison Barclay en 1975 et Richard Marsan dans le même temps, il ne retrouvera jamais un tel niveau de ratio Écriture/Interprétation/Arrangements, au sommet duquel trône l’album AMOUR/ANARCHIE.

Attention : L’œuvre qui se poursuit au-delà de 1975 est immense ! Unique. D’une richesse, d’une liberté et d’une densité étourdissante. Mais elle est encore plus complexe, beaucoup moins pop, à la fois plus aride et emphatique. À réserver à ceux qui veulent aller plus loin.

Ainsi les ferréphiles les plus extrêmes me pardonnerons, je l’espère, d’avoir choisi cet équilibre consistant à contourner tout autant les titres les plus connus que les périodes les plus difficiles d’accès, afin de présenter l’artiste.

Leo par Edie

LA MÉMOIRE ET LA MER (1970) – 6

Voici l’une des chansons les plus cryptiques et pourtant l’une des plus appréciées du répertoire de l’auteur, qui y gagne définitivement ses galons de poète majeur. Nombreux sont ceux qui brillent en société en brandissant cette chanson tel un étendard. Rares sont ceux qui, pourtant, peuvent se vanter d’y comprendre goutte.
Et pourtant ça marche. Comme ces souvenirs diffus qui viennent la nuit, dans nos rêves, nous touchent au plus profond, sans qu’on ne parvienne à les identifier clairement.

C’est en 1959 que Léo réalise son rêve en achetant la petite île bretonne du Fort du Guesclin. L’appel de la mer est l’un de ses sujets préférés et la Bretagne, l’une de ses régions de cœur.
Il va donc faire coïncider son écriture automatique surréaliste, ses inclinations autobiographiques et son attrait pour la mer en une seule chanson-somme, réceptacle de tous ces éléments disparates. L’exercice est complexe (une rigoureuse écriture découpée en octosyllabes) et Léo va s’en emparer avec une virtuosité exceptionnelle. La chanson opère ainsi un va-et-vient constant entre les souvenirs intimes de l’artiste et l’appel de la mer, comme pour symboliser une sorte de déchirure entre les voies du destin et les entraves de l’existence.

Cette chanson n’est qu’un extrait du poème originel écrit bien des années auparavant. Elle ne préserve que dix strophes sur cinquante-cinq. Les autres seront égrainées plus tard, formant six titres : DES MOTS, GÉOMÉTRIQUEMENT TIEN, LA MER NOIRE, FLB, LA MARGE et CHRISTIE.

Sur le dernier album de la période Barclay (L’ESPOIR), Léo créera une autre chanson sur le même thème que je trouve personnellement aussi belle (l’une de mes cinq préférées de l’auteur), portée par le violon-solo du grand Ivry Gitlis : LES ÉTRANGERS.

POÈTES, VOS PAPIERS (1970) – 7

Le concept de cette chanson-manifeste est très simple : La poésie est libre et, de fait, elle déplait aux autorités qui s’en méfient comme de la peste. Et pour la poésie, nous sommes servis tant les couplets sont d’une ébouriffante imagerie surréaliste, aussi originale qu’organique :

« Bipède volupteur de lyre, époux châtré de Polymnie
Vérolé de lune à confire, Grand-Duc bouillon des librairies
Maroufle à pendre à l’hexamètre, voyou décliné chez les Grecs
Albatros à chaîne et à guêtres, cigale qui claque du bec
… »

Les fans de Gainsbourg ont bien reconnu, en se repassant en boucle l’album L’HOMME À TÊTE DE CHOU, un poète moderne, capable de mêler gros-mots et lyrisme avec une personnalité unique fédératrice :

« Je sens la pointe d’un canif me percer le cœur, je lui dis, Petite
Je te sors ce soir, ok ? Elle a d’abord un petit rire comme un hoquet
Puis sous le sirocco du séchoir, dans les cheveux

La petite garce laisse choir… Je veux… »

Idem avec Ferré, dont la dernière partie de notre chanson aboie quelques rimes lubriques :
« Tu peux vêtir ta Muse ou la laisser à poil
L’important est ce que ton ventre lui injecte
Ses seins oblitérés par ton verbe arlequin
Gonfleront goulûment la voile aux devantures
Solidement gainée ta lyrique putain

Tu pourras la sortir dans la Littérature… »

Ex-aequo : CETTE BLESSURE / LA LETTRE (1970) – 8

On a beau répéter que Gainsbourg a emballé les plus belles femmes, il était tout de même franchement monogame. Léo Ferré s’est marié trois fois et ses biographies ne mentionnent pas la moindre infidélité (excepté lorsqu’il faute pour passer de sa seconde épouse… à la troisième).

Ainsi, le poète anarchiste, le gueulard jamais content, le râleur invétéré était-il un parfait romantique, et sa discographie est constellée de magnifiques chansons d’amour. ÇA T’VA, À TOI, ON S’AIMERA, L’AMOUR FOU méritent toutes de figurer dans la liste.

LA LETTRE est l’expression de son amour pour Marie-Christine, sa troisième et dernière femme. La seule qui lui donnera des enfants. Car Léo désirait ardemment avoir des enfants, depuis longtemps. Cette déclaration évoque les plumes de Baudelaire, Rimbaud et Verlaine. Un authentique poème postmoderne.

Toutefois, comme chez Gainsbourg, certaines de ses chansons marquent les esprits en  abordant l’amour par le sexe. CETTE BLESSURE est ainsi une chanson dédiée au sexe féminin. Une ode à la chatte ? Oui, on peut le dire, même s’il le dit beaucoup mieux dans la chanson évidemment, lui qui avouait être fasciné par l’objet en question.
Je te laisse choisir, Oh ! lecteur pusillanime, entre sexe et romantisme…

Il N’Y A PLUS RIEN (1973) – 9

Entre 1971 et 1976, Gainsbourg enregistre quatre albums-concept (HISTOIRE DE MELODY NELSON, VU DE L’EXTÉRIEUR, ROCK AROUND THE BUNKER, L’HOMME À TÊTE DE CHOU). Chez Ferré, il faut attendre 1982 pour trouver un triple-album-thématique « poético-musical » (LUDWIG-L’IMAGINAIRE-LE BÂTEAU ÎVRE), puis 1983 pour un quadruple-album-conceptuel (L’OPÉRA DU PAUVRE). Cependant, décomplexé par son attrait pour le rock progressif et le succès de LA CHANSON DU MAL AIMÉ, il enregistre en 1973 deux titres-fleuve. Si IL N’Y A PLUS RIEN dépasse le ¼ d’heure, ET… BASTA ! remplit l’album suivant de ses 35,18 mn ! Deux œuvres pour libérer définitivement la chanson française de son format traditionnel. Comme dans LE CHIEN, Ferré dit son texte sur une structure musicale éclatée, s’adressant directement à l’auditeur.

IL N’Y A PLUS RIEN dresse le bilan des utopies libertaires et révolutionnaires issues de Mai 68. Le constat est amer et désenchanté. Un réquisitoire pessimiste, démontant l’une après l’autre les valeurs sociétales auxquelles on tente de s’accrocher en entrant dans la vie. Le message est clair : Envoie tout valser, c’est mort, le monde est pourri !

ET… BASTA ! est une longue réflexion sur la vie de l’auteur, un voyage dans ses souvenirs à travers lequel il nous donne les clés de son inspiration et de nombreuses pistes pour comprendre ses chansons passées et futures. Il s’attarde tout particulièrement sur les cinq dernières années (1968-1973) qui ont représenté à la fois un grand bouleversement dans sa vie et dans les idéologies sociales. Un disque charnière, incontournable pour embrasser l’œuvre du poète anarchiste.

Loin d’être hermétiques, les deux titres nous happent grâce à l’interprétation sans faille d’une suite d’aphorismes à la puissance d’évocation saisissante, magnétique, imprégnée d’une atmosphère envoûtante dont l’écrin minimaliste procure une étonnante sensation de connivence et d’intimité. L’auditeur est devenu confident.

L’ESPOIR (1974) – 10

Après ses deux albums les plus noirs, Léo Ferré surprend son public avec un disque au titre radicalement opposé : L’ESPOIR !
L’espoir ? Il lui est offert par son fils Mathieu (dont le portrait emplit la pochette de l’album), cet enfant de l’amour que Léo regarde grandir depuis la Toscane où il s’est définitivement installé avec Marie-Christine.

Ce dernier opus de la période Barclay est absolument magnifique mais, une fois de plus, le titre éponyme nécessite qu’on en possède les « clés ».
La chanson est un hommage à l’Espagne, que Léo a chanté dans FRANCO LA MUERTE et LES ANARCHISTES.
Ce peuple espagnol, dont il se sent frère, lui réservera un triomphe lorsqu’il s’y rendra enfin, après la mort du dictateur, pour une série de concerts mémorables.

C’est aussi le pays d’origine de son épouse qui lui a donné un fils (deux filles naitront ensuite). Lorsqu’il chante « Dans le ventre d’une Espagnole, Il y a l’espoir qui gonfle, Et qui attend…« , il évoque bien évidemment la naissance de son premier-né, qui lui a redonné goût à la vie et surtout cet espoir, après le bilan amer d’IL N’Y A PLUS RIEN et ET… BASTA !

C’est encore à ce fils qu’il songe lorsqu’il invoque le nom de Manuel De Falla à la fin de la chanson, l’un des plus grands compositeurs classiques espagnols, figure symbolique à laquelle il associe également cette idée de l’espoir, associant son amour pour son fils et celui de la musique.

Car Léo Ferré souffre. Il souffre de ne pas être reconnu comme un authentique musicien, fonction à laquelle il se destine depuis son enfance. Une qualité acquise chez Serge Gainsbourg (*), qui a tant composé pour le cinéma alors que Ferré a raté tous ses rendez-vous. Durant toute la période Barclay, à l’exception de LA CHANSON DU MAL AIMÉ, on l’a empêché de s’adonner à sa passion, lui refusant pendant dix ans le rôle d’arrangeur pour ne pas écorcher l’attrait commercial de ses chansons. Avec L’ESPOIR, Léo s’émancipe enfin de ces frustrations.

Lorsqu’il quittera l’écurie Barclay, il n’y aura plus de limites à cette passion dévorante et la suite de sa discographie sera autant dévolue à la poésie qu’à la musique, qu’il vivra comme un vrai chef d’orchestre, libre de s’autoproduire sans aucune entrave.

Pour l’heure, la chanson L’ESPOIR semble réunir Maurice Ravel et Ennio Morricone ! Ce fut une révélation lorsque, à l’époque, j’achetais innocemment le CD regroupant IL N’Y A PLUS RIEN et… L’ESPOIR (avec L’OPRESSION, RICHARD, JE T’AIMAIS BIEN TU SAIS, LES OISEAUX DU MALHEUR, LA DAMNATION, LES ÉTRANGERS et LES AMANTS TRISTES) ! Inutile de dire que je ne m’en suis jamais remis.

* Lorsque Gainsbourg deviendra plus commercial, acceptant notamment d’épouser la mode reggae puis le funk, il connaitra enfin le triomphe après tant et tant d’années de succès d’estime. Au contraire, lorsque Ferré mettra en avant son activité de musicien à peu-près au même moment (à la fin des années 70), juste après ses années de gloire, il se privera définitivement du grand-public.

Gainsbourg était connu pour ses aphorismes. Les fans de Ferré peuvent également en citer des tonnes. Pour terminer, voici un petit florilège de citations et autres tournures qui ont marqué le jeune étudiant que j’étais lorsque j’ai découvert l’œuvre :

« Le désordre, c’est l’ordre moins le pouvoir ».
« Ce qui est gênant dans la morale, c’est que c’est toujours la morale des autres ».
« Le désespoir est une forme supérieure de la critique ».
« Nous entrerons dans la carrière quand nous aurons cassé la gueule à nos aînés ! »
« Quand on travaille comme on veut, on touche comme on peut ».
« La lucidité est un exil construit, une porte de secours, le vestiaire de l’intelligence. C’est aussi une maladie qui nous mène à la solitude ».
« L’immobilité, c’est le sourire de la vitesse ».
« Et si vraiment Dieu existait, il faudrait s’en débarrasser ! »
« Le drame, dans le couple, c’est qu’on est deux et qu’il n’y a qu’un trou dans la roulette ».
« J’ai les cheveux trop longs… mes beaux cheveux longs dans ma tête. »
« La mélancolie, c’est un désespoir qui n’a pas les moyens ».
« Un artiste vit toujours demain, sinon il est fait pour l’usine. À l’usine, le présent, c’est un cadeau quotidien, incessant, fatigant, dégueulasse ».
« Si la mort avait ton regard, je meurs ce soir sans regarder ».
« Le cœur est métronome et la vie est musique ».
« Mes plus beaux souvenirs sont d’une autre planète »…

L’espoir ?

Bonus : NI DIEU NI MAITRE (1973)

33 comments

  • Eddy Vanleffe  

    Je prendrais le week end pour avoir l’opportunité de me redonner la chance avec cet artiste que j’ai toujours trouvé hermétique.
    Hubert Felix Thiéfaine avait l’ambition étant jeune de faire le pont entre ses idoles Léo Ferré d’un coté et les Rolling Stones d’un autre.
    j’ai toujours trouvé ça lunaire comme association mais j’applaudis des deux mains…j’aime les crossovers en général. ( au moins dans l’esprit si ce n’est dans le résultat)
    Merci donc à toi, Tornado je jetterai une oreille attentive à ta sélection.

  • Jyrille  

    Je ne suis pas un aficionado du monsieur, mais j’ai pas mal écouté au moins deux de ses albums : Amour Anarchie et Il n’y a plus rien. J’aime beaucoup les deux, mais pas tous les jours (et ça fait une paie que je ne me les suis pas remis). Ferré en automne, c’est parfaitement raccord cela dit.

    Maintenant je vais lire et écouter ton article et je repasse. Mais d’abord, bravo à Ed pour le dessin !!

  • zen arcade  

    Tout est réuni pour me plaire dans l’univers de Léo Ferré. Je devrais adorer.
    Mais la musique m’ennuie, je n’aime pas sa voix, sa diction me hérisse.
    Résultat, je passe à côté de tout alors que je sais que c’est grand.
    C’est comme ça.
    Et c’est pareil pour la plupart des grand.e.s de la chanson française à texte.
    Je sais que c’est grand mais c’est juste pas mon monde.
    On ne peut pas tout aimer.

    Mais sinon, super article.

    • Tornado  

      D’un côté je comprends tout à fait. Je ressens la même chose avec tout plein d’artistes français reconnus, adorés, cultes (Thiéfaine, Renaud, les insupportables Louise Attaque, etc.). Ça ne passe pas et ça ne passera jamais. Mais d’un autre côté, la voix et la diction de Ferré (à partir des années Barclay) me paraissent tellement familières, tellement éternellement jeunes, claires, magnétiques, que je n’arrive pas à comprendre que ça ne puisse pas passer à ce point chez les autres !
      La première « chanson » de Ferré que j’ai écouté (à un âge où « écouter » veut bien dire ce que ça veut dire), c’est IL N’Y A PLUS RIEN ! Je voulais découvrir cet artiste dont j’entendais parler (je venais d’avoir le Bac) et j’ai acheté un CD d’occaz chez mon disquaire du coin, comme ça au feeling. C’était un des CDs du coffret sorti à l’époque. Le volume 9 (discogs.com/fr/master/1090661-L%C3%A9o-Ferr%C3%A9-Vol-IX-Il-NY-A-Plus-Rien-LEspoir). Et donc le disque commence avec IL N’Y A PLUS RIEN. J’ai été scotché immédiatement. Cette voix claire et magnétique m’a envoûté dans la seconde. Je ne m’en suis jamais remis.

  • Fletcher Arrowsmith  

    Hello.

    Je te remercie particulièrement pour cet excellent article. J’aurais été incapable de citer un titre de Léo Ferré, ni même reconnaitre sa voix si je l’entendais. en fait je crois que la seule chose que je connais de Léo Ferré, c’est la fameuse photo (et le libre qui en a découlé que l’on m’offert il y a des années) avec Brel et Brassens.

    On ne peut pas tout connaitre et je crois qu’inconsciemment, surement qu’un des disques (ou CD ?) de Ferré a du tourner à la maison pendant mon enfance et que j’ai trouvé cela très dur à écouter. J’ai toujours été Brel et Gainsbourg autant que je m’en souvienne.

    Très belle sélection. J’avoue avoir une préférence pour les premiers titres avec un très beau ni dieu ni maitre en conclusion.

    En fait je me sens désormais suffisamment mature et adulte pour découvrir son œuvre même si désormais je sais que je ne serais pas réceptif à ses titres plus conceptuels, plus durs. J’ai remarqué que c’est la même chose sur d’autres artistes que j’ai apprécié. Je vais m’orienter avec plaisir vers des vinyls d’occasion ou un format le meilleur de/best-of cd.

    Je viens de passe une matinée pleine de poésie, parfaite en ces temps des premières gelés de cette très belle saison qu’est l’automne.

    Sympa aussi le parallèle avec Gainsbourg et les paragraphes très bien documentés avec ce qu’il faut d’anecdote (Jimi Hendrix !!!! qui comme Ferré a mis du temps à venir tourner dans mon lecteur car là aussi son trop dur) avec une belle évolution sur le déroulé de la vie de Ferré.

    • Tornado  

      Ferré est très dur à approcher après les années Barclay. Mais pendant, il y a vraiment plein de choses faciles d’accès. On peut piocher par exemple dans les albums sortis entre 1960 et 1969. Les textes sont souvent cryptiques, mais l’interprétation passe toute seule.

  • Fletcher Arrowsmith  

    Et bravo Ed pour ce dessin qui nous enchante à mi parcours. Quel talent encore une fois.

  • Jyrille  

    Tu m’apprends des trucs sur le lien entre Gainsbourg et Ferré. Je connaissais l’histoire de Pépée avec Férré, mais pas son lien avec Serge, ni tout le reste. Merci pour tout ça, déjà.

    Il faut dire que AVEC LE TEMPS et C’EST EXTRA sont parmi les meilleures chansons françaises pour moi. Inusables.

    Ton article est vraiment super, j’y reviendrai pour sûr. C’est super d’avoir ce genre d’ancre. Enfin, tant que Bruce Lit Le Blog existe…

    La vie d’artiste : encore merci pour l’historique. Je ne connaissais pas ce titre, ou je l’avais oublié. Ca va parfaitement avec ce jour de novembre. Mais dis donc, le talk over, il a commencé très tôt alors, le Léo ?

    L’albatros : je suis fan de Baudelaire et je crois bien avoir lu Les fleurs du mal en intégralité. Elle est super cette version.

    Psaume 151 : celle-ci je la connaissais, j’aime bien. Merci pour les explications, mais plus j’y pense, plus je me dis que la plupart des artistes, et surtout les interprètes et compositeurs, parlent beaucoup d’eux-mêmes, de leur vie de tous les jours (c’est le cas pour Renaud et Orelsan, déjà). Je suis bien d’accord pour dire que les textes de Ferré sont cryptiques. Si Bruce les aime, je ne comprends plus rien…

    La « The Nana » : idem, je l’adore en plus.

    Le chien : idem, difficile d’accès mais je la trouve tellement prenante, j’aime beaucoup. Le fait que les musiciens de BITCHES BREW auraient pu y apparaître ne m’étonne pas, je ressens exactement le même voyage avec le disque de Miles, la même étrangeté hypnotique, celle qui me happe et m’évade.

    Je reviendrai pour la suite.

    • Tornado  

      Merci merci ! Et oui même LA « THE NANA » j’adore ! C’est un poil kitsch mais j’adore ce Ferré qui se lâche ! Et musicalement ça reste toujours au top. La production de Richard Marsan est irréprochable durant toutes cas années Barclay. C’est ultra classe.

      Les interprètes et compositeurs qui parlent beaucoup d’eux-mêmes : Je me demande justement si ce n’est pas Ferré qui a initié la formule. C’est vraiment sa marque de fabrique et LA MÉMOIRE ET LA MER est la chanson ultime sur ce terrain-là. Mais je ne suis pas assez connaisseur des chanteurs/poètes l’ayant précédé.

  • Présence  

    Superbe illustration d’Edwige, quelle expressivité dans ce visage !

    Léo Ferret : un artiste que je n’ai jamais écouté, l’occasion ne s’en ai jamais présenté et je n’en ai jamais eu la curiosité.

    Me voici donc-là pour vous conter comment c’est trop bien Léo Ferré, dans le quintet de tête des grands poètes/compositeurs/interprètes du XXème siècle avec Brassens, Brel et les gentes dames Barbara et Anne Sylvestre. – Ah ben, s’il y a Anne Sylvestre dans le lot, ça devrait me parler.

    La vue d’artiste : très intéressante mise en contexte, la chanson ne me parle pas.

    L’albatros : Baudelaire en musique pourquoi pas… Ni l’orchestration ni la diction ne me parlent, j’en reste à la lecture du poème.

    Psaume 151 : très sympathique, à la fois la composition musicale entre chant grégorien et jazz tranquille avec la trompette, avec une fin qui évoque les arrangements de Lalo Shiffrin, surprenant. J’aime bien, merci pour cette découverte.

    La The nana : je passe.

    Le chien : quelle ambiance ! Très agréable, et de sacrés musiciens. Et alors, existe-t-elle cette version avec Miroslav Vitouš, Billy Cobham et John McLaughlin ? Peut-on l’écouter ?

    L’interlude m’a incité à aller consulter wikipedia, belle discographie :
    La discographie de Léo Ferré compte à ce jour cinquante-huit albums officiels : trente-sept albums studio originaux (dont quatre double-albums, un triple et un quadruple), huit albums enregistrés en public (dont deux double-albums et deux triple), enregistrés au cours d’une carrière discographique de quarante-et-un ans, de 1950 à 1991.

    La mémoire et la mer : dix strophes sur cinquante-cinq, hé ben quel raccourcissement. Je n’arrive pas à conserver mon attention sur ce genre de musique, c’est une de mes limites.

    De retour demain pour la suite. […]

    • Tornado  

      La version avec Miroslav Vitouš, Billy Cobham et John McLaughlin : Elle a existé en tout cas. Mais personne ne l’a jamais entendue. Elle n’a jamais été diffusée. Et je ne sais pas si elle esiste ecore quelque part ou si elle est perdue.
      J’aurais bien aimé savoir la raison pour laquelle Ferré a préféré ne pas l’utiliser et la réenregistrer avec Zoo.

  • Gilles  

    Étant grand fan de Monsieur Ferré, je ne puis qu’apprécier votre article Monsieur Tornado et je vous en remercie. Et que ça puisse donner envie d’écouter encore plus ou mieux, à d’autres
    de découvrir surtout.
    je suis de la race ferroviaire qui regarde passer les vaches!

    Gilles

    • Tornado  

      Merci de laisser un mot gentil ! 🙂

  • Bruce lit  

    Un article majeur Tornado, limpide et super intéressant même pour qui la musique de Ferré indiffère. Il m’a servi de compagnon nocturne cette nuit puisque j’ai choppé le COVID.
    Musicalement j’ai pioché dans les 4 derniers titres et c’est pas mon truc. C’est vachement emphatique, j’ai parfois l’impression que l’orchestre et Ferré jouent chacun de leur côté. Je pourrais me laisser séduire par « Cette Blessure » que je trouve assez accessible. Même « Avec le temps », je trouve que ça en fait vachement dans le pathos, la chanson est interminable.
    De son vivant, Ferré me dégouttait physiquement. Encore aujourd’hui, je le trouve bien plus laid que Gainsbourg. J’ai vraiment apprécié ces parallèles avec le beau Serge. J’en rajouterai un : Serge avait repris « Monsieur William ».
    Je ne savais pas du tout que Ferré aimait le rock, Pink Floyd et Hendrix ! Grosse révélation ! En ça, il semblait plus dans le coup que Brel. J’avais lu que Brassens adorait le hard-rock ceci dit !

    J’ai adoré la structure de l’article avec cet intermède où j’ai eu l’idée de caler le superbes dessin d’Edwige.
    J’aime beaucoup également les aphorismes de manière générale. Ceux que tu as mis sont brillants, notamment « Ce qui est gênant dans la morale, c’est que c’est toujours la morale des autres » que je relie à nos super débats sur la successions Gaston. Une formidable manière de boucler la boucle !

    • Jyrille  

      Ah oui j’avais oublié cette reprise de Mr William, alors que je l’avais mise sur une compile y a un bout de temps. J’adore cette version de Gainsbourg.

    • Tornado  

      Essaie d’écouter chaque chanson de la liste. J’ai essayé de brasser large. Il y a des choses très différentes.
      Alors physiquement, je trouve Léo très beau ! Dans les années Barclay, lorsqu’il se laisse pousser les cheveux et qu’il se fringue en rocker, il a une classe et un charisme assez impressionnants. Après oui, lorsqu’il vieillit, il devient parfois une version ultime du vieil anarchiste matois. Si on reste avec cette seule image, c’est moins glamour.

  • Bruce lit  

    Et bien entendu, merci pour la spéciale Dédicace à la Nikolavitch en début d’article.
    Je ne suis pas sûr de parvenir à aimer Léo Ferré mais je lui reconnais un mérite : celui d’avoir donné à JJG l’envie de faire de la musique. Donc merci à lui.
    Le fils Ferré est toujours vivant ?

    • Tornado  

      Mathieu Férré est toujours bien vivant, oui. C’est lui qui gère tout le patrimoine du papa désormais.

  • Présence  

    Poète vos papiers : super, la chanson m’a emmené à la fois par son orchestration simple, et par cette profession de foi du poète.

    Cette blessure / La lettre : oups, j’ai décroché, une forme d’expression qui ne me parle pas, ni texte, ni musique (au moins dans ce contexte).

    Il n’y a plus rien –
    Chez Ferré, il faut attendre 1982 pour trouver un triple-album-thématique […] Ferré dit son texte sur une structure musicale éclatée, s’adressant directement à l’auditeur. – Hé bien, je vais de découverte en découverte : je n’aurais jamais soupçonné l’existence de tels morceaux dans la discographie de Léo Ferré. Magnifique chanson : il s’adresse directement à l’auditeur et je me sens concerné, happé par sa diction, porté par son flux de pensées, passionnant, surprenante orchestration avec des trouvailles qui tombent juste à chaque fois.

    L’espoir : la chanson semble réunir Maurice Ravel et Ennio Morricone – Ah oui, c’est tout à fait ça. Quel plaisir de découvrir des chansons françaises avec une telle ambition, une telle liberté et une telle richesse dans la composition. Une magnifique découverte.

    Très sympathiques ses aphorismes.

    Merci beaucoup pour ce voyage organisé et accompagné dans la discographie de ce grand de la chanson française que je n’avais jamais osé essayer de découvrir, trop intimidé par sa stature, et ne sachant pas où commencer. Merci de tout cœur pour cet article de passeur éclairé et passionné.

    • Tornado  

      Au vu de tes retours, je pense pouvoir te conseiller les albums qui vont de 1970 à 1975 : AMOUR/ANARCHIE, LA SOLITUDE, mais surtout IL N’Y A PLUS RIEN, ET… BASTA ! et L’ESPOIR. Et pourquoi pas LA CHANSON DU MAL-AIMÉ dans sa version de 1972.

  • Bruce lit  

    Pour aller plus loin Tornado, quelle est ta définition de l’anarchie ?

    • Tornado  

      Ah. Bonne question. Je dirais liberté de tout envoyer valser et de se forger sa propre conception des choses. Et politiquement parlant, la même chose mais de manière constructive, pas nihiliste.

      • Bruce lit  

        Soit.
        Mais politiquement parlant, c’est donc un blanc seing à voter blanc ou s’abstenir, non ? Du coup, c’est ce mettre hors-jeu de grands changements politiques.
        Ce n’est pas une critique mais un questionnement personnel.

        • ollieno  

          Je vais dire que cela dépends de « l’école ».

          L’anarchie ayant plusieurs clochés comme tout mouvement.

          Proudhon, Bakounine, Kropotkine, mais aussi Thoreau .. sont des exemples de la diversité ..

          Proudhon a été ministre.

        • Présence  

          Un bon ouvrage de vulgarisation sur l’anarchie :

          les-bd-de-presence.blogspot.com/2019/12/la-petite-bedetheque-des-savoirs-tome.html

        • Tornado  

          C’est se mettre hors-jeu de grands changements politiques : Je ne fais absolument pas le mariole avec ça. Je suis toujours désespéré quand vient le moment de voter parce que je choisis toujours mon vote par dépit. 🙁
          Du coup c’est pour ça que je me « sens » anarchiste : Je ne suis jamais d’accord avec les partis politiques et je vote, certes je vote, mais jamais en tant que militant. Je vote « toujours pour le moins pire ».
          En tout cas, ce qui est sûr, c’est que je déteste toute forme de pensée unique. Je suis sans cesse en quête de « bon sens ».

  • Jyrille  

    La mémoire et la mer : je ne connaissais pas, c’est beau mais j’accroche moins, ça semble déjà fait (je ne m’attarde pas sur les paroles à la première écoute, je ne parle que musicalement).

    Les étrangers : je ne connaissais pas non plus. Elle est vachement bien même si encore une fois un peu déjà entendue musicalement.

    Poète, vos papiers ! : je la connaissais, j’aime beaucoup.

    Ah je note que tu triches en mettant deux titres ex-aequo… et un titre bonus… Bon je finirai plus tard 😊

    • Tornado  

      LA MÉMOIRE ET LA MER est dans l’album AMOUR/ANARCHIE. Donc tu la connais déjà. Le problème avec cette chanson est justement qu’elle est tellement cryptique qu’il faut avaoir les clés avant de l’imprégner.

      • Jyrille  

        Ah oui tiens. Tu vois, elle m’a moins marqué que toutes les autres de l’album.

  • ollieno  

    Bonne présentation du père Ferré.

    Avec une grosse préférence sur Amour Anarchie..

    Quand j’ai envie de faire découvrir léo, je part plutôt sur le Bobino 1969 (on reste à la même époque ^^) .

    J’ai trouvé récemment une compil 4 CD (chez Wagram) qui avec le Thank You Ferré (3 cd) permet d’avoir un panel assez complet de ses titres… (tu cliques sur lecture des MP3 et la journée se fait)…

    • Tornado  

      BOBINO c’est pour les fans qui ont vu Ferré sur scène. C’est dépouillé, sans orchestre (comme presque toujours avec les live de Léo Ferré). Ce n’est hélas pas par cette voie que j’ai embrassé l’oeuvre du bonhomme. Mais je sais que, pour beaucoup de ceux qui l’ont vu sur scène, c’est leur album préféré.

  • Jyrille  

    Cette blessure : j’aime beaucoup. C’est marrant ce n’est pas du tout sexuel musicalement.

    La lettre : pareil. En y repensant, il est vraiment incroyable ce double album.

    Il n’y a plus rien : je connaissais donc, et j’adore. C’est du rap en fait je trouve. Ce que tu écris est superbe : « l’interprétation sans faille d’une suite d’aphorismes à la puissance d’évocation saisissante, magnétique, imprégnée d’une atmosphère envoûtante dont l’écrin minimaliste procure une étonnante sensation de connivence et d’intimité. L’auditeur est devenu confident. »

    Cela me donnerait donc comme piste d’essayer ET BASTA ! Je note. Merci encore pour l’historique et les explications sur sa carrière. Ca donne des repères. Un vrai article de passeur donc. Je comprends tout à fait qu’ayant découvert ça en tant qu’étudiant, tu as eu en effet un énorme choc. Ce n’est personnellement pas le cas, je m’y suis mis (un tout petit peu) beaucoup plus tard, j’avais donc pas mal de bouteille. Cela n’empêche que j’ai trouvé ça incroyable sans aller plus loin que ces deux disques, donc. Ton article est vraiment le bienvenu.

    L’espoir : ah oui très cinématographique et grandiloquent. Pas mal. Finalement je crois que le Léo enjoué ou arty me plaît plus que celui qui se languit.

    Ni Dieu ni maître 1973 : je ne crois pas connaitre la version de 1965, pourtant ce titre me dit quelque chose (et je ne parle pas du texte étendard mais bien de la chanson). J’aime bien.

    Les aphorismes sont cools. J’aime beaucoup la première.

    • Tornado  

      Merci pour tes retours. Ma récompense, mon paiement ! 🙂
      ET… BASTA ! mais oui, essaie ! C’est encore plus intimiste et minimaliste que IL N’Y A PLUS RIEN. Mais c’est très prenant quand on est réceptif.

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